Autour de la musique classique

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DavidLeMarrec
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 10 Déc 2006 - 17:05

Merci Morloch !


Jaky a écrit:
DavidLeMarrec a écrit:
La somme incontournable est la plate-forme animée par Emily Ezust :

http://www.recmusic.org/lieder/ .
Confused
Je ne suis malheureusement pas polyglotte, en anglais les lieders de Schumann me resteront tout aussi incompréhensibles. Shit
J'ai ça ailleurs, je te passe le lien.

A savoir, Chamisso n'est pas moins mièvre dans la langue originale, je n'y suis pour rien !
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joachim
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 10 Déc 2006 - 17:25

Et alors, personne ne songe à complimenter David pour ses explications ? C'est clair, concis, bien compréhensible, et ça nous donne envie d'en connaître encore plus.
Bravo, David Very Happy

Personnellement, le lied, (et encore plus la mélodie française), est l'aspect musical que j'aime le moins, ce qui ne signifie pas que je n'en écoute pas, bien au contraire. Mais je n'ai presque rien en CD sauf la Belle Meunière et le Voyage d'Hiver, et quelques autres.

Tu as raison de dire qu'on méconnait trop Zelter, qui d'ailleurs, et contrairement à Schubert, ne s'est presque consacré qu'au lied (d'ailleurs je ne connait rien d'autre de lui à part un concerto pour alto).

En revanche, je trouve que tu es sévère envers Karl Loewe. Il me semble que ses ballades sont uniques en leur genre, on ne trouve même pas l'équivalent chez Schubert. Mais ce n'est que mon avis.

En tout cas, merci encore pour ton exposé. Nous attendons la suite (Schumann, Liszt, Wolf....) Wink
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DavidLeMarrec
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DavidLeMarrec


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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 10 Déc 2006 - 17:46

joachim a écrit:
Et alors, personne ne songe à complimenter David pour ses explications ? C'est clair, concis, bien compréhensible, et ça nous donne envie d'en connaître encore plus.
Bravo, David Very Happy
Merci Joachim !


Citation :
Tu as raison de dire qu'on méconnait trop Zelter, qui d'ailleurs, et contrairement à Schubert, ne s'est presque consacré qu'au lied (d'ailleurs je ne connait rien d'autre de lui à part un concerto pour alto).
Il a aussi écrit pour clarinette, il y a quelques petites choses de publié, mais peu, c'est vrai.


Citation :
En revanche, je trouve que tu es sévère envers Karl Loewe. Il me semble que ses ballades sont uniques en leur genre, on ne trouve même pas l'équivalent chez Schubert. Mais ce n'est que mon avis.
Il n'était pas dans mon intention d'être sévère ! Si tu veux développer quelque chose, je te suis volontiers !


Citation :
En tout cas, merci encore pour ton exposé. Nous attendons la suite (Schumann, Liszt, Wolf....) Wink
C'est entendu !
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entropie
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 10 Déc 2006 - 18:15

C'est vraiment super !
Merci David !
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antrav
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 10 Déc 2006 - 18:16

Merci pour ce guide du lied en 10 leçons. Remarquable comme toujours.
J'avoue attendre avec impatience Wolf (et peut-être Schoenberg et Berg?) qui m'est plus facile de compréhension que Schubert et ce petit bijou de Winterreise que tu m'avais conseillé.
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sofro
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 10 Déc 2006 - 18:54

A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 Divers199Monsieur Le Marrec?..



Ce que vous dites est intéressant mais... il y a une évaluation à la fin? ça va être noté? Neutral
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calbo
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 10 Déc 2006 - 19:11

Un dossier très intéressant et bien présenté. Nous attendons avec impatience une petite discographie
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Xavier
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Xavier


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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 10 Déc 2006 - 20:15

joachim a écrit:
Et alors, personne ne songe à complimenter David pour ses explications ?

Bah...
C'est David quoi. cool-blue

Ben si, merci David, en plus je ne connais pas vraiment à fond le domaine des lieder de Schubert.
D'ailleurs que penses-tu de Souzay là-dedans?
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Octavie
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 10 Déc 2006 - 20:53

Very Happy

Citation :
Ceux de Beethoven entament plus sérieusement le genre. Des mises en musique de poètes romantiques, des cycles (Faust-Lieder, An die Ferne Geliebte), mais aussi des pièces plus folkloriques, dont un d'harmonisations d'airs célèbres pour voix, violon, violoncelle et piano, qui ne sont pas tous en anglais (voir en particulier les mélanges linguistiques WoO 158a). [Il faut entendre l'excellente version tirée de l'intégrale Beethoven chez DGG, avec Malcom Martineau au piano.]
Question Faut-il lire « en allemand » ?

Citation :
L'insertion de choeurs (Ständchen/Zögernd leise, Szene aus Faust, Mirjams Siegesgesang), qui répondent, qui créent un climat, qui agissent selon les cas...
Ils ont tous écrit sur Faust ?!
Est-ce que ces « scènes sur Faust » sont regroupées parfois ? Il me semble ne jamais les avoir trouvées toutes ensemble…
[bon, en lisant le message suivant, je sais où les trouver… Rolling Eyes merci Smile ]

Je n’y connais pas grand-chose, mais j’ai découvert (devinez grâce à qui… ) il y a peu Matthias Goerne, d’abord dans le voyage d’hiver, puis surtout dans le chant du cygne. Pour le voyage d’hiver, que j’avais eu du mal à écouter en entier sans m’ennuyer avec Fassbänder, j’ai vraiment apprécié la chaleur de cette voix (paradoxal vu l’œuvre, mais c’est vraiment l’impression que j’ai eu). Et puis, j’ai découvert ce chant du cygne, et là, véritable coup de foudre ! Dans les deux cas, c’est un enregistrement en public à Wigmore Hall, avec Alfred Brendel, et c’est (pour autant que je puisse en juger) du très grand ! (au fait, David, sais-tu si c’est du piano ou du pianoforte ?)
C'est vrai qu'il y a de la diversité au sein même d'un cycle de poèmes, et même au cours d'un même poème ! Le "in der ferne", notament, dont la troisième strophe semble ne venir de nulle part ! (enfin, elle doit bien venir de quelque part, mais on a vraiment l'impression qu'on a "changé de couleur", c'est stupéfiant !) Sans parler du ton là aussi surprenant de "abshied", qui clôt le cycle de façon déroutante (mais David en parlera bien mieux si jamais il a envie de nous en parler...)

Merci pour le sujet en tous cas !
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Jaky
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyLun 11 Déc 2006 - 1:38

DavidLeMarrec a écrit:
Merci Morloch !


Jaky a écrit:
DavidLeMarrec a écrit:
La somme incontournable est la plate-forme animée par Emily Ezust :

http://www.recmusic.org/lieder/ .
Confused
Je ne suis malheureusement pas polyglotte, en anglais les lieders de Schumann me resteront tout aussi incompréhensibles. Shit
J'ai ça ailleurs, je te passe le lien.

A savoir, Chamisso n'est pas moins mièvre dans la langue originale, je n'y suis pour rien !
Merci, et pour le côté mièvre, cela chatouillera mon penchant "fleur bleue" fleurs
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DavidLeMarrec
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyLun 11 Déc 2006 - 3:07

Merci à tous, c'est un plaisir de travailler pour vous !

Je m'y remettrai volontiers.


Xavier a écrit:
D'ailleurs que penses-tu de Souzay là-dedans?
Souzay a un excellent allemand, et sa voix toujours bien placée. Cela dit, comme dans la mélodie française, l'expression est un peu neutre à mon goût. Ca reste d'excellent niveau et plus qu'écoutable bien entendu !
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyLun 11 Déc 2006 - 3:24

Octavie a écrit:
Citation :
Ceux de Beethoven entament plus sérieusement le genre. Des mises en musique de poètes romantiques, des cycles (Faust-Lieder, An die Ferne Geliebte), mais aussi des pièces plus folkloriques, dont un d'harmonisations d'airs célèbres pour voix, violon, violoncelle et piano, qui ne sont pas tous en anglais (voir en particulier les mélanges linguistiques WoO 158a). [Il faut entendre l'excellente version tirée de l'intégrale Beethoven chez DGG, avec Malcom Martineau au piano.]
Question Faut-il lire « en allemand » ?
Non, non, il faut bien lire "en anglais". La plupart de ces mélodies populaires sont en anglais (chants écossais, gallois, irlandais), mais dans les oeuvres sans opus classées WoO 158a, on trouve, outre l'anglais, l'espagnol, l'italien, le portugais , le russe et le hongrois, de l'allemand.


Citation :
Citation :
L'insertion de choeurs (Ständchen/Zögernd leise, Szene aus Faust, Mirjams Siegesgesang), qui répondent, qui créent un climat, qui agissent selon les cas...
Ils ont tous écrit sur Faust ?!
Est-ce que ces « scènes sur Faust » sont regroupées parfois ? Il me semble ne jamais les avoir trouvées toutes ensemble…
Ces scènes n'ont pas été réunies, mais sous forme de lied, Beethoven, Schubert et Wagner s'en sont occupés, en effet. Il existe des disques qui regroupent ceux de Beethoven ou Wagner, et le volume 13 de l'excellente intégrale Schubert chez Hyperion, consacré à Marie McLaughlin, les produit tous dans l'ordre de composition (avec Gretchens Bitte, complété par Britten, en dernier).
Pour plus d'information sur ce volume, voir ici.


Citation :
Je n’y connais pas grand-chose, mais j’ai découvert (devinez grâce à qui… ) il y a peu Matthias Goerne, d’abord dans le voyage d’hiver, puis surtout dans le chant du cygne. Pour le voyage d’hiver, que j’avais eu du mal à écouter en entier sans m’ennuyer avec Fassbänder, j’ai vraiment apprécié la chaleur de cette voix (paradoxal vu l’œuvre, mais c’est vraiment l’impression que j’ai eu). Et puis, j’ai découvert ce chant du cygne, et là, véritable coup de foudre ! Dans les deux cas, c’est un enregistrement en public à Wigmore Hall, avec Alfred Brendel, et c’est (pour autant que je puisse en juger) du très grand ! (au fait, David, sais-tu si c’est du piano ou du pianoforte ?)
C'est bien du piano, et c'est immense, oui, totalement. Son Winterreise était plus réussi avec Schneider, mais ce Schwanengesang avec Brendel est stupéfiant ! Et toujours autant d'idées...


Citation :
C'est vrai qu'il y a de la diversité au sein même d'un cycle de poèmes, et même au cours d'un même poème ! Le "in der ferne", notament, dont la troisième strophe semble ne venir de nulle part ! (enfin, elle doit bien venir de quelque part, mais on a vraiment l'impression qu'on a "changé de couleur", c'est stupéfiant !)
Oui, c'est exact, on bifurque en majeur, on répète le texte (la troisième et dernière strophe occupe la moitié de la durée), et l'accompagne change, s'arpège.


Citation :
Sans parler du ton là aussi surprenant de "abshied", qui clôt le cycle de façon déroutante (mais David en parlera bien mieux si jamais il a envie de nous en parler...)
Qui clôt la première moitié du cycle, les Rellstab. Mais tu veux peut-être parler de Die Taubenpost ? Une conclusion pas très heureuse de l'éditeur, mais finir sur Der Doppelgänger, façon Leiermann, est un peu raide, je reconnais.
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyLun 11 Déc 2006 - 4:56

La rosée du matin.


3.4. Robert Schumann

Robert Schumann est le second compositeur le plus joué et le plus enregistré dans le lied, et je gage même que son Dichterliebe ("Amour(s) du poète", sur des textes de l'Intermezzo de Heine), adaptable à toutes les voix (sauf les basses), valorisant pour le pianiste, sur textes célèbres et de longueur moins exigeante, est sans doute le cycle le plus fréquemment exécuté au concert.

Pourtant, si l'époque et le style musical peuvent paraître, de loin, semblables à Schubert (car de loin, rien ne ressemble à un lied qu'un poème joué avec chanteur/piano - un lied), l'attitude de Schumann face à la mise en musique de ces textes est profondément différente.

A partir de Schumann (du dernier Schubert, en réalité), les formes strophiques ne sont plus utilisées - Fanny et Félix Mendelssohn seront les derniers à en faire un usage régulier.

A noter, pour Schumann, on compte avec les numéros d'opus, ce qui ne facilite pas toujours les choses, surtout lorsqu'il s'agit de groupes hétéroclites. Ils existent chez Schubert (et figurent seuls en tête des éditions Peters), mais ne sont que peu employés depuis l'élaboration du catalogue Deutsch.


1. Principes de la mise en musique chez Schumann

On parle souvent de l'émancipation du piano chez Schumann. Ce n'est pas faux, mais c'est inexact puisque, on l'a vu, il joue déjà chez Schubert un rôle déterminant : phénomènes d'introduction ou d'écho, suggestion du décor... Néanmoins, Schumann donne une plus grande autonomie à l'accompagnateur, à qui il confie une partie largement indépendante, plus virtuose, un peu sous forme d'un prélude pour piano seul. A la fin du Dichterliebe ou de Frauenliebe und Leben ("L'amour et la vie d'une femme", sur des textes de Chamisso), le piano procède à la "remontée" de thèmes antérieurs, et conclut seul, dans une coda autonome d'une minute environ.

L'écriture vocale, réclamant souvent une étendue moindre, est généralement assez sobre et lyrique, loin des ruptures schubertiennes. Schumann, très clairement, s'inscrit dans une visée de continuité du discours musical.

Le traitement du texte musical est également différent. On pourrait parler d'une certaine abstraction. Schumann traite le texte poétique dans sa globalité. Il n'est pas question d'individualiser les strophes (sauf besoin évident), de ménager des contrastes expressifs fulgurants : chez Schumann, le texte est une entité autonome, un monde à part, avec ses procédés et ses couleurs propres. Procédés qui la plupart du temps se maintiennent jusqu'à la fin de la pièce.
Schumann apparaît moins sensible au mot poétique qu'à son sens. Là où Schubert explorait le moindre recoin expressif du texte, jusqu'au décousu (dans sa jeunesse), Schumann s'empare d'un esprit d'ensemble, sur lequel il pose sa musique - le texte s'y fondra ensuite, sans réelle modulation expressive interne. Bien sûr, il y a de nombreuses formes ABA, mais guère plus.

Le piano joue donc sa partie, et le texte se déroule indépendamment, d'une traite, dans l'esprit choisi.


2. Les duos

Schubert avait écrit de nombreuses oeuvres incluant un choeur ou un dialogue (Antigone und Oedip, Shilrik und Vinvela, Eine alstchottische Ballade, Adieux d'Hector et Andromaque, etc.). Mais Schumann (de même que Mendelssohn) emploie parfois le duo. Chanté de façon homophonique (même rythme pour les deux parties), souvent à la sixte - prévu pour deux femmes ou pour voix de femme et ténor. C'est un début pour un genre assez développé.

Par exemple :
- Quatre duos Op.34 ;
- Quatre duos Op.78 ;
- Tragödie III.


3. Les cycles

Les cycles, par leur cohérence, sont toujours la voie privilégiée pour aborder le lied. Chez Schumann, comme chez Brahms, les lieder sont publiés par groupes, mais tous ne sont pas cohérents.

On peut donc citer comme cycles :

- Le Liederkreis Op.24 sur des textes de Heine.
=>Plus lumineux que de coutume, ce Schumann surprend et séduit ; parfois enregistré, mais peu donné.
- Les Myrten Op.25.
=>Contient notamment les célèbres Widmung et Du bist wie eine Blume. Le cycle complet, assemblage de poètes divers, est rarement donné.
- Le Liederkreis Op.39 sur des textes d'Eichendorff.
=> Considéré à juste titre comme une forme d'apogée du lied romantique. Les poèmes riants d'Eichendorff servent de cadre à un épanchement très communicatif. Voisinent des réussites absolues (Waldesgespräch, Mondnacht, Auf einer Burg, Frühlingsnacht) avec des textes que je trouve vraiment dénaturés par la mise en musique (Schöne Fremde, qui abandonne le mythe et l'émerveillement pour une ritournelle plus commune). C'est aussi ce qui arrive avec Der Schatzgräber, lied isolé d'après Eichendorff, très amoindri par sa mise en musique. Néanmoins, à ce peu d'exceptions près, ce Liederkeis Op.39 constitue un monument incontournable de l'histoire du lied.
- Frauenliebe und Leben Op.42 ("L'amour et la vie d'une femme", textes de Chamisso).
=> Textes mièvres (y compris dans la langue originale), mise en musique gracieuse, avec de grands moments, surtout la rencontre et la mort. Cheval de bataille des voix féminines. [Entendre Kathleen Ferrier, inapprochable, et plus récemment Bernarda Fink, dans un style plus épique.]
- Dichterliebe Op.48 ("Amour(s) du poète", textes tirés de l'Intermezzo de Heine).
=> Le cycle le plus exécuté, une collection de miniatures de tonalités diverses, autour du discours d'un amoureux éconduit. Fausse joie, amertume, ironie mordante, affliction, désespoir cynique se succèdent, servis un par un (à la façon de Schumann), mais avec une grande efficacité. Le piano joue sa pleine indépendance, et entretient volontiers, à la fin de certaines pièces, des échos thématiques.
- Gedichte der Königin Maria Stuart Op.135 ("Poèmes de la reine Marie Stuart").
=> Les poèmes déchirants de Marie Stuart, notamment l'Adieu à la France, l'adresse à Elisabeth Ière, l'Adieu au monde...
- Et j'ajoute pour les pressés la minuscule trilogie Tragödie I, II & III (Heine).
=> Une série de trois lieder qui se font suite. Etonnant.


Voilà pour ce maillon incontournable que constitue Schumann.
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyLun 11 Déc 2006 - 6:08

3.5. Clara Wieck-Schumann

Imaginez si Chopin, au lieu de mélodies intimistes aux accents populaires, avait écrit du lied de concert. Clara Schumann est dans cette veine - toujours cette fièvre Schumannienne tempérée par la suprême élégance chopinienne. Sa musicalité fait ici des merveilles.

Comme chez Schumann, le piano, virtuose (plus encore chez elle), est largement autonome. L'art de la mise en atmosphère est sans doute moindre, mais - qu'on me pardonne - l'art de la mise en musique d'un texte est, lui, d'une bien plus grand subtilité. Dans le flux musical qui parcourt le morceau, Clara Schumann ménage des hésitations, des retouches, des redites dont le ton change. Si peu que l'interprète y soit sensible, l'effet est véritablement merveilleux.
Pour autant, l'écriture mélodique est très vocale, avec de belles lignes d'un port admirable.

Clara Schumann n'est décidément pas un compositeur de lied mineur. A titre personnel, j'y suis plus sensible qu'à Schumann, Mendelssohn, Brahms ou Wolf.

[Le disque de Christina Högman chez BIS rend tout à fait justice à cette écriture remarquable.]


3.6. Fanny Mendelssohn-Hensel

L'aînée de Felix a publié un certain nombre de lieder initialement sous le nom de son frère. Malgré sa disparition prématurée, elle laisse un petit catalogue de lieder assez aboutis.

L'écriture vocale en est assez instrumentale, et même dans les poèmes les plus tristes, toujours dépourvue de gravité. Pourvus d'une élégance plus modeste que la virtuosité flamboyante, l'oeillade enflammée de Clara.

On peut trouver un petit côté inoffensif à ces lectures musicales qui ne sondent jamais beaucoup plus loin que la bienséance les affects contenus dans les poèmes. Il est vrai que l'individualité de chaque atmosphère est peut-être moins réussie que chez d'autres, que le détail du texte passe un peu à la trappe.
Il n'en demeure pas moins que l'inspiration musicale est de très belle facture, et on peut difficilement y rester insensible.

[De même, Christina Högman tire le meilleur de ces pièces.]


3.7. Felix Mendelssohn

Dans le domaine vocal, Mendelssohn a plus brillé par sa musique religieuse (les incontournables Elias et Paulus, les Psaumes suprêmes) ou par sa musique de scène (Le Songe d'une Nuit d'Eté, Antigone, Oedipe à Colone et Athalie) que par ses opéras (Die Hochzeit des Camacho Op.10, opéra comique en deux actes et Heimkehr aus der Fremde Op.89, liederspiel en un acte, sont, disons, des réussites relatives) ou ses lieder.

L'écriture 'liederistique' de Mendelssohn est d'une grande naïveté, aussi régulière que ses Lieder ohne Worte ("Romances sans paroles"), tout autant dépourvue de surprises et de relief. Pour un résultat, on s'en doute, assez distant du texte.

Il faut connaître pour compléter sa connaissance de Mendelssohn, mais il y a plus intéressant à fréquenter : Zelter, Fanny Hensel, Loewe...
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyLun 11 Déc 2006 - 12:09

Magnifique ! Superbe ! cheers
Voilà un topic que je sauvegarde.
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyLun 11 Déc 2006 - 13:14

Zoilreb a écrit:
Magnifique ! Superbe ! cheers
Voilà un topic que je sauvegarde.
C'est décidément un plaisir de travailler pour vous. Very Happy

********************

sofro a écrit:
A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 Divers199Monsieur Le Marrec?..



Ce que vous dites est intéressant mais... il y a une évaluation à la fin? ça va être noté? Neutral
Ca sent le vécu. Laughing
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyLun 11 Déc 2006 - 14:00

Bien sur il y a les connaissances impressionantes mais surtout c'est vraiment trés clair et pas du tout diffficile à lire et vu la densité du contenu c'est un vrai tour de force.
Chapau Bas !
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyLun 11 Déc 2006 - 21:06

DavidLeMarrec a écrit:
Octavie a écrit:
Citation :
Ceux de Beethoven entament plus sérieusement le genre. Des mises en musique de poètes romantiques, des cycles (Faust-Lieder, An die Ferne Geliebte), mais aussi des pièces plus folkloriques, dont un d'harmonisations d'airs célèbres pour voix, violon, violoncelle et piano, qui ne sont pas tous en anglais (voir en particulier les mélanges linguistiques WoO 158a). [Il faut entendre l'excellente version tirée de l'intégrale Beethoven chez DGG, avec Malcom Martineau au piano.]
Question Faut-il lire « en allemand » ?
Non, non, il faut bien lire "en anglais". La plupart de ces mélodies [populaires sont en anglais (chants écossais, gallois, irlandais), mais dans les oeuvres sans opus classées WoO 158a, on trouve, outre l'anglais, l'espagnol, l'italien, le portugais , le russe et le hongrois, de l'allemand.
Un pan de mon ignorance s'effondre !dwarf


Citation :
Citation :
C'est vrai qu'il y a de la diversité au sein même d'un cycle de poèmes, et même au cours d'un même poème ! Le "in der ferne", notament, dont la troisième strophe semble ne venir de nulle part ! (enfin, elle doit bien venir de quelque part, mais on a vraiment l'impression qu'on a "changé de couleur", c'est stupéfiant !)
Oui, c'est exact, on bifurque en majeur, on répète le texte (la troisième et dernière strophe occupe la moitié de la durée), et l'accompagne change, s'arpège.
C'était donc ça. Tout s'explique. (Enfin, tout, non, heureusement !)


Citation :
Citation :
Sans parler du ton là aussi surprenant de "abshied", qui clôt le cycle de façon déroutante (mais David en parlera bien mieux si jamais il a envie de nous en parler...)
Qui clôt la première moitié du cycle, les Rellstab. Mais tu veux peut-être parler de Die Taubenpost ? Une conclusion pas très heureuse de l'éditeur, mais finir sur Der Doppelgänger, façon Leiermann, est un peu raide, je reconnais.
Non, je parlais bien de celui qui conclue le premier cycle à l'intérieur du cycle (qui constitue une entité propre, non ?)
Il est vrai que Die Taubenpost fait un peu isolé ; dans un enregistrement par Peter Schreier/Andreas Schiff, le disque se poursuit avec 2 autres lieder d'après Seidl, un premier dont je ne retrouve plus le titre, et "bei dir allein". Le premier s'accordait parfaitement avec Die Taubenpost, et ça concluait très bien le cycle "habituel", tant au niveau du texte (on continuait sur le thème du pigeon voyageur) que de la musique ; j'essaierai de retrouver le titre.


Un grand merci pour toutes ces pistes, j'entrevois de belles découvertes ! Very Happy
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyLun 11 Déc 2006 - 21:43

Je suis très content si c'est clair, Entropie, l'enjeu était précisément que ce ne soit pas trop indigeste !


Sinon, pour le numéro complétaire. Il s'agit du 878 ! Am Fenster.

On ajoute souvent Herbst D.945 au milieu. C'est le cas dans ce disque Schreier/Schiff, mais aussi chez Goerne.
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyMer 13 Déc 2006 - 18:26

DavidLeMarrec a écrit:
Sinon, pour le numéro complétaire. Il s'agit du 878 ! Am Fenster.
Il sait tout. alien
Effectivement, après un moment de doute, le texte me dit quelque chose... Je ne sais pas où je suis allée chercher qu'il était toujours question de pigeon voyageur...

Citation :
On ajoute souvent Herbst D.945 au milieu. C'est le cas dans ce disque Schreier/Schiff, mais aussi chez Goerne.
Mais pas toujours à la même place, il me semble ; chez Van Dam/Afanassiev, il est même ajouté simplement à la fin. Sait-on si Schubert avait l'intention de l'intégrer au cycle des Rellstab lieder ?
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyMer 13 Déc 2006 - 20:14

Octavie a écrit:
Citation :
On ajoute souvent Herbst D.945 au milieu. C'est le cas dans ce disque Schreier/Schiff, mais aussi chez Goerne.
Mais pas toujours à la même place, il me semble ; chez Van Dam/Afanassiev, il est même ajouté simplement à la fin. Sait-on si Schubert avait l'intention de l'intégrer au cycle des Rellstab lieder ?
Chez les éditions Peters, il est ajouté au début... En réalité, c'est un lied de la même époque sur un texte de Rellstab, mais que l'éditeur n'avait pas inclus lorsqu'il a rassemblé les lieder qui en ont fait le Schwanengesang.
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptySam 16 Déc 2006 - 16:26

3.8. Franz Liszt

Liszt a écrit, comme Beethoven, dans de nombreuses langues, mais de façon plus précise - pas simplement sous l'angle du chant populaire. Marginalement en anglais et en hongrois, un peu plus en italien et en français, très largement en allemand.

3.8.1. L'écriture en allemand

L'écriture pianistique n'appartient pas au Liszt virtuose, plutôt au Liszt dépouillé (ou du moins au Liszt du lyrisme), avec toujours cette petite sècheresse, ce début d'ascétisme. La partition porte des indications (rédigées !) très précises sur les modes de jeu, notamment concernant l'équilibre avec le chanteur, les notes à privilégier dans le chant du piano, l'usage de la pédale, la relativité des nuances dynamiques, etc.
Liszt se plaît à utiliser des figures qu'il réexploite ensuite sur le mode de la variation. Dédaignant superbement la forme strophique, les fins sont particulièrement travaillées, souvent sous forme d'extinction douce.

Du côté vocal, les tessitures peuvent être très centrales ou au contraire assez longues, selon l'oeuvre. Liszt n'exploite pas une veine extrêmement mélodique, plutôt laissée du côté du piano, et lui préfère une forme mi-récitative mi-lyrique, avec des intervalles parfois larges, qui préfigure tout à fait Wagner.

[Vous pouvez écouter Der König in Thule ("Le roi de Thulé") par Cord Garben, dans le récital Behrens, tout cela y apparaît très nettement, bien qu'il prenne avec quelque sens de la contradiction les indications du Maître.]

3.8.2. Dans d'autres langues

En italien, on sent une lointaine influence de type sérénade italienne (pour mettre en musique du Pétrarque !).
En français, le sens du charmant est préféré, et ici, le strophique revient en force (avec variations, of course). Les Hugo se parent d'un goût délicieux, romances ravivées au contact du sacré.


3.9. Richard Wagner

Wagner a fort peu écrit en dehors de ses opéras. Quelques ouvertures, et une poignée de lieder et de pièces pour piano.

3.9.1. Les Wesendonck-Lieder

Ceux-ci, écrits sur les poèmes de la femme de son mécène, son amante Mathilde Wesendonck qui lui inspira le sujet de Tristan und Isolde (Qu'est-ce qu'on dit ? - Merci Mathilde !), occupent une place à part. Ils sont prévus avec orchestre, et sont d'une qualité peut-être moindre que les oeuvres contemporaines de Wagner, mais tout à fait conséquente en elle-même.
Il s'agit de la seule oeuvre non opératique, avec Siegfried-Idyll, qui soit reconnue et régulièrement exécutée. Et encore, vous le sentez, l'opéra n'est pas loin.

Il existe une littérature abondante sur ces lieder qui mériteraient une longue étude à part. Disons simplement que leur lyrisme et l'intimisme de leurs textes sont très touchants, dès qu'ils sont bien servis.

3.9.2. Les lieder de jeunesse

La plupart datent du voyage à Paris de Wagner, au moment où le compositeur vend le livret du Vaisseau Fantôme à l'Opéra, faute de pouvoir vendre l'oeuvre entière pour payer ses dettes.

Vous savez à quel point j'aime le jeune Wagner des Fées et de La défense d'aimer, on ne peut pas me suspecter de légitimer la posture "une oeuvre inconnue est une oeuvre qui n'avait pas la qualité suffisante pour demeurer".
Eh bien, ces lieder s'apparentent assez largement à ses ouvertures. C'est-à-dure, pour faire simple et rester gentil, que ça ne vaut pas tripette.

Cela dit, si vous êtes curieux, c'est assez amusant.

Les Faust-Lieder Op.5 (Sieben Lieder zu Goethes Faust) reprennent dans des harmonies de conservatoire quelques-uns des moments fort de Faust I :
1. Lieder der Soldaten ("Chants des soldats")
2. Bauer unter der Linde ("Paysan sous le tilleul")
3. Branders Lied ("Chanson de Brander")
4. Lied des Mephistopheles ("Chanson de Méphistophélès" - chanson de la puce)
5. Gretchen am Spinnrade ("Marguerite au rouet")
6. Melodram Gretchens (Mélodrame de Marguerite)
7. Lied des Mephistopheles ("Chanson de Méphistophélès" - sérénade)

Mis à part le joli mélodrame, il n'y a rien de bien mémorable dans ces exercices - un jeune étudiant qui s'imagine compositeur en se confrontant aux chefs-d'oeuvres de la littérature d'une main mal assurée.
L'ensemble pourrait fonctionner en ponctuation d'une pièce de théâtre, une musique de scène un peu quelconque, mais en tant que tel, n'a pas grand intérêt.

[Néanmoins, l'anthologie Goethe par Dietrich Fischer-Dieskau rend ses quelques extraits tout à fait plaisants. Une seule intégrale est disponible, par Lo Koppel et Björn Asker, avec l'Hymnia Chamber Choir. Prise de son métallique (façon Naxos), et chanteurs vraiment moyens. Björn Asker, malgré un jeu pas toujours très subtil, avec une voix rude, comme pas entièrement maîtrisée, doit sûrement avoir de l'impact sur scène. Lo Koppel est beaucoup plus problématique (vraiment très), et l'ensemble n'est pas très léché, beaucoup de scories. Ajouté au faible intérêt de ces pièces, on est tenté de se retenir, sauf en voyant le prix : 3,5€ chez certains vendeurs en ligne. Publié chez Classico ou, moins cher, chez Scan Class. Contient également d'autres pièces de Wagner dont on parle ci-après.]

Les autres lieder ? Der Tannenbaum (le sapin), Geburtstagsgruß an Cosima, Lied für Louis Kraft, et plusieurs pièces en français : Adieux de Marie Stuart, Dors mon enfant, Attente, Mignonne, Tout n'est qu'images fugitives et pour finir Les deux grenadiers. Seule cette dernière pièce retient l'attention, plus évocatrice, plus développée que chez Schumann, et vraiment bien écrite pour la prosodie française. [Pour un bouquet de lieder de Wagner, dont celui-ci, voir l'anthologie Hampson/Parsons chez EMI, ces Grenadiers y sont véritablement excellents. Sans doute la meilleure approche possible pour cette musique, avec les réserves que l'on sait sur sa qualité.]

Verdict ? A moins d'être très intéressé par l'ensemble de la production de Wagner (mais commencez donc par Das Liebesverbot et Die Feen), on peut en rester à sa production opératique, aux Wesendonck et aux Deux grenadiers, sans remords aucun.


3.10. Friedrich Nietzsche compositeur

J'avais initialement prévu de traiter Nietzsche comme sous-partie du répertoire Wagner, mais à la réécoute, je suis sensiblement surpris de l'intérêt de l'oeuvre.

Certes, musicalement, on assiste à un agencement très sage, avec des mélodies par segments (environ deux segments par vers), généralement des bouts de gamme agencés pour recréer les mouvements ascendants et descendants de la voix. Vocalement, l'écriture propose une tessiture extrêmement confortable. Le piano se montre très discret. Toutefois, le résultat est d'un charme très sûr. On peut penser aux délicieuses mélodies de Berlioz, sans doute pas profondes, mais vraiment séduisantes.

Le problème réside sans doute dans le fait que l'on a un horizon d'attente différent, si l'on s'intéresse à Nietzsche. On attend quelque chose qui fasse écho à sa passion pour la musique novatrice, la musique de Wagner, la pensée subversive ou généalogique, le triple sens de chaque vers vécu comme un aphorisme. Rien de toute cela, nous avons de très belles romances tout à fait conformistes, qui laissent le texte un peu à distance, comme si le compositeur manquait des moyens pour 'crocheter' les points-clefs du texte.

Néanmoins, on peut écouter avec plaisir cette quinzaine de lieder ainsi que les mélodrames (texte déclamé sur musique instrumentale), ou même des pièces pour piano dans le même goût. [Par exemple via le disque Fischer-Dieskau qui lui est consacré et qui contient, outre l'oeuvre pour lied, plusieurs exemples de mélodrames et une pièce pour piano pittoresque entre Liszt et Chabrier (Nachklang einer Sylvesternacht - toutes proportions gardées).]


A venir : Johannes Brahms, Hugo Wolf.
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MessageSujet: A la découverte du Lied   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 24 Déc 2006 - 14:46

Cher Kia,
J'ai bien pris note de ta petite liste. Un hic: Je me suis mis à la recherche d'un des ouvrages que tu mentionnes, que j'ai acheté il y a 15 ans ou plus, qui doit se trouver dans une de mes boites à banane, au grenier ou autre-part, mais c'est chercher une aiguille dans une botte de foin. Si je me rappelle bien il doit s'agir d' André Tubeuf (Julliard) qui écrit (je cite de mémoire): quant à Mendelssohn-Bartholdi, je n'en parlerai pas, il n'a écrit rien d'intéressant. Je constate que d'autres membres de ce forum sont du même avis (endoctrinés par Tubeuf ou simplement inconscients?). C'est décadent! Encore faut-il rendre à Fanny ce qui lui appartient, mais cela a été fait entretemps.
Votre avis???
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 24 Déc 2006 - 15:39

felyrops a écrit:
Si je me rappelle bien il doit s'agir d' André Tubeuf (Julliard) qui écrit (je cite de mémoire): quant à Mendelssohn-Bartholdi, je n'en parlerai pas, il n'a écrit rien d'intéressant. Je constate que d'autres membres de ce forum sont du même avis (endoctrinés par Tubeuf ou simplement inconscients?).
Ce serait mal me connaître ! Laughing Parmi les choses qu'on peut porter à mon crédit (et aussi bien à mon débit), je n'aime pas les arguments d'autorité (et encore moins lorsqu'ils viennent de Tubeuf).

Je précise donc tout de suite que je ne donnerai pas de bibliographie critique à la fin de mon parcours, parce que j'ai choisi, précisément, de ne présenter le lied qu'à partir de ma propre fréquentation du genre.
Pas d'après un discours qui serait officiel et établi à l'avance, et que je me contenterais de valider.
Mes remarques se fondent seulement sur mes écoutes, mes consultations de partitions et ma pratique.

Je m'efforce autant que possible de ne pas porter de jugement de valeur ici, ou alors en le précisant explicitement (comme je l'ai fait pour Clara Schumann) ; mais pour ce qui est de Mendelssohn, je n'ai pas rencontré de lied qui me convainque vraiment. L'écriture musicale en est très homogène (rythme et harmonie assez primaires), et l'imagination textuelle tout à fait mince. Ca ne me semble pas, en toute objectivité, du niveau de Schubert et Schumann, même si on peut le préférer sans honte, c'est entendu.


Citation :
C'est décadent! Encore faut-il rendre à Fanny ce qui lui appartient, mais cela a été fait entretemps.
Je ne saisis pas bien Question
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 24 Déc 2006 - 17:54

DavidLeMarrec a écrit:
felyrops a écrit:
C'est décadent! Encore faut-il rendre à Fanny ce qui lui appartient, mais cela a été fait entretemps.
Je ne saisis pas bien Question
Fanny, Marius, César ?

Bon, juste un message prétexte pour vous souhaiter à tous un joyeux noël, et remercier David pour ses présentaions. Smile

santa
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptySam 30 Déc 2006 - 21:21

3.11. Johannes Brahms

Mais reprenons le cours des compositeurs officiels de lied.

Brahms, bien que pas si présent au concert, comparé à la Sainte Triade Schubert-Schumann-Wolf, et plus loin Berg, occupe une place de choix dans le panorama liederistique, et la discographie en témoigne avec prodigalité.

L'écriture de Brahms n'est sans doute pas la plus accessible, à cause d'une homogénéité de ton à travers le corpus et à travers les oeuvres. De façon très stable, on retrouve la même calme déploration, à peu près omniprésente.

3.11.1. Caractéristiques

Contrairement aux apparences, l'écriture vocale en est très exigeante, réclamant beaucoup de soutien (ce qui n'est pas aussi indispensable dans Schubert, Schumann, Zelter...), un ambitus peu ostentatoire mais bel et bien tendu vers l'aigu, et une belle qualité de timbre pour rendre ces pièces dans leur plénitude. Car c'est bien plénitude et homogénéité vocales qu'il s'agit d'assurer avant toute chose, et la discographie le révèle éloquemment. On pourrait dire qu'on trouve beaucoup, chez Brahms, une esthétique de la berceuse – berceuse tendue, berceuse sombre, mais berceuse.

Le piano, quant à lui, discret, indépendant, développe un langage de type musique de chambre. Musicalement, le traitement du lied brahmsien est assez riche, beaucoup de recherche dans les accompagnements tant au niveau du rythme que de l’harmonie. C'est là que réside une large part de l'intérêt de cette production, car on y rencontrera peu de véhémence, pas de contrastes dramatiques – lorsqu’ils existent, sont plus spécifiquement musicaux.

La mise en musique suit de près le texte, mais sans porter comme chez Schubert un supplément significatif du sens. Le texte se trouve en quelque sorte accompagné par la musique, une façon de musique de scène, qui aide, mais qui ne signifie pas.


3.11.2. Cycles et séries

Tout le corpus mélodique (très vaste) de Brahms est organisé en séries regroupées par opus, et de façon plus cohérente et moins fragmentaire que chez les deux Schumann. On peut citer quelques standards ou ensembles incontournables :

- Op.33 : Romanzen aus L. Tiecks Maguelone. Les quinze romances tirées de La Belle Maguelonne de Tieck constituent peut-être la porte d'entrée la plus évidente pour cet univers, avec ses accompagnements bondissants dont le tracé rappelle Schumann, avec son ton de rêverie amoureuse, sans doute plus théorisée que chez Müller, mais qui n'en rappelle pas moins des souvenirs schubertiens - il suffit de lire le titre français pour s'en persuader.
- Op.121 : les fameux Vier Ernste Gesänge, pour voix grave et piano. "Quatre chants sérieux", c'est-à-dire sacrés ; méditations sur la mort à la clef. La série la plus connue de toute l'oeuvre de Brahms, à l'aspect imposant, à la technique exigeante. Il s'agit du dernier numéro d'opus publié avant la mort de Brahms, l'opus 122 étant posthume.

On peut aussi relever quelques oeuvres célèbres, comme l'Op.96 n°1 (Der Tod, das ist die kühle Nacht, d'après Heine) ou des séries réussies, tels les neuf numéros de l'opus 32.

[Chacun pourra aisément se repaître du grain de voix qui a sa préférence, de l'épaisseur Christa Ludwig aux acidités de Wolfgang Holzmair, du fait même des caractéristiques du lied brahmsien énoncées précédemment. On peut néanmoins avancer que Fischer-Dieskau, y compris dans les années soixante-dix, constitue une référence assez sûre.]
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 7 Jan 2007 - 21:30

DavidLeMarrec a écrit:

- Frauenliebe und Leben Op.42 ("L'amour et la vie d'une femme", textes de Chamisso).
=> Textes mièvres (y compris dans la langue originale), mise en musique gracieuse, avec de grands moments, surtout la rencontre et la mort. Cheval de bataille des voix féminines. [Entendre Kathleen Ferrier, inapprochable, et plus récemment Bernarda Fink, dans un style plus épique.]
Je viens de tomber là-dessus (presque par hasard) :
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Kathleen Ferrier y est absolument magnifique !!!! Very Happy Quelle voix ! Et combien elle fait vivre son héroïne !

On a tout le temps de s'attacher à cette jeune fille enamourée, choisie par l'homme qu'elle aime, qui quitte ses soeurs, qui devient épouse puis mère (cet avant-dernier lied est chanté comme l'apogée du bonheur, et de quelle façon !), puis soudain, la mort de son mari.
On ignore combien de temps il se passe entre les deux derniers lieder ; probablement, vu le ton général, de nombreuses et paisibles années, mais les lieder s'enchainent impitoyablement, avec une distorsion du temps : les quelques mois de la rencontre à la maternité s'étalent sur 7 lieder, puis il y a le dernier, qui arrive sans prévenir. Et rien pour "faire la transition". Après tant de bonheur, on se prend le dernier lied "en pleine figure", c'est bouleversant.

Et vraiment (tant pis pour la répétition) Kathleen Ferrier est fantastique!! cheers
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MessageSujet: A la découverte du LIED   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyVen 12 Jan 2007 - 19:31

Salut David, étant connaisseur d'Alban Berg, tu connais à coup sûr "Dass war der Tag...", une de ses prémières chansons sur texte de R.M.Rilke.

Il y a deux mois, je voulais organiser un récital Berg-Kilpinen, pour lequel la chanson de Yryö Kilpinen sur le même texte de Rilke serait passée en création mondiale et confrontée à la version de Berg. Malheureusement cela m'était impossible, pour le pianiste et la soprano j'aurais dû payer 3.000 €, et ensuite encore trouver une salle.

C'est normal que ces artistes se fassent payer, mais la culture est dure en ces temps-ci, n'est-ce pas?
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DavidLeMarrec
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyMar 6 Fév 2007 - 13:57

Quelques textes déposés en mon absence !


Octavie a écrit:
DavidLeMarrec a écrit:

- Frauenliebe und Leben Op.42 ("L'amour et la vie d'une femme", textes de Chamisso).
=> Textes mièvres (y compris dans la langue originale), mise en musique gracieuse, avec de grands moments, surtout la rencontre et la mort. Cheval de bataille des voix féminines. [Entendre Kathleen Ferrier, inapprochable, et plus récemment Bernarda Fink, dans un style plus épique.]
Je viens de tomber là-dessus (presque par hasard) :
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Kathleen Ferrier y est absolument magnifique !!!! Very Happy Quelle voix ! Et combien elle fait vivre son héroïne !

On a tout le temps de s'attacher à cette jeune fille enamourée, choisie par l'homme qu'elle aime, qui quitte ses soeurs, qui devient épouse puis mère (cet avant-dernier lied est chanté comme l'apogée du bonheur, et de quelle façon !), puis soudain, la mort de son mari.
On ignore combien de temps il se passe entre les deux derniers lieder ; probablement, vu le ton général, de nombreuses et paisibles années, mais les lieder s'enchainent impitoyablement, avec une distorsion du temps : les quelques mois de la rencontre à la maternité s'étalent sur 7 lieder, puis il y a le dernier, qui arrive sans prévenir. Et rien pour "faire la transition". Après tant de bonheur, on se prend le dernier lied "en pleine figure", c'est bouleversant.

Et vraiment (tant pis pour la répétition) Kathleen Ferrier est fantastique!! cheers
C'est très exactement cela, oui, cette distorsion du temps. Kathleen Ferrier n'a jamais été aussi impressionnante que dans ce cycle. Contrairement à ses Mahler, d'ailleurs, l'expression est très précise.

Un incontournable.
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyMar 6 Fév 2007 - 14:02

Citation :
Il y a deux mois, je voulais organiser un récital Berg-Kilpinen, pour lequel la chanson de Yryö Kilpinen sur le même texte de Rilke serait passée en création mondiale et confrontée à la version de Berg. Malheureusement cela m'était impossible, pour le pianiste et la soprano j'aurais dû payer 3.000 €, et ensuite encore trouver une salle.
C'est dommage, tu aurais peut-être pu trouver de jeunes artistes prêts à le faire, non ?  Ou même des amateurs.

En tout cas, si c'est monté, fais-le nous savoir !


Dernière édition par DavidLeMarrec le Sam 8 Fév 2014 - 15:16, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyMar 6 Fév 2007 - 19:35

Bonsoir ! J'ai écouté il y a quelques années une chanteuse lyrique à Strasbourg qui interprétait un lied de .... Mozart ! Quelle belle mélodie ! Mais quant à me rappeler le titre du lied .....
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyMar 6 Fév 2007 - 19:43

Ceux de Mozart n'ont pas la puissance expressive de ceux qui suivent, ils restent largement "musicaux" plus que "textuels". Néanmoins, on y trouve quelques perles, c'est exact !

Ils sont rarements progammés, d'ailleurs. Mais chut, pour une fois qu'on ne met pas du Mozart à toutes les sauces. Smile
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyMar 6 Fév 2007 - 21:05

Abendempfindung pour la jolie mélodie, Die alte pour la musique de genre et Als Luisa die Briefe pour un opéra en moins d'une minute: les trois premiers qui me viennent
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MessageSujet: tion   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptySam 10 Fév 2007 - 2:59

David, si tu connais des artistes demandeurs (pas d'amateurs s.t.p.), aucun problème, je pourrais t'indiquer d'autres collectionneurs d'inédits de Kilpinen (si ils sont d'accord d'un création mondiale) et essaye de passer par l'Ambassade de Finlande, cela pourrait faciliter les choses... Et bien-sur une salle convenable et abordable. A toi maintenant...
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Tapio
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyMer 28 Fév 2007 - 19:49

passionnant dossier!

j'avais participé à un concert (formation d'une vingtaine de personnes avec des voix allant de la basse à la soprane, sous la direction de Nadir Elie) il y a quelques années, j'aimerais tellement retrouver les partitions et leurs titres...! Y figurait notamment une sublime transposition d'un lied pour enfant (une comptine) en mode mineur et pour quatre voix: "wenn ich ein vöglein wär". Au cas où vous connaîtriez, l'original est malheureusement loin d'égaler cette reprise...

PS: Xavier, désolé pour le doublon...
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Xavier
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Xavier


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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyMer 28 Fév 2007 - 20:50

Erick a écrit:

PS: Xavier, désolé pour le doublon...

Pas de problème. Wink
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felyrops
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyMer 28 Fév 2007 - 21:22

Cher Erick: bingo, trouvé! Et c'est pas des moindres:
Ludwig van Beethoven "Ruf vom Berge" (Cri de la montagne)...
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Tapio
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyMer 28 Fév 2007 - 23:13

génial, merci, il faut que je m'écoute ça au plus vite!

entre autres je me souviens que nous avions aussi chanté ce lied de Brahms qui m'avait beaucoup plu: "Der Gang zum Liebchen".
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Kia
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyMer 28 Fév 2007 - 23:16

felyrops a écrit:
Cher Erick: bingo, trouvé! Et c'est pas des moindres:
Ludwig van Beethoven "Ruf vom Berge" (Cri de la montagne)...
Moi je pencherais plutot pour Friedrich Silcher
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Tapio
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyMer 28 Fév 2007 - 23:49

malheureusement après une petite recherche, je lis partout que "Der Ruf vom Berge" fut composé en La Majeur. Or, je suis sur et certain que nous l'avions chanté en mode mineur. Peut-être s'agissait-il en fait d'une adaptation (inédite) propre à la prestation que nous avions donnée (car je sais que certaines lieder avaient été retravaillées par Nadir Elie et une pianiste).
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felyrops
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyJeu 1 Mar 2007 - 0:05

Ce que j'ai trouvé est le W.o.O. 147, qui date de 1816.
Mais ce que tu avances est fort bien possible.
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Kia
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyJeu 1 Mar 2007 - 0:10

Ca ressemblait à cela http://sg1.allmusic.com/cg/smp.dll?link=xg8ib05k5cs8imada4pq24e&r=20.asx

?
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Tapio
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyJeu 1 Mar 2007 - 1:14

felyrops a écrit:
Ce que j'ai trouvé est le W.o.O. 147, qui date de 1816.
oui, c'est bien cela. les paroles sont les mêmes. je l'écouterai de toute façon, ne serait-ce que pour voir la ressemblance avec le souvenir que j'en ai.

Kia, ça ne ressemble pas du tout à l'extrait que tu as posté en revanche... mais merci quand-même!
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Kia
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyJeu 1 Mar 2007 - 1:28

Pour info, ce texte a été mis en musique par:
Beethoven, Henschel, Reichardt, Schumann, Von Weber, Silcher, Reger et Brahms.
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kougelhof 1er
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyJeu 1 Mar 2007 - 13:30

"Du Ring an meinem Finger,
mein goldenes Ringelein,
ich drücke dich fromm an die Lippen,
dich fromm an die Lippen,
an das Herze mein!"

Du Ring an meinem Finger.Robert Schumann.
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Kia
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyJeu 1 Mar 2007 - 13:35

kougelhof 1er a écrit:

Du Ring an meinem Finger.Robert Schumann.Adelbert von Chamisso
Wink
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kougelhof 1er
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyVen 2 Mar 2007 - 19:27

Kia a écrit:
kougelhof 1er a écrit:

Du Ring an meinem Finger.Robert Schumann.Adelbert von Chamisso
Wink

Si tu préfères musique de Schumann et paroles de Chamisso ! Il est bien spécifié que les poèmes/les textes sont de Adelbert von Chamisso. Bien vu !
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DavidLeMarrec
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 12 Aoû 2007 - 3:54

Bien, je suis un peu ennuyé...

Je me suis (enfin) penché sur Wolf, mais contrairement aux autres fois, je ne l'ai pas rédigé d'abord en syntaxe phpbb, mais en syntaxe html, et ce n'est pas très commode de toute remettre en forme.
Or, comme il y en a beaucoup, c'est tout de même plus agréable d'avoir droit à quelques portions en gras, etc.

Qui plus est, il y a des corrections de ton à faire, puisque je ne vais pas vous servir du nous d'auteur/majesté, même au second degré... Pour couronner le tout, il y a des liens musicaux légaux qu'un copié-collé ne prendra pas en compte...

Et je n'ai pas trop le loisir d'y passer la nuit...


Alors, je ne sais que faire, parce que je n'aime pas balancer des liens pour faire sa pube, mais que je préfèrerais travailler sur Richard Strauss, les postromantiques et les décadents, plutôt que de passer du temps à faire de l'ajustement formel.

Si quelqu'un a une idée, ou si vous avez des préférences, je suis preneur.


EDIT : Après en avoir opiniâtrement débattu avec moi-même, je propose la formule suivante : copié-collé brut sur le forum pour que vous puissiez citer et réagir ici, ce qui est quand même le but de la manoeuvre, et en lien les pages mises en forme pour le confort de lecture.
S'il y a des propositions plus fécondes, je suis preneur.
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyDim 12 Aoû 2007 - 4:06

Hugo WOLF, 'le gris qui pense'

(Version brute pour citer sur le forum. Pour lire avec la mise en forme et les liens adéquats :
- voir l'article
- voir les liens musicaux légaux.)


Notre série se poursuit sagement.
Nous passons sur les traductions en allemand de Dvořák et sur les lieder en norvégien de Grieg, parfois traduits en allemand eux aussi, sans quoi nous y passerions plus que notre jeunesse.



3.12. Hugo Wolf

3.12.1. Présentation

Hugo Wolf est, avec Schubert et Schumann, le troisième principal pilier des récitals de lied. A peu près aussi fréquent, on trouve aussi Mahler, mais qu'on pratique assez modérément en versions réduites pour piano et chant, et qui se trouve donc essentiellement comme complément de concerts symphoniques dans la répartition traditionnelle ouverture-concerto(iciavecvoix)-symphonie.
Wolf, qui, si l'on excepte son opéra Der Corregidor et son quatuor à cordes, a essentiellement écrit du lied, dispose avant toute chose d'une solide implantation dans le récitals germaniques.

On a longtemps patienté avant d'aborder ce compositeur, car il est à notre sens l'un des plus difficiles à caractériser. A cause de la variété des traitements musicaux, à cause de son langage musical retors, à cause de la responsabilité qu'il y a à présenter une pierre angulaire du genre.


3.12.2. Caractéristiques

En règle générale, on peut caractériser le langage de Wolf par une sorte de stylisation, voire d'abstraction.
Le langage musical affiche une fausse simplicité, dans des nuances de gris toujours un peu attristées, mais avec de nombreux accidents - ici un rythme légèrement modifié, là une harmonie qui n'avance pas, ici encore de discrètes syncopes... Alors que sa constitution semble simple à l'oreille, l'étude des partitions révèle un travail très précis sur la musique pure. Ce langage musical est ainsi doublement retors, parce qu'il affiche cette fausse simplicité en la reconnaissant comme telle, parfois aux confins de l'affectation. Un jeu très troublant.
Le traitement de la prosodie participe lui aussi de ce trouble, puisque Wolf demeure toujours sur le seuil, à la fois proche de la langue parlée, sans "musicalisation" du propos prosodique (contrairement à Reger ou, dans une certaine mesure, à Alma Schindler-Mahler), et dans des lignes mélodiques qui sont absolument dépourvues d'évidence, comme recréant un possible de la parole - mais un possible improbable.
La difficulté d'accès à Wolf procède sans doute, précisément, de cette apparente simplicité de ton, et, dans le détail, d'une sinuosité musicale qui frise l'affectation, le tout dans un ton généralement assez dépressif. Tout cela déconcerte sûrement : pourquoi ce qui paraît simple se montre-t-il aussi complexe à la réception ?


3.12.3. Différents aspects

Des rythmes de danse esquissés avec un harmonie délétère, des fresques d'une violence incroyable comme Prometheus ou Feuerreiter, de l'humour quotidien... tous les tons passent sous la plume de Wolf. Le plus souvent, un poids semble être maintenu sur cette expression élégante, comme un voile de morosité sur toute cette variété.
C'est là sans doute l'explication du partage des amateurs de lied entre ceux que Wolf ennuie à bon droit (à cause de cette fausse uniformité, de ce ton constamment déprimé), et ceux qui lui reconnaissent la profondeur musicale, la finition façon « musique pure » du moindre de ses lieder.

Wolf appartient à une décadence qui n'est ni le postromantisme d'un Reger, d'un Weingartner, d'un Rachmaninov, ni celle, flamboyante, profusive et macabre, de Richard Strauss, Zemlinsky, Schreker, Braunfels ou Krása - qui, au contraire, assume l'ostentation de son mauvais goût, alternativement dans l'emphase lyrique sirupeuse et dans la recherche harmonique la plus audacieuse et délétère (jusqu'à l'atonalisme).
Non, Wolf se situe précisément dans un entre-deux, un peu à la manière de Mahler (Gustav), si l'on veut. La musique reste d'aspect corseté, à la façon des postromantiques, pas non plus de réflexion exacerbée sur la corporéité lascive, sur l'inconscient ou sur la séduction de la mort. Mais la musique de Wolf n'est assurément pas post- ou néo-, elle poursuit la recherche, ne se contente pas d'un simple prolongement, et cherche à explorer discrètement les marges.


3.12.4. Le corpus

Le corpus de Wolf peut se classer de façon très commode entre les auteurs mis en musique. Il se trouve, aussi, que chaque auteur bénéficie d'un type de traitement assez distinct.

- 53 Mörike-Lieder. Il s'agit du corpus le plus célèbre. Mörike traite d'une vie souvent citadine, plus concrète que les autres poètes. C'est ici que Wolf donne, même pour des situations prosaïques, ses pages les plus lyriques, les moins tourmentées, les plus romantiques aussi, avec des élans passionnés qui échappent ici et là à sa grisaille omniprésente.

- 51 Goethe-Lieder. Une poignée fait partie des standards, comme les trois chants du harpiste de Wilhelm Meister (sans doute les plus réussis jamais écrits, avec ceux de Zelter - et ceux de Mignon, moins joués, sont plus variés au moins aussi superlatifs), ou comme le terriblement tapageur Prometheus - démiurgique plus qu'humain, contrairement au personnage voulu par Schubert. Un Goethe sombre et violent ; ou à l'inverse, un peu précieux, en tout cas délicat.

- 26 Eichendorff-Lieder. On connaît sur CSS notre affection profonde pour ce poète. Et, sans doute pour cette raison, on n'est que plus meurtri si son charme propre est dévoyé ou détruit par une mise en musique. Schubert ne s'y est hélas jamais confronté ; Schumann en a réussi beaucoup (Waldesgespräch, Frühlingsnacht), raté quelques-uns (Schöne Fremde, Der Schatzgräber) ; Reger, tout en restant à distance du texte, en respecte l'esprit tout à l'adaptant à une tonalité assez sombrement rêveuse. Pour Wolf, on doit avouer que c'est bien chez Eichendorff (dont ce ne sont pas les meilleures pages, au demeurant) que se révèlent de la façon la plus déprimante ses couleurs désespérément anthracite. Et cela se joint assez disgracieusement à l'esprit de l'auteur.
Encore une fois, on permettra à CSS de s'abstenir d'évaluer ces pièces, même si elles paraissent aussi, musicalement, moins captivantes que d'autres.

- Italienisches Liederbuch : 46 lieder d'après Paul Heyse.
- Spanisches Liederbuch : 44 lieder d'après Paul Heyse et Emanuel von Geibel.
Ces vastes cycles, généralement joués par une voix de femme (soprano ou mezzo) et une voix d'homme (baryton) en alternance, contiennent sans doute le Wolf le plus accessible, tout spécialement le Spanisches Liederbuch, plus roboratif. L'inspiration plus populaire pousse Wolf à un peu plus d'abandon et de séduction directe, ce qui, mêlé à sa véritable recherche musicale, procure plus de confort à l'écoute.

Il existe bien sûr pas mal d'autres ensembles, dont un petit cycle sur les Michel-Ange, un sur Heine, etc.


3.12.5. Suggestions discographiques

=> A notre sens, impossible de faire erreur en suivant cette recommandation. Des voix ductiles, sans affectation, capables de soutenir les inconforts de tessitures hybrides, de réaliser des nuances fines dans des conditions inconfortables. Beaucoup de délicatesse, d'évidence dans la musicalité. Vraiment idéal pour ce répertoire.

Mörike-Lieder. Olaf Bär, Geoffrey Parsons. (EMI 1986)
Spanisches Liederbuch. Anne-Sofie von Otter, Olaf Bär, Geoffrey Parsons. (EMI 1994)

Anne-Sofie von Otter dans sa grande époque, voix encore charnue et conception sans maniérismes, et le timbre à l'époque ténorisant d'Olaf Bär, d'une ductilité déconcertante. Et beaucoup de modestie dans ces incarnations. Parsons est ici dans son meilleur contexte ; sans être bouleversant, vraiment convaincant.

Seule réserve, il semble que le premier disque soit épuisé, et nous ignorons ce qu'il en est pour le second. Mais les ressources de la Toile sont infinies, ça se trouve neuf (Amazon) ou d'occasion (Priceminister, Abebooks...).


=> Dans la perspective inverse, les enregistrements de Stephan Genz avec Roger Vignoles, chez Hyperion, font le choix d'affronter crânement l'écriture de Wolf, de le restituer farouche plus que suave. Aux antipodes et au moins aussi enthousiasmant. Et toujours aussi éloquent et précis avec ce chanteur hors normes. Partenaires féminins tout à fait à la hauteur.

Mörike (2), Eichendorff (1), Heine & Lenau (1). Stephan Genz, Roger Vignoles. (Hyperion)


=> Et il faut citer aussi l'un des derniers disques de Dietrich Fischer-Dieskau, au début des années 90, dans lequel l'interprète parvient de façon spectaculaire à recouvrer l'usage correct de sa technique et de sa musicalité, sans les nasalités, raucités et surinterprétations qui ont parfois émaillé ses enregistrements de lied des années 70 et 80. Non, la voix à peine raidie, les tessitures sont soutenues sans faiblesse, et avec une sobriété bouleversante.

Lieder orchestrés. Dietrich Fischer-Dieskau, Stefán Soltész. (Orfeo)


=> Enfin, il semble que ce disque, malgré une prise de son étrange (le chanteur et l'orchestre semblent comme déconnectés) mais flatteuse, remporte un vif succès. Henschel et Nagano y déploient leurs meilleures qualités, sans leurs défauts parfois connus. Nous n'en avons entendu que des extraits, mais ils semblent spectaculaires, et peut-être propres, par la pédagogie de la direction de Nagano, à faire pénétrer dans l'univers de Wolf par la porte la plus animée.

Lieder célèbres orchestrés. Juliane Banse, Dietrich Henschel, Kent Nagano. (Harmonia Mundi)


Parmi tant d'autres bien sûr, juste des choix qui nous semblent de valeur.
[Il existe aussi l'intégrale Fischer-Dieskau/Moore en sept CDs (EMI), mais en toute honnêteté, le piano indifférent, indolent et pataud de Moore, accolé à un DFD dont les circonvolutions s'ajoutent à celles de Wolf, ne constitue pas nécessairement la meilleure clef pour ce répertoire-ci. Du moins pour commencer.]

[Billet d'illustrations musicales légales.]
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MessageSujet: Re: A la découverte du LIED - mode d'emploi   A la découverte du LIED - mode d'emploi - Page 1 EmptyLun 13 Aoû 2007 - 14:22

J'ai un CD de Wolf par Peter Schreier que je n'ai jamais vraiment creusé. Je vais profiter de ta présentation pour me pencher dessus.
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