Les plus belles formations de quatuor en activité

Je ne crois pas qu'il existe de tel fil, et pourtant, c'est un sujet où il y aurait de quoi partager des merveilles.

Pour éviter de se retrouver avec des listes de références essentiellement discographiques et archicélèbres, je propose de spécialiser le fil aux quatuors en activité, et d'en ouvrir un autre, le cas échéant, pour les autres.

--

J'ouvre le bal avec quelques-uns de mes chouchous du moment :

¶ Cuarteto Quiroga (Madrid) : caractérisé par le son acidulé (en particulier de son premier violon Heitor Hevia), et une finesse de phrasé extrême, sans aucune affectation. La finesse de ces qualités se perd un peu au disque, mais ils méritent tout de même le détour (par ailleurs, leur Sollima est très séduisant).

¶ Quatuor Alcan (Québec) : jeune quatuor canadien au son fin et précis, adapté à tous les répertoires, travaillant (malgré son niveau technique hallucinant) davantage la qualité d'articulation que le fondu sonore. Néanmoins la qualité de finition est exceptionnelle, avec des tempi vifs et peu de vibrato, et pourtant une exactitude hors pair. Essayez leur couplage Debussy-Borodine 2, pour commencer.

¶ Brentano Quartet (USA) : une formation qui incarne en quelque sorte l'idéal de cette période post-baroqueuse. Leur jeu très droit et immaculé évoque pourtant davantage la tradition d'exécution de la musique contemporaine, mais on sent précisément comme une décantation des qualités de toutes les écoles. Ils parviennent à servir les affects du romantisme sans aucun effet de manche, rien qu'en mettant à nu la structure, comme effleurant les cordes… Une des formations les plus prometteuses (jamais entendu mieux que leurs derniers quatuors de Beethoven, ce n'est pas peu dire).

¶ Takács Quartet (Hongrie/Colorado) : avec un son robuste qui l'approcherait plutôt de l'esthétique russe (façon Borodin), les Takács manifestent  un sens du détail, de la structure, des phrasés, des couleurs hors du commun. Leur opus 76 de Haydn multiplie les trouvailles, toujours en adéquation avec l'esprit, comme cette variation finale de l'Empereur soufflée et voilée… Mais tout est formidable chez eux, une valeur sûre.

¶ Quatuor Hanson (Paris) : tout fraîchement sortis du CNSM, capables de la virtuosité la plus parfaite comme des ressorts de l'humour. Peu sont capables de jouer avec une structure, de la faire parler comme eux.

¶ Quatuor Akilone (Paris) : un son franc, bien étagé, physique, brillant mais sans rondeurs inutiles ; mais, surtout : elles savent phraser !  La moindre articulation du discours est amenée avec naturel, elles se frayent un chemin personnel sans le moindre effet appuyé. De la musique en barre, émouvante avant d'être (très) impressionnante. Et elles viennent à peine de valider leur master…

¶ St. Lawrence String Quartet (Canada) : leurs premiers disques dans le grand répertoire, assez mous, ne doivent pas vous abuser ; l'ensemble a opéré au fil des ans un saut qualitatif exceptionnel, culminant dans des Haydn joyeusement débridés et des Czerny très frémissants – ne ricanez pas, les quatuors de Czerny sont des bijoux de la plus haute valeur.

¶ Quatuor Terpsycordes (France) : spécialisé dans le jeu sur instruments d'époque, mais avec la largeur de son des quatuors modernes, combinaison de tous les avantages. Des tas de versions de référence à leur actif, impressionnants de Haydn (superbes Sept Paroles) jusqu'à Ligeti (Quatuor n°1 plein de malice), en passant par des Schubert et Beethoven de première catégorie.

¶ Minguet Quartett (Allemagne) : on peut trouver le son un peu gris, mais l'étagement des plans, et surtout les efforts d'éloquence pour rendre intelligible un répertoire rare et difficile, forcent l'admiration. Chaque voix paraît totalement individualisée, et l'écoute ne me paraît jamais aussi simultanément verticale et horizontale qu'avec eux… Par ailleurs, répertoire hallucinant, rassemblant les plus grands chefs-d'œuvre des corpus négligés : Herzogenberg, Suk, Schoeck, Britten, Rihm… !  Leur intégrale Suk et surtout leur intégrale Schoeck figureraient aisément dans un top 10 des disques de quatuors…

¶ Atrium Quartet (Saint-Pétersbourg) : jeune quatuor fondé en 2000, d'une générosité exceptionnelle. Russe au carré, avec un son très rond, un vibrato large, une ampleur de résonance et une tension extraordinaires. À quatre, ils remplissent davantage l'espace qu'un orchestre à cordes… Dans Tchaïkovski ou Borodine, c'est sans égal, particulièrement en salle où la présence physique est hors du commun. Même dans Schubert, où ils pourraient paraître à rebours, ils emportent toute réticence par leur énergie. Ils ont malheureusement encore peu enregistré (et Chostakovitch n'est pas forcément le truchement le plus éloquent pour leurs qualités).

¶ Quartetto di Cremona (Italie) : officiant sur instruments anciens, avec des sons râpeux et très colorés, explorant une sorte d'extrême de l'expression, sans chercher absolument l'effet, mais en râclant jusqu'au bout les couleurs et les textures… résultat très impressionnant, vu leur maîtrise. De quoi renouveler l'écoute.

¶ Borodin Quartet (Moscou) : autant la rondeur parfaite de leurs années ancienne me frustre toujours un peu (malgré leurs immenses qualités), autant j'aime beaucoup ce qu'ils sont devenus aujourd'hui, plus réceptifs à la musicologie, et proposant des interprétations où la robustesse n'entrave en rien l'urgence et l'éclat.

¶ Quatuor Ébène (Boulogne-Billancourt) : d'abord peu convaincu en salle avant leur ascension fulgurante, je dois admettre avoir été très impressionné par leur maturation. Son sombre et un peu dur caractéristique, et une aptitude à réussir tout ce qu'ils entreprennent assez stupéfiante, même dans les répertoires très concurrentiels – virtuosité et personnalité. En plus ils chantent bien.

--

En termes de répertoire, je suis bien sûr les Minguet pour les décadents et les Stenhammar pour les suédois…

--

Quelques autres que j'aime beaucoup :

— Avanti! String Quartet (Finlande) : issu de l'orchestre de chambre du même nom mené par Sakari Oramo. De fantastiques réalisations, pleines d'urgence et de couleur, dans le répertoire de la musique contemporaine – voir leur disque Heininen-Hakola-Kokkonen.

— Quatuor Voce (France) : l'un des plus originaux du moment, imprégnés des conseils des Mosaïques, mais ne cherchant pas l'authenticité ; simplement, ils utilisent la gamme maximale de textures disponibles, et avec un goût avéré pour la prise de risque. On peut les trouver quelquefois outrés, mais difficilement autre chose que passionnants… Ils commencent à enregistrer pour Naïve, mais ils donnent leur véritable mesure, là encore, en vrai.

— Faust Quartett (Allemagne) : beaucoup d'élégance et une couleur assez spécifique, dans les rouges sombres… envoûtants dans Mozart et les premiers romantiques.

— Quatuor Arod (Paris) : d'une virtuosité fulgurante, capables d'assumer des tempi effrénés sans rien retrancher à la musique ; je les ai peu entendus, mais ils figurent clairement parmi les grandes promesses du circuit.

— Jerusalem Quartet (Israël) : très impressionnants en salle par leur rondeur sans confort et leur maîtrise absolue. Au disque, je les trouve parfois un peu trop aimables, mais il y a aussi des sommets (leur Quatorzième de Schubert, d'une urgence à couper le souffle) ; et leur Kurtág à la radio et en salle (Officium breve) m'a laissé une impression particulièrement durable, quasiment une épiphanie.

— Párkányi Quartet (Amsterdam, Budapest ?) : issu de la dissolution du Quatuor Orlando en 1997, mais avec les mêmes musiciens (sauf le violoncelliste), ils portent le nom d'István Párkányi, konzertmeister de l'Orchestre de Chambre des Pays-Bas. Avec un son très typé (pincé, corsé, très… hongrois, alors que seul Párkányi l'est, et encore, né à Leipzig !), un jeu très net et dynamique, aux antipodes des rondeurs confortables qui caractérisaient Orlando.

— Kodály Quartet (Hongrie) : très vaste répertoire, largement documenté par Naxos, et uniquement des valeurs sûres, au sommet desquelles leurs Brahms (quintettes). Le legs Hungaroton les montre aussi sous un jour très différent, moins avenant, très intéressant.

— Danubius Quartet (Hongrie) : de superbes transparences rêveuses.

— Bartók Quartet (Hongrie) : son très rugueux, comme issu d'un folklore sauvage. Peu de legato, pas de recherche de fondu… Assez idéal pour défriser les quatuors de Brahms, par exemple.

— Acies Quartett (Autriche) : dans la lignée des sons fins, une grande justesse de style chez ces jeunes interprètes.

— Keller Quartet (Hongrie) : un peu plus pâle que d'autres en comparaison, mais leur sens de la juste mesure fait particulièrement mouche dans Bach, Bartók et la musique contemporaine (Kurtág bien sûr).

Et puis je pourrais aussi parler des Danel, Belcea, Carducci, Arianna, Matangi, Auryn, Sacconi, Mandelring, New Zealand, Psophos, Brodsky, Artemis, Henschel, Brodowsky…

--

Au chapitre de ceux qui ont du succès et que je n'aime pas, les Hagen (encéphalogramme plat lorsque je les écoute, pas d'émotion comme on dit quand on début en mélomanie, ça résume très bien mon problème) et les Modigliani (parfaits techniquement et très engagés, mais toujours « méchants » quel que soit le répertoire).

--

Au passage, j'ai vu les Lindsay en vrai, peu avant leur retrait, et c'était très étonnant : pas du tout conforme à la plasticité immaculée de leurs disques, au contraire beaucoup de râclements, de bruits de touche… une Grande Fugue pas très nette, totalement échevelée, assez impressionnante en fin de compte. Je n'ai pas mentionné les Tokyo, que j'adore dans leurs enregistrements Sony ou RCA (pour Schubert et surtout pour Debussy), vu que leur effectif a sensiblement changé et que leur qualité en salle n'est pas (plus ?) très éblouissante.


Et vous ?

Dans la musique moderne, le Quatuor Molinari est décidément hors norme. Leur intégrale des oeuvres de Raymond Murray Schafer (sur ATMA) est exceptionnelle.

Le Quatuor Alcan vient de publier des quatuors de Beethoven. Également sur ATMA. Pas encore entendu, mais je pourrais me laisser tenter, surtout que je n'ai aucune intégrale récente...

C'est l'intégrale qu'ils publient !  Néanmoins, ce n'est pas aussi fondamental que leurs Haydn, Borodine ou Debussy : c'est très travaillé, un rien sec.  Dans le registre Beethoven récents, les Brentano (derniers), Cremona (intégrale en cours), voire Terpsycordes (album) et Belcea (intégrale pas forcément originale, mais très aboutie dans le goût actuel) me paraissent plus neufs et achevés.

Néanmoins, c'est très très bon (surtout un peu ascétique pour l'opus 18)…

Les Voce ont aussi fait un bel album Beethoven, mais un peu intimidé par le studio, ça paraît lisse par rapport à ce qu'ils font.

--

Au fait : le Quatuor Ébène a changé d'altiste !  Quelqu'un en a la raison ? Elle n'a pas été donnée officiellement, mais je suis curieux… sauf à devenir supersoliste quelque part, ça reste un poste très valorisant.

Les Beethoven du Q. Alcan paraissent en albums séparés. Je peux facilement me passer de leur opus 18. N'était du nom de son auteur je doute que ces quatuors eussent été aussi souvent enregistrés. Ce n'est pas de la très grande musique

Oui, un peu comme ses six premières symphonies, on est à la limite de l'escroquerie.

Ils réussissent très bien l'opus 18 n°6, cela dit… Pour le reste, il y a plus généreux, mais c'est tout de même une lecture de haute volée ! Disons que ce n'est pas comme pour les autres œuvres que je mentionnais (Haydn Op.77, Borodine 2, Debussy), où ils écrabouillent quasiment toute la concurrence.

DavidLeMarrec a écrit:

Au fait : le Quatuor Ébène a changé d'altiste !  Quelqu'un en a la raison ?  Elle n'a pas été donnée officiellement, mais je suis curieux… sauf à devenir supersoliste quelque part, ça reste un poste très valorisant.

vu sur France Musique: http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=4&cad=rja&uact=8&ved=0CDMQFjADahUKEwiF25vZ2vTGAhWiF9sKHZZMCvs&url=http%3A%2F%2Fwww.francemusique.fr%2Factu-musicale%2Fle-quatuor-ebene-presente-son-nouvel-altiste-54524&ei=tq2yVYWoIqKv7AaWmanYDw&usg=AFQjCNFBN7RR0sCH58Ym7SLO3tRYnXt3Jg

"On savait depuis mai 2014 que Mathieu Herzog avait décidé de mettre fin à sa collaboration avec le Quatuor Ebène après 15 années pour se consacrer à la direction. Mais le suspense restait entier quant à savoir qui le remplacerait à l'alto. La formation vient de l'annoncer via son compte Facebook, il s'agit d'Adrien Boisseau, 23 ans, qualifié "d'étoile montante de l'alto et chambriste hors pair". Il débutera officiellement sa collaboration le 1er janvier 2015."

Merci !

J'ai été voir les Ébène en mars deniers au Théâtre des Champs-Élysées pour les Opus 132 puis 131 de Beethoven (programme assez violent tout de même, mais bon, le niveau technique est tellement hallucinant que ça devient courant). Je les ai trouvé tout à fait impressionnants. J'ai particulièrement gouté le violoncelliste tellement "dedans" qu'il en tapait du pied dans certains passages, signe d'une jeunesse et d'une fougue encore non maitrisée et légèrement vulgaire, mais signe touchant tout de même qui rappelle qu'on est devant de vrais être vivants qui jouent, et non pas devant un disque qui tourne dans une platine

Par contre, je n'arrive toujours pas à avoir le temps d'analyser mon ressenti après un concert, autant au disque je peux repasser certains passages, autant là, je ne peux que me prononcer sur una vis globale : j'ai aimé ou pas. Du coup, pas vraiment moyen de savoir si j'ai trouvé ça mieux que les Hagen que j'avais vu quelques mois avant.

darkmagus a écrit:

DavidLeMarrec a écrit:

Au fait : le Quatuor Ébène a changé d'altiste !  Quelqu'un en a la raison ?  Elle n'a pas été donnée officiellement, mais je suis curieux… sauf à devenir supersoliste quelque part, ça reste un poste très valorisant.

vu sur France Musique:  http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=4&cad=rja&uact=8&ved=0CDMQFjADahUKEwiF25vZ2vTGAhWiF9sKHZZMCvs&url=http%3A%2F%2Fwww.francemusique.fr%2Factu-musicale%2Fle-quatuor-ebene-presente-son-nouvel-altiste-54524&ei=tq2yVYWoIqKv7AaWmanYDw&usg=AFQjCNFBN7RR0sCH58Ym7SLO3tRYnXt3Jg

"On savait depuis mai 2014 que Mathieu Herzog avait décidé de mettre fin à sa collaboration avec le Quatuor Ebène après 15 années pour se consacrer à la direction. Mais le suspense restait entier quant à savoir qui le remplacerait à l'alto. La formation vient de l'annoncer via son compte Facebook, il s'agit d'Adrien Boisseau, 23 ans, qualifié "d'étoile montante de l'alto et chambriste hors pair". Il débutera officiellement sa collaboration le 1er janvier 2015."

Tu veux dire 01/01/2016

LeKap a écrit:

Tu veux dire 01/01/2016

En fait je n'en sais rien, j'ai juste fait un copié-collé du texte (que tu peux retrouver par le lien joint ci-dessus) sans que ça m'interpelle outre mesure.  

Mais l'article datant d'octobre 2014, il se pourrait bien que ce soit la bonne date.

Harmonia mundi annonce les quatuors op. 18 de Beethoven par les Jérusalem. Voilà qui fait envie!
(sinon, je répondrai au sujet de ce fil en prenant le temps un peu plus tard)

Ce n'est pas là que je les attends le plus, mais on enregistre très rarement l'opus 18 sans viser l'intégrale, donc c'est très bon signe !

(en espérant qu'ils ne soient pas trop perdus dans le studio et la réverbération HM…)

J'ai enfin pris le temps d'écouter les Jérusalem dans cet op. 18 (uniquement les quatuors 4, 5 et 6): c'est très maîtrisé, très belle sonorité (quel violoncelle), avec une prise de son plutôt réussie. Il y a un parti-pris démonstratif, presque théâtral qu'on avait déjà pu entendre dans leurs Haydn ou leur Schubert. Dans ces quatuor se joue un drame, avec ce qu'il faut de tensions et d'urgence. On peut préférer des lectures plus légères ou plus intimistes, mais c'est, comme toujours, passionnant.
Vivement les Razumovsky!

Dans ta liste seuls le Borodin, le Takacs, le Jerusalem et le Keller ont de grosses réputations et c'est quand même dommage de mettre à l'index le Hagen !

Quelques oubliés excellents :

Pacifica Quartet
Pavel Haas Quartet

Oubliés volontairement ?

Praga Quartet
Kocian Quartet
Arditti Quartet
Kronos Quartet

Ne pas négliger non plus les quatuors de solistes qui n'ont pas une activité permanente comme le Arcanto Quartet, le Tetzlaff Quartet ou le Ehnes Quartet


un quatuors de filles remarquables:
Athena quartet (très bon enregistrement Kurtag)

En France, le Diotima fait de gros efforts...


Il me semble que de toutes façons c'est un tel sacerdoce de conduire une carrière de quatuor que les quatuors médiocres ne durent pas longtemps...

Comme je suis le seul à l'avoir présenté sous cette forme, je suppose que c'est de ma liste qu'il s'agit ? Ce n'est ni plus ni moins que la liste de mes goûts, d'où les jeunes quatuors pas (encore) très célèbres ou les absences de formations plus célébrées.

Je n'aime pas du tout les Hagen, effectivement. Je n'ai pas assez écouté les Pavel Haas pour avoir une réelle opinion (si ce n'est que leur maîtrise est remarquable), et je considère clairement les Pacifica comme relevant de la seconde catégorie. Leurs Beethoven et le Mendelssohn sont tout à fait bon, mais très en deçà de l'audace et de la fièvre des très grandes versions.

Pour le Pacifica, il faut tendre l'oreille du côté de leur Eliott Carter et de leur originale intégrale Chostakovich "The Soviet Experience" avec un autre compositeur soviétique dans chaque volume.

Tu as bien raison de signaler le Parkanyi Quartet, leur op33 de Haydn est sensationnel. Ce qui est curieux c'est qu'ils étaient considérés quasiment comme le meilleur quatuor du moment quand il s'appelaient Orlando Quartet et qu'ils sont un peu sortis du radar depuis leur changement de nom.

Un avis sur le quatuor Zemlinsky ?
Ils ont remporté le Grand prix de Bordeaux, de mémoire c'était en 2010, mais est-ce une référence ce concours ?
Leur carrière se fait dans le sillage des Pražák, la personnalité en moins sans doute...

Luckas a écrit:

Un avis sur le quatuor Zemlinsky ?
Ils ont remporté le Grand prix de Bordeaux, de mémoire c'était en 2010, mais est-ce une référence ce concours ?
Leur carrière se fait dans le sillage des Pražák, la personnalité en moins sans doute...

Oui c'est une référence. C'est vraiment du très très haut niveau.

C'est l'ancien concours d'Évian, c'est-à-dire la référence ultime en France, voire dans le monde… Il suffit d'en lire le palmarès depuis 1977 : Takács, Pražák, Buchberger, Cherubini, Amati, Hagen, Artis, Sine Nomine, Vogler, Ysaÿe, Keller, Manfred, Mandelring, Debussy, Danel, Belcea, Psophos, Ébène, Ardeo, Quiroga, Zaïde !… et parmi les finalistes on a pu croiser les Terpsycordes ou les Voce, pour ne mentionner que quelques-uns de ceux qui font une grande carrière en France…

Donc ce n'est, comme tout concours, pas du tout une preuve qu'ils sont les meilleurs, mais vu la qualité exceptionnelle des participants (et, en plus, la tension très positive qui y règne, chacun donne vraiment son meilleur), le lauréat est forcément exceptionnel.  

Je n'ai pas encore entendu les Zemlinsky, mais ils sont forcément de gros clients…

Sinon, le CIMCL (à Lyon) est une sacrée référence aussi, en termes de niveau.

DavidLeMarrec a écrit:

¶ Quatuor Akilone (Paris) : un son franc, bien étagé, physique, brillant mais sans rondeurs inutiles ; mais, surtout : elles savent phraser !  La moindre articulation du discours est amenée avec naturel, elles se frayent un chemin personnel sans le moindre effet appuyé. De la musique en barre, émouvante avant d'être (très) impressionnante. Et elles viennent à peine de valider leur master…

J'en parlais justement dans le message ouvrant ce fil. Elles viennent de gagner le concours d'Évian-Bordeaux hier ! Je suppose que Cololi n'y est pas allé, puisqu'il n'aime plus la musique (et regarde du Rohmer à la place). Je reproduis donc ce que j'en dis sur Carnets sur sol, à toutes fins utiles :

Déjà chanté à deux reprises les louanges de ce jeune quatuor (formé il y a cinq ans).

Je découvre avec plaisir qu'il vient de remporter la référence mondiale du concours de quatuor, rejoignant ainsi de véritables légendes, de gros clients du disque et d'autres qui, sans avoir atteint la même notoriété, sont tout simplement parmi les meilleurs : Takács, Pražák, Buchberger, Cherubini, Amati, Hagen, Artis, Sine Nomine, Vogler, Ysaÿe, Keller, Manfred, Mandelring, Debussy, Danel, Belcea, Psophos, Ébène, Ardeo, Quiroga, Zaïde !
Le jury a certes raté le Quatuor Terpsycordes (éliminé immédiatement en 2003, alors qu'il avait déjà toutes ses qualités, même s'il ne s'était pas encore spécialisé dans le boyau) et quelques autres, mais globalement, à la fin du chemin, leur prescience apparaît très sûre – même pour les Ébène, qui paraissaient bien durs et verts lorsqu'ils ont reçu ce second prix ex æquo en 2005, il apparaît que le potentiel s'est très vite révélé après l'époque du concours !

Je n'ai pas écouté les autres compétiteurs pour établir de comparaison, mais cette récompense est dans l'absolu tout sauf imméritée, considérant mon délire à chaque fois que je les ai entendues, et la qualité exceptionnelle de leur Beethoven 8 lors du concours (prise de risque et netteté, personnalité et déférence) – pas de réflexes reproduisant les interprétations habituelles, mais pas de recherche de la différence, juste de la musique pure à son plus haut niveau, l'élégance du style en sus.

J'en suis enchanté pour elles : leur notoriété était forcément limitée (il suffit de voir qu'elles étaient obligées de citer Carnets sur sol pour avoir une mention presse depuis 2014) ; à présent, ce sésame les a non seulement fait connaître de tous ceux qui s'intéressent au quatuor, mais leur ouvre aussi quasiment mécaniquement les portes des plus grandes salles. D'autres n'ont pas tiré totalement parti de cette notoriété (Manfred, Aviv, Parker par exemple), mais leur personnalité n'avait pas du tout la même dimension – il y avait pourtant de petites pailles dans leurs exécutions du concours (preuve de la lucidité du jury au delà de la simple virtuosité ?), mais les Akilone montrent un tel sens du phrasé, du goût juste, une telle émancipation artistique, comme abstraites de toutes les contingences de la tradition musicale et du besoin de nouveauté, que je ne puis douter qu'elles se fassent remarquer pour de bon.

Au demeurant, les concours de musique de chambre (et ce concours en particulier) ont la particularité, par rapport aux concours de solistes (piano, violon, chant, même pour les duos de lied d'ailleurs), d'exalter les participants, de les tendre vers une forme d'urgence que les quatuors célèbres n'ont en général plus. C'est pourquoi les jeunes quatuors (concours ou pas), enivrés de découvrir fraîchement cette littérature sous leurs doigts, sont souvent des fréquentations bien plus persuasives que les meilleurs ensembles en activité.

Mes plus belles expériences de quatuor ont justement eu lieu lors du concours de Bordeaux (ou de présentations de jeunes formations du type ECMA), et non en entendant en vrai les Pražák, les Tokyo ou même les Keller – exception tout de même pour les Danel, infiniment plus impressionnants en vrai qu'au disque, et pour la création française du Quatrième Quatuor de Tichtchenko !

Les vidéos du deuxième tour et de la finale sont disponibles sur le site du concours.

Longue et belle route au Quatuor Akilone.

Merci pour toutes ces pistes de formations à découvrir David, car bien entendu je ne les connais pas toutes.

Attiré par ce que tu en dis j'ai écouté les Alcan. Mais je n'ai pas trouvé le Debussy/Borodine sur mon site de streaming. J'ai écouté La jeune fille et la mort. J'ai été impressionné par les violonistes, et musicalement j'ai trouvé cela presque aussi miraculeux que les Jerusalem. Pas mal de points communs d'ailleurs dans leur lecture, en tout cas des phrasés, des tempi, des respirations qui répondent en tous points à mes attentes. La grosse ombre au tableau vient de l'altiste : une sonorité catastrophique, une vraie viole d'amour en contreplaqué. La prise de son y est peut-être pour quelque chose, je tenterai autre chose. Belle découverte néanmoins.

Je viens d'entendre les Psophos en concert dans Dohnanyi dans le 1er (cf. leur enregistrement) et Debussy et c'était superbe !
Malgré une acoustique trop réverbérée (une salle capitulaire bien haute...), ils ont su faire cohabiter une dimension semi-orchestrale sans brouillages et un sens du jeu collectif impressionnant. Dans Dohnanyi, on aurait dit que les voix échangeaient au gré de leur humeur, comme si les musiciens donnaient un sens profond à la liberté à l'intérieur d'un cadre redéfini en commun. Dans Debussy, la sérénité et la plénitude de l'altiste offrait des moments splendides (début du III : je pensais que certaines phrases étaient jouées par le second violon, or il y a eu là entre les deux dames un fascinant jeu de miroirs légèrement déformants) et le violoncelliste a su amener des tonalités enjouées, des sourires mêmes à des moments inattendus - souvent, il semble que c'est lui qui menait la danse dans les mouvements médians. Quant à la respiration commune, elle est visible (les regards !) autant qu'audible.
J'ai vécu des émotions que leurs enregistrements m'avaient jusqu'ici plus (Mendelssohn, mais ce n'était pas tout à fait la même équipe) ou moins dévoilées, je vais suivre au plus près leur agenda !

Quatuor Cambini-Paris

https://quatuorcambiniparis.com/biographie.html

Citation :

Il est apprécié tant pour son interprétation des œuvres reconnues de Haydn, Mozart, Beethoven ou Mendelssohn que pour sa redécouverte de compositeurs français oubliés tels Jadin, David, Gouvy.

Afin d'être au plus près des réalisations musicales connues par les compositeurs en leurs temps, le Quatuor Cambini-Paris joue sur des instruments montés avec des cordes en boyau et utilise des archets propres à chaque époque.

Le choix du nom de Giuseppe Maria Cambini (1746-1825), violoniste et compositeur de 155 quatuors à cordes, témoigne de l’envie des musiciens d’explorer les évolutions stylistiques des époques classique et romantique.

Ils se sont lancés dans une intégrale Haydn en 2017.

Citation :

À partir de la saison 2016/2017, le Quatuor Cambini-Paris se lance dans un ambitieux projet d’intégrale des 68 quatuors de Joseph Haydn. À raison de 3 concerts par saison, ce projet se déroulera sur 8 ans.

Egalement dans le tuyau un intéressant projet des concertos pour piano de Chopin dans une formation quatuor + contrebasse + piano Erard 1836. Sortie discographique mars 2019 et concert de sortie discographique le 10 avril 2019 (Paris, Salle Gaveau).

Ah oui, ils sont chouettes !

(Dans le genre crincrin, mes chouchous sont cependant plutôt les Terpsycordes.)

J'ai voulu continuer à écouter quelques-uns des quatuors en activité dont David vante régulièrement les mérites et que je ne connais pas. Je suis donc allé voir du côté des Brentano et comme je l'ai dit en Playlist j'ai écouté leur dernière parution, à savoir les K465 et 428 de Mozart. Je suis totalement bluffé par ce que j'ai entendu.
Je trouve incroyable de mettre en valeur à ce point à la fois la qualité d'ensemble et les qualités individuelles. L'homogénéité sonore et musicale ici n'est pas seulement dans la façon de jouer ensemble, mais aussi dans la façon de phraser de la même manière séparément. Chaque individualité est tour à tour mise en valeur dans un projet collectif , et ce à un niveau d'exigence assez inouï. Il se dégage de l'ensemble une souplesse incroyable. La plénitude du son avec l'économie de vibrato donnent une aération idéale. L'interprétation sans affect est une évidence et il y a un sens du dialogue incroyable, notamment dans la façon de s'échanger les phrases. Une grande découverte pour moi.

J'en suis ravi ! Oui, ils sont incroyables, la résonance de leur son sans vibrato, c'est quelque chose, et effectivement une répartition très claire des voix, tout en partageant le même coloris… du très grand art (ce genre de quatuor, à ce degré de finition, n'existait pas il y a trente ou quarante ans).

Leur intégrale des quatuors de Beethoven est une splendeur.

Intégrale ? Tu es sûr ?

Je n'ai pas vu passer ça, seulement les 12 à 16 (en séparé) chez æon.

J’aime à peu près toutes les formations citées par David. Mais à en choisir une, je décernerais une mention spéciale aux Jerusalem que j’ai eu la chance de voir a plusieurs reprises en concert, et qui sont très très impressionnants en salle - de virtuosité, de qualité sonore et d’engagement. C’est parfois plus sage au disque, mais je n’ai pas souvenir d’avoir été une seule fois déçu malgré tout.

DavidLeMarrec a écrit:

Intégrale ?  Tu es sûr ?

Je n'ai pas vu passer ça, seulement les 12 à 16 (en séparé) chez æon.

Oups ! Me suis mélangé les pinceaux avec Belcea ...

sergio a écrit:

DavidLeMarrec a écrit:

Intégrale ?  Tu es sûr ?

Je n'ai pas vu passer ça, seulement les 12 à 16 (en séparé) chez æon.

Oups ! Me suis mélangé les pinceaux avec Belcea ...

Ah oui, formidable intégrale en effet, mais dans un genre très différent, plus « baroqueux » alors que les Brentano, quoique avec encore moins de vibrato, ont un côté plus épure-contemporaine.

Quelqu'un sait si le quatuor Zehetmair est encore en activité?
Je suis en train d'écouter leur discographie - pas pléthorique, mais d'une qualité assez exceptionnelle (quatre albums dont un double chez ECM): j'aimerais vraiment beaucoup (ou aurais vraiment beaucoup aimé?) les entendre en salle.

Je suppose que oui ? Cf. ce concert du 30 mai à Genève.
(Voir aussi la page des Swiss Chamber Concerts.)

Une petite recheche et hope, ils jouent au mois d'aout festival edinburgh

https://www.thestrad.com/news/edinburgh-international-festival-announces-2021-programme/12990.article

Zehetmair est à fois soliste, chef et musiciens de chambre avec au moins deux formations, donc c'est un peu normal de voir l'activité du quatuor parfois dormant.

Merci! Mais je n'ai pas l'impression qu'ils jouent souvent en France...

Plus exactement jamais, je crois. Déjà qu'ils doivent, vu leur standing et leurs agendas, peu avoir d'occasions de jouer ensemble, comme leur base n'est pas française : Zehetmair m'a semblé avoir peu mis les pieds en France après ses deux saisons avec l'Orchestre de Chambre de Paris (encore nommé Ensemble Orchestral à l'époque, non ?), en 2014.

(Mais il suffit d'une fois à Paris, hein !)

Mélomaniac, in playlist, a écrit:

Sergueï Prokofiev (1891-1953) :

Sonate pour deux violons en ut majeur, Op. 56

= Eugene Drucker, Philip Setzer, violon

(DG, mai 1990)

Alors qu’on vient d’apprendre que le Emerson Quartet va tirer sa révérence à l'été 2023…

Iskender a écrit:

Tu me l'apprends. Je n'ai jamais été très fan de cette formation, trouvant leur sonorité très/trop "internationale" et peut-être un manque de subtilité dans leur jeu. Mais je ne connais pas tout et ne demande qu'à être surpris. En fait je ne vois rien ni de rhédibitoire, ni d'au-dessus du lot chez eux; c'est peut-être le problème. Mais j'ai une réelle considération pour leur immense carrière, leur répertoire pléthorique, la stabilité de l'équipe et leur choix d'alternance des parties tenues entre les deux violonistes.

Idem, je leur connais une cinquantaine d'albums chez DG (quand même...), c'est toujours très bien fait, mais dans aucune des oeuvres
abordées je puis dire qu'ils m'aient marqué par une manière particulière ou un ton distinctif.

Si vous vouliez un dépaysement, et partir pour un son fin, uni, propre, léger, un ton bien rarement agité mais quelquefois preste, un peu sec, quelquefois glacé, je me permets d'indiquer la jeune formation RusQuartet (dont 3 membres sont féminins). Commencer peut-être par leur disque avec l'opus 59 no 1 de Beethoven ...

Sans rigoler mais je connais Russ quartet dont les 3 memebres sont masculins. J'aime bien leur Beethoven.

Les deux formations doivent se rencontrer et font ensemble des octets.

Ah ? Comme Agrève (bienvenue à toi ) c'est bien le RusQuartet à 3/4 féminin que je connais et n'ai pas trouvé trace d'un quatuor quasi homonyme. J'avais également bien aimé leur album des Op.59 n°1 & 3.

Iskender

Il s'agit  de quartuor Kuss, pas Russ. Je ne sais pas comment je mélange les noms comme ça.

C'est triste à dire et j'ai probablement tord - mais je n'achèterais jamais un cd avec une pochette aussi immonde