Horatiu Radulescu (1942 - 2008)

Mort le 25 septembre dernier, initiateur de la musique spectrale, un compositeur que je connais très peu et c'est pour cela que j'implore encore une fois la science des membres de ce forum

D'ailleurs globalement je connais mal la musique spectrale, il me semble que Luc Brewaeys (qui parcourt ce forum de temps à autre) se rattache à se courant qui visite les sphères les plus élévées et opaques de l'échelle des harmoniques. Pour en revenir à Radulescu, il apparait comme une des figures les plus importantes en terme de musique contemporaine. Quelqu'un connaitrait-il sa musique plus en profondeur?

Je renvois à ce lien intéressant ;

http://www.rue89.com/droles-de-gammes/2008/09/26/horatiu-radulescu-le-plus-inoui-des-compositeurs-est-mort

Pour ma part j'ai eu l'occasion d'entendre quelques oeuvres de ce compositeur que je ne connaissais pas lors du récent hommage qui lui était rendu au conservatoire de Liège, je n'en attendais pas grand chose et pourtant ca a été l'un des plus grands chocs de ma vie de mélomane! Je pense en particuler à une oeuvre pour Alto solo (dont je ne me rappelle malheureusement plus du nom), qui fut absolument h-a-l-l-u-c-i-n-a-n-t-e , un travail absolument magnifique sur le son de l'instrument, une oeuvre d'une puissance rare, magistralement interprétée qui plus est, des harmoniques et une sonorité d'une autre dimension, beaucoup de poésie et de violence d'une profondeur,.. si cette oeuvre ne passe passe pas dans le répertoire de l'instrument!,.. L'extrait d'une sonate pour piano à la beauté irréelle m'a également frappé. Globalement Radulescu m'a laissé l'impression d'un compositeur qui va au-dela du son et des notes, au dela de la tonalité et de l'atonalité, il y'a quelque chose de réellement cosmique, et pour le coup de réellement universel dans cette musique qui délaisse les formes traditionelles occidentales pour se consacrer à la magnificence hypnotique de la puissance sonore primitive. Franchement je pense ne pas trop me mouiller en disant (malgré le peu que j'en ai entendu!), que Radulescu est un des plus grands compositeurs du XXième siècle.

Tu fais envie en tout cas, je vais essayer d'écouter ça.

Jérome on t'a reconnu!

Ah non non je ne suis pas Jérome!

A moins que Jérôme soit dans la région de Liège...

Non je ne suis qu'un lecteur fantome qui a enfin décidé de s'inscrire.

désolé pour la mauvaise plaisanterie, c'est tout à fait intéressant mais je ne connais pas une note de Radulescu. Effectivement ainsi recommandé on a envie de connaître.

...j’ai écouté les Sonates pour piano nº2, 3 et 4 (1991 / 92 / 93), qui se trouvent, jouées par Ortwin Stürmer, sur ce cd CPO (2004) :



Horaţiu Rădulescu (1942–2008) est peut-être l’initiateur de la musique spectrale, mais évidemment au piano seul c’est plus difficile. Honnêtement, je ne sais pas trop comment décrire ces sonates... C’est très physique... et à la fois méditatif / poétique. Joe a utilisé le mot « cosmique » : c’est vraiment ça ! Il y a beaucoup (énormément) d’ostinatos, parfois (souvent) sur une seule note... Les trois sonates sont sous-titrées par de courts extraits (anglais) du Dao De Jing.
Dans ces conditions, il est difficile de ne pas penser à Scelsi.  

...le mieux est probablement d’aller écouter : /watch?v=4izgfNDN7Nk

Sur le tube, on trouve également le premier mouvement de la nº6, joué par Ian Pace.

Merci !
Vraiment intéressant.
J'adore ce minimalisme monumental, et je ne savais pas que Radulescu y trempait aussi.
La question du charlatanisme plane bien évidemment au-dessus de cette musique, mais avec les oreilles ouvertes et les arrières-pensées en berne c'est très beau, presque frais.
En première impression j'entends des liens avec Ustvolskaya, Tischenko, Jo Kondo... et les inévitables cui-cuis de Messiaen.

J'enchaîne par la découverte du concerto pour piano "The quest".
J'aime bien cette image trouvée en commentaire sur Amazon : Tour à tour hiératique et explosive, comme le rite d''une religion inconnue et indéchiffrable
Un peu prout-prout, j'admets.

jerome a écrit:

En première impression j'entends des liens avec Ustvolskaya, Tischenko, (...) Messiaen.

tiens c’est marrant, je ne l’entendais pas vraiment comme ça ; ’faudra que je pense à réécouter ces trois-là [je connais à peine de nom Jo Kondo] en pensant à Rădulescu, cela pourrait être intéressant... 

Bah je suis influencé dans mes rapprochements par ce que je connais, il y a sûrement plein d'autres liens à faire selon la culture de chacun.
Jo Kondo, tu aimerais sûrement. Chope son disque Hat Hut de musique de chambre

jerome a écrit:

Jo Kondo, tu aimerais sûrement. Chope son disque Hat Hut de musique de chambre

merci pour le conseil (et je vais aller jeter un sérieux coup d’œil à ton fil sur les japonais) ! 

Neos a sorti un coffret de trois disques consacré au piano de Rădulescu, à savoir six sonates, le concerto, et une petite pièce supplémentaire. Était-ce bien nécessaire, je ne sais pas. S’il faut redire un mot sur Rădulescu, c’est une figure importante du spectralisme roumain, mais il est un cas particulier. D’abord parce que sa musique appartient à un type de spectralisme qui n’est pas le plus courant dans les milieux roumains, et que Nemescu appelle « monocorde » et décrit ainsi : « It is about harmonics which are realized through playing on one string of a stringed instrument, using special techniques (such as sul ponticello), that provoke overtones. The performance here is mostly improvised in character; it is also remeniscent of the archaic music performed on ancient instruments (a kind of archaic folklore). This type also starts in Romania, introduced in 1969 by Horatiu Radulescu and Iancu Dumitrescu ». Cela dit, comme d’autres compositeurs roumains — il faudrait éclaircir le rôle de l’émigration roumaine dans le développement du spectralisme en France, mais en tout cas il est sûr que les spectraux roumains ont été entendus à Paris dès la fin des années 60 —, il s’établit en France et est aussi étranger au milieu de l’avantgarde hyperspectrale organisée en Angleterre autour de Iancu Dumitrescu et Ana-Maria Avram. Bref, ce qui est central dans la musique de Rădulescu est notamment l’exploitation systématique des partiels (y compris les plus élevés) d’un seul son de base situé dans l’infragrave, ce qui en fait une musique extrêmement microtonale.

Sauf qu’il s’agit ici de piano, accordé traditionnellement, donc pour jouer le 43e partiel c’est un peu compliqué. Honnêtement je ne peux que répéter la comparaison avec Scelsi (je parle bien du piano de Scelsi), chez qui d’ailleurs l’œuvre pour piano est aussi relativement détachée du reste de son œuvre. C’est une musique totalement hors style, toujours le même genre d’harmonie, lumières froides, qui doit dériver d’une conception spectrale (combinaisons de partiels), mais en fait le résultat c’est surtout une combinaison de consonances simples et de dissonances simples, ce qui avec le caractère improvisé fait naitre les soupçons d’imposture ou de charlatanisme dont parlait déjà Jérôme. Toujours beaucoup de répétitions, d’ostinatos, il y a beaucoup à voir avec le minimalisme, quelques mélodies d’apparence populaire aussi... Personnellement j’ai jamais pu achever une œuvre pour piano de Scelsi excepté la troisième sonate, eh bien ici c’est un peu le même problème, les défauts sont comparables, en fait c’est même assez ressemblant. C’est moins maladroit que les suites de Scelsi, mais vraiment peu consistant quoi, on doit chercher pour trouver un peu de matière musicale... Et bien évidemment c’est tenu par le même sous-texte colonial à base de mysticisme et religion extrême-orientalistes.

Bon voilà. Comme chez Scelsi, les œuvres anciennes (première sonate de 1969 et Omaggio a Domenico Scarlatti de 1967), où l’on sent une influence schönbergienne, sont plutôt coules, mais sinon je ne recommande pas cet album (je ne doute pas qu’il trouvera son publc). J’ai pas (encore ?) réécouté le concerto mais je ne me presse pas.

Une interview très interessante de Radulescu,qui prend plus de sens , maintenant qu'il est mort.

https://www.luceroprint.com/writings/interviews/5-composition-nuages

Astray, pour duo double, op. 50 (1983) Horaţiu Rădulescu , piano [icône du son] Daniel Kientzy, saxophone sopranino, saxophone soprano, saxophone alto, saxophone ténor, saxophone baryton, saxophone basse Astray a été composé pour le Roma Villa Medici Musica Festival où il a été créé en 1984.

Toujours et encore,quel coup de poing dans la figure que cette oeuvre de Radulescu,pour moi,c'est un génie indiscutable, malheureusement trop laissé de côté.C'est incroyable le rendu de cette oeuvre et son  résultat final.On laisse de côté tous nos poncifs, nos habitudes musicales,nos codes et l'on repart à zéro. Gerard Bégni, sur YT, dit qu'il s'est éloigné de l'école spectrale,c'est plus ,pour moi, un éloignement ,c'est carrément une comète différente qu'il a emprunté,on est plus sur le même vaisseau.J'ai toujours soupçonné Radulescu, de vouloir  réécrire toute l'histoire de la musique ou bien de nous faire partir d'autre chose,d'un monde nouveau, ou l'occidental se mêle au monde oriental et même au  monde asiatique pour s'entremêler, avec des symboliques imaginaire ou réelles .Sans tomber dans la facilité, on pense de suite et très vite aux cérémonies boudhistes ,mais ce n'est qu'un détail, ça va beaucoup plus loin.C'est un monde sonore en perpètuelle mutation,qui ne se satisfait de rien, qui avance ,en se renouvelant sans cesse.Tout à l'heure je parlais de comète, mais au fond, je me demande si la musique de Radulescu, n'est pas sortie ,plutôt d'un trou noir pour aussitôt y retourner sans s'occuper vraiment de nous et de nos petits problèmes d'humains.

Pour écouter cette oeuvre
https://www.youtube.com/watch?v=60kJEm_qaIs

Pour l'organisation, ou bien la décomposition de cette musique ,il vaut mieux lire ce qui est écrit sur la pochette ci-dessous.

"La partition se compose de 81 peintures utilisant des symboles de langues anciennes. Ces 81 entités de micro-musique ont été photographiées et projetées sous forme de diapositives pendant la représentation. En plus de son ancien symbole alphabétique, chaque image contient des indications précises pour les deux joueurs : le saxophoniste joue sur six saxophones (basse, baryton, ténor, alto, soprano, sopranino) qui pendent d’un cadre, l’autre joueur se produit sur une icône sonore [un piano à queue posé verticalement sur le côté, avec les cordes jouées en s’inclinant.] Ce duo joue simultanément avec un autre duo identique. Les deux duos exécutent le même score, mais à des vitesses différentes. Le premier duo exécute le score deux fois: lentement au début, plus vite le temps de réussite le deuxième duo effectue la partition une fois au cours de la même période très lentement. Tous les sons notés dans la partition sont exécutés en direct et ne sont pas modulés électroniquement. La cause (source sonore) et l’effet (paramètres sonores) sont rendus méconnaissables par les techniques particulières de production sonore. Dans cet enregistrement studio particulier, les deux duos ont été enregistrés en lecture avec Daniel Kientzy et le compositeur. Pour un concert, 4 à 7 joueurs sont requis (The Sound lcons (3 & 2) nécessitent 5 joueurs); les deux duos sont disposés autour du public. La partition, projetée à partir de diapositives, contribue à l’environnement visuel. --Horaţiu Rădulescu Art par Miriam Aroeste "

Radulescu - Capricorn’s Nostalgic Crickets (Liam Hockley, clarinette)Mis en ligne par le clarinettiste,qui rajoute ce commentaire sur l'oeuvre.
« Capricon’s Nostalgic Crickets » d’Horatiu Radulescu est une œuvre pour sept bois identiques, réalisés ici pour clarinettes (acoustiques et modulées électroniquement) et noise track(s). La partition est un carré fermé sur lequel chaque voix a un point de départ différent, et se déroule comme 96 événements sonores uniques: un « PULSE-TIDE de musique et de SILENCE. »

https://www.youtube.com/watch?v=tr99xrhyBpA

Du nouveau pour moi, sur Radulescu, un site consacré a cet immense compositeur avec la participation active de sa veuve ,violoncelliste, il faut le rappeler et d'autres musiciens.On y suit toute  l'actualité ,sur l'oeuvre de ce compositeur, plutôt assez négligé par la France,question enregistrements, alors qu'il avait choisi la nationalité française.La musique de Radulescu est très exigeante, autant pour les interprètes que pour les auditeurs,elle est tellement forte et radicale qu'elle peut en détourner certains ,mais pour moi elle mérite vraiment le détour .C'est le grand compositeur de l'absolu et du non-compromis de la fin du 20 ème siècle.
Accueil - Horatiu Radulescu

Je pense que cet essai en anglais de Bob Gilmore est un intéressant aperçu sur l’évolution de son œuvre.

https://www.horatiuradulescu.com/writings/liner-notres/15-lao-tzu-sonatas-bg

Mandryka a écrit:

Je pense que cet essai en anglais de Bob Gilmore est un intéressant aperçu sur l’évolution de son œuvre.  

https://www.horatiuradulescu.com/writings/liner-notres/15-lao-tzu-sonatas-bg

Merci à toi Mandryka  de ton apport sur Radulescu,bien que je pense aussi que ce sont  d'abord les enregistrements qui font surtout mieux connaître et avancer l'oeuvre d'un compositeur comme lui.Déjà des enregistrements anciens de lui ,comme Rituels intimes et d'autres ,sont toujours aussi  durs à trouver ou inabordables question prix.Merci à YT surtout ,il faut le dire ou l'on peut trouver des oeuvres entières de Radulescu ,qui peuvent mieux aider à sa compréhension,et sa propagation car c'est loin d'être un compositeur facile d'accès,de premier abord.

Horațiu Rădulescu (1942-2008)
Angolo Divino, pour grand orchestre op. 87 (1993/94)
SWF Sinfonieorchester Baden-Baden
Zsolt Nagy, chef d’orchestre
Première mondiale, 14 octobre 1994, Donaueschinger Musiktage '94

Vraiment une oeuvre impressionnante et qui ne laisse pas indifférent.On a l'impression d'une musique extra-européenne, et qui bouscule nos acquis musicaux,bref une musique venue d'ailleurs.

Pour l'écouter/
www.youtube.com/watch?v=BjyNTkTtCLs

Horaţiu Rădulescu (1942-2008): Pulsations occultes op. 111 (2007)
Impulsions occultes. Music for global sound sources op. 111 (2007)
joué par l’Ansamblul « Hyperion », dirigé par Ana-Maria Avram & Iancu Dumitrescu
enregistrement de la première représentation (Sibiu, 14 septembre 2007)

J'ai toujours rapproché  Scelsi de Radulescu, car tous les deux ,par leur musique ,essaient et réussissent par des chemins différents, à créer une ascèse religieuse, ce qui est l'un des buts de la musique, sinon le plus  primordial et un des plus importants  .Il y a longtemps que je pense que Radulescu, n'est plus un compositeur roumain ou français, mais le porte-voix d'une nouvelle mystique musicale.Tout en partant de musique byzantine ou slavonne ou grecque ou orthodoxe,.Avec le gargouillement incertain et prolongé ,de voix, de formes et de sons ,qui s'entrecroisent.Il crée un nouveau monde ou l'ancien n'a plus vraiment de place.
Chez lui, il n'y a pas d'histoire, de mouvements ou récits, on est pas dans l'anecdote, c'est purement et en permanence ,la recherche d'une spiritualité la plus élevée possible .Tout celà n'empêche pas des relâchements, et des interludes, nul ne peut monter trop haut sans risque assuré,de perte d'équilibre.Il y a même parfois de l'humour chez lui.La musique de Radulescu, ne peut que décevoir la plupart des auditeurs, elle est bien trop sérieuse et bien loin de la facilité habituelle ,de ce qu'on entend couramment.D'ailleurs Radulescu, ne cherche pas à plaire, il sait que ceux qui viendront à lui, auront fait le chemin habituel  inverse .Qu'il n'y a aucune gloriole ,ni remplissage , dans cette musique qui peut paraître austère, mais qui est pleine de joie et de pulsions et pour finir d'émotions.Ces quelques lignes, sans prétention, ne concernent pas spécialement ,l'oeuvre ci-dessus, mais la musique de Radulescu en général.
Pour en revenir à Pulsations occultes op. 111 (2007),c'est l'une de ses dernières oeuvres.

Pour l'écouter/
www.youtube.com/watch?v=mzgMEkKJ7Bw
PS/Merci à Thorsten Gubatz,d'avoir mis cet enregistrement privé, à la portée de grand public.

Horațiu Rădulescu - Streichquartett Nr. 4, Opus 33 (Quatuor à cordes Arditti)
Une fois ,qu'on est rentré dans le monde musical de Radulescu,et de son univers particulier, une fois qu'on connaît, les codes et les aboutissants, c'est assez facile de suivre sa musique, même jouissif.
Pour l'écouter/
www.youtube.com/watch?v=EW_lev93UAc

Horaţiu Rădulescu - The Quest (w/ score) (for piano and orchestra) (1996)
Concerto pour Piano The Quest, OP. 90 Import Horatiu Radulescu (Compositeur), Piano – Ortwin Stürmer / Lothar Zagrosek ,dir

Comme je l'ai déjà dit plus haut, Radulescu déconstruit toutes les formes ,pour en créer d'autres à lui, personnelles. Ou ,tout le monde voit un concerto pour piano,avec orchestre, lui, en voit d'abord le fond et l'usage qu'il peut en faire,puis ensuite la forme.Le fond, il s'en sert pour poser une grande question The Quest,(La quête)c'est d'abord ça ,qui l'interesse, il se sert de la forme simplement pour accèder à plus de lumière ,plus de diversité et de recherches sur le son,lui-même.Là ,ou ceux qui s'attendent à un concerto pour piano, avec tout le toutim.Il nous sert lui, une oeuvre mystèrieuse, inquiètante ,qui rabâche sans cesse le même thème,et qui nous pose, comme une énigme à déchiffrer .Inutile de dire que c'est un quiproquo, qui dure et qui fait ,que ce concerto pour piano, n'a pas le succès qu'il mérite vraiment.Mais c'est justement là pourtant , qu'est le meilleur de sa musique.

Horatiu Radulescu - Before The Universe Was Born (w/ score) (for string quartet) (1993)op 89 - 5th string quartet / Asasello Quartett
Je me méfie toujours un peu des titres ,même avec Radulescu. La musique ,c'est un peu,comme certains tableaux, ça peut avoir différents sens,suivant le jour, l'heure, le temps, l'humeur et la saison.Mais ça reste un petit chef-d'oeuvre ce 5ème quatuor de Radulescu,sûrement le compositeur, envers lequel, j'ai le plus de respect.
Pour l'écouter/
www.youtube.com/watch?v=K1YK3ah4nAA

Un hommage qui reste toujours et de plus en plus d'actualité pour moi.
Par Nathalie_krafft·
Mis à jour le Mis à jour le 01 octobre 2008 à 11h03

Le compositeur franco-roumain Horatiu Radulescu est décédé dans la nuit du 25 septembre à Paris. Sa disparition va laisser un grand vide : ses œuvres, défi permanent à l’imagination, étaient de celles qu’on n’oublie jamais.

Il dérangeait. Aussi bien par son caractère que par sa musique, les deux sans compromis possibles. D’une vive intelligence, d’une culture universelle et d’une drôlerie caustique, Horatiu Radulescu ne supportait pas la médiocrité, et il le disait. Autant dire qu’il était banni des cercles bien huilés de la musique contemporaine, aux mains des courtisans en quête de prébendes.

Si sa musique, jouée dans le monde entier par ceux qui avaient compris sa grandeur, dérangeait, notamment en France, c’est qu’elle était écrite dans une langue étrangère, pour reprendre la définition de la nature du chef d’œuvre par Marcel Proust. Une langue étrangère, qui avec le temps, devient la langue commune.

Soupçonné de musique impérialiste...

Horatiu Radulescu, né en Roumanie le 7 janvier 1942, vient vivre à Paris en 1969. Il ne retournera dans son pays natal qu’après une absence de vingt trois ans :

« J’avais complètement oublié comment était la Roumanie que je portais dans mon âme, nous a-t-il confié. J’avais dédié beaucoup de mes musiques à une Roumanie virtuelle et sublimée. »
Très doué en mathématiques, il se consacre finalement à la musique et il est formé au conservatoire de Bucarest par trois grands professeurs, Tiberiu Olah, Stefan Niculescu et Aurel Stroë. Déjà, il dérange :

« J’avais écrit pour l’examen d’Etat une symphonie pour un dieu polynésien qui a créé le monde. Cela n’a pas du tout plu aux professeurs, pour qui j’avais composé une musique impérialiste... »
Avant, il avait étudié le violon avec Nina Alexandrescu, qui avait été élève de Georges Enesco et de Jacques Thibaud à Paris. Mais si c’est elle qui lui a « transmis le vrai microbe », pour reprendre son expression, l’instrument ne convient pas à Radulescu. Il sera compositeur.

L’horreur des étiquettes

Dans les années 70, il suit les cours de Cage, Ligeti, Stockhausen et Xenakis à Darmstadt et de Kagel à Cologne. De tous ces compositeurs, c’est certainement de Xenakis qu’il se sent le plus proche, exilé éternel comme lui, et aussi de Stockhausen, par sa manière de toucher au cosmos.

Ses œuvres, qui portent des noms très choisis et mystérieux - « Being and non being create each other » (deuxième sonate pour piano), « Angolo divino » (pièce pour orchestre), « Sensual sky » (pour musique de chambre), « Byzantine prayer » (pour quarante flûtistes)- appartiennent à la musique dite spectrale, même si Horatiu Radulescu détestait les étiquettes :

« La musique est la musique. Le reste est technique, secret de fabrication. On ne sait avec combien de dioxyde de carbone ou d’azote Dieu fabrique les nuages, mais ils sont beaux. »
L’homme qui adorait la beauté

'Hanging Apricot' (Alexander Calder).
’Hanging Apricot’ (Alexander Calder).
Pourtant, c’est lui qui, en 1969, invente la théorie de la musique spectrale qu’il définit comme « une synthèse des Byzantins, des Hindous, des sons lui-même, de la nature » :

« J’avais remarqué que les échelles du son ne sont pas équidistantes comme sur le piano, mais qu’elles sont logarythmiques, donc de plus en plus tassées vers l’aigu. “Avec ces éléments non équidistants, on peut créer de nouvelles harmonies, de nouvelles polyphonies, de nouvelles homophonies, de nouvelles hétérophonies. ”
Poète (il a écrit près d’une centaine de poèmes), peintre aussi, sa créativité était inépuisable et son catalogue musical est riche de cent trois opus. Il disait volontiers qu’il était “ en inspiration continue. Les idées géniales peuvent venir d’un coucher de soleil, d’une nuit étoilée... J’adore la beauté. ”

Ainsi, “Hanging Apricot”, oeuvre d’Alexander Calder, a inspiré à Radulescu son hommage au sculpteur : Inner Time II,

Un monument de la création

Pour le compositeur Eric Tanguy, qui a été son élève de 17 ans à 20 ans, la perte est immense :

“ Pour moi, il est l’égal de Bach et de Beethoven. Il est le plus grand inventeur de formes, d’harmonies et de sons depuis des décennies. C’est un monument de la création, et il a été un professeur génial. ‘C’était un enseignement à l’ancienne, comme dans les ateliers de peinture du temps de Leonard de Vinci. L’apprentissage se faisait chaque jour, c’était une immersion totale. J’ai passé quatre années entièrement avec lui. Aujourd’hui, je me sens orphelin. ’
Pour ceux qui ne connaissent pas la musique d’Horatiu Radulescu, Eric Tanguy recommande son ‘Concerto pour piano’ (1 CD CPO) et son dernier disque, ‘Intimate Rituals’, dont nous vous faisons découvrir l’Agnus Dei, une œuvre pour deux altos.

Beethoven était le compositeur dont Radulescu se sentait le plus proche. Pour lui, les 12e et 14e quatuors à cordes, les Variations Diabelli et la sonate pour piano ‘ Hammerklavier ’ étaient des sommets de l’humanité, ‘ l’Himalaya de notre psyché. ’

Quant à lui, il pensait devoir sa propre psyché de compositeur à l’humanité toute entière : ‘ Aux philosophes, aux peintres, au bordeaux, aux cigares !

Nathalie_krafft (Merci à elle)