Pour la première rhapsodie, le choix discographique est assez vaste, mais il convient tout de même de le relativiser: la plupart des enregistrements sont assez anciens, et surtout le nombre de versions réellement disponibles est finalement peu étendu pour une oeuvre aussi connue et fréquentée au concert (même si là encore, de moins en moins). Karajan par exemple ne l'a curieusement jamais enregistré... Si cela peut donner des idées à Ivan Fischer (qui la dirige souvent) ou à Theodor Kuchar, qu'ils ne se privent pas.
Les roumains- Constantin Silvestri: à tout seigneur, tout honneur. Le grand chef roumain avait fait de cette première rhapsodie son cheval de bataille et il a laissé au moins quatre enregistrements.
* En 1956, avec la Philarmonie Tchèque. Bonne prise de son monophonique (avec tout de même pas mal de souffle). D'emblée les couleurs de l'orchestre tchèque donnent le ton. Comme improvisé, chantant (magnifique clarinette) et avec un tempo qui donne l'impression (subjective) d'être rapide. Le tempo est assez instable, ce qui renforce l'impression d'une composition comme improvisée et la direction met en valeur la part dansée de cette rhapsodie. Cette interprétation remarquable manque peut-être d'un peu d'assise (basses) et de dramatisme dans la seconde partie. Mais tous les solos sont tellement splendides !
À signaler deux autres enregistrements par le même Silvestri: en 1958, avec la Philarmonie de Vienne (je ne connais pas cette version aujourd'hui quasi introuvable) et avec "son" orchestre de Bournemouth en 1963. Plus nerveuse, moins colorée et quelques accidents (c'est un concert).
- Iosif Conta: version historique qui était disponible chez Marco Polo. Son précaire et interprétation que je trouve relativement décevante, orchestre confus et baisses de tension.
- George Georgescu: Je ne connais malheureusement pas ses deux enregistrements, eux aussi assez anciens (1942 pour le premier).
- Horia Andreescu: c'est avec Mandeal, la version roumaine moderne de cette première symphonie. Interprétation très idiomatique, nerveuse, et qui ne souffre pas trop de la comparaison avec les grands anciens.
- Christian Mandeal: chez Arte Nova pour l'autre intégrale moderne d'Enescu. Comparable à Andreescu, mais un peu plus lent et plus opaque.
Je passe sur Emil Simon et Perlea, pour signaler la très bonne version de Comissiona, hélas difficile à trouver dans nos contrées.
- Georges Enescu a enregistré deux fois cette première rhapsodie, mais je n'ai aucun des deux enregistrements.
Et pour conclure, Celibidache l'a dirigé mais jamais enregistrée.
Grands interprètes- Leopold Stokowski: dirigea un nombre incalculable de fois cette musique qu'il appréciait beaucoup.
* Chez RCA (en sacd), on trouve son enregistrement de 1960. Dans une excellente stéréophonie, c'est presque la quadrature du cercle: profusion des timbres, tempo allant. Manque peut-être à cette démonstration un peu de caractère champêtre et dansant (que l'on trouve plus aisément chez Silvestri).
- Antal Dorati: deux enregistrements, dont un est passé à la postérité (le premier) chez Mercury avec le LSO.
* Prise de son exceptionnelle, et interprétation qui ne l'est pas moins. C'est la version la plus univoque que j'ai entendue: nerveuse, rageuse, tendue, voire furieuse à l'occasion. Dorati semble ignorer le folklore pour mieux le retrouver au détour de tel ou tel accent. L'introduction à la clarinette est lente, presque interrogative. Aucune version ne présente une telle progression dramatique (a-narrative), chaque solo se détache avec précision. En contrepartie, l'orchestre est moins heureusement coloré que chez Silvestri. Mais la dernière partie est presque orgiaque (écoutez le dernier accord, tétanisant). Indispensable.
- Eugen Ormandy: chez Sony, m'a au moins autant séduit que Stokowksi. L'orchestre est d'une somptuosité inégalée (les cordes notamment).
À écouter - André Prévin (EMI)
- Leonard Bernstein (Sony)
- Eduardo Mata (RCA)
- Charles Mackerras (Testament)
- Miklos Rozsa (EMI)
- Kenneth Jean (Naxos)
- Lawrence Forster (Erato)
Je n'ai pas encore eu l'occasion d'écouter à nouveau ces interprétations. Je réserve donc des commentaires à plus tard.
Bof- Neeme Järvi (Chandos): superficiel et bruyant.
- Gennadi Rozhdestvensky (Chandos): mieux que le précédent, mais tout de même assez inconsistant.
- Arthur Fiedler (BMG). C'est une version ni-ni: ni trop nerveuse, ni trop champêtre. Mais l'orchestre est assez anonyme. J'attendais un peu plus de caractère.
Je ne mentionne que pour la forme Kunzel (Telarc), mais qu'on peut aisément oublier. Grosse déception également avec Clemens Krauss qui dirige le Philarmonique de Vienne. Peut-être en partie lié à une prise de son très médiocre, mais l'interprétation est plus bruyante qu'autre chose.
Restent les disques que je ne connais pas et que je cherche: Enescu en premier lieu, Silvestri-Vienne, le deuxième enregistrement d'Ormandy, Scherchen...
À suivre donc pour les écoutes approfondies, et dès que possible une comparaison en aveugle de cinq ou six versions. Mais d'ores et déjà, un trio de tête:
Antal Dorati (Mercury)
Constantin Silvestri (BBC Legends)
Leopold Stokowski (RCA)