Votre dernier film visionné

Olivier Babinet : Normale        2022


Comme beaucoup de gens, j'ai découvert Babinet par l'original Poissonsexe qui ne m'avait d'ailleurs pas totalement convaincu mais dont la loufoquerie thématique ne m'avait pas laissé indifférent. Ici, le sujet est peut-être plus conventionnel (encore que...) puisque le film raconte l'histoire d'une adolescente de quinze ans qui vit seule avec son père atteint de sclérose en plaque et qui (l'adolescente) écrit une sorte de roman autobiographique à la tonalité un peu fantastique. J'ai beaucoup aimé la manière dont le film montrait simplement la fille et son père, leurs moments de moins bien mais malgré ça, leur proximité et leur affection réciproque mais montrait aussi leurs moments un peu seuls et notamment pour la fille, cela donnait lieu à des séquences oniriques pas mal ; dans le rôle du père, Poelvoorde est vraiment très bon, j'ai été assez surpris parce qu'on le voit très rarement dans ce genre de rôles plus dramatiques.

Marie Garel-Weiss : Sur la branche        2023


Ce qui m'a attiré vers ce film, c'est sa distribution qui regroupe des acteurices que j'avais trouvé(e)s très bien dans des films que j'avais vus récemment : on y trouve par exemple Benoît Poelvoorde mais aussi Raphaël Quenard ou bien encore Agnès Jaoui ; le rôle principal est tenu par Daphné Patakia — que je ne connaissais d'ailleurs pas du tout. Le film proprement dit est assez curieux : c'est une sorte de comédie romantique un peu absurde qui semble se laisser pousser ; on y suit une femme qui rencontre un avocat au bout du rouleau puis un autre gars qui est mis en cause dans une petite arnaque, elle va donc le faire défendre par cet avocat qu'elle a rencontré ; le film se focalise beaucoup sur les personnages plus que sur ce que les effets qu'ils produisent d'un point de vue narratif, que ce soit lorsqu'ils sont seul(e)s ou lorsqu'ils interagissent. Honnêtement, ça ne m'a pas beaucoup parlé et j'ai eu l'impression de quelque chose d'assez décousu qui ne m'a pas raconté grand-chose et qui m'a tout de même ennuyé en dépit du talent des acteurices.

Tristan Séguéla : Un homme heureux        2023

 +
En voyant le palmarès du réalisateur et, au cours du générique d'ouverture, que l'un des scénaristes était le co-scénariste de Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ?, j'avoue que je ne m'attendais pas à grand-chose et j'ai d'ailleurs que la manière d'écrire les personnages est assez similaire : ce sont des personnages qui sont d'emblée extrêmement localisés, presque des types ; quand j'ai vu en plus que l'un des deux personnages principaux était trans, je me suis demandé sur quelle pente le film s'engageait. Le film met en scène un couple formé d'un maire réactionnaire d'une commune du nord de la France (interprété par Fabrice Luchini) et de sa femme (interprétée par Catherine Frot) dont on ne sait rien si ce n'est qu'elle veut transitionner ; son mari croit d'abord qu'il s'agit d'une blague puis lorsqu'il comprend que c'est sérieux, il lui demande de faire ça après la campagne qu'il mène pour sa réélection. Le film est sans doute un peu didactique (ce qui n'est pas un problème) mais j'ai été assez surpris qu'il ne fasse pas de la transition un objet comique : au contraire, c'est plutôt Luchini l'objet comique et le film se place pas mal du point de vue du personnage de Frot ; il y a même certaines scènes assez amusantes. Bon, par contre, j'ai trouvé que le scénario n'était pas très bien écrit : la fin est complètement improbable et les personnages n'ont pas vraiment de consistance ; mais bon, c'est déjà bien qu'un film (comique, qui plus est) aussi grand public ait un personnage trans qui ne soit pas la source du comique — enfin, bon, après, il s'agirait aussi d'écrire un scénario plus intéressant.

Guillaume Nicloux : La tour        2022


J'aime en général assez les films de Guillaume Nicloux, à exception du film avant celui-ci (Thalasso) ; celui-ci est encore pire que Thalasso et j'ai trouvé qu'il plongeait même dans le ridicule : c'est une sorte de remake très limité, cringe et sans doute fauché de The fog de Carpenter. Le film se passe dans un quartier populaire, plusieurs tours sont pris dans un brouillard épais et bien sûr, le film migre vers le film de survie — bah oui, c'est en banlieue alors les habitant(e)s reviennent à leurs instincts primitifs, vous comprenez ? En plus, le scénario, sa ligne de genre mise à l'écart n'a vraiment pas grand-chose à raconter, les dialogues sont ridicules, les acteurices ne jouent pas bien ; bref, ça m'a beaucoup ennuyé et fait souffler : il n'y a rien à conserver.

Collectif Mohamed : Ils ont tué Kader        1980

 +
J'avais déjà évoqué ce court-métrage lorsque j'avais parlé du Garage réalisé par le même collectif ; ce court-métrage lui fait suite et vient après une manifestation déclenchée à la suite de la fermeture du garage en question, à l'issue de laquelle un gardien d'immeuble a tué un jeune algérien du nom de Kader Lareiche. Le film interroge plusieurs jeunes de la cité de Vitry afin qu'ils donnent leur version, qu'ils parlent des agressions racistes qu'ils subissent dans cette cité ; sitôt après, les journalistes travaillant pour les grands journaux ou les grandes chaînes de télévision arrivent et proposent au collectif de lui racheter ses images, prétendant qu'ils porteraient leur parole, qu'ils auraient un plus grand impact, etc. — sans que le collectif ait bien sûr un contrôle sur les images qui seront effectivement diffusées — et les journalistes vont s'offusquer du fait que les jeunes du collectif se méfient ; le collectif réclame une séquence en direct mais ça n'aboutira visiblement pas. Le film est vraiment intéressant (sur la question de la représentativité et du coup, de la production de discours dans une société en proie à des dynamiques de domination mais aussi sur la question de la violence d'état) et il constitue quasiment la colonne vertébrale de ce collectif éphémère.

Virginie Verrier : Marinette        2023

 + / 
Ce film est un biopic sur la footballeuse française Marinette Pichon qui est sans doute l'une des (la ?) premières footballeuses françaises qui soit vraiment connue. Étant donné mon inculture à propos du football, j'ai trouvé le film intéressant et informatif, il aborde pas mal de questions : les violences sexistes et sexuelles (son père frappait sa mère), la mise en compétition des femmes entre elles, la réticence de la fédération française de football à l'idée d'avoir une équipe féminine dans laquelle les joueuses soit professionnelles et aient des moyens digne de ce nom (c'est d'ailleurs ce qui poussera Marinette Pichon à accepter l'offre qui lui sera faite par l'équipe de football de Philadelphie) mais aussi la violence de l'école (où on a bien fait comprendre à Marinette que oui, le football c'était bien comme hobby mais qu'il fallait améliorer ses résultats scolaires). La réalisation est assez linéaire et le montage est vraiment curieux : il y a parfois comme des saccades mais je trouve que ça fonctionne bien car il s'agit d'éléments souvent violents et qui marquent profondément, laissant parfois des sentiments ambivalents ; je trouve que c'était bienvenu car le film manquait quand même un peu de rythme mais parfois, j'ai trouvé certaines de ces séquences un peu confuses notamment dans l'ordre des situations — alors que le reste est vraiment d'une grande linéarité, c'est assez bizarre.

Mathieu Amalric : Sans rires        1990


Ce court-métrage est la troisième réalisation d'Amalric, c'est pour ma part la plus ancienne que je vois ; c'est également celle que j'aime le moins, notamment parce que je n'y ai pas trouvé un grand intérêt. Le film met en scène un vieux clown qui revient à Paris pour les obsèques de sa femme et retrouve alors ses anciens amis et son quartier qu'il n'avait pas revus depuis des lustres ; le film veut sans doute dire quelque chose sur le temps qui passe, peut-être mettre côte à côte le temps continue de la vie d'un être humain et l'aspect discontinu de la rencontre et l'aspect soudain des choses qui remontent à la surface mais bon... ça ne me semble pas très intéressant de cette manière et malgré sa courte durée, je me suis quand même un peu ennuyé.

Mathieu Amalric : Les yeux au plafond        1993

 + / 
Sans pour autant véritablement me convaincre, ce court-métrage ne m'a pas complètement déplu, il raconte l'histoire d'un homme (interprété par le réalisateur) qui vient de se faire quitter par sa copine et filme sa journée un peu au fil de l'eau. Les personnes qu'il rencontre sont en général jouées par des gens de sa famille ou des amis assez proches, les atmosphères sont assez variées et ça fonctionne en général plutôt pas trop mal — j'ai été assez surpris de voir Alain Guiraudie jouer dans ce court.

Ces temps ci

Elias Belkeddar
Omar la fraise

Touchant (et drôle), si on le prend pas comme une vision documentaire (la Cité Climat de France - les deux cents colonnes, Fernand Pouillon architecte, a été souvent et mieux documentée, par de travail de Stéphane Couturier par exemple, ou ici https://www.fernandpouillon.com/climat_actuelp.html ), mais comme un retour au pays natal, décalé (l’algérien de retour forcé au pays, est parfaitement en pays étranger), où s'emmêlent images d’Épinal, fabrication de légendes (les fraises d'Omar) et paradoxale ingénuité. Je n'avais pas été emballé sur le moment, beaucoup plus à y réfléchir



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Greta Gerwig
Ladybird




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Alice Rohrwacher
La chimère

Je suis un peu un inconditionnel de cette réalisatrice, particulièrement de son film Les merveilles.
On est ici dans le(s) même(s) registre(s) (une tension entre une réalité très ancrée, et des échappées plus merveilleuses que fantastiques ; la modernité et ce qui persiste). Très très réussi à mon goût, le tissage des différentes strates que suggère le film est très riche. Excellente direction d'acteurs·trices (dont sa sœur Alba, ici avec un petit, mais grand rôle)

Kamal Lazraq : Les meutes        2023


Ce film est le premier long-métrage de Lazraq, il s'agit d'une sorte de polar bien poisseux qui se passe en périphérie de Casablanca, un père et son fils qui vivent de petites combines et se retrouvent un jour avec un cadavre sur les bras : qu'en faire ? Le film va alors suivre leur déambulation nocturne jusqu'au lever du jour. J'ai trouvé le film vraiment pas mal notamment parce qu'il arrivait à tirer parti de ce cadre temporel : la fin est plus ou moins fixée puisque le jour va à un moment se lever et en contrepoint, le film met en place et étire cette longue nuit, à travers des rencontres hétéroclites, des ennuis périphériques et surtout, je trouve que le film arrive à rendre cette ambiance encore plus crédible en lui donnant une tonalité poisseuse et très proche du corps par beaucoup de plans assez resserrés, une mise en scène naturaliste et un travail assez remarquable du directeur de la photo notamment avec ces dominantes oranges. Une autre chose que j'ai beaucoup aimée et que j'ai déjà partiellement évoquée, c'est le rapport au corps du film : pendant tout le film, on essaie de se débarrasser d'un corps, ce n'est pas si facile, il nous suit ; on lui fait une toilette mortuaire mais on discute s'il ne faudrait pas le découper ; ensuite, il y a ces séquences où l'on mentionne la transpiration, auxquelles répondent les séquences de douches après le lever du jour ; il y a également quelque chose autour des chiens, qui n'apparaissent pas beaucoup mais ils donnent vraiment l'impression de cerner le film — à cet égard, j'ai bien aimé la dernière scène qui vient un peu contraster la fin. Pour moi, c'est vraiment un chouette film et une vraie réussite en terme d'ambiance.

Annie Hall

Mathias Gokalp : L'établi        2023

 + / 
Les établis étaient des intellectuels bourgeois d'extrême-gauche qui allaient travailler dans des usines pour essayer de vivre ce que vivaient les prolétaires mais aussi pour avoir plus de prise sur la diffusion des idées révolutionnaires auprès des ouvriers. Le philosophe Robert Linhart a été l'un d'eux et en a tiré un livre dans lequel il raconte son expérience, c'est ce livre qu'adapte le film et dont il récupère d'ailleurs le nom. J'attendais de voir ce film avec une certaine impatience car j'avais beaucoup aimé le livre de Linhart il y a de ça quelques années ; le résultat n'est pas mal (et sa portée informative n'est pas négligeable) mais ce qui m'a un peu déçu, c'est que la réalisation ne suivait pas : dans le livre, il y a tout de même des moments assez forts notamment tous ceux où certains ouvriers essayaient de mettre en place un débrayage — ralentissement soudain du rythme de production — ; on en retrouve certains comme les révoltes de certains ouvriers, mais c'est nettement plus ponctuel et même dans ces moments, la réalisation reste assez quelconque — c'est dommage car il y avait plein de trucs à faire autour des dynamiques de pouvoir, des agents doubles, de l'aspect répétitif du travail à la chaîne, des responsables qui utilisent l'usure comme un moyen de pression, etc. Il me semble aussi que le point de vue du film est parfois un peu modifié par rapport à celui du livre : je n'avais notamment pas souvenir d'un propos aussi critique de l'auteur sur lui-même (notamment sur son appartenance à la classe bourgeoise) et surtout, il me semble que son personnage est ici plus développé si bien que l'on pourrait dire que le film s'éloigne un peu de l'objectif premier du livre — tout ça pour nous proposer une fin vraiment bateau, en plus. Enfin bon, je critique mais je suis tout de même pas complètement déçu par cette adaptation du livre de Linhart — et puis Swann Arlaud est bien.

Collectif Mohamed : Zone immigrée        1980

 /   +
Ce film est la dernière des trois réalisations du Collectif Mohamed, elle prend pour point d'origine l'agression d'un jeune de la cité par un conducteur de bus ; le film va alors interroger les jeunes du quartier pour leur demander ce qu'ils pensent de ça, ce qui mène selon eux à ça et leurs solutions éventuelles ; ils parlent également de leur vie, parfois paisible mais ils évoquent aussi les descentes de flics suivies d'arrestations arbitraires pour intimider, les mensonges de la police, les agressions racistes, etc. Le film interroge aussi les moins jeunes et il y a parfois des discussions et les points de vue sont assez variés. C'est dommage que le son soit parfois si mauvais parce que ce court est vraiment intéressant — sans doute mon préféré des trois après Ils ont tué Kader mais ça se joue à pas grand-chose.

Clément Cogitore : Goutte d'or        2023

 + / 
C'est le premier film de Clément Cogitore (frère de Romain, réalisateur) que je vois et j'avoue que ça m'a laissé assez perplexe : d'un côté, il y a une sacrée atmosphère et visuellement, c'est assez chouette mais ça ne m'a pas raconté grand-chose. Dans ce film, Karim Leklou (très physique) joue le rôle d'un medium qui arnaque un peu les gens qui viennent le voir et le film met en scène un glissement : son personnage semble d'abord être une sorte de roc imperturbable (là-dessus, je trouve qu'il y a un vrai travail dans le jeu et la manière de filmer Leklou) qui est lui-même pris dans ce monde insaisissable et qui va être ébranlé de son contrôle et de ses certitudes — il y a également tout ce truc (peut-être un peu simpl(ist)e) autour du rapport à son père. Bref, j'ai aimé ce mouvement mais je n'avais pas grand-chose d'autre à quoi me raccrocher.

Giacomo Abbruzzese : Disco boy        2023


Ce film me pose un peu le même problème que Goutte d'or de Clément Cogitore : je l'ai trouvé esthétiquement chouette (respect à Hélène Louvart, la directrice de la photo et aux étalonneurs) mais il ne m'a pas raconté grand-chose ; dans ce cas, c'est même encore pire car si Goutte d'or semblait assez sincère, celui-ci semble davantage du côté de la pose et n'arrive pas à installer une ambiance cohérente. Pour moi, il y a à boire et à manger dans ce film et c'est ce qui m'a sans doute un peu agacé : on y voit du Full metal jacket au début et du Beau travail à la fin ; contrairement à Goutte d'or où tout glisse, ici, tout éclate et on cherche comment s'assemblent les multiples morceaux — à l'image du personnage principal (interprété par Franz Rogowski) que l'on suit de la Biélorussie à la France où il s'engage dans la légion étrangère pour obtenir des papiers et sera envoyé au Niger où il rencontrera un révolutionnaire qui lutte contre les groupes pétroliers qui ont dévasté son village. Il y a bien sûr quelque chose autour de la violence coloniale à de multiples points de vue et puis quelque chose autour de la danse qui est finalement un peu ce qui les regroupe mais j'ai trouvé ça assez confus.

Monia Chokri : Simple comme Sylvain        2023


Dernièrement, j'avais été positivement surpris par Babysitter de Chokri que j'avais trouvé vraiment drôle et d'une mise-en-scène aboutie — limite clinquante — ; avec Simple comme Sylvain, la réalisatrice revient davantage du côté de La femme de mon frère avec un scénario un peu plus classique. Ce qui m'a étonné avec ce film, c'est que malgré le fait que le film prenne pour point de départ un scénario vraiment très balisé (une intellectuelle bourgeoise mariée à un intellectuel bourgeois s'éprend du prolétaire qui vient faire des travaux dans leur maison de vacances) mais en fait un bel objet cinématographique dans lequel on se sent bien et qui n'est pas du tout embarrassant comme le sont d'autres film adoptant exactement la même trame (je pense à Partir de Catherine Corsini, mais il doit y en avoir bien d'autres) ; en plus, la mise-en-scène est tout aussi maitrisée que dans Babysitter (peut-être moins exubérante), les acteurices et les dialogues sont chouettes ; la bande-originale est également assez variée et plaisante. Je ne sais pas si c'est un film dont je me souviendrai très précisément mais je crois que l'impression globale restera et me donnera envie d'y retourner ; il y a quelque chose de beaucoup plus accueillant que dans son premier film.

Jean-Pierre Mocky : Snobs !        1962

 +
Ce film est le troisième long-métrage de Mocky et sans doute le premier où il lâche les chiens : quatre personnages (types, devrais-je même dire) courent après le poste de directeur d'une entreprise de lait — dont le précédent directeur est tombé dans une cuve de lait provoquant ainsi sa mort... Le film va reposer sur le style très distinctif de chacun (cela sera repris sous un autre angle dans son film suivant — Les vierges — qui adoptera la forme du film à sketches) des quatre candidats (l'aristocrate, l'opportuniste, le dragueur et le pieux — évidemment !) qui vont tous essayer de récupérer une grosse commande laissée au défunt afin de jouer en leur faveur pour l'élection ; à partir de là, ça devient vraiment bordélique avec une succession de scènes parfois assez invraisemblables parce qu'en gros, ils jouent tous à leur manière la carte du "tous les coups sont permis" — on a aussi des scènes d'une classe incroyable comme celle d'une rotative imprimant des journaux avec un enfant faisant ses besoins dans un pot en surimpression. Bon, sinon, malgré le fait que ce soit un peu difficile à suivre, c'est tout de même plutôt agréable à regarder et puis le personnage de Lonsdale avec sa prononciation improbable simili-bourgeoise est tout de même vraiment marrant.

Philippe Lioret : 16 ans        2022

+
Il me manquait justement un film pour établir une borne inférieure très nette aux films vus en 2023, c'est chose faite ! C'est le premier film de Philippe Lioret que je vois et ça ne me donne pas du tout envie d'en voir un autre. Je me demande comment on peut encore écrire des films avec des personnages aussi caricaturaux (enfin, je sais très bien pourquoi) : le film se la joue en mode Roméo et Juliette et va raconter l'histoire d'amour impossible entre un gars blanc bourgeois et une fille racisée venant de quartiers populaires — spoiler : c'est bien dans les clichés des bandeurs de la république. Pour révéler un peu plus l'histoire : le père du gars est chef d'un supermarché où travaille le frère de la fille, ce dernier en est renvoyé suite à la suspicion du patron sur un hypothétique vol d'une bouteille d'un vin grand cru ; après, je pensais que ça serait juste la guéguerre des deux familles et puis voilà mais j'étais trop naïf ! Le film va mettre en place la rhétorique islamophobe usuelle d'une partie de la gauche (et d'une grande partie de la droite aussi, bien sûr) : les hommes de la famille de la fille vont directement s'opposer à ce qu'elle ait une relation avec ce gars et bien sûr, ils vont ensuite aller jusqu'à l'interdire d'aller au lycée ; on connaît ça : les musulmans sont misogynes, obscurantistes — je devrais mettre un copyright, là, c'est tellement localisé... — et puis bien sûr incompatibles avec la République — majuscule ! En plus, cet effet est vraiment redoublé parce qu'au milieu, il y a la fille, qui est présentée comme beaucoup plus mesurée, qui veut s'intégrer (le mot est lâché !), etc. En plus, l'asymétrie des affects que le film nous propose est assez nettement en faveur de ce patron de supermarché — eh oui, parce qu'on se soucie du fait qu'il se fasse suspendre quelques temps de son poste. Après réflexion, je trouve également que le fait que le personnage qui s'émancipe — enfin, d'après le film — soit une femme rend le truc encore plus ancré dans cette pensée, c'est presque un objet de fantasme... Enfin bref, sinon, le scénario est aussi d'un ridicule sans nom (en fait, c'est vraiment un moule à fourrer avec de l'islamophobie) : à la fin, on nous dit en deux temps trois mouvements qu'en fait, la bouteille que le patron nous déclarait volée traînait dans la réserve du magasin ; c'est vraiment d'un ridicule rarement égalé.

oui mais le plus grave c’est que malgré tes efforts tu n’arriveras pas à 500 films en 2023.

lulu a écrit:

oui mais le plus grave c’est que malgré tes efforts tu n’arriveras pas à 500 films en 2023.

 on va arriver sur un petit 470...

et voilà... tout petit ça.

Quant à moi, je me contente de visionner des OAVs improbables. Mais c'est un peu hors-sujet. J'ai dû voir une bonne centaine de films cette année, j'ai cru un moment que j'allais faire une overdose... Oui ! Je suis une petite joueuse et je l'assume, na !

Emeryck a écrit:

Philippe Lioret : 16 ans        2022

+
Il me manquait justement un film pour établir une borne inférieure très nette aux films vus en 2023, c'est chose faite ! C'est le premier film de Philippe Lioret que je vois et ça ne me donne pas du tout envie d'en voir un autre. Je me demande comment on peut encore écrire des films avec des personnages aussi caricaturaux (enfin, je sais très bien pourquoi) : le film se la joue en mode Roméo et Juliette et va raconter l'histoire d'amour impossible entre un gars blanc bourgeois et une fille racisée venant de quartiers populaires — spoiler : c'est bien dans les clichés des bandeurs de la république. Pour révéler un peu plus l'histoire : le père du gars est chef d'un supermarché où travaille le frère de la fille, ce dernier en est renvoyé suite à la suspicion du patron sur un hypothétique vol d'une bouteille d'un vin grand cru ; après, je pensais que ça serait juste la guéguerre des deux familles et puis voilà mais j'étais trop naïf ! Le film va mettre en place la rhétorique islamophobe usuelle d'une partie de la gauche (et d'une grande partie de la droite aussi, bien sûr) : les hommes de la famille de la fille vont directement s'opposer à ce qu'elle ait une relation avec ce gars et bien sûr, ils vont ensuite aller jusqu'à l'interdire d'aller au lycée ; on connaît ça : les musulmans sont misogynes, obscurantistes — je devrais mettre un copyright, là, c'est tellement localisé... — et puis bien sûr incompatibles avec la République — majuscule ! En plus, cet effet est vraiment redoublé parce qu'au milieu, il y a la fille, qui est présentée comme beaucoup plus mesurée, qui veut s'intégrer (le mot est lâché !), etc. En plus, l'asymétrie des affects que le film nous propose est assez nettement en faveur de ce patron de supermarché — eh oui, parce qu'on se soucie du fait qu'il se fasse suspendre quelques temps de son poste. Après réflexion, je trouve également que le fait que le personnage qui s'émancipe — enfin, d'après le film — soit une femme rend le truc encore plus ancré dans cette pensée, c'est presque un objet de fantasme... Enfin bref, sinon, le scénario est aussi d'un ridicule sans nom (en fait, c'est vraiment un moule à fourrer avec de l'islamophobie) : à la fin, on nous dit en deux temps trois mouvements qu'en fait, la bouteille que le patron nous déclarait volée traînait dans la réserve du magasin ; c'est vraiment d'un ridicule rarement égalé.

Laquelle ?

lulu a écrit:

et voilà... tout petit ça.

...aucune mention de J.-L....

Provencal a écrit:

Emeryck a écrit:

Philippe Lioret : 16 ans        2022
+
Il me manquait justement un film pour établir une borne inférieure très nette aux films vus en 2023, c'est chose faite ! C'est le premier film de Philippe Lioret que je vois et ça ne me donne pas du tout envie d'en voir un autre. Je me demande comment on peut encore écrire des films avec des personnages aussi caricaturaux (enfin, je sais très bien pourquoi) : le film se la joue en mode Roméo et Juliette et va raconter l'histoire d'amour impossible entre un gars blanc bourgeois et une fille racisée venant de quartiers populaires — spoiler : c'est bien dans les clichés des bandeurs de la république. Pour révéler un peu plus l'histoire : le père du gars est chef d'un supermarché où travaille le frère de la fille, ce dernier en est renvoyé suite à la suspicion du patron sur un hypothétique vol d'une bouteille d'un vin grand cru ; après, je pensais que ça serait juste la guéguerre des deux familles et puis voilà mais j'étais trop naïf ! Le film va mettre en place la rhétorique islamophobe usuelle d'une partie de la gauche (et d'une grande partie de la droite aussi, bien sûr) : les hommes de la famille de la fille vont directement s'opposer à ce qu'elle ait une relation avec ce gars et bien sûr, ils vont ensuite aller jusqu'à l'interdire d'aller au lycée ; on connaît ça : les musulmans sont misogynes, obscurantistes — je devrais mettre un copyright, là, c'est tellement localisé... — et puis bien sûr incompatibles avec la République — majuscule ! En plus, cet effet est vraiment redoublé parce qu'au milieu, il y a la fille, qui est présentée comme beaucoup plus mesurée, qui veut s'intégrer (le mot est lâché !), etc. En plus, l'asymétrie des affects que le film nous propose est assez nettement en faveur de ce patron de supermarché — eh oui, parce qu'on se soucie du fait qu'il se fasse suspendre quelques temps de son poste. Après réflexion, je trouve également que le fait que le personnage qui s'émancipe — enfin, d'après le film — soit une femme rend le truc encore plus ancré dans cette pensée, c'est presque un objet de fantasme... Enfin bref, sinon, le scénario est aussi d'un ridicule sans nom (en fait, c'est vraiment un moule à fourrer avec de l'islamophobie) : à la fin, on nous dit en deux temps trois mouvements qu'en fait, la bouteille que le patron nous déclarait volée traînait dans la réserve du magasin ; c'est vraiment d'un ridicule rarement égalé.

Laquelle ?

Comment ça ? Quelle rhétorique ou quelle partie de la gauche ? Concernant la rhétorique, c'est écrit juste après "on connaît ça" et pour la partie de la gauche, bah, c'est celle qui adopte ce discours, quoi': les laïcards acharnés, les gens de Franc Tireur, beaucoup de gens de Marianne, etc.

Blow out



Le Dernier métro

Lucie Borleteau : À mon seul désir        2023

 +
C'est le premier long-métrage de Borleteau que je vois ; en dépit du fait que son adaptation de Chanson douce de Leïla Slimani ait un peu marché, elle a apparemment peiné à trouver des financements pour monter ce film. Le sujet du film est assez peu commun puisqu'il nous propose de rentrer dans un club de strip-tease (avec une narratrice qui nous y invite) et on va suivre une jeune femme qui décide de pousser la porte pour voir si ça lui plait et éventuellement poser sa candidature ; à cet égard, le film est un peu in medias res : il choisit de nous délivrer d'emblée son contenu programmatique puis, petit à petit, on va apprendre à connaître ses différents personnages. On peut trouver le film trop lent/long (je ne serais pas complètement en désaccord sur la longueur) et peut-être un peu trop superficiel (surtout si on le prend comme un film sur les clubs de strip-tease — ce qu'il n'est pas) mais personnellement, j'ai aimé la variété des personnages (que ce soit dans leurs aspirations respectives ou même dans leurs opinions) et j'ai trouvé l'ambiance assez agréable, avec des moments chouettes et d'autres assez drôles (notamment certains numéros dans le club) ; j'ai trouvé qu'il y avait vraiment une ambiance presque enchantée — au moins digne du conte.

Todd Haynes : May December        2023

 + / 
J'avais encore en tête les très beaux films de Haynes qui tiraient vers le cinéma américain des années cinquante (Far from heaven et Carol) — peut-être trompé par le titre, qui m'a rappelé l'aspect très rattaché à une saison des deux films — mais c'est sans doute du côté de ses films plus anciens (comme Safe) qu'il faut chercher. Dans ce film, on suit une actrice (interprétée par Natalie Portman) qui s'apprête à jouer le rôle d'une femme (interprétée par Julianne Moore) sur laquelle s'étaient jetés toute la presse il y a une vingtaine d'années parce qu'elle avait une relation avec un garçon de treize ans alors qu'elle en avait trente-six ; dès lors, le film m'a bien heureusement pris de cours : je pensais qu'il allait plus porter sur le cinéma mais en fait, pas tellement puisqu'il s'intéresse davantage au dessin du paysage psychologique de chacun des personnages. Au-delà de sa maîtrise technique évidente — qui se fait ici toutefois plus discrète — j'ai trouvé que les personnages étaient particulièrement bien écrits : le personnage du gars (interprété par Charles Melton) qui semble à la fois satisfait mais qui est aussi visiblement détruit, le personnage de l'actrice qui aide à la fois les gens en discutant avec mais qui a également une curiosité malsaine, etc. ; le film rend vraiment bien compte de l'aspect complexe de la situation — à cet égard, ça me rappelle un peu Anatomie d'une chute. J'ai trouvé les acteurices remarquables, en particulier Charles Melton que je ne connaissais pas du tout.

Emeryck a écrit:

J'avais encore en tête les très beaux films de Haynes qui tiraient vers le cinéma américain des années cinquante (Far from heaven et Carol)

J'ai vu Velvet Goldmine, il y a peu. Très déçu (à l'aune des quelques très beaux films que je connais de Todd Haynes), ceci étant, il connait son sujet. J'essayerai de voir son documentaire sur le velvet

Velvet Goldmine, je ne dirais pas que ça a était une énorme déception, mais je trouve aussi que c'est moins bon que le reste de son œuvre (assez protéiforme finalement) qui fonctionne sur un mode maniériste par allusion et réappropriation de formes antérieures, dans Velvet il suit un peu trop fidèlement le modèle de Citizen Kane et la comparaison est assez dure pour le film de Haynes...
Mais Carol, Far From Heaven ou Wonderstruck (son film "pour enfant") sont vraiment très beau!

xoph a écrit:

Emeryck a écrit:

J'avais encore en tête les très beaux films de Haynes qui tiraient vers le cinéma américain des années cinquante (Far from heaven et Carol)

J'ai vu Velvet Goldmine, il y a peu. Très déçu (à l'aune des quelques très beaux films que je connais de Todd Haynes), ceci étant, il connait son sujet.

Moi non plus, je n'avais pas beaucoup accroché à ce film.

Jeanne Herry : Je verrai toujours vos visages        2023

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Je me souviens très bien de ma découverte du cinéma de Herry : je devais aller voir Notre petite sœur de Kore-Eda au MK2 Bibliothèque puis suite à un problème avec le projecteur, j'ai dû me rabattre sur un film au hasard, j'étais donc tombé sur Pupille de Jeanne Herry. Je n'avais pas détesté le film et avais notamment apprécié les sujets qu'il abordait (adoption monoparentale, accouchement sous l'anonymat) et certaines scènes étaient émotionnellement chouettes mais la platitude de la réalisation m'avait pas mal ennuyé, d'autant plus que dans mon souvenirs, les acteurices n'étaient pas merveilleux. Ici, c'est un peu mieux mais je retrouve quand même un problème similaire concernant la mise-en-scène : le film s'étire sur quasiment deux heures et il n'y avait rien de marquant à la réalisation (beaucoup de champ-contrechamp, il y a beaucoup de scènes de dialogues polarisées) ; cela n'aide pas trop d'autant que le film est partiellement choral — seule la trajectoire du personnage d'Exarchopoulos se singularise ; ça manque de dynamisme et de variété. En revanche, ici, les acteurices étaient nettement meilleur(e)s — en même temps, sacrée distribution : Adèle Exarchopoulos, Leïla Bekhti, Miou-Miou, Birane Ba, Jean-Pierre Darroussin, Denis Podalydès et bien sûr, comme dans beaucoup de films français sortis en 2023, Raphaël Quenard, qui a toutefois un rôle secondaire, ici. Comme pour Pupille, le sujet est vraiment intéressant : le film parle de la justice restaurative qui est un dispositif qui permet, si la victime et l'agresseur sont tou(te)s deux d'accord, de dialoguer accompagné(e)s de professionnel(le)s et de bénévoles ; le film nous montre des profils assez différents et que ça n'arrive pas toujours à terme mais que c'est une possibilité qui existe.

Parsifal a écrit:

Velvet Goldmine […] Velvet il suit un peu trop fidèlement le modèle de Citizen Kane et la comparaison est assez dure pour le film de Haynes...

J'aurais pas fait le rapprochement comme ça, mais à fouiller…

Parsifal a écrit:

Mais Carol, Far From Heaven ou Wonderstruck (son film "pour enfant") sont vraiment très beau!

Beaucoup aimé aussi la série Mildred Pierce

Louis Feuillade : Le Noël du poilu        1915


Ce film de Feuillade est honnêtement assez anecdotique, l'histoire étant assez univoque (c'est quasiment un film de propagande) et les personnages sont inintéressants au possible : un soldat est mobilisé au front et ne peut donc pas rejoindre sa famille qui est restée dans le nord de la France alors occupé ; heureusement, la marraine du soldat va les faire venir et va miraculeusement obtenir une permission pour le soldat pour qu'ils puissent fêter Noël ensemble... Il n'y a vraiment rien d'intéressant d'un point de vue cinématographique là-dedans.

Jean-Marie Straub : Le genou d'Artémide        2008

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Ce court-métrage est le premier court-métrage réalisé par Straub après la mort de son épouse Danièle Huillet ; comme dans un de leurs derniers films (le dernier qu'ils ont achevé ensemble ?), il adapte les Dialogues avec Leuco de Cesare Pavese. Il met en scène deux hommes immobiles se faisant face (à l'apparence quasiment identique) dans une forêt, l'un debout s'appuyant sur un arbre, l'autre assis s'appuyant sur une pierre ; ils semblent incarner deux états d'un même personnage et soliloquent ensemble autour de la mort, du rêve, de l'amour, de la paix dans le sommeil. Vient ensuite un plan fixe sur celui qui touche l'arbre et où l'on entend exclusivement le vent, le bruissement des feuilles et les gazouillis des oiseaux puis la partie imagée du film se clôt avec panoramiques, vers la lumière pour finir sur un petit sentier au milieu duquel trône une plante. De part et d'autres, le film est cerné de musique (sur écran noir) : Das Lied von der Erde de Mahler au début puis une œuvre baroque en allemand qui était un peu dans le style des Leçons de ténèbres de Couperin — pas tant en terme d'écriture mais que de caractère. Pour moi, c'est la plus belle réalisation de Straub.

Désiré Écaré
Visages de femmes (1985)

Deux visages, celui de la liberté du désir féminin, et celui de l'émancipation par la conquête d'une puissance sociale (ici faire valoir son travail, l'amplifier, en faire son entreprise).
On s'y perd un peu, de très belles scènes (dont une longue scène d'amour qui faisait écrire à Louis Skorecki en 1985 enfin ! un porno africain, on aurait plutôt dit féminin), des choses amusantes et un ton très libre.

Comme c'est (toujours) le cas avec les éditions La traverse / Les éditions de l'œil* : du bel ouvrage !



https://www.editionsdeloeil.com/product-page/visages-de-femmes-d%C3%A9sir%C3%A9-%C3%A9car%C3%A9

* J'ai l'impression que leur collection s'étoffe rapidement ! Tant mieux !

PS : je vois qu'ils ont fait paraître en décembre un livre d'Alice Rohrwacher () : Le vrai du faux

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Notorious

xoph a écrit:

PS : je vois qu'ils ont fait paraître en décembre un livre d'Alice Rohrwacher () : Le vrai du faux

Voilà qui m’intéresse beaucoup ! Merci pour l’info.

xoph a écrit:

Parsifal a écrit:

Velvet Goldmine […] Velvet il suit un peu trop fidèlement le modèle de Citizen Kane et la comparaison est assez dure pour le film de Haynes...

J'aurais pas fait le rapprochement comme ça, mais à fouiller…

Oh ben quand même!!! Le Welles est cité textuellement tout au long du film la composition de certains plans est reproduites, c'est la structure narrative avec un personnage d'enquêteur est les récits des témoins plus ou moins contradictoires! Je me demande même si Rosebud n'est pas pas mentionné à un moment, c'est vraiment une référence explicite autant, voir plus, que Sirk dans Far From Heaven!

Ariane Louis-Seize : Vampire humaniste cherche suicidaire consentant        2023


Ce film est le premier long-métrage de la réalisatrice québécoise Ariane Louis-Seize, c'est chouette, à la fois à cheval entre le coming of age movie (un petit peu) et la comédie romantique/noire et puis il y a aussi une petite vibe horrificomique sans que ce soit de la parodie : ce sont des choses qui dysfonctionnent. Le film met en scène une adolescente (interprétée par Sara Monpetit qui est tout aussi bien que dans Falcon lake) appartenant à une famille de vampires mais dont les canines n'ont pas poussé à cause de la compassion qu'elle a pour le genre humain ; un jour, elle rencontre un adolescent au moment où il s'apprête à se suicider. J'ai trouvé le film assez adroit : tout d'abord, il arrive à aborder le coming of age movie (le rapport au parents, la dépression, le fait d'être un peu perdu, la pression sociale, la découverte de l'amour) sous l'angle de la comédie noire aux accents horrifiques pour finir sur quelque chose de plus romantique, c'est assez chouette et mignon ; j'ai également bien aimé cette idée d'une logique imposée qui dysfonctionne et après un peu de réflexion et d'expérimentation, le personnage principal arrive à se glisser dans sa propre logique. D'un point de vue technique, le film est vraiment réussi : aussi bien du point de vue de la photo que de la mise-en-scène ; les acteurices ne sont pas en reste non plus : tout fonctionne bien.

Parsifal a écrit:

xoph a écrit:

Parsifal a écrit:

Velvet Goldmine […] Velvet il suit un peu trop fidèlement le modèle de Citizen Kane et la comparaison est assez dure pour le film de Haynes...

J'aurais pas fait le rapprochement comme ça, mais à fouiller…

Oh ben quand même!!! Le Welles est cité textuellement tout au long du film la composition de certains plans est reproduites, c'est la structure narrative avec un personnage d'enquêteur est les récits des témoins plus ou moins contradictoires! Je me demande même si Rosebud n'est pas pas mentionné à un moment, c'est vraiment une référence explicite autant, voir plus, que Sirk dans Far From Heaven!

Oui, c'est éclairant.

Naël Marandin : Corps étrangers        2007

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Alors là, je ne sais pas trop quoi penser de ce court-métrage : je ne vois pas où ça veut aller mais à la fois, ça arrive à installer quelque chose, la relation entre les deux personnages est inconfortable — c'est donc que le film n'est pas totalement raté. Il raconte l'histoire d'une jeune femme chinoise ayant quitté la Chine pour Paris ; elle fait du stop en banlieue et est recueillie par un homme qui l'héberge ; ils ne se comprennent pas car il ne parle pas un mot de mandarin et elle ne parle pas un mot de français ; il semble d'abord être content — on comprend rapidement que c'est parce qu'il peut coucher avec elle — puis s'énerve ensuite contre elle pour aucune raison particulière, elle lui répond parfois en mandarin mais c'est très rare ; il finit par la mettre dehors. Il n'y a pas grand-chose à dire car tout est plus ou moins déjà dit dans le film, on ne peut qu'être témoin et ressentir le malaise ; ce court-métrage a été amplifié en un long-métrage intitulé La marcheuse, je me demande si c'est plus intéressant — je l'espère.

Cyril Schäublin : Unrueh        2022

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Je ne connaissais pas du tout ce cinéaste suisse, il s'agit ici de son second long-métrage ; en France, c'est sorti au début de l'année 2023 sous le titre "Désordres" — le titre original signifiant à la fois le balancier d'une horloge mais plus communément signifie intranquille/agité ; c'est pour moi le meilleur film sorti en 2023 en France — parmi tous ceux que j'ai pu voir. Le film se passe à la fin des années 1870 dans un petit village de Suisse ; dans ce village, il y a une usine d'horlogerie, le mode de production capitaliste s'y installe : les contremaîtres et patrons veillent au grain, chronomètrent chaque action des ouvrier(e)s et sont obsédés par la productivité — les ouvrier(e)s débraient afin d'enrayer le processus ; parallèlement, il y a Pierre Kropotkine qui réalise une nouvelle carte de la région notamment en ajoutant les lieux-dits ; ce dernier est membre d'une caisse d'assurance gérée par les anarchistes que va rejoindre une ouvrière de l'usine qui est célibataire et ne peut donc prétendre à l'assurance maladie offerte par l'entreprise.

J'ai trouvé le film d'une intelligence remarquable, aussi bien dans ce qu'il racontait : malgré l'arrivée du capitalisme et sa volonté uniformisante, les policiers du villages sont sans cesse obligés de remettre les horloges du village à l'heure et jamais personne ne peut s'entendre sur une heure (il y a (je crois) quatre heures différentes dans la vie du village : celle de la fabrique, celle de la gare, celle de l'église, celle du village) et à cette hétérogénéité des temps (alors qu'on pourrait penser le temps comme contingent : il y a le temps — ici, la bataille avec les contre-maîtres a même (notamment) lieu sur la définition du temps) répond une hétérogénéité des lieux, qui est toutefois ici moins développée et passe quasi-uniquement par la cartographie.

Le film parle également beaucoup de l'anarchisme (en l'opposant au nationalisme — c'est sans doute l'un des seuls points qui ne m'a pas totalement convaincu dans le film) et notamment de sa capacité à organiser dans ce cas-ci des structures parallèles pour les ouvrier(e)s et à essayer de mettre en place une dynamique internationale ; le film mène jusqu'au bout cette opposition — en fait, voilà, pour être plus exact, je n'ai pas trop compris son obstination particulière sur ce point particulier — notamment avec ces deux scènes de tombola en parallèle à la fin : la fabrique met en place cette tombola pour financer la reconstitution d'une bataille suisse alors que les anarchistes la mettent en place pour contribuer à une caisse de grève ; à la fin des tombolas, les gens participant à la tombola de la fabrique entonnent l'hymne national suisse alors que les anarchistes entonnent le chant "les ouvriers n'ont pas de patrie".

Je n'ai pas encore parlé de la mise-en-scène, elle est remarquable : il y a tout un travail assez peu conventionnel sur les cadres (qui me fait tout de même pas mal penser à celui de Straub et Huillet) qui donne une existence cinématographique à ce rapport de pouvoir (les institutions ou personnages représentant le capitalisme étant souvent au centre du cadre alors que les autres sont souvent en bord de cadre ou ne sont pas surlignés), il y a aussi de chouettes mouvements de caméra ; pour continuer sur les trucs straubhuillettiens, il y a également une égalité de son quasi-totale, ce qui donne une sorte de son ambiant où les ordres du contre-maître se mélangent aux discussions diverses ainsi qu'aux bruits de la nature — enfin, en y repensant, peut-être que les Straub auraient disjoint ça. Ensuite, il y a également quelque chose de très bressonnien dans l'attention toute particulière portée aux gestes, aux mains. C'est vraiment d'une très grande maîtrise et puis il arrive tout de même à tisser un réseau affectif à partir de ces compositions de rapport, ce qui n'est pas rien.

Si j'avais quelques trucs à reprocher à ce film, je lui reprocherais, comme je l'ai déjà dit, son rapport assez binaire entre le nationalisme et l'anarchisme et puis de manière générale, plutôt vers la fin, on sent qu'il veut nous dire que le monde est divisé par ces deux parties et que rien ne dépasse ; mais bon, pour moi, ça reste un très bon et très beau film, assez impressionnant et au-delà de la meilleure sortie française de 2023, je crois que c'est aussi un des meilleurs films que j'ai vus cette année.

Tout ça rappelle fortement la figure de Pierre Kropotkine, et le mouvement anarcho-syndicaliste dans les montagnes du Jura (plus côté Jura français et suisse francophone), autour de 1870-90
Une cinquantaine de pages dans ni dieu ni maître (l'anthologie de l'anarchisme de Daniel Guérin)

xoph a écrit:

Tout ça rappelle fortement la figure de Pierre Kropotkine, et le mouvement anarcho-syndicaliste dans les montagnes du Jura (plus côté Jura français et suisse francophone), autour de 1870-90
Une cinquantaine de pages dans ni dieu ni maître (l'anthologie de l'anarchisme de Daniel Guérin)

Oui, c'est un des personnages du film. 

La Vie est un roman

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