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| | Le Madrigal italien (1530 - 1640) | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Jeu 5 Juil 2007 - 15:26 | |
| - Citation :
- l'avantage revient à Alessandrini qui choisit des tempi plus souples qui laissent mieux respirer l'émotion, c'est moins plat.
trop de modestie, trop d'esprit critique! Déjà qu'il a à peine le temps,, l'auditeur moyen risque d'en rester aux belles traductions |
|  | | sofro Tonton

Nombre de messages : 2268 Localisation : LYON Date d'inscription : 19/09/2005
 | |  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Ven 6 Juil 2007 - 0:24 | |
| - sofro a écrit:
- Ca y est, il ne se contente plus de se servir de sa table en teck comme présentoir à partition, maintenant il la grave !

Il ne fallait pas faire ça pour nous... et que va dire maman ? Comme à l'accoutumée, la maison ne recule devant aucun sacrifice pour vous servir au mieux. S'il était nécessaire, je la brûlerais cette table si le madrigal devait en sortir grandi. Vartan Palissy |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Ven 6 Juil 2007 - 0:26 | |
| - sud273 a écrit:
-
- Citation :
- l'avantage revient à Alessandrini qui choisit des tempi plus souples qui laissent mieux respirer l'émotion, c'est moins plat.
trop de modestie, trop d'esprit critique! Déjà qu'il a à peine le temps,, l'auditeur moyen risque d'en rester aux belles traductions Je voulais dire moins plat que La Venexiana !  |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 27 Oct 2007 - 10:49 | |
| 1605: Cinquième livre de madrigaux à cinq voix de Claudio Monteverdi, maître de musique de Son Altesse Sérénissime le Duc de Mantoue, avec basse continue pour le clavecin, le chitarrone et tout autre instrument similaire, à l'usage des six derniers madrigaux et pour les autres ad libitum " Le contexte:Tout le soin extrême porté à ce recueil est là dans cette formulation, la préface est encore plus incisive. Ce livre sera réédité sept fois en dix ans à Venise chez Ricciardo Amadino, on le retrouve publié jusqu'au Danemark dans une compilation. Il constitue une réponse cinglante au chanoine Artusi et fait triompher la seconda prattica . Dix neuf madrigaux assez courts essentiellement composés sur le Pastor fido de Guarini qui met en scène des guerres d'amour. Monteverdi est toujours dans ces années-là accablé de travail (musiques de scène, ballets, concerts à diriger...) et de dettes: son épouse se remet difficilement de sa troisième grossesse et Claudio envoie supplique sur supplique en réclamation de ses émoluments qui lui sont réglés au lance-pierre. Ce cinquième livre sort donc en même temps qu'une réédition du quatrième. Il est dédié au Duc Vincent. La préface en profite pour décocher une flêche de mépris au méchant chanoine.  " Ne soyez pas surpris si je livre à l'impression ces madrigaux sans avoir répondu préalablement aux objections d'Artusi car je ne dispose pas du temps nécessaire."  Il est conscient de la portée de ce livre: "[aux lecteurs] qu'ils soient bien persuadés qu'en ce qui concerne les consonances et les dissonances, il y a un autre point de vue à considérer [...] justifié par la satisfaction qu'il procure au sens de l'ouïe comme à la raison." Plaisir sensuel, sensoriel et satisfaction intellectuelle, Monteverdi défend son art mais aussi la liberté de l'artiste à s'engager dans des voix non-orthodoxes, dans la droite ligne de l'Humanisme du temps. La dissonance, si elle est hérétique prime sur la consonance parce qu'elle apporte du plaisir, qu'elle est nécessaire et donne du sens. Le 'projet' baroque est déjà contenu dans cette préface. La forme doit se plier au fond. " ...le compositeur moderne bâtit ses oeuvres en les fondant sur la vérité. Vivez heureux !" La tradition est nettement mise en question. Il est clair que "l'accord de 9° qui fit délirer Artusi est justifié par l'impact émotionnel qu'il apporte dans le madrigal Cruda amarilli et non à rejeter pour sa dysharmonie. Les grands intervalles condamnés par les anciens entrent dans l'écriture musicale." Les pièces décriées par Artusi sont déjà écrites et chantées en 1598. Leur parution après la polémique a donc valeur de manifeste esthétique et il sera perçu comme tel par la communauté des mélomanes de la Renaissance finissante. On ne parlera plus jamais d'Artusi qui rejoint le Seigneur en 1613.  Malgré tout, son brûlot: http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-51491 Les madrigaux:Guarini donc ici. On reste dans la continuité du IV° livre. 16 madrigaux sur 19 utilisent sa poésie. Ce choix a priori (pour moi) moins intéressant poétiquement, pour la richesse de la langue, pour les idées que celle doloriste et si raffinée du Tasse est plus adaptée au projet de Monteverdi. Cette poésie s'inscrit dans un champ théâtral: blessures, un madrigal répond à l'autre, des dialogue, des combats, des passions contrariées, des revirements de l'âme, des conclusions heureuses... On est proche de l'écriture de l'Orfeo et dans la même optique dramatique. Chaque madrigal devient une scène lyrique. La vraie révolution formelle c'est l'autonomisation des voix intermédiaires et de la basse chantée par l'ajout d'une basse ad libitum puis obligée pour les derniers madrigaux. Pour le dernier, Monteverdi compose même un prologue et un intermède instumentaux. C'est furieusement novateur. La rupture avec le genre est consommé avec ces six derniers madrigaux accompagnés dont certains ne peuvent être intelligibles sans la basse instrumentale. La liberté de ton musical, l'emploi de la monodie surtout, le parlando, le recitativo... toutes les formes d'expressions vocales sont utilisées. Le n° 15 voit des parties qui annoncent l'aria (la reprise est différée après l'intervention d'une autre voix), des duos, des trios. C'est l'opéra qui s'annonce en provenance de la chanson et non du théâtre comme à Florence. Ce livre plus technique vocalement, plus concertant que les précédents a été élaboré avec un groupe de chanteurs professionnels virtuoses attachés à la chambre du Duc sur le modèle du Concert de Ferrare. Il se réunissait toutes les semaines sous la direction de Claudio. La réaction après la publication est unanime et les critiques louent la modernité et l'expressivité de l'écriture de Monteverdi.
Dernière édition par natrav le Dim 1 Fév 2009 - 22:24, édité 2 fois |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 27 Oct 2007 - 11:39 | |
| Trois groupes de madrigaux qui empruntent des strophes successives au Pastor fido, le premier en cinq parties, presque un acte d'opéra. Je proposerai la traduction des madrigaux en gras et comme pour les autres j'ai préféré sacrifier la poésie pour laisser plus littéralement la succession des images du vers italien respectée.
1- Cruda Amarilli (Guarini) 2- O Mirtillo, Mirtill'anima mia (Guarini) 3- Era l'anima mia già presso a l'ultim'hore (Guarini) 4- Ecco, Silvio colei ch'in odio hai tanto (1° partie) (Guarini) 5- Ma se con la pietà non è in te spenta (2° partie) 6- Dorinda, ah diro mia, se mia non sei (3° partie) 7- Ecco piegando le ginocchie a terra (4° partie) 8- Ferir quel petto, Silvio (5° partie) 9- Ch'io t'ami e t'ami più che mai dura (1° partie) (Guarini) 10- Deh, bella e cara (2° partie) 11- Ma tu più che mai dira (3° partie) 12- Che dar più vi poss'io ? (anonyme) 13- M'è più dolce il penar per Amarilli (Guarini) 14- Ahi, com'a un vago sol cortese giro (anonyme) 15- Troppo ben puo questo tirrano amore (Guarini) 16- Amor, se giusto sei (anonyme) 17- "T'amo, mia vita" (Guarini) 18- E cosi a poc'a a poco torno farfalla semplicett' (Guarini) à six voix 19- Questi vaghi concenti (à neuf voix !) |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 27 Oct 2007 - 12:21 | |
| Cruda Amarilli*, che col nome ancora, D'amar, ahi lasso ! Amarente insegni; Amarilli, del candido ligustro Più candida e più bella, Ma de l'aspido sordo E più sorda e più fera e piu fugace; Poi che col dir t'offendo, I' mi morro tacendo.Cruelle Amaryllis, par ton nom, D'aimer, hélas, tu enseignes l'amertume Amaryllis, plus que le pâle troène, Tu es blanche et belle, Mais, plus que le vil aspic Tu es sourde et blessante et fuyante Comme mes paroles t'offensent Je me meurs en silence.*Il y a un jeu d'alitérations fréquent dans le madrigal avec amar Amarilli Amare (aimer) Amaro (amer) ... Un des madrigaux les plus célèbres de ce recueil en raison de l'intervalle et accord de 9° sur Ahi lasso. Peut-être pas le plus touchant par contre. Des plaintes descendent sur Cruda qui remontent sur amar et se résolvent sur ahi lasso dans cette fameuse dysharmonie qui a du mal à se faire entendre à nos oreilles perverties (sol grave à la basse sur le lasso et le la aigu de la soprano sur ahi) Le reste du madrigal est apaisé, les lignes mélodiques ne cessent de s'entrecroiser, le rythme peu marqué, des entrées en imitation d'un pupitre à l'autre. Peu de madrigalisme (et c'est aussi une évolution), le rythme accélère sur fugace. Le madrigal s'achève en beauté sur de lumineuse gammes ascendantes et chromatiques, paradoxalement avec la mort de l'amant. Belle image de la félicité à aimer.  |
|  | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable

Nombre de messages : 94198 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 27 Oct 2007 - 14:06 | |
| - vartan a écrit:
- Je proposerai la traduction des madrigaux en gras et comme pour les autres j'ai préféré sacrifier la poésie pour laisser plus littéralement la succession des images du vers italien respectée.
Du Bellay est en toi... L'imprégnation est forte ; à quand un manifeste ? Sinon, je partage ton avis sur la plus grande platitude de Guarini - mais on ne prend pas beaucoup de risques à assurer ça, j'en conviens. |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 27 Oct 2007 - 14:30 | |
| C'est alambiqué, oui. Mais je n'ai pas saisi l'allusion à Du Bellay. Je ne le lis pas tous les jours surtout depuis la fin de ma 6°.  |
|  | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable

Nombre de messages : 94198 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 27 Oct 2007 - 14:38 | |
| C'est juste que Du Bellay est le roi des emprunts, farci d'italianismes. Il a tendance, comme ses contemporains à faire comme tu le faisais dans ta phrase, à permettre encore des libertés de placement (ton participe passé rejeté à la fin).
Certains de ses sonnets sont de simples réécritures de poèmes italiens, notamment Pétrarque. |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 27 Oct 2007 - 14:40 | |
| Je me hisse au niveau de Du Bellay ! Ca ensoleille mon week-end ! A bientôt.  |
|  | | Chapelleobo Néophyte
Nombre de messages : 18 Age : 40 Date d'inscription : 27/10/2007
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 27 Oct 2007 - 17:39 | |
| Madrigal Bonjour, je m'excuse par avance, peut être que la réponse à ma question se trouve dans l'une des 12 pages précédentes, mais je ne les ai pas toutes lues. Enfin, toujours est il que je ne comprends pas bien quand vous dîtes que le texte était servi par la musique au XVième XVI ième siècle. Je croyais que Monteverdi et quelques prédécesseurs avaient été les premiers à permettre une intellegibilité du texte. Ils avaient en effet rompu avec l'ancienne pratique, système qui confondait les voix et qui n'installait pas un système hierarchique entre les voix. Monteverdi a donc créé la "nuova pratica" où se démarquent deux pôles prédominants: la basse harmonique, et la voix claire qui récite le texte. A mon sens , c'est cette pratique qui permet une meillleure intelligibilté de texte. D'où certains madrigaux de Monteverdi où la musique "figure" le texte. Donc précédemment, dans le stile antiquo, les voix se mêlaient les unes aux autres, le texte étant juste un pretexte, et surtout inaudible... Non ? |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Dim 28 Oct 2007 - 19:45 | |
| Je ne suis pas certain d'avoir compris la question. C'est un résumé un peu rapide, l'évolution du genre n'a pas attendu Monteverdi pour individualiser les voix et "servir le texte" dès le milieu du XVI° siècle. Les madrigaux de Verdelot sont déjà intelligibles. La vieille polyphonie au contraire s'évertuait (et encore c'est à modérer) à mêler le plus étroitement possible les voix (bien que le cantus garde une certaine prépondérance) sans chercher à mettre en valeur le texte effectivement.
La seconda prattica propose un véritable rupture puisqu'il y a autonomisation complète des voix (longs passages monodiques) et effectivement l'utilisation de la basse continue qui laisse le champs libre à la virtuosité vocale. |
|  | | sofro Tonton

Nombre de messages : 2268 Localisation : LYON Date d'inscription : 19/09/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Dim 28 Oct 2007 - 22:49 | |
| Cette fois Vartan n'a pas gravé ses amours avec le livre V sur un tronc d'arbre comme il l'a fait avec le livre IV: on sent que c'est le mal aimé...  |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Dim 28 Oct 2007 - 23:38 | |
| Tout juste, quelle perspicacité. J'ai eu du mal à m'y mettre mais ça va venir.  |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Lun 29 Oct 2007 - 1:51 | |
| 2- O Mirtillo, Mirtillo, anima mia, Se vedessi qui dentro Come sta il cor di questa Che chiami crudelissima Amarilli, So ben che tu di lei Quella pietà, che da lei chiedi, avresti. Oh anime in amor troppo infelici ! Che giova a me l'aver si caro amante ? Perché, crudo destino, Ne disunisci tu, s'Amor ne strigne ? E tu, perché ne stringi, Se ne parte il destin, perfido Amore ?
O Myrtil, Myrtil, mon âme Si tu voyais en moi Ce qu'éprouve le coeur de celle Que tu appelles cruellissime Amaryllis, Tu lui accorderais bien Cette pitié que d'elle tu implores. Oh, trop infortunées, ces âmes amoureuses ! Que gagnes-tu, mon coeur, à être aimé ? Que gagnes-tu à posséder un si cher amant ? Pourquoi cruel destin Nous désunis-tu si Amour nous réunit ? Et toi, pourquoi nous réunir, Perfide amour, si la destinée doit nous séparer ?
Débute par une grande déclamation en majeur à l'unisson, simple. Tout change brusquement sur crudelissima dans de douloureux appels chromatiques, des frottements, le tout en mineur dans un climat très expressif, bouleversant. Le "choeur" à l'unisson reprend ses droits et conclue dans une belle harmonie. |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Lun 29 Oct 2007 - 12:23 | |
| 3- Era l'anima mia Già presso a l'ultim'ore E languia come langue alma che more; Quand'anima più bella, e più gradita Volse lo sguardo in si pietoso giro, Che mi manten' in vita. Parean dir que' bei lumi: "Deh, perché ti consumi ? Non m'è si caro il cor, ond'io respiro, Come se' tu, cor mio; Se mori, ohimè, non mori tu, mor'io."
Mon âme était Déjà proche de sa dernière heure Et languissait comme languit une âme qui se meurt; Alors une âme plus belle et plus plaisante Tourna vers moi un regard si attendri Qu'il me maintint en vie. Et ces prunelles semblaient dire: "Alors, pourquoi dépérir ainsi ? Il ne m'est pas aussi cher, ce coeur qui me fait vivre, Que toi-même mon coeur; Si tu meurs, hélas, tu ne meurs pas, toi, c'est moi qui meurt."
Les trois premiers vers déclamé de façon monocorde, sourde installent l'atmosphère de mort et d'abandon. De beaux mélismes chromatiques sur de discrètes gammes descendantes sur e languia come langue alma amènent la douleur. La suite s'anime, l'espoir renaît de la vie du regard de l'amant(e). Les voix se séparent en groupes qui se répondent en imitation. Mais la conclusion surprend, le dernier vers est travaillé avec le dernier raffinement, il est développé à lui seul sur le tiers de la durée du madrigal, infiniment. Les mori et ohimè s'entremêlent douloureusement et chromatiquement, amoureusement, chacun des groupes de voix masculines et féminines faisant assaut de sincérité amoureuse jusqu'à la mort. |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Lun 29 Oct 2007 - 14:12 | |
| 8- C'est Dorinda qui parle:
Ferir quel petto, Silvio ? Non bisognava agli occhi miei scovrirlo, S'avevi pur desio ch'io tel ferissi. O bellissimo scoglio, già da l'onda e dal vento De le lagrime mie, de' miei sospiri Si spesso invan percosso, E pur ver che tu spiri E che senti pietate ? O pur m'inganno ? Ma sii tu pure o petto molle o marmo, Già non vo' che m'inganni D'un candido alabastro il bel sembiante, Come quel d'una fera Oggi ingannato ha il tuo signore e mio. Ferir io te ? Te pur ferisca Amore, Ché vendetta maggiore Non so bramar che di vedetti amante. Sia benedetto il di che da prim'arsi ! Benedette le lagrime e i martiri ! Di voi lodar, non vendicar, mi voglio.
Blesser ce coeur Silvio ? Il n'y avait nul besoin de l'offrir à mon regard Si ton seul désir était que je le frappasse. Oh si bel écueil, Déjà, par les flots et les vents De mes larmes et de mes soupirs Si souvent battu en vain, Il est donc vrai que tu ressentes Et que tu aies entendu mes prières ? Ou bien me trompè-je ? Mais que tu aies le coeur tendre ou dur comme le marbre, Je ne veux plus être dupée par La blancheur d'albâtre d'un si doux visage, Comme celui d'une bête féroce Qui tromperait et ton maître et le mien. Te blesser, moi ? Qu'Amour te blesse, Grande vengeance. Je ne puis désirer que de te voir amoureux. Béni soit le jour qui vit mes premiers tourments, Bénies soient les larmes et les souffrances. De vous je ne veux que me louer et non me venger.
Ce madrigal vient en réponse conclusive aux quatre précédents madrigaux extraits de ce passage du Pastor fido. Madrigal au tour classique, plus polyphonique, les voix se retrouvent plus souvent en tutti. Mais l'émotion déborde dans la reprise des vers E pur ver che tu spiri E che senti pietate ?. Sur Ferir, io te ? et sur ferisca (blesser) des intervalles de quinte descendante viennent brusquer le déroulement contenu de ce chant, le coeur amoureux de Dorinda qui répond ainsi à Silvio (madrigal précédent) qui réclamait la mort de la main de son amante. L'atmosphère de piété amoureuse s'installe avec les "benedetto" (béni) dans la reprise de la cantillation de la vieille polyphonie sacrée des offices. Le tout s'achève sur des descentes tuilées par tierces de la plus grande élégance ! |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Mar 30 Oct 2007 - 1:02 | |
| 9- Ch'io t'ami, e t'ami più de la mia vita, Se tu nol sai, crudele, Chiedilo a queste selve, Che tel diranno, e tel diran con esse Le fere loro e i duri sterpi e i sassi Di questi alpestri monti, Ch'i' ho si spesse volte Inteneriti al suon de' miei lamenti
Que je t'aime, que je t'aime plus que ma vie ! Si tu ne le sais, cruelle, Interroge cette forêt Qui te le dira, comme te le diront Les bêtes sauvages de ces bois, les dures ronces et les rochers De ces hautes montagnes Que j'ai si souvent Attendries à l'écho de mes pleurs.
Beau poème anonyme qui a le mérite d'une belle concision, du feu de la déclaration, presque haineuse.
Très beau madrigal qui commence par la seule déclamation sur un ton de confidence ch'io t'ami du ténor. Les voix reprennent le ton de reproche qui s'acumine sur Se tu nol sai. Et restent homophones presque toute la pièce. Un beau madrigalisme sur fere et sterpe dissonances douloureuses, alpestri monti qui ondule. Conclusion élégiaque et classique pour les deux derniers vers, une seule altération chromatique sur de' miei qui met en valeur un lamenti qui feint d'être apaisé et non torturé. |
|  | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable

Nombre de messages : 94198 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Mar 30 Oct 2007 - 1:08 | |
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|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Mar 30 Oct 2007 - 1:11 | |
| Finalement ce V° livre me plaît de plus en plus.  |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Mar 30 Oct 2007 - 16:05 | |
| 15- Troppo ben può questo tiranno, Amore, Perché non val fuggire A chi no'l può soffrire. Quand'io penso talor com'arde, e punge, Io dico: "Ah ! Core stolto, Non l'aspettar; che fai ? Fuggilo sì, che non ti prenda mai." Ma non so com'il lusinghier mi giunge, Ch'io dico: "Ah ! Core sciolto Perché fuggito l'hai ? Prendilo sì che non ti fugga mai."Qu'il est trop puissant ce tyran, Amour, Car rien ne sert de fuir A qui ne le peut souffrir. Quand je songe comme il peut brûler, et transfixier, Je me dis: "Ah, coeur changeant, Ne l'attends pas, que fais-tu ? Fuis-le, que jamais il ne t'attrape." Mais je ne sais comment l'enjôleur me rejoignit Et je me dis: "Coeur désinvolte Pourquoi le fuyais-tu ? Attrape-le qu'il ne t'échappe jamais plus."Deuxième madrigal avec basse obligée de ce livre. Le ton en est changé. Le traitement des parties vocales est très solistisant. La seconda prattica, monodie et style concitato très utilisés. Les voix sont bien individualisées et rivalisent de virtuosité, de traits ornementaux annonçant déjà les folies vocales du seria. Le début est assez classique, la première phrase voit entrer successivement les cinq voix qui se mêlent et s'appesantissent sur Amore,puis fuggire et enfin soffrire. Deuxième phrase, Monteverdi se lance et transgresse franchement le genre avec une sorte d'aria de la soprano à découvert, qui entre modestement puis développe deux séries de vocalises "hors style" comme qui dirait. En fait il n'y a pas de vrai reprise à proprement parlé, mais la soprano redéveloppe cette phrase à la fin du madrigal.Pour lier la sauce les autres voix viennent harmoniser et ponctuer discrètement cette déclaration esthétique. Virtuosité qui n'est pas gratuite puisqu'elle inclue des figuralismes pour rendre compte de la douleur sur arde et punge. Les autres voix viennent répondre à cette aria en répétant par trois fois et chaque fois plus fermement par adjonction des voix dans la dernière répétition, l'ordre: Non l'apettar (ne l'attends pas) Démarre alors une fuite sur fuggilo de toutes les voix qui cavalcadent en imitation jusqu'à l'arrêt brusque donné par la voix de soprano qui semble revenir sur sa décision. Elle reprend son air sur Ma non so. De la même façon les autres voix viennent trois fois infirmer leur précédente décision perché fuggito l'hai (pourquoi le fuir ?) Encore la cavalcade puis une belle entrée fuguée de toutes les voix sur... fugga. Et conclusion presque comme la polyphonie ancienne où les voix se réunissent sur la même note. C'est un des plus beaux madrigaux de ce recueil qui symbolise l'étape qui vient d'être franchie vers une plus grande liberté vocale et, plus généralement, formelle, le madrigal cède la place à autre chose, véritable esprit baroque. La théatralité de ces microscènes atteint un point jamais égalé. Monteverdi est prêt pour le projet qui succède à cette édition, l'Orfeo est composé deux années après la publication de ce V° livre. |
|  | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable

Nombre de messages : 94198 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Mar 30 Oct 2007 - 16:57 | |
| - vartan a écrit:
- Deuxième phrase, Monteverdi se lance et transgresse franchement le genre avec une sorte d'aria de la soprano à découvert, qui entre modestement puis développe deux séries de vocalises "hors style" comme qui dirait.
Chic... c'est une mission pour... SuperNatalie ! - Citation :
- La théatralité de ces microscènes atteint un point jamais égalé. Monteverdi est prêt pour le projet qui succède à cette édition, l'Orfeo est composé deux années après la publication de ce V° livre.
Et Monteverdi est enfin prêt pour faire sa sixième... |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Mar 30 Oct 2007 - 21:30 | |
| Sa sixième, sa sixième ? Comme tu y vas !  je finis d'abord le V°, on verra après s'il en a écrit d'autres.  |
|  | | hansi Mélomane du dimanche
Nombre de messages : 76 Date d'inscription : 16/10/2007
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Mar 30 Oct 2007 - 22:05 | |
| comment faire pour apprendre à aimer le madrigal italien cher vartan ? a-t-on l'équivalent en france pour comprendre mieux ce que c'est ? motet ? chant de troubadour ? j'en sais rien ! |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Mar 30 Oct 2007 - 23:06 | |
| - hansi a écrit:
- comment faire pour apprendre à aimer le madrigal italien cher vartan ?
Cher Hansi, je ne sais pas si on peutl' apprendre, ça m'a pris un jour comme ça. J'imagine que c'est comme pour les allumés du Lied, c'est un peu pathologique. Il y a tout un monde émotionnel et esthétique d'une grande richesse ici mais qui se cache, tout l'intérêt de la chose, partir à sa découverte. C'est (un peu) d'un accès difficile car c'est un genre musical TRES lié au texte. La moitié de l'intérêt du madrigal réside là. En écouter la seule "musique" revient à écouter la bande-son d'un film sans en voir les images. La moitié de l'information disparaît et l'oeuvre est incompréhensible, le sens abscons. Il faut donc écouter toujours en lisant le texte. Ce n'est même pas proche de l'opéra où on ne rencontre pas ce travail de dentelière autour de la prosodie comme ici. La "peinture du mot": les mélismes, figuralismes, ces manières que l'on appelle madrigalismes commentent musicalement le mot au plus près. - Citation :
- a-t-on l'équivalent en france pour comprendre mieux ce que c'est ?
Non, il y a la chanson qui est une genre populaire et polyphonique dont les compositeurs s'essayaient aussi au madrigal voire même qui devinrent de très grands madrigalistes. En effet les premiers madrigalistes étaient franco-flamands ! Mais la chanson reste en deça de la richesse émotionnelle du madrigal à mon sens même si techniquement les deux genres s'égalent. La chanson à ma connaissance n'a pas vu cette évolution foudroyante qui fait du madrigal le germe de toute la musique vocale à venir (opéra, cantate...). - Citation :
- motet ? chant de troubadour ? j'en sais rien !
Des genres très éloignés en fait car ce qui unifie le madrigal c'est quand même la poyphonie. Je te conseillerais quand même de te taper les 12 pages du topic et si tu veux (ou qui que ce soit) de me contacter pour en savoir plus sur tel ou tel livre de madrigal.  |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Mer 31 Oct 2007 - 1:04 | |
| Amor, sei giusto sei, Fa che la donna mia Anch'ella giusta sia. Io l'amo, tu il conosci, e ella il vede, Ma più mi strazia e mi trafigge il core, E per più mio dolore E per dispregio tuo, non mi dà fede. Non sostener, Amor, che nel tuo regno Là dov'io ho sparta fede mieta sdegno, Ma fa, giusto signore, Ch'in premio del mio amor io colga amore.
Amour, si tu es juste Fais que ma Dame Soit juste elle aussi. Je l'aime, tu le sais, et elle le voit. Mais elle déchire et me transperce le coeur, Et pour en accroître la douleur Et par mépris pour toi, elle me refuse sa pitié [foi - fidélité] Ne permets pas, Amour, que sous ton règne, Là où je délivre ma foi, je récolte le dédain. Mais fais, juste seigneur, Qu'en prime de mon amour, je récolte l'amour.
Madrigal assez simple et frais. La soprano délivre la première phrase chantante comme un rengaine populaire. La basse lui répond de façon plus sérieuse en rythme pointé que développe le ténor, arioso, syncopé, quelques figuralismes traversent le chant, une petite modulation en mineur sur il core, de grands intervalles chromatiques sur per disppregio. Un tutti vient habiller savamment la partie centrale du poème et enfin les voix se scindent en groupes qui viennent entrelacer leur chant dans une ambiance chromatique. |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Mer 31 Oct 2007 - 16:42 | |
| 19- Questi vaghi concenti Che l'augellett'intorno Vanno temprado a l'apparir del giorno Sono, cred'io, d'amor desiri ardenti; Sono pene e tormenti; E pur fanno le selv'e'l ciel gioire Al lor dolce languire.
Deh ! Se potessi anch'io Così dolce dolermi Per questi poggi solitari e ermi, Che quell'a cui piacer sola desio Gradiss'il pianger mio, Io bramerei, sol per piacer a lei, Eterni i pianti miei.
Ces doux concerts Que les oiseaux alentours Font résonner au lever du jour Sont, crois-le, d'ardents désirs amoureux. Ils sont peines et tourments Et ils réjouissent les bois et les cieux De leur douce langueur.
Hélas si je pouvais moi aussi Me lamenter ainsi avec grâce Par ces côteaux isolés et solitaires, Que celle à qui plaire est mon seul désir Soit touchée par mes pleurs. Ainsi je lancerai, puisqu'elle en ressent du plaisir Eternellement mes plaintes.
Madrigal conclusif exceptionnel par sa durée (7'30"), son accompagnement instrumental assez riche, la présence d'une sinfonia introductive reprise en intermède au milieu du madrigal et les neuf voix organisées en deux choeurs à 4 et 5 voix. On est plus près de la cantate ici que d'un madrigal. La polyphonie n'est qu'un moyen parmi d'autres dans cette oeuvre qui résume toutes les techniques déployées par Monteverdi dans le reste du recueil.
Après cette sinfonia qui évoque les premières ébauches vivaldiennes ou d'un Corelli les choeurs viennent ensuite alterner avec de larges soli du ténor, du soprano ou de la basse tour à tour en style récitatif ou plus arioso. De brusques arrêts dramatiques, des lamentations interiorisées animent cette pièce de plusieurs épisodes. Grande construction qui annonce déjà le livre VIII. |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Jeu 1 Nov 2007 - 0:08 | |
| J'ai toujours un peu de mal à vraiment apprécier ce livre autant que les autres. Soit le côté expérimental qui ne convainc pas dans toutes les pièces même si certaines sont absolument magnifiques. Ou bien l'irruption des instruments au milieu du recueil et le dernier madrigal aux dimensions quasi mahlériennes font que ce livre peut sembler manquer de cohérence. Deux enregistrements facilements disponibles, Alessandrini reste la valeur sûre ici même si on peut regretter quelques petits problèmes de justesse chez une des sopranos. Leppard ne l'a pas enregistré à ce que je sache.   |
|  | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable

Nombre de messages : 94198 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Jeu 1 Nov 2007 - 14:17 | |
| - vartan a écrit:
- Ou bien l'irruption des instruments au milieu du recueil et le dernier madrigal aux dimensions quasi mahlériennes font que ce livre peut sembler manquer de cohérence.
Dépêche d'agence : Amazon enregistre une hausse imprévue de commandes de Monteverdi en provenance de Classik. Les causes en sont encore inconnues. |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Jeu 22 Nov 2007 - 1:51 | |
| Autour du Sixième livre de madrigaux de Monteverdi
Monteverdi s'engage en ce début de XVII° siècle sur une voie nouvelle qui va inspirer durablement l'art vocal. C'est à l'occasion des fêtes de carnaval du 23 février 1607 qu'est créé l'Orfeo, Favola in musica à Mantoue.
Après une longue année de travail, ce projet achevé et la critique comblée, il part se reposer avec Claudia son épouse et ses deux enfants chez son père à Crémone. Une fête municipale est même organisée en son honneur le 10 aout, on y donne déjà des airs issus de l'Orfeo. Mais Claudia tombe malade et décède rapidement, le 10 septembre. Claudio profondément attaché à elle est effondré. Cela n'empêchera pas le Duc, dès le 24 septembre de le presser à remplir ses obligations à la cour. Plus que le retard chronique du versement de ses émoluments (qu'il ne recouvrira jamais même quand le Duc le suppliera de revenir à Mantoue), ce manque de considération affermit sa décision de briguer un emploi de musicien de cour ailleurs que chez ces ingrats de Gonzague. Il vise Rome, ce sera Venise.
« Ne soyez pas à vos peines et revenez ici promptement ». C'est un ordre humiliant, mais la raison d'état... En effet le Duc marie son fils Federico à Marguerite de Savoie et son goût du luxe ne peut se passer en pareille occasion de la musique du compositeur en passe d'être le plus estimé de la Péninsule. A tel point que la munificence de ces cérémonies videra les caisses du duché. Le théâtre incendié vingt ans plus tôt est reconstruit par Vasari. De Gagliano est invité de Florence afin qu'il donnât sa Dafne créée chez les Medicis, Rinuccini est invité pour composer des livrets pour Monteverdi.
Vingt ans plus tard Monteverdi dans une lettre à Striggio: « Je fus réduit au bord de mourir lorsque j'ai écrit l'Arianna [...] je sais que l'on peut faire vite, mais vite et bien ne s'accordent pas ensemble, qui trop souvent ne peuvent produire qu'un mal recitar, de versi, un mal concerto d'istrimenti e un mal portamento d'armonia » On voit la portée du projet lyrique: prosodie et beauté du vers, orchestration et harmonie.
Qu'on se rende compte: entre décembre et février il lui est demandé de composer:
un opéra: ce sera Arianna un ballet lyrique: ce sera Il ballo delle Ingrate une comédie en musique: ce sera l'Idropico et en bonus: préparer la reprise de l'Orfeo.
Sachant que l'Arianna demandera 5 mois de répétitions à une époque où les équipes prêtent à monter ces spectacles n'existent pas. Il faut encore tout inventer et les conventions du genre ne se sont pas encore dégagées permettant aux chanteurs de saisir facilement le travail qu'on attend d'eux. Arianna est tenue par l'élève la plus brillante de Monteverdi, Catarina Martinelli dite la Romanina car d'origine romaine. Involontairement (la pauvre) elle préside à un tournant capital de l'art lyrique, l'Arianna et le VI° livre marquent clairement l'entrée dans le monde musical baroque et le déclin net de l'art polyphonique. Le duc Vincent l'adore (platoniquement probablement). Elle vit chez Monteverdi (platoniquement probablement) comme c'est la coutume en cette période pour les élèves des grands artistes chez lesquels ils viennent se former.
Nouveau coup du sort pour Monteverde qui est effondré (bis repetita), après cinq mois de répétitions d'un rôle spécialement écrit pour la jeune fille de dix-huit ans, elle a le mauvais goût de mourir une semaine avant la première. De la variole, certes, mais ce n'est pas une excuse. Sa disparition est ressentie « avec affliction par toute la ville autant pour ses qualités que pour l'incroyable satisfaction qu'elle avait donné dans deux comédies données à l'occasion du carnaval ».
Arianna est repris par la Fiorentina qui, vaille que vaille, sauve l'oeuvre. Le succès est immense. Sans doute le plus grand de Monteverdi, plus qu'Orfeo. Le livret est de Rinuccini. Da Gagliano (florentin rival qui vient donner sa Dafne au cours des mêmes fêtes) assiste à la représentation et commente: « ...le pouvoir de la musique antique a été retrouvé puisque le public en a été remué jusqu'aux larmes » Le timbre de l'instrument vient déjà caractériser les personnages. Un autre témoin: « ...la force de la musique de Monteverdi [...] son concert de voix et l'harmonie des instruments disposés derrière la scène [c'est pas bête] de telle façon que lorsque le caractère de la musique changeait, les sonorités des instruments variaient."
« Le lamento fut particulièrement miraculeux et chanté avec tant d'émotion et de compassion qu'il ne s'est trouvé aucun spectateur qui ne se soit apitoyé et que les dames présentes laissèrent couler leurs larmes. »
Ce lamento devint et pour longtemps, des siècles, l'oeuvre la plus célèbre du maître. La renommée de cet opéra atteint toute la péninsule. C'est d'ailleurs la seule page de l'opéra qui nous soit parvenue. A peine un an sépare ce monologue de ceux d'Orfeo et la différence formelle est pourtant importante. Si Orfeo demeure dans le style de la pastorale élégiaque, certes plus authentique que celles de ses contemporains, ce lamento nous projette dans le monde des passions exacerbées du XVII° et de l'opéra seria en devenir. Il ne s'agit plus de peindre l'émotion du chant, mais l'émotion par le chant.
Ce lamento a été composé pour une interprète particulière, ses possibilités vocales et émotionnelles. Plus d'idéal à chanter mais pouvoir coller au plus près de l'émotion pour toucher le public en utilisant le soliste, nouveau fer de lance de l'opéra débutant. L'ère des chanteurs commence. La richesse mélodique et les affects prennent le pas sur la structure polyphonique. L'ère baroque fait ses premiers pas, le texte s'efface devant l'agilité du chant.
Ce lamento au succès foudroyant, Monteverde l'adapte à une pièce religieuse « Plainte de la Madonne au pied de la Croix » démarche là aussi qui fera les beaux jours du baroque, qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. Ce lamento sera imprimé, isolé, par Monteverdi et à plusieurs reprises, réarrangé tout au long de sa vie, ce qui fait qu'il nous soit aujourd'hui disponible. Beaussant commente: « Tout le XVII° siècle ne fera que reprendre ce lamento sans jamais l'égaler ».
Projet baroque dans sa transformation, cette pièce à l'origine est entrecoupée de choeurs de marins comme dans le théâtre antique, des matelots et des lavandières commentent l'action malheureuse. Monteverdi nettoie cet accompagnement florentin et pastoral, l'épure. Il est le premier d'une longue suite et devient une forme obligée depuis celui du V de l'Orfeo.
Autre projet avions-nous dit: Il Ballo delle Ingrate qui attendra le livre VIII pour être publié trente ans plus tard.
Pourquoi tous ces détours pour évoquer le VI° livre de madrigaux ? |
|  | | Morloch Lou ravi

Nombre de messages : 9912 Date d'inscription : 14/10/2006
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Jeu 22 Nov 2007 - 2:30 | |
| - vartan a écrit:
Pourquoi tous ces détours pour évoquer le VI° livre de madrigaux ? Oui, pourquoi ? |
|  | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable

Nombre de messages : 94198 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Jeu 22 Nov 2007 - 2:40 | |
| - Morloch a écrit:
- vartan a écrit:
Pourquoi tous ces détours pour évoquer le VI° livre de madrigaux ? Oui, pourquoi ? Moi je le sais - grâce à un autre compositeur assez éloigné, Monsieur Lecocq.  |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Jeu 22 Nov 2007 - 8:11 | |
| Le mystère s'épaissit, mais si vous voulez en savoir plus, venez ici vendredi midi vous saurez tout.
http://www.guide-des-restaurants.fr/restaurant-9009-l-aviapote.html |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Ven 23 Nov 2007 - 0:52 | |
| Pourquoi ?
Parce que.
Ces livres de madrigaux ne sont pas des créations originales composées pour l'occasion mais la réunion des pièces les plus significatives du compositeur, significatives d'un moment donné de son évolution et du fruit de ses recherches. Il a composé beaucoup plus de madrigaux que ce qui fut publié dont la plupart sont perdus et le IX° livre posthume qu'il n'a pas souhaité est le fait de son imprimeur qui s'est autorisé à réunir quelques pièces qui traînaient là, et l'intérêt en est bien moindre d'ailleurs que celui du VIII° livre.
Ce livre est donc nécessairement emprunt de ce qu'il vit dans ce moment décisif: le deuil de son épouse qu'il aimait beaucoup réactivé par celui d'une élève qu'il chérissait au point de lui offrir un opéra, l'aboutissement de son exploration de la vocalité qui voit triompher la monodie, le stile concertato, il ne fait plus d'expériences plus ou moins reçues favorablement par le public, mais compose des tubes qui établissent durablement le genre que l'on appelera « baroque ».
Tout ce livre sera composé donc autour de ces trois thèmes: le deuil qui est le lien entre toutes ces pièces qu'il est de plus en plus difficile d'appeler madrigaux, la mise en lumière de la vocalité baroque solistisante et la personne de la Romanina qui reçoit ici deux hommages de poids.
Le lamento qui ouvre le recueil n'est pas la version la plus connue (monodique) que l'on conserve, elle-même reélaboration par Claudio de la version primitive disparue. Cette pièce est une version à cinq voix et divisée en quatre madrigaux, commande d'un noble vénitien que Monteverdi décide de publier. Hommage à la Romanina qui elle aussi a abandonné Monteverdi et Arianna et chant de deuil. Le résultat est stupéfiant et n'a rien à voir dans l'esprit avec la version à voix seule. On n'a pas un éparpillement de la mélodie aux cinq voix mais la polyphonie de cinq personnages qui magnifient la plainte de la pauvre Arianne et l'accompagnent dans ce qui serait peut-être son tombeau. La distance est plus grande avec le personnage cependant, cinq voix ont moins l'impact direct émotionnel de la voix seule, c'est autre chose.
Une autre pièce fondamentale de ce livre qu'on appelle « La sestina » parce qu'un long poème en six parties (donc six madrigaux). Il s'agit d'une commande du Duc en souvenir de la Romanina qu'il vient de faire porter en terre somptueusement et triste jusqu'à faire graver en latin, dans le marbre, ses regrets dans la cathédrale de Mantoue. La particularité de cette pièce écrite pour l'occasion par Scipione Agnelli est constituée par un habile jeu de rimes toutes identiques pour chacun des hexains (ça se dit David ?). On a donc toujours mais dans un ordre différent les mots Tomba (tombe) Glauco (Glaucus représentant le Duc), Cielo (le ciel), Pianto (la plainte), Terra (la terre) et Seno (le sein). C'est assez maniéré et évoque vite "Marquise d'amour me font, vos beaux yeux, mourir."
On a donc déjà ici dix madrigaux avec ces deux pièces qui teintent douloureusement et pathétiquement cette livraison écrite sans doute assez rapidement entre 1608 et 1610.
Les huit autres madrigaux sont presque tous des sonnets de Giambattista Marino, l'étoile montante de la poésie maniériste et deux superbes de Petrarque, le vieux poète que Monteverdi a peu utilisé.
Ce recueil a ceci de particulier qu'il est le seul qui sera sans dédicace, Monteverdi l'a voulu sobre de présentation. C'est sans doute un témoignage personnel d'une douleur conjugale et artistique qu'il a sans doute sublimée dans ces merveilles.
Tous ces madrigaux sont déchirants et déchirés par de grands intervalles, des cris, des appels, une noirceur et une sorte de pessimisme qui cherche une issue dans un nouveau moyen expressif. Le texte est malmené et contourné, la polyphonie n'est plus la règle, l'émotion dicte sa loi à la musique, le texte a tendance à passer au second plan comme dans la Sestina où les vers alambiqués servent des moyens expressifs vocaux qui semblent bien plus raffinés qu'eux. C'est peut-être le livre que je préfère.
Claudia et Caterina: leur deuil préside à la naissance de l'ère baroque, le madrigal en tant que forme n'est plus. Certains même changent de nom, Monteverdi sous-titre certains d'entre eux: « dialogo a sette, concertato », « Concertato nel clavicembalo »...
Le contexte particulier du travail qu'il mène à Mantoue, la découverte des possibilités qu'offrent l'opéra, la monodie, les voix de plus en plus virtuoses et expressives ont condamné en Monteverdi le primat polyphonique.
Dernière édition par le Sam 1 Déc 2007 - 14:27, édité 1 fois |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Ven 23 Nov 2007 - 18:39 | |
| Reprenons l'histoire...
Pour l'ensemble du travail fourni à l'occasion de ces fêtes, Monteverde recevra 70 écus pour solde de tout compte, une misère comparée aux cachets des musiciens de son temps sachant que peu d'entre eux étaient capable de créer ce genre de pièces complexes. Da Gagliano reçoit 200 écus de la main du Duc Vincent simplement pour la reprise de sa Dafne sans travail de composition, mais pour l'attirer à Mantoue, il dû lui offrir une somme honnête. Nouvelle humiliation pour Claudio qui avoue avoir eu le sentiment d'un sacrifice pour honorer sa charge et les commandes supplémentaires.
L'été qui suit, Monteverdi tombe dans une grave dépression qui le maintient éloigné de la cour, il va chez son père (à Crémone ?), homme toujours bienveillant qui recevait sa belle-fille et ses petits enfants quand ils étaient malades ou dans une situation financière difficile. Il est médecin et prescrit remèdes et repos à son fils.
Le 26 novembre 1608 il est encore malade: « ...les conséquences des fatigues passées n'ont pas cessées... ». Cette période de repli maladif, Monteverdi en parlera encore 20 ans plus tard comme d'une période épouvantable. Le Duc le prie de rentrer instamment, son père lui répond que son fils malade, épuisé ne peut reprendre la route de Mantoue. Ici on apprend que les gages de Monteverdi se montent à 20 écus par mois et qu'il manque de drap pour se faire confectionner des vêtements une fois qu'il a pourvu correctement ses enfan,ts d'habits et des frais de leur scolarité. Claudio s'est toujours montré d'une bonne prévenance paternelle et sera toujours très proches de ses fils qu'il perdra dans une épidémie de peste à Venise. Son père est contraint de l'aider finacièrement.
Ce père réclame maintenant à Vincent Gonzague un certificat de bons services et l'autorisation pour Claudio d'abandonner son poste auprès de la cour de Mantoue. La réponse ne se fait pas attendre: ordre est donné à Monteverdi de regagner Mantoue au plus vite. Celui-ci répond au conseiller du Duc que son retour sera cause de sa mort et « ...la fortune que j'ai connue à Mantoue depuis 19 ans m'a fourni des occasions continuelles de la nommer mon ennemie ! » Il n'a pas la plume diplomatique ce jour-là ! Puis... « le Seigneur Duc m'a toujours parlé pour m'apporter de la fatigue, jamais pour me donner quelque nouvelle utile ou agréable. » Le ton se corse. « Accorder 200 écus à Messer da Gagliano qui pour ainsi dire n'a rien fait et à moi qui ait fait ce que j'ai fait, rien ? Je demande donc mon congé et tout ce que j'obtiens c'est 500 vers à mettre en musique ? » La colère gronde, la dépression visiblement s'estompe.
Monteverdi précise sa menace et le Duc se ravise, fait passer la pension de Monteverdi de 220 écus par an à 300 et une pension pour ses enfants de 100 écus par an. Ses fils sont à l'abri toute leur enfance et leur éducation assurée. On voit donc ses revenus doublés. Monteverdi regagne Mantoue en 1609. Mais le coeur n'y sera plus et jusqu'à ce qu'il quitte les Gonzague sa charge ne fait que lui peser.
Il publie des madrigaux dédiés à Giaches de Wert (perdus). Le livre V est réédité à Venise en 1608 pui à nouveau en 1609 ainsi que les Scherzi musicali de 1607. A rome Aquilino, son meilleur supporter fait publier des madrigaux spirituels qui sont issus des livres III, IV et V détournés sur des textes en latin. Un autre recueil est publié à Rome toujours qui comporte même un inédit du livre VI.
La préface explique ce qu'est le style rappresentativo de Monteverdi, « non pas parce que dérivé de la scène, mais parce que capable de donner une représentation vivante des affects (affetti) ». C'est la vérité psychologique qui compte.
Monteverdi est désormais considéré comme le meilleur musicien d'Italie, les hommages et dédicaces de ses pairs en témoignent.
1609 c'est aussi l'année de la publication de l'Orfeo toujours chez Amadino à Venise rendue nécessaire par les demandes de plus en plus nombreuses qui affluent à Mantoue et que les copistes ne peuvent plus honorer.
Voilà le contexte particulier entourant la composition de ces pièces. Difficultés qui auraient pu amoindrir le propos et la qualité, mais c'est tout le contraire, comme si ces épreuves avaient affiné ses intuitions et enrichi son inspiration.
Le livre VI est publié beaucoup plus tard que sa composition chez... Amadino en 1614 en même temps qu'une réédition du livre V sous le nom de « Maître de chapelle de la Sérénissime Seigneurie de Venise à Saint-Marc ». Car entre temps, nous y reviendrons, Monteverde travaille pour la chapelle ducale depuis l'automne 1613, le climat de la lagune semble plus sain à son moral. |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 24 Nov 2007 - 1:48 | |
| Le VI° livre de madrigaux (Monteverdi)Dix-huit pièces regroupées pour dix d'entre elles en deux longs lamentos, la basse continue est la règle sauf pour le lamento d'Ariane qui constitue sans doute la dernière pièce a cappella composée par Monteverdi. Deux sonnets de Pétrarque. Cinq de Giambattista Marino (1569-1625) protégé du Duc de Savoie à Turin puis de Marie de Médicis et de Louis XIII. Représentant de « l'excès précieux » c'est à dire du maniérisme qui agace certain d'autant plus qu'il est aussi pornographe (non, ne demandez pas, je n'ai rien trouvé de ça  ). Cela lui valu de tater du cachot, quelques belles inimitiés et l'amitié du Caravage. Il représente l'avant-garde de l'expression artistique du XVII° débutant, « bizarreries et recherche du plaisir et du raffinement le plus exquis ». Une des expressions du baroque italien. « La beauté de la nature est en soi supérieure à la vérité de la nature » ! Bien que leurs buts soient différents, Marino et Monteverdi se rejoignent dans la modernité du style, d'ailleurs ce sont les madrigaux habillant ces poèmes qui sont les plus modernes du recueil (de 1 à 3 voix au lieu des cinq traditionnels pour les autres et une basse continue plus développée). Livre marqué au fer rouge de ses deuils successifs et des difficultés matérielles et de santé, Monteverdi y dépasse l'idéal artistique de la Renaissance dont il est issu pour aborder une attitude presque romantique, le matériel musical est puisé au sein de ses propres tourments, il livre à l'éditeur la « vérité de la nature humaine », funèbre ici. Cependant ce livre n'est pas celui d'un certain maniérisme émotionnel, d'un repli, il est sans concession sur le but poursuivi, affiner la forme madrigalesque pour lui donner toujours plus d'authenticité et d'effet les plus touchants. L'aspect dramatique de ces pièces est passé au premier plan, la solistisation du chant, le nouvel élan de liberté favorisé par l'accompagnement instrumental et la tonalité qui triomphe, la polyphonie s'estompe et naissent l'arioso et l'aria. Sixième Livre de madrigaux à cinq voix avec un dialogue à sept (1614)Lamento d'Arianna (Rinuccini): 1- Lasciatemi morire 2- O Teseo, Teseo moi 3- Dove, dove è la fede 4- Ahi, ch'ei non pur risponde5- Zefiro torna e'l bel tempo rimena (Pétrarque) 6- Una donna fra l'altre honesta e bella (concertato nel clavicembalo) 7- A Dio, Florida bella (Concertato) (Marino)La Sestina (Lagrime d'amante al sepolcro dell'amata) (Agnelli) 8- Incenerite spoglie, avara tomba 9- Ditelo, o fiumi e voi ch'udiste 10- Dara la notte il sole 11- Ma te raccoglie, o ninfa 12- O chiome d'or, neve gentil del seno 13- Dunque amate reliquie 14- Ohimè, il bel viso (Pétrarque) 15- Qui risi Tirsi (Marino)16- Misero Alceo 17- « Batto » qui pianse Ergasto (Concertato nel clavicembalo) (Marino) 18- Presso un fiume tranquillo ( dialogo a 7, concertato) (Marino) |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 24 Nov 2007 - 15:54 | |
| Lamento d'Arianna - Prima parte
1- Lasciatemi morire, Lasciatemi morire E che volete voi che mi conforte In cosi dura sorte, In cosi gran martire ? Lasciatemi morire.
Laissez-moi mourir, Laissez-moi mourir; Et qui selon vous pourrait m'être un réconfort Dans ce sort si cruel, Dans ce si grand martyre ? Laissez-moi mourir.
Pour le fun, voici la version pour voix seule de ce premier air par Kathleen Ferrier, en 1951, Milan, Favaretto, piano. http://rapidshare.com/files/71953450/04_Monteverdi_Lasciatemi_Morire__Arianna_.mp3.html
Comme un coup de poing dissonant, sans préparation, cette prière de mort lasciatemi. L'aspect en est certes moins contondant à nos oreilles qu'au moment où il fut conçu. Des fusées chromatiques sont lancées aux dieux, lancinantes comme la respiration haletante de la pauvre âme. La longue phrase interrogative ascendante recitar cantando introduit de grands intervalles dont la fonction expressive est forte et s'oppose aux frottements (dissonances de sons voisins en 1/2 ton) attendris sur Lascia... qui revient plus lyrique et scandé tout au long de cette introduction.
Dernière édition par le Sam 24 Nov 2007 - 16:58, édité 2 fois |
|  | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable

Nombre de messages : 94198 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 24 Nov 2007 - 16:00 | |
| Merci encore, Vartan.  L'inspiration en est l'épître X des Héroïdes de Virgile, un ensemble de textes absolument bouleversants, sans doute l'un des pans les plus immédiats et les plus décoiffants de la littérature latine que cette série de correspondances fictives d'héroïnes abandonnées. Je vous en donne une belle traduction (libre de droits : 1838) sous la direction de Nisard. (Numérisation par http://Remacle.org .) - Ovide a écrit:
- ]ÉPÎTRE X
ARIANE À THÉSÉE
J'ai trouvé la race entière des animaux plus douce que toi, et je n'avais à redouter d'aucun être plus de maux que tu m'en causes. Ce que tu lis, je te l’envoie, Thésée, du rivage d'où les voiles emportèrent sans moi ton vaisseau, du lieu où je fus indignement trahie, et par mon sommeil, et par toi qui en profitas, dans ton odieuse perfidie. C'était le moment où la terre est couverte de la transparente rosée du matin, où les oiseaux gazouillent sous le feuillage qui les couvre. Dans cet instant d'un réveil incertain, toute languissante de sommeil, j'étendais, pour toucher Thésée, des mains encore appesanties ; personne à côté de moi ; je les étends de nouveau, je cherche encore ; j'agite mes bras à travers ma couche ; personne. La crainte m'arrache au sommeil ; je me lève épouvantée, et me précipite hors de ce lit solitaire. Ma poitrine résonne aussitôt sous mes mains qui la frappent, et ma chevelure, que la nuit a mise en désordre, est bientôt arrachée. La lune m'éclairait ; je regarde si je puis apercevoir autre chose que le rivage ; à mes yeux ne s'offre rien, que le rivage. Je cours de ce côté, d'un autre, partout, d'un pas incertain. Un sable profond retient mes pieds de jeune fille. Cependant, tout le long du rivage, ma voix crie : "Thésée !" Les autres creux répétaient ton nom. Les lieux où j'errais t'appelaient autant de fois que moi-même, et semblaient vouloir secourir une infortunée. Il est une montagne au sommet de laquelle apparaissent des arbustes en petit nombre. De là pend un rocher miné par les eaux qui grondent à ses pieds. J'y monte (le courage me donnait des forces), et je mesure ainsi la vaste étendue des mers que je domine (56). De ce point, car les vents cruels me servirent alors, je vis tes voiles enflées par l'impétueux Notus. Soit que je les visse en effet, soit que je crusse les voir, je devins plus froide que la glace, et la vie fut près de m'échapper. Mais la douleur ne me laisse pas longtemps immobile, elle m'excite bientôt, elle m'excite, et j'appelle Thésée de toute la force de ma voix. Où fuis-tu ? m'écrié-je ; reviens, barbare Thésée, tourne de ce côté ton vaisseau ; il n'emporte pas tous ceux qui le doivent monter." (57) Telles furent mes prières ; les sanglots suppléaient à ce qui manquait à ma voix. Des coups accompagnaient les paroles que je prononçais. Comme tu ne m'entendais pas, j'étendis vers toi, pour que tu pusses au moins m'apercevoir, mes bras qui te faisaient des signaux. J'attachai à une longue verge un voile blanc, pour rappeler mon souvenir à ceux qui m'oubliaient. Déjà l'espace te dérobait à ma vue. Alors enfin je pleurai, car la douleur avait arrêté jusque-là le cours de mes larmes. Que pouvaient faire de mieux mes yeux, que de me pleurer moi-même, puisqu'ils avaient cessé de voir ton navire ? Ou j'errai seule et les cheveux en désordre, semblable à une bacchante agitée par le dieu qu'adore le peuple d'Ogygès, (58) ou, les regards attachés sur la mer, je m'assis sur un rocher, aussi froide, aussi insensible que la pierre même qui me servait de siège. Je foule souvent la couche qui nous avait reçus tous deux, et ne devait plus nous voir réunis. Je touche, autant que je le puis, tes traces au lieu de toi, et la place qu'ont échauffée tes membres. Je m'y jette, et inondant ce lit des larmes que je répands, "Nous t'avons foulé deux, m'écrié-je ; deux reçois-nous encore. Nous sommes venus ici ensemble ; pourquoi ne pas nous en aller ensemble ? Lit perfide, où est la meilleure partie de moi même ? " Que faire ? Où porter seule mes pas ? L'île est sans culture. Je n'aperçois ni les travaux des hommes ni ceux des bœufs. La mer baigne dans toutes leurs parties les côtes de cette terre. Aucun vaisseau, aucun n'est là prêt à s'ouvrir des routes incertaines. Suppose que des compagnons, des Vents favorables et un navire me soient accordés, où fuir ? La terre paternelle me refuse tout accès. Quand ma proue heureuse sillonnerait des mers tranquilles, quand Éole rendrait les vents propices, je serais une exilée. Crète, aux cent villes superbes, pays connu de Jupiter au berceau, je ne te verrai plus, car j'ai trahi mon père, j'ai trahi le royaume soumis à son sceptre équitable, j'ai manqué à ces deux noms si chers, le jour où, pour te soustraire à la mort qui eût suivi ta victoire dans l'enceinte aux mille détours, je te donnai pour guide un fil que devaient suivre tes pas. Tu me disais alors : "J'en jure par ces périls mêmes, tu seras à moi tant que nous vivrons l'un et l'autre." Nous vivons, et je ne suis pas à toi, Thésée, si toutefois tu vis, femme qu'a ensevelie la trahison d'un parjure époux. Que ne m'as-tu aussi immolée, barbare, de la même massue qui frappa mon frère ? Cette mort eût délié la foi que tu m'avais donnée. Maintenant je me représente non seulement les maux que je dois supporter, mais tous ceux que peut souffrir une femme abandonnée. La mort s'offre à mon esprit sous mille aspects divers. On souffre moins de la recevoir que de l'attendre. Je vois déjà venir à moi, d'un côté ou d'un autre, des loups dont la dent avide déchirera mes entrailles. Peut-être aussi le sol nourrit-il des lions à la fauve crinière. Qui sait si cette île n'est pas infestée de tigres féroces ? On dit aussi que la mer y vomit d'énormes phoques. Qui empêche que des glaives ne me traversent le flanc ? Seulement, puissé-je n'avoir pas, comme une captive, à gémir sous le poids cruel des chaînes ; ne pas voir, comme une esclave, mes mains condamnées à une tâche accablante, moi, dont le père est Minos, et la mère une fille de Phébus, moi, et c’est ce que j’ai oublié le moins, moi qui fus sa fiancée ! Si, je regarde les ondes, la terre et les rivages lointains, la terre et les ondes me font d’égales et d'innombrables menaces. Restait le ciel : je crains des dieux jusqu'à leurs images. Je suis une proie, une pâture livrée sans défense aux bêtes furieuses. Ou si des hommes cultivent et habitent, ce lieu, je me défie d'eux. Mes malheurs m'ont trop appris à craindre les étrangers. Plût au ciel qu'Androgée vécût, et que tu n'eusses pas expié, terre de Cécrops, un meurtre impie par tes funérailles ! Que ton bras cruel, armé d'une noueuse massue, n'eût pas, ô Thésée, immolé le monstre, homme en partie, en partie taureau ! Que je n'eusse pas, pour diriger ton retour, confié à tes mains un fil qu'elles attiraient vers toi ! Je ne m'étonne pas, au reste, que la victoire te soit restée, et que le monstre ait teint de son sang la terre de Crète. Sa corne ne pouvait percer un cœur de fer. Sans bouclier, ta poitrine suffisait pour ta défense. Tu portais là le caillou, là le diamant, et tu es là Thésée, plus dur que le caillou. Sommeil cruel, pourquoi m'as-tu retenue dans cet engourdissement ? Je devais cette fois rester ensevelie dans la nuit éternelle ! Vous aussi, vents cruels, trop officieux alors, vous qui l’avez servi aux dépens de mes larmes ; toi, main cruelle, qui as frappé de mort mon frère et moi ; foi accordée à mes prières et qui fut un vain nom ; tout a conspiré contre moi, sommeil, vent, foi jurée ; seule, une jeune fille fut la victime d'une triple trahison. Prête à mourir, je ne verrai donc pas les larmes d'une mère, et nul doigt ne me fermera les yeux ? Mon âme infortunée s'envolera sous un ciel étranger, et une main amie ne parfumera pas mes membres inanimés. Des oiseaux marins s'abattront sur mes ossements qu'on n'aura pas inhumés. Est-ce donc cette sépulture qu'avaient méritée mes bienfaits ? Tu entreras dans le port de Cécrops. Quand tu seras reçu dans ta patrie, que, de ta demeure élevée, tu verras la foule se presser pour t'entendre, que tu auras pompeusement raconté la mort du monstre moitié taureau moitié homme, comment tu as parcouru les routes sinueuses du palais souterrain, raconte aussi que tu m'as abandonnée sur une plage solitaire : je ne dois pas être oubliée parmi tes titres de gloire. Tu n'as point pour père Égée (59) ni pour mère Éthra, fille de Pitthée ; les rochers et la mer sont les auteurs de tes jours (60). Que ne m'as-tu vue du sommet de ta poupe ! Un si triste spectacle eût attendri ton cœur. Maintenant encore, vois-moi, non plus des yeux, mais en idée, si tu le peux ; vois-moi attachée à un rocher où vient se briser la vague inconstante ; vois le désordre de mes cheveux, attestant ma douleur, et ma tunique inondée de larmes comme si la pluie l'eût trempée. Mon corps frissonne comme les épis qu'agite l'aquilon (61), et ma lettre frémit sous ma main tremblante. Je ne te supplie pas au nom d'un bienfait qui m'a si mal réussi ; qu'aucune reconnaissance ne soit due au service que je t'ai rendu, mais aucune peine non plus. Si je n'ai pas été la cause qui t'a sauvé la vie, pourquoi serais-tu celle qui me donne la mort ? Malheureuse ! Je tends vers toi, dont me sépare la vaste mer, ces mains fatiguées à meurtrir ma lugubre poitrine. Je te montre, tout éplorée, les cheveux qui ont échappé à ma fureur. Je t'en conjure par les larmes que m'arrache ta cruauté, Thésée, tourne vers moi la proue de ton vaisseau ! Reviens, que les vents te ramènent ! Si je succombe avant ton retour, au moins tu enseveliras mes os. |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 24 Nov 2007 - 16:09 | |
| Merci pour ce beau renvoi, le site est excellent (on y trouve même l'histoire de Vartan  ). En effet c'est évident ces similitudes, les images choisies. Un très beau texte, très touchant. Pauvre fille.  |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 24 Nov 2007 - 16:56 | |
| Lamento d'Arianna - Seconda parte
2- O teseo, o Teseo mio, Si che mio ti vo' dir, che mio pur sei, Benchè t'involi, ahi crudo, a gli occhi miei, Volgiti, Teseo mio, Volgiti, Teseo, o Dio Volgiti indietro a rimirar colei Che lasciato ha per te la patria e il regno, E in questa arena ancora, Cibo di fere dispietate e crude, Lascierà l'ossa ignude. O Teseo, o Teseo mio, Se tu sapessi, o Dio, Se tu sapessi, ohimè ! Come s'affanna La povera Arianna, Forse,forse pentito Rivolgeresti ancor la prora al lito. Ma, con l'aure serene Tu te ne vai felice et io qui piango; A te prepara Atene Liete pompe superbe, et io rimango Cibo di fera in solitarie arene; Te l'uno e l'altro tuo vecchio parente Stringerà lieto, et io Più non vedrovvi, o madre, o padre mio.
Ô Thésée, ô mon Thésée, Tu es mien, je voulais te dire que tu es mien Et pourtant tu fuis, ô cruel, mes regards. Reviens, mon Thésée Revien, Thésée, ô Dieu. Reviens sur tes pas revoir celle Qui abandonna pour toi sa patrie et son royaume Et sur cette grêve encore, Proie des bêtes cruelles et sans pitié, Laissera les os nus. Ô Thésée, ô mon Thésée Si tu savais, hélas, comme est tourmentée La pauvre Ariane Peut-être, peut-être repenti Retourneras-tu la proue vers ce rivage. Mais avec la brise tranquille Tu t'en vas, heureux, et moi, ici, je pleure; A toi Athènes prépare En liesse de fastueuses fêtes, et moi je reste La proie des bêtes féroces de ce rivage désolé; L'un est l'autre de tes vieux parents T'embrassera, heureux, et moi Je ne vous reverrez plus, ô mère, ô mon père.
Tendresse du premier appel dans un soupir suivi de la revendication (si, si), la colère, la déchirure, les grands intervalles, les dissonances qui culminent sur "dispietate", l'homorythmie maintenue jusque là est brisée dans des appels en imitation, reflêt du désordre interne d'Ariane. L'apaisement sur O Teseo, l'image du bienheureux qui s'enfuit dans le chromatisme, presque le pardon dans des susurrements indulgents sur io piango. Une belle montée chromatique sur vedrovvi, o madre qui associe dans une belle synthèse, bonheur et douleur. |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 24 Nov 2007 - 17:27 | |
| Lamento d'Arianna - Terza parte
3- Dove, dove è le fede, Che tanto mi giuravi ? Così ne l'alta sede Tu mi ripon de gli avi ? Son queste le corone Onde m'adorni il crine ? Questi scettri sono, Queste le gemme e gli ori: Lasciarmi in abbandono A fera che mi stracci e mi divori ! Ah Teseo, ah Teseo mio, Lascierai tu morire In van piangendo, in van grindando aita, La misera Arianna Che a te fidossi e ti diè gloria e vita ?
Où donc est la foi Que vous m'avez tant jurée ? Est-ce en me traitant ainsi Que tu penses honorer mes aïeux ? Voici donc les couronnes Dont tu pares ma chevelure ? Voici donc les sceptres ? Voici donc les gemmes et les ors: Me laisser abandonnée Aux fauves qui me déchirent et me dévorent ? Ah Thésée, ah mon Thésée ! Laisseras-tu mourir, Eplorée en vain, suppliante en vain La misérable Ariane Qui se fia à toi et te donna gloire et vie ?
Concitato ! C'est à dire 'agité'. Figuration de l'agitation psychologique du personnage ou de son comportement (batailles comme dans le livre VIII qui joue à fond sur les deux niveaux de représentation). Déchirante douleur sur "lasciarmi abbandono" mêlé intimement "A fera... divori", jeu assez rare chez Monteverdi ce mélange des deux vers, comme un télescopage, un point culminant qui laisse Ariane sous le choc, tout s'interrompt et se poursuit d'une voix blanche. L'air lui manque, tout est entre le parlando et l'homophonie qui contraste furieusement avec la véhémence du début. |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 24 Nov 2007 - 17:53 | |
| Lamento d'Arianna - Quarta e ultima parte
4- Ah che non pur risponde, Ahi, che più d'aspe è sordo a' miei lamenti. O nembi, o turbi, o venti, Sommergetelo voi dentr'a quell'onde. Correte, orchi e balene, E de le membra immonde Empiete le voragini profonde. Che parlo, ahi, che vaneggio ? Misera, ohimè, che chieggio ? O Teseo, o Teseo mio, Non son, non son quell'io, Non son quell'io che i fêri detti sciolse: Parlò l'affanno mio, parlò il dolore; Parlò la lingua sì, ma non gia il core.
Ah qu'il reste sans réponse ! Hélas, plus qu'un aspic, il reste sourd à mes plaintes Ô nuées, ô tempêtes, ô vents Submergez-le de ces flots, Accourez orques et baleines Et de ses membres infâmes Emplissez les gouffres sous-marins. Mais que dis-je, hélas, quelles divagations, Misère ! Hélas, qu'ai-je éxigé ? Ô Thésée, ô mon Thésée Non, pas moi, ce n'est pas moi. Je ne suis pas celle qui ait souhaité de telles cruautés C'est mon affliction qui parle, c'est ma douleur qui parle, C'est ma bouche, mais non mon coeur.
Le temps des larmes puis de la colère sont passés, c'est la stupeur hallucinée, la folie qui s'empare d'elle. Les deux premiers vers sont emprunt d'un climat mortifère comme si toute vie s'était retirée du corps et de l'esprit d'Ariane figuré par des dissonances comme froides: des intervalles entre les lignes des différentes voix d'une seconde, les voix ne se touchent plus, les affects sont dissociés et introduisent la haine qui habite, comme un monstre, les profondeurs de sa pensée, en style concitato. Cette folie momentanée cesse devant son amour pour Thésée et le mode mineur revient et les lignes vocales s'adoucissent dans de tendres plaintes, Teseo mio, plus rien de contondant, l'acceptation de l'abandon, quelques douleurs sur fêri detti sciolse et parlò.
On a vu tour à tour les pleurs, la tendresse amoureuse, la colère revendicative, la douleur déchirante jusqu'à la démence, la douleur poignante de la perte de ses parents, l'angoisse agitée, la stupeur, la haine... Rarement Monteverdi aura montré une telle virtuosité expressive. |
|  | | hansi Mélomane du dimanche
Nombre de messages : 76 Date d'inscription : 16/10/2007
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 24 Nov 2007 - 18:05 | |
| Vartan parles-tu, comprends-tu l'Italien ? Si oui, est-ce la raison pour laquelle tu adores ces madrigaux ? |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Sam 24 Nov 2007 - 18:56 | |
| C'est un peu secondaire pour moi, c'est quand même la musique qui compte ici. Je parlais italien, c'est beaucoup plus rouillé pour moi aujourd'hui. Mais il faut écouter.  |
|  | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable

Nombre de messages : 94198 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Dim 25 Nov 2007 - 23:07 | |
| Je fais décidément mon classique réfractaire ce soir, mais en réécoutant le Lamento d'Ariane tel que présenté dans ce Sixième Livre (en découvrant la version d'Alessandrini), je confirme vraiment que mon inclination me pousse plus vers le Monteverdi le plus authentiquement madrigaliste. Le Cinquième, qui m'évoque plus aisément Marenzio ou Agostini, voire les Flamands avec l'homorythmie parfois presque stricte, me séduit bien plus. Il faut dire aussi que les voix retenues par Alessandrini pour ce volet sont bien grêles - sans vibrato, presque blanches, assez acides. Malgré la clarté extraordinaire des lignes, on manque d'investissement. La compagnie Deller m'avait infiniment plus convaincu dans ces pages. Heureusement qu'il y a le texte de Vartan pour faire passer la pilule.  |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Dim 25 Nov 2007 - 23:14 | |
| On va s'y remettre.  On entre effectivement dans le bizarre avec ces pièces, pour l'enregistrement je n'ai pas d'autre choix comparatif que celui-ci. Deller à voix seule ?  ...ou la version polyphonique ? Je ne connais pas mais ça doit valoir son poids en ducats vénitiens.  |
|  | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable

Nombre de messages : 94198 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Dim 25 Nov 2007 - 23:25 | |
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|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Dim 25 Nov 2007 - 23:39 | |
| Sûrement.  |
|  | | antrav Papa pingouin

Nombre de messages : 37304 Date d'inscription : 08/12/2005
 | Sujet: Re: Le Madrigal italien (1530 - 1640) Dim 25 Nov 2007 - 23:51 | |
| Mais sincèrement je trouve ça hors-sujet, douceur tu dis, en effet, mais je trouve le texte trahi par cette douceur des plus alanguies, ça manque de ciselé, c'est un peu mou, pas de progression dramatique. Mais c'est un plaisir de pouvoir entendre des choses neuves là-dedans, pour moi.  |
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|  | | | Le Madrigal italien (1530 - 1640) | |
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