Valeri Kikta (1941-)

Encore un autre Soviétique dont je ne saurais pas vous dire grand-chose, mais dont je suis en train de découvrir un chef d'oeuvre: le Concerto pour orchestre! Cette oeuvre porte en fait le titre de Chants rituels du printemps, mais apparemment, il n'y a pas de programme, et de toute façon, on s'en moque, on n'en a pas besoin! c'est fascinant, très riche, efficace, prenant. Ce qui est génial ici, c'est d'abord l'orchestration de cette oeuvre en trois mouvements, originale, variée, pas trop percussive ni cuivrée, équilibrée, avec beaucoup, beaucoup d'impact. Mais la beauté véritable de cette pièce (plutôt "expérimentale" dans les mouvements extrêmes, mais vraiment émouvante dans le lent) ne repose pas que sur les jeux de timbres, il y a aussi un mélodisme très bienvenu, un sens du contraste et de la diversité qui me semble vraiment captivant. C'est très court, furtif (moins de cinq minutes par mouvement), et on ne s'ennuie pas un seul instant: on est pris dans le flot de l'agitation vivifiante et personnelle de cette musique pétillante et bien construite, aux bases tonales assez sûres, mais empreintes de chromatisme, aux couleurs très riches, à la véritable beauté. Superbe

c'est dur de suivre! mais vous pourriez aussi vous renseigner un minimum... et qui maintenant va vous fournir autre chose de ce bon vieux Valery?

Kikta est né à Vladimirovska, dans la région de Donesk. Il est donc ukrainien, il est même l'un des représentants majeurs de la nouvelle musique ukrainienne et s'inscrit plus dans ligne de Lyatoshinsky et Glière que les autres compositeurs sioviétiques.
Il a étudié à Moscou et reçu son diplome de troisième cycle sur la recommandation exprès de Chostakovich.
Sa musique s'inspire des traditions populaires de l'ukraine, dans un idiome contemporain: il est à la fois tonal, et même parfois modal, tout en hésitant pas à jouer avec les synthétiseurs ou les bandes magnéiques, ce qui produit un curieux effet de "kitsch contemporain" dans certaines de ses oeuvres.
Il est l'auteur de 10 symphonies-ballet (un genre représenté aussi par Eshpay) d'un grand nombre de compositions pour la harpe et de nombreux cycles vocaux marqués par sa collaboration avec le baryton Igor Kozlovsky.
Sa musique tend, comme celle de beaucoup de ses contemporains (Karamanov, Karayev) à se rapprocher d'une évocation de Dieu et de la méditation (ballet "Ave Maria", "Vladimir le Baptiste") en même temps que des traditions historiques médiévales, comme la symphonie avec harpe obligée "Les fresques de Sainte-Sophie à Kiev".

Un musicien intéressant, même s'il ne figure pas à mon avis dans les priorités immédiates.

sud273 a écrit:

c'est dur de suivre! mais vous pourriez aussi vous renseigner un minimum... et qui maintenant va vous fournir autre chose de ce bon vieux Valery?

eh bien, toi!
J'adore lire tes récits et tes commentaires.

en complément des avis de sud, c'est le mien que je vais donner, sur une oeuvre très réussie en quatre mouvements, Beyond the Verge of Darkness. C'est nettement plus moderne que le concerto, car la tonalité est nettement plus floue, le chromatisme a pris le dessus, et l'orchestration a pris un tour beaucoup plus audacieuse, avec l'emploi des percussions à sons déterminés. L'écriture vocale est remarquable, très bien réussie à mon sens, non sans un certain lyrisme qui rappelle l'école de Vienne. Très bref là encore, mais émouvant et musicalement abouti.

Maintenant, je termine Christ has a garden, une sorte d'étude assez originale pour violoncelle, cordes et synthétiseur. C'est plus long (18 minutes) que d'habitude et assez complexe, mais ça s'écoute très facilement, le langage de Kikta, tout en étant assez moderne, conservant une lisibilité assez aisée à capter. Le synthétiseur est utilisé avec une inspiration inégale, parfois très bien (la fin), parfois de façon agressive, dans les graves, comme un sale effet Larsen bien moche. Mais l'écriture pour le violoncelle est très belle, inspirée, et l'accompagnement des cordes, intelligent. Ca ne dégouline pas, ça n'est pas ennuyeux, que demander de plus? sûrement pas une oeuvre qui m'aura marqué à vie, mais un moment original et pas désagréable.

Je viens de faire une découverte fascinante...

Là, je crie au chef d'oeuvre!

Il s'agit de Fresque sur la cathédrale Sainte-Sophie de Kiev, une sorte de concerto rhapsodique en huit brefs mouvements pour harpe et orchestre... et c'est génial! Les sonorités sont impressionnistes, scintillantes, envoûtantes. C'est peut-être la harpe qui contribue à cette impression fascinante, incomparable, qui donne le vertige. Cette oeuvre, inventive, aux climats très variées, est rêveuse, vivifiante, très évocatrice. Je suis absolument fan: c'est mille fois supérieur à tout le reste de Kikta, qui pourtant, se défendait bien. Mais là, c'est une autre dimension, une oeuvre d'un impact incroyable, digne des meilleurs chefs d'oeuvres. Captivant de bout en bout. A écouter dans le noir.

Je finis d'écouter à l'instant ces trois morceaux et, comme Spiritus, j'ai beaucoup apprécié les fresques. Mon préféré reste Popov pour l'instant.
L'important, c'est de participer, n'est-ce pas ?

j'ai beaucoup aimé à première écoute ces fresques pour harpe et orchestre: je dois dire que j'en pense moins de bien maintenant même si j'aime toujours beaucoup le reste et particulièrement les mélodies Beyond the verge of darkness et le concerto pour orchestre.