Strauss - Salomé (2)

À part l'orchestre et le chef (qui y a succédé à Paavo Järvi en en conservant les qualités), ce n'est pas terriblement avenant (hors Bruns, mais Narraboth, ça fait peu). Rien d'alarmant non plus, mais bon, Magee en Salome, déjà, c'est pas une promesse de timbre délirant ni de sensualité insoutenable…

J'écoutais justement Keilberth 48 ce matin (pas celui de 51 avec Borkh-Lorenz-Hotter, beaucoup plus lumineux, avec les bois très mis en valeur par la captation), vraiment superbe lecture emportée, un son d'orchestre très noir ; on n'a évidemment pas le détail orchestral dont on peut disposer depuis, mais c'est très convaincant, et une bien belle distribution qui vaut cette de 51 : Goltz-Aldenhoff-Herrman.

• Birgit Nilsson (Salome), Gerhard Solze (Herodes), Grace Hoffman (Herodias), Eberhard Wächter (Jochanaan), Waldemar Kmentt (Narraboth), Josephine Veasey (Der Page), Liselotte Maikl (Ein Sklave), Paul Kuen (1. Jude), Tom Krause (1. Nazarener), ... Sir Georg Solti / Wiener Philharmoniker
Vienne, X.1961
Decca

Nouvelle tentative pour Salome. Vraiment une bonne version. J’ai beaucoup aimé l’orchestre de Solti: tout en offrant des timbres et des textures d’une richesse inouïe, il conserve quelque chose de très directionnel et rigoureux - ce n’est ni les nappes vénéneuses de Karajan, ni le bombast qu’on peut parfois reprocher à Solti.

Côté distribution, j’ai beaucoup aimé le Jochanaan de Wächter (mais j’aime toujours beaucoup Wächter): direct et vaillant, avec un beau timbre presque ténorisant. Birgit Nilsson fait des efforts méritoires, ici: elle allège (un peu), elle arrondit (beaucoup), elle prononce (pas trop, trop mal) - ce n’est pas bouleversant, mais bien mieux que ce que je redoutais. Stolze est bien, mais comme toujours un peu inhibé vocalement en studio; Grace Hoffman et Kmentt sont très bien (voix et caractétisation); la figuration intéressante aussi (le Nazaréen de Krause!)

Du coup avec cette version plus percutante que voluptueuse, je suis un peu réconcilié avec l’œuvre; mais je continue quand même à trouver ça bien bavard dans le paroxystique... (Dire que c’était peut-être mon opéra préféré quand j’avais 17 ans...)

Ah, si, et puis quand même, j’allais oublier l’essentiel: la jolie pochette © ! Tout le monde la connaît, bien sûr, mais celle-là, elle est vraiment collector...

Spoiler:

On dirait une chanteuse de métal symphonique genre Nightwish ou Within Temptation.

Si tu parles de l'aspect visuel, c'est vraiment pas gentil.... pour Tarja Turunen et Sharon den Adel

Découverte de la version Böhm 70 avec Jones dans le rôle titre... et j'ai pris une belle petite claque!
Pour l'orchestre déjà magnifique de Böhm... mais bon, c'est toujours splendide ce qu'il fait chez Strauss je trouve. A la fois violent et délicat...
Et puis Jones qui crève l'écran! Le charisme vocal est saisissant. Bien sûr, il y a quelques imperfections, mais elle est une Salomé assez complète, hypnotisante...
Face à elle, DFD est droit comme la justice, froid comme les pierres... j'adore cet affrontement entre la folie de l'une et la rudesse de l'autre!
Très bel entourage aussi...

Miam!!

Jones est quand même très particulière : très libidineuse, oui, mais pas forcément voluptueuse (le côté jeune fille, on n'y est vraiment pas ). Mais si on arrive à passer outre (un peu difficile pour moi, la voix est vraiment plutôt moche), on tient une version incroyable, avec Böhm dans les années où il est complètement transfiguré (quel contraste avec ses Strauss corsetés des années 30-50 !), Fischer-Dieskau effectivement très déstabilisant avec son Jokhanaan limpide et éloquent, inflexible mais sans violence…

Une des grandes versions singulières de la discographie.

DavidLeMarrec a écrit:

Jones est quand même très particulière : très libidineuse, oui, mais pas forcément voluptueuse (le côté jeune fille, on n'y est vraiment pas ).

Jeune fille non... mais bon, elles sont rares... et il y a une sorte de séduction malsaine qui passe je trouve...

Citation :

Mais si on arrive à passer outre (un peu difficile pour moi, la voix est vraiment plutôt moche), on tient une version incroyable, avec Böhm dans les années où il est complètement transfiguré (quel contraste avec ses Strauss corsetés des années 30-50 !), Fischer-Dieskau effectivement très déstabilisant avec son Jokhanaan limpide et éloquent, inflexible mais sans violence…

Une des grandes versions singulières de la discographie.

Oui! J'ai été assez impressionné... Et en plus, je ne trouve pas la voix de Jones si moche que ça!

Polyeucte a écrit:

Jeune fille non... mais bon, elles sont rares...

Il y en a quand même quelques-unes, de Welitsch à Nylund, en passant par Studer. Mais quand je dis jeune fille, au moins jeune femme façon Behrens ; là on a plutôt droit à la mère du Salon Cramoisi…

Citation :

et il y a une sorte de séduction malsaine qui passe je trouve...

Tout à fait ; pas aussi irrésistible que dans sa Färberin avec Dohnányi (qui, vraiment, ruisselle de promesses inassouvies), mais il y a clairement un magnétisme particulier dans cette Salomé.

La beauté du timbre, c'est subjectif, j'ai toujours trouvé celle de Jones moche (sauf au tout début, avec le Trouvère londonien), ça dépend de chaque sensibilité bien sûr – mais disons que ce n'est pas ce qui concorde le mieux avec l'image de la beauté juvénile, pour la plupart des gens.

DavidLeMarrec a écrit:

Il y en a quand même quelques-unes, de Welitsch à Nylund, en passant par Studer. Mais quand je dis jeune fille, au moins jeune femme façon Behrens ; là on a plutôt droit à la mère du Salon Cramoisi…

Oui... mais justement. Nylund à Bastille m'avait ennuyé... et Studer je ne suis pas fan de sa Salomé. J'aime bien les monstres en Salomé (Rysanek par exemple! )

Citation :

Tout à fait ; pas aussi irrésistible que dans sa Färberin avec Dohnányi (qui, vraiment, ruisselle de promesses inassouvies), mais il y a clairement un magnétisme particulier dans cette Salomé.

La beauté du timbre, c'est subjectif, j'ai toujours trouvé celle de Jones moche (sauf au tout début, avec le Trouvère londonien), ça dépend de chaque sensibilité bien sûr – mais disons que ce n'est pas ce qui concorde le mieux avec l'image de la beauté juvénile, pour la plupart des gens.

Voilà, magnétisme... ce timbre me parle immédiatement. Idem pour sa Brünnhilde. Malgré les limites, son immolation à Bayreuth me fait toujours avoir des frissons tant il se passe quelque chose au niveau du timbre et de l'implication.

Et dans le genre jeune fille, il faut écouter Nielsen dans la version Schonwandt.

Polyeucte a écrit:

Oui... mais justement. Nylund à Bastille m'avait ennuyé... et Studer je ne suis pas fan de sa Salomé.

Hé bien.

Salut à tous !

Je viens vous demander un conseil assez pointu pour cet opéra que j'aime beaucoup.
Après les extraits de Borkh/Reiner, puis Karajan et Reiner 1952 je souhaiterais découvrir l'enregistrement de Clemens Krauss avec Cebotari en 1947.

Savez vous où le trouver et quelle édition est préférable d'un point de vue restitution sonore ? Je ne trouve qu'un sombre éditeur inconnu ça me fait un peu peur

Merci à tous !

Gebhardt, comme pour le Parsifal de R. Kraus, c'est très bien côté son.

En revanche, si tu ne le sais pas déjà, l'immense Höngen est aphone ce soir-là et elle dit le texte d'Hérodiade. (Non, ce n'est pas une exagération de glottophile, elle parle vraiment, ce qui pose tout le tas de problèmes rythmiques que tu peux imaginer sur la durée des notes !)

Merci beaucoup pour vos avis

Je voulais m'orienter vers Cebotari car j'en ai lu beaucoup de bien et que j'aime beaucoup Clemens Krauss, mais si effectivement il faut se coltiner une chanteuse aphone... l'idée ne me séduit pas beaucoup

Alors oui pourquoi pas l'enregistrement Decca de 1954.. Je vais voir.

Dans l'attente j'ai commandé un enregistrement de Keilberth chez Orfeo, avec Borkh, Hotter, Lorenz... Que du beau monde je ne sais pas à quel point cette soirée est réussie mais pour 3 euros je ne prends pas un grand risque

jpwol a écrit:

Dans l'attente j'ai commandé un enregistrement de Keilberth chez Orfeo, avec Borkh, Hotter, Lorenz... Que du beau monde je ne sais pas à quel point cette soirée est réussie mais pour 3 euros je ne prends pas un grand risque

C'est splendide!! Et si tu as l'enregistrement Orfeo, la qualité est vraiment bonne pour 1951 (si je me souviens bien de la date!)

Polyeucte a écrit:

jpwol a écrit:

Dans l'attente j'ai commandé un enregistrement de Keilberth chez Orfeo, avec Borkh, Hotter, Lorenz... Que du beau monde je ne sais pas à quel point cette soirée est réussie mais pour 3 euros je ne prends pas un grand risque

C'est splendide!! Et si tu as l'enregistrement Orfeo, la qualité est vraiment bonne pour 1951 (si je me souviens bien de la date!)

Vu la distribution et l'édition, effectivement je me suis dit que ce n'était pas un grand risque. Je connais mal Keilberth (juste de larges extraits du Ring de 1955, mais je n'avais pas aimé le mélange direction sans construction/prise de son dure/orchestre ingrat); j'imagine qu'il doit quand même faire de belles soirées !
Je crois qu'il reste un ou des exemplaires au même tarif.. Ce qui est assez rare chez Orfeo.

jpwol a écrit:

Vu la distribution et l'édition, effectivement je me suis dit que ce n'était pas un grand risque. Je connais mal Keilberth (juste de larges extraits du Ring de 1955, mais je n'avais pas aimé le mélange direction sans construction/prise de son dure/orchestre ingrat); j'imagine qu'il doit quand même faire de belles soirées !
Je crois qu'il reste un ou des exemplaires au même tarif.. Ce qui est assez rare chez Orfeo.

Ce qu'il fait ici est hyper détaillé dans mon souvenir, et pour une fois on a pas de braillard dans le rôle de Hérode... Borkh ça reste assez charpenté mais on est loin de Nilsson par exemple! Et Hotter et tout du prophète!
Perso, c'est sans doute la version où je reviens le plus souvent!

jpwol a écrit:

Keilberth (juste de larges extraits du Ring de 1955, mais je n'avais pas aimé le mélange direction sans construction/prise de son dure/orchestre ingrat)

[HS] Excellente description de ce Ring : on s'y croirait (heureusement il y a les chanteurs, mais même eux ne sont jamais dans leur meilleur jour... ) [/HS]

jpwol a écrit:

Merci beaucoup pour vos avis

Je voulais m'orienter vers Cebotari car j'en ai lu beaucoup de bien et que j'aime beaucoup Clemens Krauss, mais si effectivement il faut se coltiner une chanteuse aphone... l'idée ne me séduit pas beaucoup

Alors oui pourquoi pas l'enregistrement Decca de 1954.. Je vais voir.

Dans l'attente j'ai commandé un enregistrement de Keilberth chez Orfeo, avec Borkh, Hotter, Lorenz... Que du beau monde je ne sais pas à quel point cette soirée est réussie mais pour 3 euros je ne prends pas un grand risque

C'est très très bien (superbes bois très audibles, en particulier), avec une petite réserve pour le côté ogresque de Borkh, très convaincante, mais le texte est peu audible. Sinon, avec ce plateau, c'est un feu d'artifice, et l'on entend vraiment bien l'orchestre pour une captation de cette période !

Le Krauss de 54 me paraît moins marquant que la soirée de Covent Garden, mais c'est sûr que c'est plus propre.

R.Strauss - Salomé



Grand moment, quel noirceur dans cet opéra !

De ce que j'avais lu par ci par là je m'attendais à quelque chose de plutôt capiteux/sensuel, il y a de ça bien sûr (l'orchestration luxuriante, la danse des 7 voiles) mais c'est vraiment la folie qui l'emporte : dès le départ, les exigences de Salomé et l'attitude des hommes (Narraboth et Hérode) rendent l'atmosphère glaçante puis petit à petit on bascule dans la démence pure jusqu'à ce monologue hallucinant de Salomé dans le final. J'ai adoré.

Concernant la version je l'ai trouvé très bien mais encore une fois pas de point de comparaison c'était ma première écoute : Cheryl Studer m'a captivé d'un bout à l'autre, le reste de la distribution m'a moins marqué. Musicalement j'ai trouvé ça somptueux, aussi bien dans la débauche de certains passages que dans les effets dramatiques du final par exemple.

Pleinement convaincu, j'y reviendrai !

Oh oui, quelle merveille ! (somptueuse version aussi, ma chouchoute, effectivement Cheryl Studer réussit tous les aspects interprétatifs / vocaux du personnage)

Il y en a d'autres où tu entendras mieux l'orchestre (Solti !) ou, dans un luxe plus cordé, Karajan.