LA BELLE AU BOIS DORMANT Noureev - Bastille XII / 13

Chorégraphie : Noureev d'après Marius Petipa
 Scénographie : Ezio Frigerio

  Direction musicale : Faycal Karoui

  Princesse Aurore : Myriam Ould - Braham
  Prince Désiré : Mathias Heyman
  L'Oiseau bleu : Allister Madin

 Représentation du 31 décembre : une soirée magique !

 On ne dira jamais assez combien l'ONP a été inspiré de confier à Noureev la résurrection des grands ballets russes impériaux, et combien cette "Belle" est l'apothéose de cette démarche : on est en permanence dans un univers féerique : beauté, grandeur, poésie, tout y est. Ce ballet, très long, sollicite énormément les danseurs, et il suscite chez certains d'entre eux une certaine réticence - mais cette chorégraphie est aussi l'opportunité de briller pour de jeunes danseurs - je n'ai cité que l'Oiseau bleu, mais le ballet recèle un grand nombre de numéros que la troupe réalise avec un brio époustouflant.
Lors de cette soirée, je n'ai pas vu les vedettes de cette série : Eleonora Abbagnato et Matthieu Ganio - mais c'était sans importance tellement ce qui était donné à voir était exemplaire de virtuosité, mais surtout de poésie.

Il y a encore une représentation ce soir, courrez-y si vous trouvez une place, le 31 c'était absolument complet.

Brigitte Lefèvre transmet à son successeur une troupe que j'estime être au plus haut niveau mondial : la maintenir  à ce niveau et poursuivre son enrichissement, tant sur le plan de sa composition que de son répertoire sera un immense défi pour Benjamin Millepied.

 Montfort

Il y a eu quelques échanges dans un autre fil :

Mélomaniac a écrit:

 Au cas où David, rentrant de concert

DavidLeMarrec a écrit:

On m'épie !

Ils m'ont sucré le bon roi Henri à la fin, et personne ne m'avait prévenu !  J'ai même attendu patiemment, croyant qu'ils en feraient un bis, et puis voilà que les souffleurs sortent leurs chiffrons, et que la petite troupe sort... remboursez !

Mélomaniac a écrit:

 Toi t'as été voir La Belle au bois dormant à Bastille.

  Veinard.

DavidLeMarrec a écrit:

Par ailleurs, je n'aurais pas été contre un peu de Regieballett, mais on n'a pas vraiment le choix si on veut entendre du Tchaïkovski...

Mélomaniac a écrit:

 

DavidLeMarrec a écrit:

Oui, je suis d'accord, Noureïev, c'est un peu lourd – j'avais bien plus aimé la version Petipa-Jude, plus épurée, moins confite.

WoO a écrit:

Pas d'Apothéose !!!  mais en quel honneur ?
On a joué la Marseillaise à la place ?

DavidLeMarrec a écrit:

Mais non, rien du tout... après la Coda des solistes et le Final du corps de ballet, tout le monde applaudit généreusement, le rideau baisse... et je reste planté là.

Franchement, c'est au point que si on me l'avait dit, j'aurais vendu ma place... Parce que c'est quand même ce qui clôt l'ensemble avec charme, qui fait écho à tous les archaïsmes précédents... et puis c'est toujours un enchantement d'entendre ce thème bien orchestré.

Bref, pas content.

Le pire, c'est que j'ai lu plein de critiques, où ça parle de ronds de jambes avec grande prodigalité... mais rien sur la mutilation de la partition.

J'ai tout de suite fait des recherches pour voir s'il existait plusieurs états de la partition, mais je n'en trouve pas trace... Manifestement, la version Noureïev, à Paris ou ailleurs, la supprime. Pourtant je suis assez persuadé que la dernière fois que j'ai vu le ballet, il y a une dizaine d'années avec Petipa révisé par Jude, il y avait bien l'Apothéose...

Montfort a écrit:

  Princesse Aurore : Myriam Ould - Braham
  Prince Désiré : Mathias Heyman
  L'Oiseau bleu : Allister Madin

Tiens, tu vas pouvoir m'expliquer pourquoi l'Oiseau Bleu est autant applaudi, ça m'a l'air d'une sorte de tradition – alors qu'il ne danse pas plus ni plus difficile que les autres.

Citation :

beauté, grandeur, poésie, tout y est.

J'avoue qu'on est un peu trop dans le décoratif pour que j'y trouve une émotion poétique, mais dans son genre pâtisserie statique, c'est vrai que c'est impressionnant.

Il est vrai que théâtralement, il n'y a pas beaucoup de matière, mais on ne peut pas dire que Noureïev cherche à le compenser...

Citation :

Lors de cette soirée, je n'ai pas vu les vedettes de cette série : Eleonora Abbagnato et Matthieu Ganio - mais c'était sans importance tellement ce qui était donné à voir était exemplaire de virtuosité, mais surtout de poésie.

Abbagnato a de toute façon été vitrifiée par les balletomanes (qui valent bien les glottophiles), je gage que beaucoup l'auraient échangée avec adulation contre Ould-Braham.

Pour ma part, j'avais deux invités : Svetlana Zakharova et David Hallberg.

D'accord avec toi sur le niveau de la troupe : la précision des ensembles est hallucinante. J'avais été frappé, à mes début au ballet (c'était à Bordeaux), par les écarts assez importants (jusqu'au cinquième de tour, sur une pirouette) entre les danseurs. Ici, tous les angles des bras sont identiques et parfaitement synchronisés, assez incroyable. La discipline individuelle et collective force vraiment l'admiration.


Sinon, musicalement, une fois de plus, c'était bien mou... ça donne vraiment l'impression que les musiciens n'en ont rien à cirer, alors qu'ils jouent régulièrement avec engagement des musiques bien plus rudimentaires pour l'opéra...

Mais je ne veux pas avoir l'air de râler, c'est un spectacle très sympa... mais qui ne flatte pas vraiment ce qui me plaît dans l'œuvre.

@ David

Je ne sais pas comment tu peux qualifier ce spectacle de "statique" ???!!!
Pour l'Oiseau, c'est en effet bref, mais frappant, un peu comme l'Idole dorée dans la Bayadère - mais oui, il y a dans ce ballet une multitude d'autres moments qui permettent à d'autres seconds rôles de briller.
L'orchestre pas terrible : c'est malheureusement souvent le cas pour les ballets - en outre j'étais affligé d'une voisine qui se prenait à fredonner certains passages !!
Enfin évidemment d'autres conceptions chorégraphiques de cette oeuvre sont possibles - c'est un sujet pour Millepied, mais pour autant ce serait dommage de faire disparaître celle-là.

  Montfort

Je trouve quand même ça étonnant pour l'orchestre : ce n'est pas du Minkus ou du Donzetti, il y a vraiment de belles parties à jouer pour les musiciens...

Montfort a écrit:

Je ne sais pas comment tu peux qualifier ce spectacle de "statique" ???!!!

Les solos entourés par le corps de ballet selon trois côtés d'un carré, ce n'est quand même pas le comble de la direction d'acteurs. Oui, c'est du ballet à numéros, dans le grand espace de Bastille, ça se voyait davantage que sur une scène plus serrée (où l'on est plutôt en arc de cercle).

J'admets que le problème vient avant tout de moi : ce que j'aime dans le ballet comme dans l'opéra, ce sont les « récitatifs », les moments expressifs sans virtuosité, les petites scènes qui relient les grands numéros. Or, ici, et c'est accentué par la chorégraphie de Noureïev, on est vraiment au paroxysme du ballet sans intrigue – pour un ballet-pantomime, il se passe en fait beaucoup moins de choses que dans un ballet de cour !  Et cela passe par ces suites de numéros... qui n'ont même pas de sens symbolique. De la danse pure, sans signifié. Or, même dans du Donizetti, les airs ont quand même un lien avec l'intrigue ; même dans les tragédies en musique, les divertissements colorent le contexte (par empathie ou par contraste). Mais là, non, je ne vois tout simplement aucun rapport, la plupart du temps.

Dans ce goût-là, il est possible que Noureïev soit meilleur qu'un autre (mais je suis davantage convaincu par le Petipa d'origine, moins brillant).

Citation :

Pour l'Oiseau, c'est en effet bref, mais frappant

Pas particulièrement pour moi, mais surtout, pourquoi lui plutôt que le Chat Botté ou qu'un autre ?

Citation :

Enfin évidemment d'autres conceptions chorégraphiques de cette oeuvre sont possibles

Oui, mais on ne les voit jamais. En règle générale, les ballets avant 1900 sont toujours joués dans les mêmes chorégraphies et avec la même esthétique très Second Empire. Le ballet classique en est largement où en était l'opéra dans la première moitié du XXe.

DavidLeMarrec a écrit:

Je trouve quand même ça étonnant pour l'orchestre : ce n'est pas du Minkus ou du Donzetti, il y a vraiment de belles parties à jouer pour les musiciens...

Montfort a écrit:

Je ne sais pas comment tu peux qualifier ce spectacle de "statique" ???!!!

Les solos entourés par le corps de ballet selon trois côtés d'un carré, ce n'est quand même pas le comble de la direction d'acteurs. Oui, c'est du ballet à numéros, dans le grand espace de Bastille, ça se voyait davantage que sur une scène plus serrée (où l'on est plutôt en arc de cercle).

J'admets que le problème vient avant tout de moi : ce que j'aime dans le ballet comme dans l'opéra, ce sont les « récitatifs », les moments expressifs sans virtuosité, les petites scènes qui relient les grands numéros. Or, ici, et c'est accentué par la chorégraphie de Noureïev, on est vraiment au paroxysme du ballet sans intrigue – pour un ballet-pantomime, il se passe en fait beaucoup moins de choses que dans un ballet de cour !  Et cela passe par ces suites de numéros... qui n'ont même pas de sens symbolique. De la danse pure, sans signifié. Or, même dans du Donizetti, les airs ont quand même un lien avec l'intrigue ; même dans les tragédies en musique, les divertissements colorent le contexte (par empathie ou par contraste). Mais là, non, je ne vois tout simplement aucun rapport, la plupart du temps.

Dans ce goût-là, il est possible que Noureïev soit meilleur qu'un autre (mais je suis davantage convaincu par le Petipa d'origine, moins brillant).

Citation :

Pour l'Oiseau, c'est en effet bref, mais frappant

Pas particulièrement pour moi, mais surtout, pourquoi lui plutôt que le Chat Botté ou qu'un autre ?

Citation :

Enfin évidemment d'autres conceptions chorégraphiques de cette oeuvre sont possibles

Oui, mais on ne les voit jamais. En règle générale, les ballets avant 1900 sont toujours joués dans les mêmes chorégraphies et avec la même esthétique très Second Empire. Le ballet classique en est largement où en était l'opéra dans la première moitié du XXe.

Le Chat botté est drôle, mais nettement moins virtuose....

M

Il y a sans doute un lien avec le fait que je sois toujours plus enthousiasmé par « Nuit et jour je me mets en quatre » que par « Les oiseaux dans la charmille ».

Je ne sais pas ce que tu appelles "l'esthétique second empire" - ce qu'a fait Noureev s'inspire d'une tradition mais ça reste aussi une création originale : je doute qu'on soit en mesure de reproduire à l'identique la chorégraphie de Petipa au Mariinski en 1890.
Au delà est-ce qu'il existe des versions contemporaines de ce ballet : je l'ignore - dans l'affirmative, que devient l'argument ? Ou faut-il s'en abstraire - sur le principe cela ne me choque pas, mais je doute que la musique puisse engendrer quelque chose de puissant...
Le Sacre est le contre-exemple : cette musique a stimulé la créativité des chorégraphes - pas sur que celle de Tchaïkovski puisse aboutir à un résultat similaire...

Montfort

Montfort a écrit:

Je ne sais pas ce que tu appelles "l'esthétique second empire"

La choucroute : Viollet-le-Duc (que je révère au demeurant, mais pas pour ses talents de décorateur), Garnier... C'est quand même très Chantilly (à tous les sens du terme).

Citation :

dans l'affirmative, que devient l'argument ? Ou faut-il s'en abstraire - sur le principe cela ne me choque pas, mais je doute que la musique puisse engendrer quelque chose de puissant...

Non, bien sûr, ça reste une suite de danses. Mais les danses pourraient être davantages reliées à une progression de l'argument (ça ne représente qu'une poignée de lignes chez Perrault !), on pourrait avoir de petites actions en arrière-plan.

Je suis d'accord, hein : ce serait tordre le genre vers ce qu'il n'est pas. Mais ça enrichirait sans nuire aux autres aspects.

Citation :

Le Sacre est le contre-exemple : cette musique a stimulé la créativité des chorégraphes - pas sur que celle de Tchaïkovski puisse aboutir à un résultat similaire...

C'est-à-dire que les ballets postérieurs à 1900 sont moins construits en suite de danses de caractère, donc on peut beaucoup plus facilement construire une narration dessus. Pareil pour le Roméo de Prokofiev, où on a des lectures assez différentes dans le cadre du ballet classique.

Voilà :

 http://www.altamusica.com/chroniques/index.php?action=MoreDocument&DocRef=5364&DossierRef=4921

  Peut être "second empire ??!!" mais tellement sublime.
  Et l'auteur de l'article met bien en relief le niveau exceptionnel de la troupe, puisqu'on y trouve des danseurs - pas encore étoile - capables de danser à la perfection les premiers rôles...

   Montfort