Autour de la musique classique

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 L'art délicat de la cabalette

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Francesco
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MessageSujet: L'art délicat de la cabalette    L'art délicat de la cabalette  EmptyMar 11 Déc 2018 - 19:34

Allez j'ose ...

Pour rappel, la cabalette fait partie de la grande scène dans le répertoire romantique (non seulement italien, mais encore français ... et j'imagine ailleur). Après la cantilène, ou du moins l'air à un tempo plus mesuré, et après le tempo di mezzo, vient donc l'apothéose virtuose qui conclut la scène : en principe, tout s'accélère (mais ça n'est pas une obligation, voir la fin de Devereux), la place des vocalises devient primordiale et le suraigus (absents chez Rossini en conclusion des airs, comme on le sait) s'impose. On sait aussi que c'est ici que les chanteurs (dans la tradition belcantiste) trouvent le terrain propice à leur propre créativité : l'abbelimento règne en maitre dans la cabalette. Dès lors, il devient effectivement impossible de reprocher aux compositeurs de se contenter de placer un cadre musical (il est même absurde de parler de "répétitions" puisque c'est dans le da capo que surgit en principe l'ornement neuf) étant donné que c'est aux interprètes de composer et d'émouvoir. Cette vertu d'improvisation est centrale dans les systèmes musicaux qui nous occupent et explique l'importance des chanteurs dans ce répertoire.  


Notons que contrairement à ce qui se passe chez Rossini ou avant lui, la cabalette romantique, rapide et virtuose, ne peut pas exister seule. Personne n'irait entendre un récital uniquement constitué de cabalettes (comme le disait Jean-Didier, c'est comme manger le dessert en ayant sauté le plat de résistance). Le charme de la cabalette repose en effet en partie sur l'attente : l'auditeur, tout ému après les effusions romantiques, attend (parfois très longtemps) qu'on l'envoie au 7ème ciel. L'attente et le contraste, donc : à la section lente, répond la section rapide (c'est un principe qu'on retrouve avant et après et dans d'autres répertoires , parfois sans virtuosité folle - première air d'Agathe qui a tout d'un grande scène romantique dans sa construction - parfois sans virtuosité du tout - scène du gibet dans le Bal Masqué où le parlando effréné remplace la cabalette). Elle agit souvent comme une catharsis plus encore que comme un aboutissement : après les tortures exquises, le déploiement éjaculatoire. Bref, on l'a compris, autant l'air virtuose peut avoir en tant que tel un parfum d'abstraction, autant la scène romantique est très sexuelle (ou moins très incarnée) : il ne s'agit déjà plus d'idéaliser. En cela, on voit le rapport entre le drame romantique et son cousin germain, le grand ballet (un autre de mes genres de prédilection, comme quoi, tout se tient). L'idée que la cabalette se fait souvent sur un rythme de danse me semble très juste mais n'est en rien, à mon avis, un empêchement à l'émotion.

Avec cette fonction libératrice, la cabalette n'est plus à même d'exprimer certains sentiments ou certaines situations : ainsi on proscrit les cabalettes mélancoliques, désenchantées, voire celles exprimant la tendresse amoureuse (d'où ratage, me semble-t-il, de celle de Norma : mais Bellini n'est pas génial dans la cabalette ou reste du moins très conventionnel ou de l'absence de sincérité de celle d'Amalia dans les Brigands de Verdi). Pour les Romantiques, elle exprime plutôt :
- la jubilation (cabalette de la Somnanbula)
- la colère, voire l'héroïsme guerrier (cabalette de Manrico)
- la condamnation prophétique (cabalette de Stuarda ou de Bolena)
et toute les formes d'exaltation (y compris mystique ou nationaliste). Quand j'entends une cabalette bien écrite, j'ai envie d'envahir l'Italie.

Aux chanteurs, confronté à ces codes et aux mots du livret de laisser fleurir la pure joie de chanter dans le premiers cas ou de laisser porter par la fièvre de la ligne dans les autres.

Quelques cas intéressants en passant :
la cabalette ironique, détournée de sa fonction brillante et jubilatoire (celle sublime et poignante de La Favorite, celle de la Traviata). Là encore, le contraste ne se fait que par la grâce de l'interprète.
la cabalette tragique, au tempo souvent plus mesuré, très verticale dans sa tessiture, très impressionnante (cabalette de Borgia ou d'Imogène dans Le Pirate)
la cabalette verdienne des héroïnes monstrueuses (entrée de Lady Macbeth, entrée d'Odabella) qui ne suit pas une cantilène ni même un air vraiment lent mais qui semble à la fois resserrer et développer le propos de ce qui précède (déjà orné et spectaculaire)
la cabalette française dans une langue dont la prosodie est toujours un peu bouleversée par l'exercice (cabalette dans la Juive - Dieu m'éclaireuh filleuh chèreuh par exemple)

A noter pour terminer que si Bellini se contente souvent d'une simple opposition (à la fois dramatique et musicale) qui semble mécanique malgré la beauté mélodique (cabalette de l'entrée de Romeo, cabalette de Norma dont j'ai déjà parlé), Donizetti, plus grand faiseur peut-être, joue clairement des codes et des attentes : cabalette de Lucia qui arrive après 15 minutes de déclamation, cabalette lente d'Elisabetta après Devereux, cabalette finale de Borgia qui dure plus longtemps que l'air (sublime) qui précède, cabalettes qui se perdent dans des ensembles et de vastes structures (Gemma di Vergy) etc.  

...
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Polyeucte
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MessageSujet: Re: L'art délicat de la cabalette    L'art délicat de la cabalette  EmptyMar 11 Déc 2018 - 19:46

L'art délicat de la cabalette  3641590030 L'art délicat de la cabalette  3641590030 L'art délicat de la cabalette  3641590030 L'art délicat de la cabalette  173236763 L'art délicat de la cabalette  173236763
Va falloir que je m'écoute des exemples... parce que certaines ne m'avaient pas sauté aux oreilles!

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DavidLeMarrec
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MessageSujet: Re: L'art délicat de la cabalette    L'art délicat de la cabalette  EmptyMar 11 Déc 2018 - 23:20

Je ne suis pas trop sûr de ce qu'est le sujet du fil (on partage ses plus belles cabalettes ? on donne son avis sur la structuration du genre ? sur l'intérêt de la chose ?), donc je réponds seulement sur deux détails capitaux :


Francesco a écrit:
Quand j'entends une cabalette bien écrite, j'ai envie d'envahir l'Italie.

Et moi de rendre le Piémont.


Citation :
la cabalette française dans une langue dont la prosodie est toujours un peu bouleversée par l'exercice (cabalette dans la Juive - Dieu m'éclaireuh filleuh chèreuh par exemple)

Pas du tout d'accord : je subodore que tu n'écoutes pas les bonnes adresses. Les appuis de Dieu m'éclaire sont impeccables, les « e » sont brefs, il n'y a pas de problème particulier. Il est plus difficile d'écrire de la bonne prosodie en français, c'est sûr, à cause de tous les mots-outils dépourvus de sens fort, à cause de la prosodie plus atone (donc soit moins propre à la mise en musique, soit exagérément déformée sous l'effet de la musique), mais en l'occurrence Halévy s'en tire remarquablement, sans réserve particulière.

Évidemment, si on écoute Shicoff plutôt que Casanova, ça peut faire bobo, mais le compositeur n'est pas en cause.
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MessageSujet: Re: L'art délicat de la cabalette    L'art délicat de la cabalette  EmptyMer 12 Déc 2018 - 5:53

DavidLeMarrec a écrit:


Francesco a écrit:
Quand j'entends une cabalette bien écrite, j'ai envie d'envahir l'Italie.

Et moi de rendre le Piémont.

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Francesco
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MessageSujet: Re: L'art délicat de la cabalette    L'art délicat de la cabalette  EmptyMer 12 Déc 2018 - 7:24

DavidLeMarrec a écrit:



Citation :
la cabalette française dans une langue dont la prosodie est toujours un peu bouleversée par l'exercice (cabalette dans la Juive - Dieu m'éclaireuh filleuh chèreuh par exemple)

Pas du tout d'accord : je subodore que tu n'écoutes pas les bonnes adresses. Les appuis de Dieu m'éclaire sont impeccables, les « e » sont brefs, il n'y a pas de problème particulier. Il est plus difficile d'écrire de la bonne prosodie en français, c'est sûr, à cause de tous les mots-outils dépourvus de sens fort, à cause de la prosodie plus atone (donc soit moins propre à la mise en musique, soit exagérément déformée sous l'effet de la musique), mais en l'occurrence Halévy s'en tire remarquablement, sans réserve particulière.

Évidemment, si on écoute Shicoff plutôt que Casanova, ça peut faire bobo, mais le compositeur n'est pas en cause.

Je trouve ça génial, en ce qui me concerne, ce décalage que je perçois toujours pour les raisons que tu mentionnes. Idem pour celle de Fidès ("Comme un éclair") par exemple. Aucune faute, mais un charme de plus.
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Francesco
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MessageSujet: Re: L'art délicat de la cabalette    L'art délicat de la cabalette  EmptyMer 12 Déc 2018 - 10:41

Tiens, j'ai oublié de parler d'une cabalette "moderne" : celle de Stravinsky. Je ne sais pas si elle est écrite cabalette dans Oedipus Rex (Oracula, Oracula ...) mais je suis certain que c'est le terme choisi pour la deuxième partie de l'air de Anne dans The Rake's progress. Malgré son amabilité et ses consonances, j'ai toujours trouvé cet opéra ennuyeux, mais j'adore ce pastiche, particulièrement gracieux, du genre.
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Colbran
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MessageSujet: Re: L'art délicat de la cabalette    L'art délicat de la cabalette  EmptyJeu 13 Déc 2018 - 18:21

Francesco a écrit:


Avec cette fonction libératrice, la cabalette n'est plus à même d'exprimer certains sentiments ou certaines situations : ainsi on proscrit les cabalettes mélancoliques, désenchantées, voire celles exprimant la tendresse amoureuse (d'où ratage, me semble-t-il, de celle de Norma : mais Bellini n'est pas génial dans la cabalette ou reste du moins très conventionnel ou de l'absence de sincérité de celle d'Amalia dans les Brigands de Verdi).

A noter pour terminer que si Bellini se contente souvent d'une simple opposition (à la fois dramatique et musicale) qui semble mécanique malgré la beauté mélodique (cabalette de l'entrée de Romeo, cabalette de Norma dont j'ai déjà parlé)

Je rebondis sur ce que tu disais dans le fil Stuarda et ta révélation sur le chant belcantiste (par mon modeste truchement Smile ). Ne serait-ce pas car ces deux cabalettes ont une forte saveur rossinienne, donc un peu trop belcantiste (avec ce que cela comporte d'abstraction) justement?  Déjà dans l’écriture, employant une colorature minuta dont l’ascendance ne fait pas de doute, et une monumentalité, dans celle de Norma particulièrement, qui peut sembler hors-sujet aux esprits non éclairés Mr. Green  (ou trop d’ailleurs Mr.Red ), mais qui rappellerait presque le Magnifique (en toute chose, même l’attachement amoureux) "Colbranesque". Un peu comme celles de Beatrice en fait. Mais je pense que ça tient plus généralement au profil Pasta aussi (finals de Sonnambula et Bolena  exceptés). Celle de Romeo, c'est à peu près le stéréotype de l'air pour musico rossinien de style martial, plus romantisé disons… .  Et je ne trouve pas que Bellini soit incompétent dans cet exercice. Si on reste dans Norma, les secondes sections des duos avec Adalgisa, qui peuvent être aussi considérées comme des formes cabalette, sont particulièrement réussies. Bon, pour le Si fino…, on reste aussi dans une conception très post-rossinienne qui te laisse peut-être froid, mais le Ah si fa core…, c’est assez grandiose tout de même, car là, on a la force déclamatoire qui s’en mêle !  Quand c'est chanté/scandé avec le phrasé large qu'il faut (Callas est sublime dans cette phrase introductive, et dans les suivantes ), c'est puissant!

Sinon Ah !Non giunge, chanté avec les justes accents, et pas façon Heidi sautillante, c’est quand même quelque chose. La descente au ré grave sur la voyelle finale du Ah m’abbracia..., dont on a tant vanté l’effet dans la bouche de la Malibran, devrait être joussive pour toi quand je lis tes considérations coquines plus haut ! Le final d’Imogène, n’est pas si mal, surtout dans les passages di sbalzo mais généralement, les cabalettes écrites pour Meric-Lalande ne sont pas les meilleures je trouve (cf Borgia pour laquelle je donne raison à David, au fond).

Chouette sujet en tout cas, même si, pour moi, dans cette esthétique du premier romantisme, rien ne vaut la cantilène qui précède, surtout quand elle est bellinienne.
Mais c'est ici que Stefano et les autres qui se plaignaient de ne pas trouver assez d'italianità sur ce forum devraient se retrouver!
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Francesco
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MessageSujet: Re: L'art délicat de la cabalette    L'art délicat de la cabalette  EmptyJeu 13 Déc 2018 - 19:07

Ah je corrige ! Quand je parlais d'école de chant belcantiste, je parlais vraiment ... d'école de chant (Berganza, Cuberli etc.), pas du répertoire immédiatement pré-romantique qui est, au contraire, un de ceux que j'aime le plus (Spontini et Mayr inclus !). J'ai même acheté les disques consacrés aux romances écrites par Colbran et Crescentini et il faut quand même, pour le coup, vu l'interprétation un peu atone, s'intéresser à ce répertoire pour les écouter plusieurs fois.

Sinon, j'allais écrire que j'aimais plutôt les cabalettes écrites pour Meric-Lalande et je voulais savoir si "les passages di sbalzo" désignaient justement cette espèce de vertige de tessiture qu'on y entend.

Dans les cabalettes belliniennes (et tu as raisons pour les sections rapides des duos avec Adalgisa que j'aime beaucoup) dont je parlais, je comprenais en fait l'objection qu'on fait à ces pièces : mélancolie et cantilène pour un sentiment, tempo di mezzo, revirement ... et vlan joie délirante ou attaque guerrière. Je trouve l'opposition tellement marquée qu'elle en devient caricaturale. Et je trouve souvent l'idée mieux amenée chez Donizetti. Néanmoins, dès que tu parles d'abstraction belcantiste, tout s'éclaire autrement !

PS : je suis content de voir que quelqu'un a relevé la question de la sexualité (qui ne me semble pas du tout anodine dans ce répertoire, comme dans le ballet romantique d'ailleurs), hein, parce que cabalette + éjaculation, j’espérais un tas de commentaires Mr. Green
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Francesco
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MessageSujet: Re: L'art délicat de la cabalette    L'art délicat de la cabalette  EmptyJeu 13 Déc 2018 - 19:27

Je trouve aussi qu'on devrait parler des cabalettes écrites pour Caroline Ungher. Une voix dramatique, allemande, à l'origine alto, qui se retrouve à exécuter de la haute voltige donizettienne (après avoir créé la partie d'alto de la IXème symphonie de Beethoven), j'ai toujours été interpellé par ce parcours.
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Colbran
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Colbran


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MessageSujet: Re: L'art délicat de la cabalette    L'art délicat de la cabalette  EmptyVen 14 Déc 2018 - 13:42

Francesco a écrit:
Ah je corrige ! Quand je parlais d'école de chant belcantiste, je parlais vraiment ... d'école de chant (Berganza, Cuberli etc.), pas du répertoire immédiatement pré-romantique qui est, au contraire, un de ceux que j'aime le plus (Spontini et Mayr inclus !). J'ai même acheté les disques consacrés aux romances écrites par Colbran et Crescentini et il faut quand même, pour le coup, vu l'interprétation un peu atone, s'intéresser à ce répertoire pour les écouter plusieurs fois.

Ah! Et ceux qui disaient que ce forum méprisait le belcanto...C'est intéressant quand même, qu'est ce qui te déplaît dans l'école de chant? l'homogénéité des registres ou l'émission pure qui sont recherchées? Quand je lis ta plume et ton discours sur les cabalettes, j'ai l'impression que tu as besoin d'une chair vraiment palpitante Mr.Red , avec ce que ça comporte d'effets et d'inégalités, me trompé-je?

Mais bon, tu aimes Mayr, nous ne sommes pas nombreux, que demande le peuple ! D’ailleurs l’art du rondo (qui s’apparente à peu près à une structure cantabile/cabalette dans l’absolu) chez lui est remarquable : A goder la bella pace, de Ginevra, ou le Caro Albergo de Creusa dans Medea in Corinto, c’est absolument magnifique, toujours d’une très grande sophistication dans l’écriture vocale et d'une élégance infinie. Si seulement on avait les bons chanteurs, quoique Kenny ne s’en sort pas si mal dans l’intégrale Opera Rara ( En fait, c'est Medea le gros problème)…

Francesco a écrit:
je voulais savoir si "les passages di sbalzo" désignaient justement cette espèce de vertige de tessiture qu'on y entend.

Tout à fait.

Francesco a écrit:
Dans les cabalettes belliniennes (et tu as raisons pour les sections rapides des duos avec Adalgisa que j'aime beaucoup) dont je parlais, je comprenais en fait l'objection qu'on fait à ces pièces : mélancolie et cantilène pour un sentiment, tempo di mezzo, revirement ... et vlan joie délirante ou attaque guerrière. Je trouve l'opposition tellement marquée qu'elle en devient caricaturale. Et je trouve souvent l'idée mieux amenée chez Donizetti. Néanmoins, dès que tu parles d'abstraction belcantiste, tout s'éclaire autrement !

C'est vrai. Et c'est encore en cela que Bellini se rattache davantage à l'ancienne École que son concurrent. On est clairement proche du cadre systématique et net de la Scena, typique de la tradition belcantiste. Donizetti est plus mouvant, il y a un autre fondu, oui.

Francesco a écrit:
Je trouve aussi qu'on devrait parler des cabalettes écrites pour Caroline Ungher. Une voix dramatique, allemande, à l'origine alto, qui se retrouve à exécuter de la haute voltige donizettienne (après avoir créé la partie d'alto de la IXème symphonie de Beethoven), j'ai toujours été interpellé par ce parcours.

Pourquoi cela? Parce qu'elle est allemande? Elle a été formée par Ronconi, tenor belcantiste (le maître de Frezzolini aussi), la voix devait être éduquée à l'italienne.
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Francesco
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MessageSujet: Re: L'art délicat de la cabalette    L'art délicat de la cabalette  EmptySam 15 Déc 2018 - 10:11

Oui, curieusement, j'adore certaines chanteuses très "égales" dans certains répertoires (Elly Ameling que j'écoutais hier et qui a d'ailleurs enregistré un disque "Bel Canto" dans lequel elle ne chante aucune cabalette mais plutôt un répertoire peu virtuose du XVIIIème siècle - arie antiche et autres - jamais encore entendu), mais dans le répertoire romantique, il faut que ça brame pour que je sois totalement emporté.

Je n'ai de la Medea d'opera rara que les extraits centrés autour d'Eaglen (j'aime bien, tu t'en doutes), mais j'avais une version pirate avec Margreta Elkins (pas vraiment exemplaire de l'art du chant que tu réclames, je pense). Kenny donne aussi une ravissante version alternative de l'air de Creuse dans un des coffrets rara "A Hundred Year of Italian Opera", si je me souviens bien. Dommage, on arrive à Noël, ça n'est pas le moment où j'écoute le plus cette musique dans l'année.

Pour Ungher, oui, c'est le côté rectitude germanique, Beethoven (elle a aussi créé la partie d'alto de la Solemnis avec Sontag), alto ... on dirait un autre monde ! Mais elle semble exemplaire de ces grandes divas romantiques, d'un autre côté et a un grand nombre de rôles créés à son actif. J'écoutais une compilation sur le tube ou on mettait en regard les airs qu'elle avait créés et tout semblait finalement très éclectique. Mais j'ai l'impression au vu des rôles très dramatiques qu'elle devait être une chanteuse extravertie et sombre à la fois. Les cabalettes sont virtuoses sans être fleuries et certaines sont même carrément lentes et sourdes (Maria di Rudenz - je n'ai pas trouvé ce que j'ai entendu de cet opéra génial, d'ailleurs). A noter qu'elle fut aussi l'élève de Aloysia Weber, maestra es virtuosité.

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