Philharmonie - Sibelius/Chostakovitch - Järvi 29 et 30/11/17

Bonjour, un concert intéressant de l'Orchestre de Paris cette semaine avec Paavo Jarvi qui fera son grand retour dans le programme suivant:

Jean Sibelius
Concerto pour violon
Dmitri Chostakovitch
Symphonie n°7 "Leningrad"

Orchestre de Paris
Paavo Järvi, direction
Akiko Suwanai, violon

Donc l'immense 7ème de Chosta agrémentée du concerto pour violon de Sibelius. A savoir que Jarvi avait déjà fait la 5ème de Chosta avec l'ODP ainsi que l'intégrale des symphonies de Sibelius il me semble. J'y vais le mercredi. Il reste des places !

andika a écrit:

Il reste des places !

Ingrats.

Et Suwanai est la musicalité incarnée.

(Mais comme je n'aime aucune des deux œuvres au programme… depuis qu'il est parti, Järvi ne revient donner que des trucs qui ne m'intéressent pas. )

DavidLeMarrec a écrit:

andika a écrit:

Il reste des places !

Ingrats.

Et Suwanai est la musicalité incarnée.

(Mais comme je n'aime aucune des deux œuvres au programme… depuis qu'il est parti, Järvi ne revient donner que des trucs qui ne m'intéressent pas. )

Tu n'aimes pas la 7ème de Chosta ? Bon, en effet, en terme de langage purement musical, ce n'est pas le truc le plus fameux mais diantre, les émotions ? La création périlleuse à Léningrad en plein siège ? Ça ne te touche pas ? Tu es sans cœur !

Pas mieux que David.

Je trouve que cette symphonie est une des plus faibles et surcôtées de Chosta.
Beaucoup de longueurs et de bavardages...

Pas fan non plus du concerto de Sibelius (par rapport à ses symphonies c'est vraiment le jour et la nuit côté inspiration).

arnaud bellemontagne a écrit:

Je trouve que cette symphonie est une des plus faibles et surcôtées de Chosta.

A force d'en lire du mal, je finirais presque au contraire par dire qu'elle est sous-côtée.

Le premier mouvement est quand même assez fantastique.

Quant au concerto de Sibelius, c'est vrai que c'est assez différent du Sibelius habituel, mais là encore, dire que le premier mouvement n'est pas inspiré!

Non, le premier mouvement de la 7ème n'a rien de fantastique (a mon avis ) avec son thème répétitif aussi saoulant que le boléro de Ravel (enfin peut être qu'en concert ça doit bien donner).

Le premier mouvement du concerto de Sibelius est sympathique, mais on se demande bien ou est passée la poésie hymnique de ses symphonies...

Si on aime la caisse claire ( Andika) les atmosphères martiales et les ostinatos, il y a davantage à retirer de la Cinquième de Nielsen…

Je n'aime pas ces deux œuvres, pour les raisons énoncées par Arnaud (le Sibelius, c'est tout de bon un autre compositeur !), cependant je n'ai pas de préventions particulières sur la qualité du concerto (plus dubitatif sur la symphonie, mais c'est bien sûr une affaire de goût), simplement le constat que ça ressemble trop à un concerto pour violon et pas assez à du Sibelius. Pour moi.

DavidLeMarrec a écrit:

Si on aime la caisse claire ( Andika) les atmosphères martiales et les ostinatos, il y a davantage à retirer de la Cinquième de Nielsen...

Je vais l'écouter de ce pas ! De lui, je ne connais que le concerto pour flûte que j'ai entendu à la Philharmonie l'année dernière. Ca ne m'avait pas marqué plus que ça.

Les concertos sont bien, mais pas du tout de la même farine que les Symphonies, qui sont extraordinaires (à tous les sens du terme). Et la Cinquième n'est même pas la meilleure. Mais côté caisse claire, il y a de quoi t'amuser (dans la 6 aussi, plus épisodiquement).

Le concerto de Sibelius est un incontournable du répertoire pour violon, composé puis révisé entre 1903 et 1905. Sibelius, lui même violoniste de formation tenait à mettre en valeur son instrument. Et il convient de dire que c'est chose faite dans cette partition et que la soliste, la violoniste Akiko Suwanai a été à la hauteur de ce monument. C'est simple, on n'entendait qu'elle, on ne voyait qu'elle (la robe rouge qu'elle portait devait y contribuer). Dès ses premières prises de parole, elle captive par son sens innée de la musicalité. Cette femme est la musicalité incarnée. Point trop de vibrato dans son jeu mais une clarté innée, un sens de la phrase musicale absolument saisissant, captivant. Une ampleur de son impressionnante qui ne cessa d'enchanter tout au long de la soirée. Mais Järvi n'était pas en reste, il a été un formidable accompagnateur tout au long du morceau, tantôt tempérant l'orchestre, tantôt libérant toute sa force. Soliste et chef agissaient en bonne intelligence. Ainsi, la gestion des nuances de l'orchestre était remarquable dans l'Allegro moderato, l'Adagio était quant à lui d'un lyrisme saisissant, une contemplation, une éloquence, avec de merveilleux dialogues entre instruments, notamment le violon solo avec les bois ou encore avec le cor. Le Finale en revanche marquait par un sens de la pulsation plus prononcé, chez l'orchestre mais aussi chez la soliste qui nous a gratifié d’arabesques absolument renversantes. Elle se jouait de toutes les difficultés techniques avec une apparente facilité, notamment dans les staccatos déments de ce mouvement. Une ovation bien méritée à la fin, à laquelle s'est même joint un monsieur de la sécurité incendie. Le bis était l'Andante de la sonate n° 2 pour violon seul BWV 1003 de J.S Bach.

Puis est venu le moment du gros morceau après l'entracte. La symphonie Leningrad de Chostkovitch. Un point sur le contexte historique de cette symphonie est indispensable avant l'écoute. Elle a été composée entre 1941 et 1942 durant le siège de Leningrad par les nazis lors de la Seconde Guerre Mondiale. La ville est affamée, manque de tout et Chostakovitch lui dédie sa partition en signe de résistance au fascisme, de surcroit, il s'agit de sa ville de naissance. Le symphonie sera même jouée à Leningrad le 9 août 1942, malgré le manque de musiciens de l'orchestre local, malgré le faim. La symphonie sera jouée et même diffusée partout dans la ville sur haut parleur, diffusée également aux allemands. Valery Guerguiev disait qu'il s'agissait là d'un grand acte venant d'un grand homme. Aujourd'hui encore, cette symphonie est très importante pour les habitants de Saint-Pétersbourg.

Pas étonnant que Paavo Järvi la joue, bien que de nationalité estonienne, il n'en est pas moins né en URSS et plus largement, cette symphonie est un cri de résistance universel contre tout type de tyrannie.

Les passages emblématiques sont connus, le fameux thème de l'invasion dans l'Allegretto, le final dantesque illustrant la victoire mais entre ces deux moments, que de musique, que de volupté, que d'émotions. Il faut beaucoup de rigueur pour ne pas tomber dans le bavardage, pour faire en sorte que les passages intermédiaires ne servent pas qu'à meubler mais au contraire, à servir une idée d'ensemble, un message cohérent. Pour cela, la gestion des tempi est fondamentale, il y a une architecture très claire à avoir, ensuite, il n'y a plus qu'à bâtir autour, la partition de Chostakovitch se chargeant du reste. Ainsi, cette lecture donnée par Jarvi se démarque très clairement par le contraste des différents climats exposés.

L'orchestre commence dans l'Allegretto de manière très majestueuse dans ce début en proclamant cette tonalité lumineuse de do majeur. On sent toute la grandeur de la Russie dans les notes de cet accord énoncé. Grande clarté, beau phrasé bien articulé, fluide, une attention particulière est portée aux contrechants des cordes graves. Leningrad est si belle dans cette introduction ! Le musique se fait calme, le picolo chante la vie mais la caisse claire pointe le bout de son nez dans une apparition des plus discrètes. Entendre un orchestre de près de 100 musiciens jouer un tel pianissimo relève du miracle. Le début du thème de l'invasion est évanescent, il faut presque tendre l'oreille. On pourrait pourtant s'attendre tout de suite à une atmosphère très martiale mais non, la construction de la séquence impose de commencer en douceur afin que cette lente progression atteigne son but. L'ostinato de la caisse clair gagne en intensité, ainsi que les innombrables reprises du thème par les différents pupitres. La palette des nuances de l'orchestre est très, très large, cela donne un spectre étendu et produit un effet implacable, à savoir le malaise physique de l'auditeur lorsqu'il sort de cette séquence. Une réussite. Ce crescendo part des tréfonds du silence pour parvenir à une terrible puissance orchestrale avec toute la force permise par l’acoustique de la salle qui semble ne pas connaitre ce qu'est la saturation. Järvi est un formidable bâtisseur et va continuer de le démontrer par la suite.

Le deuxième mouvement commence avec des cordes très élégantes ramenant un peu de légèreté. Plusieurs solistes se distinguent, notamment Alexandre Gattet au hautbois. Les changements de rythme sont gérés de manière fantastique, de sorte qu'un climat espiègle alterne avec un climat plus apeuré. Ce scherzo recèle une grande force émotionnelle qui s'amplifie dans l'Adagio où une immense lamentation des cordes traduit toute la nostalgie d'un monde perdu. A signaler un solo de flûte de Vincent Lucas, un peu triste mais si beau. Enfin le Finale. La notation Allegro non troppo est respectée. C'est rapide mais pas excessif. Le temps est dilaté d'une manière un peu Brucknerienne. Encore un sens de l’architecture qui fait progresser l'ensemble vers un paroxysme, signalé au début par des cuivres qui s'excitent. Tout cela fait penser à une mobilisation générale même si la baguette du chef tombe au sol à un moment. Ce tempo modéré renforce le sentiment d'implacabilité de la victoire final. La modération se traduit aussi dans les nuances où l'excès est banni. Un fortissimo n'est pas un fortississimo et Jarvi le démontre, de sorte que quand la nuance maximale arrive, elle produit pleinement son effet.

Tous ces éléments démontrent une lecture rigoureuse de l’œuvre qui a vraiment été comprise et intégrée par le chef. Pour ceux dont ça a été la première écoute, l'impression a du être très forte, la longue ovation à la fin tend à penser que le niveau de cette exécution a été très satisfaisant. Lecture subtile, réfléchie et pourtant non dénuée d'émotion. Leningrad a vaincu

Je partage l'enthousiasme presque totalement d'andika concernant la symphonie Leningrad.
Le premier mouvement et le finale m'ont particulièrement plu. Les deux mouvements centraux m'ont moins marqué cependant.
J'ai trouvé l'orchestre très à l'aise dans cette oeuvre en forme de morceau de bravoure. Pupitres attentifs, engagés et mis en valeur par les nombreux soli que comportent la pièce. Direction alerte de Paavo Järvi, très rythmique. Une exécution précise et inspirée.

En revanche, le concerto pour violon de Sibelius m'a laissé sur ma faim, voire déplu par moment, exception faite du premier mouvement dans lequel j'ai apprécié la majestueuse projection sonore d'Akiko Kuwanai et de son violon "Dolphin".
Rien ne m'a choqué dans le second mouvement mais rien ne m'a séduit non plus. L'orchestre et le chef m'ont semblé nettement sur la réserve dans cette partie. Le finale m'a carrément déplu. Il me semble que la violoniste a raté la fin de la première phrase. La sonorité de violon est restée dure, un peu métallique jusqu'à la fin. Une apothéose finale aurait pu sauver le morceau mais l'orchestre et la violoniste n'ont pas tout à fait terminé en même temps. Une fraction de seconde de différence, pas grand chose en somme mais à ce niveau, les détails comptent.
Au-delà de des détails, j'ai trouvé que c'était un peu "chacun pour soi" dans cette interprétation, manque de liant, de complicité et de confiance.
J'ai réécouté la version Bell/Salonen pour me consoler.

Florian

Vraiment un superbe concert, surtout pour la 7 de Chostakovitch, qui était vraiment de nature à convaincre les récalcitrants. (qui auraient donc dû venir!)

J'ai un sentiment légèrement différent pour le Sibelius: j'ai trouvé que dans le I surtout P.Järvi s'est trop comporté en accompagnateur.
C'est malheureusement très souvent le cas dans les concertos en concert, le soliste est la star et l'orchestre se met en arrière-plan.
Je n'ai pas trouvé les teintes sombres, dans ce premier mouvement, que j'aime tant chez Oistrakh/Ormandy (et là je parle de l'orchestre donc), version que j'ai écouté en boucle pendant des années. (d'ailleurs je n'ai jamais trouvé mieux)
Pas assez de mordant et de présence aussi dans les cordes, en particulier les cordes graves, dont les réponses étaient un peu molles.
J'ai trouvé les deux autres mouvements bien négociés, mais je les aime moins.
C'est vrai que la violoniste a un peu raté le début du final, mais bon, ce n'était qu'un détail, pour le reste elle a été remarquable.
Je regrette juste qu'il n'y ait pas eu un peu plus "combat" entre elle et l'orchestre.

Toujours est-il que dès les premières notes, on a senti l'orchestre totalement engagé dans la symphonie de Chostakovitch.
Rien à voir, tout de suite les cordes étaient hyper engagées, emmenées par les temps très vifs de Järvi, et cela ne s'est jamais démenti par la suite.
La marche implacable du I (simple, bêbête, implacable, puis effrayante) a pour moi été le grand moment de la soirée.
Tempo très rapide, parfaite construction du crescendo, orchestre exceptionnel de précision et d'engagement, et donc, le grand frisson.
Je ne l'ai jamais ressenti ainsi au disque.
Tous les solos de flûte, angéliques, doux et perdus face à la barbarie du reste, c'était magnifique, ça fait partie de ce que je trouve admirable dans cette oeuvre.
Là le temps était complètement suspendu, et ça justifie la durée de ce mouvement.
Pas grand chose à faire pour le II qui est quand même le moment faible de la symphonie pour moi. (déjà que souvent je n'aime pas ces mouvements intermezzo/allegretto/mi-grotesques mi-comiques qu'on trouve notamment chez Mahler ou Honegger, mais celui-là est vraiment raté)
Le III a ses beaux moments qui ont été parfaitement exaltés.
Le IV est un peu long, il faut le reconnaître (ça met du temps à redémarrer, notamment, vers la fin), mais le final a été implacable, majestueux, victorieux mais quasi-effrayant en même temps.
Alors d'accord, encore une fois, l'oeuvre n'est pas un chef d'oeuvre de bout en bout, il y a quelques tunnels (pour moi il faudrait virer le II et raccourcir d'un tiers le finale et ce serait parfait), mais en concert c'est quelque chose, et ça n'a vraiment rien à voir avec une écoute "à froid" au disque.
Je n'ai jamais écouté cette oeuvre avec enthousiasme de bout en bout, alors qu'au concert, à part au II, on est vraiment pris, et vraiment pris à la gorge au I.
Järvi n'est pas venu pour rien, et sa complicité avec l'orchestre s'est vraiment fait sentir dans la symphonie de Chosta.

Pour l'anecdote: après Harding qui lance sa baguette dans le parterre dans la 6 de Mahler, là on a eu Järvi qui a laissé tombé la sienne quelques instants.

1er balcon latéral pair, 2è rang, B72, avec le chef de profil: vraiment parfait, je vous recommande encore une fois ces places-là si vous n'avez jamais essayé. (c'est en 2è catégorie)
Même pour du concerto c'est parfait.
La réverbération est vraiment parfaite d'ici, beaucoup plus modérée qu'ailleurs, aucune impression de brouillon, par contre immersion maximale.

Xavier a écrit:

Vraiment un superbe concert, surtout pour la 7 de Chostakovitch, qui était vraiment de nature à convaincre les récalcitrants. (qui auraient donc dû venir!)

J'étais dans le hall avec des copains et on m'a même proposé une place gratuite ! Mais non.

La conférence-concert au CNSM m'a largement suffi.

Xavier a écrit:

Pas grand chose à faire pour le II qui est quand même le moment faible de la symphonie pour moi. (déjà que souvent je n'aime pas ces mouvements intermezzo/allegretto/mi-grotesques mi-comiques qu'on trouve notamment chez Mahler ou Honegger, mais celui-là est vraiment raté)

C'est drôle que tu dises ça, en général chez Mahler, c'est ce que je préfère les scherzo. Mais il est vrais que dans cette symphonie de Chosta, je m'attarde rarement dessus et justement, j'en profite pendant le concert. Et là, j'ai glissé mon dans la partition et j'ai constaté les constants changements de tempo dans les mesures, des motifs qui se répètent, des climats différents et surtout ces solos de hautbois et de cor anglais qui dialoguent avec les cordes. Ça me touche profondément, surtout quand j'entends le hautbois haut jouer ses notes (Si Ré... etc) et les réponses des cordes.

Un compte rendu est paru sur Bachtrack. https://bachtrack.com/fr_FR/critique-jarvi-suwanai-orchestre-de-paris-philharmonie-novembre-2017

ResMusica a moins aimé, le critique s'étonne même que le public y ait trouvé son compte
http://www.resmusica.com/2017/12/05/paavo-jarvi-un-retour-en-demi-teinte-face-a-lorchestre-de-paris/