Comment trouver SA version ?

Mefistofele a écrit:

écoute pour critiquer/dire du mal plutôt qu'écoute-critique/commenter objectivement les choix (artistiques ou techniques)

Ce n'est même pas pour critiquer ou dire du mal, c'est que spontanément, même seul pour soi, il est possible d'avoir cette tournure d'esprit « négative », qui va retrancher les défauts plutôt que de profiter des beautés.

Mefistofele a écrit:

Ces tribunes critiques ont-elles comme aveu déclaré de décréter le bon goût ?

Facialement, c'est souvent un peu ce qui est promu, oui : former le goût de l'auditeur, et puis on ne se prive pas de détruire les grandes versions.

Lorsque j'entends un chef pas particulièrement intéressant qui a une carrière secondaire comme invité dans de petits théâtres français s'esclaffer que Solti ne sait pas diriger Mozart, je n'ai pas l'impression que l'on cherche à m'édifier ou à forger mon goût.

Citation :

En étant conscient du périmètre couvert par chaque exercice, pourquoi ne pas tout mettre à profit pour orienter ses écoutes, puisque l'exhaustivité est humainement impossible pour le répertoire ?

J'ai assez vite renoncé, justement à me fier aux critiques pour trouver la bonne came… Souvent été déçu par les « références », ou rendu compte que les raisons avancées ne tenaient pas vraiment – en général les critiques recommandent, tout simplement, leur premières versions de quand ils étaient jeunes (d'où les dithyrambes sur les Don Giovanni de Krips et Giulini pendant des décennies, alors même que le choix s'était beaucoup élargi, et vraiment en mieux…).

C'est "intéressant", merci du panorama.

Je me rends compte du gouffre qui sépare apparemment mes fréquentations et ce que la critique française propose. Décréter que quelqu'un est nul, soit, j'attendrais une argumentation a minima, autrement, le "je n'aime pas, parce que X" serait un peu plus...informatif et honnête ?

Les références datées, j'ai en effet donné, je me demande à quel point il y a le problème du coût en temps qui jouerait, à savoir la version antique marquante, les suivantes ont été écoutées mais n'ont pas emballé le critique (outre l'effet madeleine). Certes, c'est le métier de ces gens en l'occurence, mais s'ils doivent brasser des quantités ahurissantes de répertoire en profondeur et régulièrement... J'espère du moins l'honnêteté intellectuelle de la comparaison véritable et non du souvenir magnifié opposé au nouvel impétrant décortiqué (sur le mode que tu décris : trouver la petite bête au lieu de chercher les belles choses). D'un autre côté, le travail des critiques serait aussi d'aider l'auditeur/le consommateur dans l'allocation de son budget (temps et argent), aussi souligner les défauts s'il y en a ne me paraît pas malhonnête ou contraire à la déontologie.

Former le goût de l'auditeur tout en jouant la carte de l'iconoclastie m'interpelle : voilà qui semble contradictoire, d'autant plus si les vieilles cires sont aussi les références encensées... Peut-être est-ce à des moments différents ? Ce qui tendrait à confirmer que ces tribunes sont de purs divertissements malgré des intentions officielles sensiblement différentes ? À moins que des partenariats ne guident les choix ? Je ne connais pas le monde de la critique musicale, mais dans d'autres secteurs, je sais de première main que des paramètres commerciaux entrent en ligne de compte, du moins avec certaines franges rédactionnelles.

Enfin, Solti qui ne sait pas diriger Mozart, c'est amusant... Voilà le chef vers lequel je me tournerais spontanément pour les opéras (et ceux de Strauss, aussi...).

Mefistofele a écrit:

Ce qui tendrait à confirmer que ces tribunes sont de purs divertissements malgré des intentions officielles sensiblement différentes ?

J'avoue que je vois plutôt ça comme un truc à faire entre amis, où on se chambre l'un l'autre sur ses travers, où on découvre des trucs… Mais pour établir une hiérarchie ou faire de la pédagogie, pas sûr que ça fonctionne.

Ou alors si, des extraits choisis bien précisément dans un but donné, pour illustrer des différences de rapport au texte (et pas forcément pour déterminer qui est le meilleur).

Déjà, le fait que ce soit à l'aveugle fausse tout : on ne peut pas remettre en contexte les choix, et il n'est pas facile de se rappeler à la fin qui a fait quoi.

Citation :

À moins que des partenariats ne guident les choix ? Je ne connais pas le monde de la critique musicale, mais dans d'autres secteurs, je sais de première main que des paramètres commerciaux entrent en ligne de compte, du moins avec certaines franges rédactionnelles.

Oui, bien sûr. Quand il y a des annonceurs, on sait bien que la couverture critique est moins sévère. (Tous les disques du label sont présents aussi, ce qui est important à une époque où l'on ne peut matériellement tout écouter, tout commenter, tout publier…) À cela s'ajoutent les copinages interpersonnels, les amis des rédac-chefs, etc.

On m'a raconté l'histoire de quelques papiers à réécrire parce que « Machin on l'aime bien, on va pas dire ça de lui… ».

Autre exemple emblématique, les Victoires de la Musique Classique (je ne sais pas si c'est toujours le cas) étaient largement financées par Naïve et Virgin Classics. Deux nominations sur trois (parfois davantage) provenaient de ces labels… (Le reste, ce devaient être EMI, Decca, DGG…) Clairement il y avait une forme d'accord tacite.

Citation :

Enfin, Solti qui ne sait pas diriger Mozart, c'est amusant... Voilà le chef vers lequel je me tournerais spontanément pour les opéras (et ceux de Strauss, aussi...).

J'ai même entendu les compositeurs recevoir des leçons, comme « Mozart écrivait du 4/4, mais il savait très bien que c'était du 2/2 ».

Pour Solti, j'ai caricaturé (quoique j'aie entendu pire, à la vérité, mais je ne me rappelle plus des détails), je me souviens d'un baryton suisse (que j'aime assez d'ailleurs) à la jolie carrière (pas du tout une star non plus) qui, écoutant l'Enlèvement au Sérail de Solti, disait peu ou prou que personne ne savait chanter là-dedans (c'était à l'aveugle et il y avait Gruberová, Battle, Winbergh, Zednik et Talvela…) et que le chef ne savait pas jouer Mozart.
Quand c'est en plus un professionnel qui porte ce genre de jugement, ça laisse songeur sur les biais cognitifs que peuvent produire ce type d'exercice.

Je suis comme vous, je préfère découvrir une oeuvre que découvrir des interprétations. Pour ma part, je fonctionne un peu comme je le fais pour le cinéma ou pour la littérature: j'y vais par affinités. Je ne cherche donc pas LA version, ni LES versions, mais l'artiste avec lequel j'aurai le plus d'affinités dans tel répertoire. Ou parfois LES artistes.

Dans Chopin par exemple, j'adore presque tout ce que fait Pollini, sauf dans les Nocturnes et les Valses, où je préfère Arrau. Pour les symphonies de Beethoven, j'aime bien l'approche de Karajan, même s'il y a sans doute de meilleures interprétations. J'adore Marriner dans les symphonies de Mozart, Dietrich Fischer-Dieskau dans les lieder de Schubert, etc.

YouTube est un excellent moyen de faire connaissance avec différents grands interprètes, afin d'orienter par la suite vos achats de disques.

Par ailleurs, quand on aime un artiste dans tel répertoire, il peut être intéressant de suivre son évolution. Les grands interprètes dans tel répertoire vont souvent le revisiter à plusieurs reprises au cours de leur carrière. Souvent en approfondissant leur interprétation. Bien sûr, écouter d'autres interprétations vous permet souvent de découvrir une autre manière d'aborder une oeuvre, ça peut être intéressant pour se décrasser les oreilles en somme, mais je reviens toujours, pour ma part, aux artistes que j'aime.

On découvre aussi parfois que l'on préfère une maison de disques à une autre. Pour ma part, j'aime beaucoup ce que fait la maison Philips, en particulier dans sa collection Duo. Que du bon, qui permet de se constituer des intégrales dans certains répertoires à petit prix, toujours dans des interprétations de haut niveau et avec des prises de son à l'avenant.

Vous pouvez acheter tout ce qui se publie dans cette collection les yeux fermés. Ils font du bon travail.

Moi c'est plutôt CPO, DUX et Timpani.

(Parce que Philips, il y a plein de Haitink bien mous, quelques trucs un peu raides de Colin Davis également. )

Mais côté prise de son, c'est sûr qu'on peut aller du côté de tout ce qui a été fait ces 25 dernières années chez BIS, on est sûr d'être à la fête.

DUX  

Même si mon dernier essai a été décevant, un compositeur contemporain polonais dont le nom m'échappe qui faisait de la musique religieuse minimaliste, quelque part entre ascèse médiévale et harmonies minimalistes à la Paart.

EDIT : il s'agissait de Paweł Łukaszewski (vraiment pas aimé de mon côté)

Par contre Timpani le label n'existe plus non ?
J'aime beaucoup aussi évidemment.

Prosopopus a écrit:

EDIT : il s'agissait de Paweł Łukaszewski (vraiment pas aimé de mon côté)

Pas passionnant en effet.

Mais tellement d'autres merveilles ! Des polyphonies de Pękiel aux quatuors de Baculewski en passant par la meilleure version de l'Euridice de Peri et la musique de chambre postromantique polonaise par de jeunes ensembles émérites… !

Citation :

Par contre Timpani le label n'existe plus non ?

Oui, cessation d'activité a priori. Mais les disques sont toujours là, et formidables.

C'est avant tout une grande erreur de vouloir trouver SA version

On ne peut que mieux comprendre une oeuvre en écoutant des approches d'interprétation très différentes ...

Ensuite la version préférée d'aujourd'hui ne sera peut être pas celle de demain

sergio a écrit:

On ne peut que mieux comprendre une oeuvre en écoutant des approches d'interprétation très différentes ...

Je suis plutôt d'accord, mais la généralisation est peut-être excessive.
Par exemple, je n'ai longtemps écouté que le Don Giovanni de Fricsay; eh bien, je n'ai pas eu le sentiment d'avoir mieux compris l'œuvre après avoir écouté les versions Klemperer et Simone Toni.