Symphonie n°101 en ré majeur « L'Horloge » -AndanteVers 13 ans, j'avais découvert cette oeuvre en vinyle, dirigée par Karl
Richter à la tête du Philharmonique de Berlin.
Je succombai aussitôt à son merveilleux
Andante, si délicieusement figuratif, qui reste évidemment un des mouvements que j'apprécie le plus dans le corpus haydnien.
Je me suis récemment amusé à essayer de décrypter les secrets de fabrication, et vous fais partager cette modeste ébauche d'analyse. Les minutages se réfèrent au célèbre enregistrement de Karajan.
N'hésitez pas à réagir !
- Spoiler:
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L'étude morphologique de cette page peut laisser apparaître différents schémas. Certains musicologues y voient un
Rondo de type A-B-A-C-A. Mais cette partie C est-elle pourvue d'une identité suffisamment forte pour se différencier d'une émanation de A ?
Je préfère penser qu'il s'agit d'une structure à variations en quatre parties, avec péripétie dans la seconde, et développement du matériel thématique dans les deux suivantes. Certains auteurs considèrent la première sous une forme tripartite. J'y vois plutôt deux grandes sections, chacune encadrées par les barres de reprise. C'est ainsi que je les présenterai ci-dessous.
PREMIERE PARTIEOn comprend d'emblée quelle fut la source d'inspiration qui mérita à cette Symphonie le surnom « L'Horloge ».
Car à découvert, violons II, bassons et cordes graves engrènent une claudication dont le tempo
Andante (à 2/4) va se maintenir pendant tout ce second mouvement de l'oeuvre.
Après cette mesure liminaire qui suffit à évoquer un balancier de pendule, les violons I présentent l'accorte sujet principal, dont la malléabilité contraste avec la rigueur métronomique de l'accompagnement.
Ce sujet (nommons-le
A) peut se décomposer en quatre motifs :
[
Aa] s'annonce par la
dominante d'un
ré prolongé, suivi d'un prompt saut de sixte vers
sol -tonalité principale du morceau.
[
Ab] : précédé d'une appogiature, une rapide glissade arpégée de triple-croches nous ramène à un
ré double-pointé.
[
Ac] : une descente crantée par tierces conjointes
[
Ad] : un vif arpège ascendant
Le sujet
A connaît aussitôt une variante (nommons-la
A') à
0'15 :
Aa et
Ab restent identiques, suivis d'une réplique de
Ab hissée d'un degré
(0'20). Le motif
Ac se crante vers l'aigu au lieu de descendre
(0'24).
Ad' suit la même prosodie que
Ad (double-croche pointée, triple-croche).
Intervient une reprise
ad litteram de
A et
A' (0'29-0'59).
Une deuxième section (nommons-la
B) va développer les mêmes idées intervalliques et rythmiques
(0'59).
Apparenté à
Ad,
Ba s'énonce doucement aux violons I (tic-tac aux seuls violons) puis
forte au degré inférieur (tic-tac aux violoncelles & basses à intervalle redoublé, sixte au lieu de tierce). On note ainsi que l'accompagnement se disjoint.
Une escalade selon le rythme pointé dégringole aussitôt en triple-croches
(1'04-1'10).
Soutenus par un
ré du hautbois et le tic-tac aux basses, les violons enchainent une série de quatre variantes de
Aa (nommons-les
Bb,
1'14) puis brodent une phrase régulière et homophone (nommons-la
Bc) doublée par le hautbois
(1'26).
Les violons I prolongent cette phrase
Bc, doublés par la flute
(1'35), préparant le retour de
A, énoncé deux fois
(1'40-1'52, 1'52-2'07), la seconde un peu modifiée et transposée vers la quarte supérieure.
Sur la partition, les barres de reprise entourant cette seconde section
B invitent à sa répétition, ce que pratique ici Karajan entre
2'09-3'16. Mais certains autres chefs s'en dispensent, comme Fritz Reiner dans son testamentaire enregistrement de septembre 1963.
Un coup de théâtre surgit avec la...
DEUXIEME PARTIE (3'17-)On bascule dans le drame avec la tonalité de
sol mineur.
La première section décline
Ac, traité en imitation. Au travers l'oppressant maillage polyphonique, on distingue le crénelage de tierces ascendantes, successivement aux bassons & basses
(3'17), aux violons I & flûte
(3'26), aux violons II & flûte
(3'31).
De véloces broderies de triple-croches s'échauffent aux violons I
(3'34), attisées par le vigoureux tic-tac des autres cordes. Elles se transfèrent aux violons II & altos (3'37) sur un
ré tenu aux cors, puis reviennent aux violons I
(3'40), repassent aux violons II & altos
(3'43).
Même si le tempo reste celui de l'introduction, on a l'impression que la mécanique s'emballe, comme devenue folle !
Les intervalles de l'accompagnement (initialement des tierces) s'étirent maintenant sur plus d'une octave.
Les broderies aux violons refluent par paliers
(3'46), sont secouées par une saccade de double-croches aux autres archets
(3'55). Ces frictions débouchent sur un pic d'intensité : dans leur tessiture grave, violons II & altos tissent un redoutable
ostinato de triple-croches
(4'05) sur lequel les violons I crient un douloureux motif descendant, attaqué
sforzando au degré inférieur à chacune des deux répétitions.
Ce même motif passe aux violons II
(4'13), hissé d'un degré, répété deux fois aussi, tandis que l'
ostinato échoit aux violons I & altos.
Remarquons que de tels effets antiphoniques sont encore plus démonstratifs quand violons I et II sont respectivement placés à gauche et à droite du chef, ce qui n'est pas le cas du présent enregistrement.
Sur les broderies des violons II, deux accords s'arrachent aux violons I & altos
(4'21) puis vice-versa. Le même procédé s'amplifie sur un roulement de timbales
(4'27). Une cadence tonale
(4'33-4'37) résout la tension accumulée pendant cette partie.
Decrescendo, à découvert, les violons I dodelinent en double-croches
(4'37-4'42).
TROISIEME PARTIE(4'42-) A la double octave, flûte & basson en croches escortent ce tic-tac des violons. Comme l'écrit Marc Vignal dans la
Guide Fayard de la Musique Symphonique, « le rythme ne soutient plus la mélodie mais l'encadre ».
On assiste à une réexposition de
A (4'46) puis de
A' (4'57) aux violons qui ensuite réexposent
Ba (5'13) puis
Bb (5'28) tandis que les figurations de la flûte gagnent en vélocité.
Bc revient aussi
(5'40), contrepointé par le tic-tac qu'empresse le basson, harmonisé par flûte & hautbois.
A et
A' reviennent encore
(5'56-6'25), décorés par flûte, hautbois et basson qui se partagent un rôle rythmique autant qu'harmonique.
Silence.
Le morceau semblerait s'arrêter là.
Mais non, ce qui n'est pas le moindre trait de génie haydnien.
QUATRIEME PARTIE (6'29-) Une frêle oscillation aux altos ressuscite le sujet
A (6'32), transposé en
mi bémol majeur, accompagné par violons & basses eux-mêmes ajustés d'une tierce.
Le sujet
A se limite ici à ses composantes
Aa et
Ab, celui-là prolongé par violons et flûte.
Une brusque saillie
(6'50-6'57) amène un tic-tac qui pérore à l'ensemble des bois et cordes, se délite aux violons I
(7'01-7'08) en progressant vers l'aigu, festonné par la flûte.
Vigoureusement scandé, un dérivé de
A surgit soudain en apothéose
(7'11), profilé en sextolets de double-croches, dans la tonique de
sol majeur. Son développement se déploie à grande envergure, sur plus de deux octaves ! Observons ainsi ces trois paliers des violons sur
ré /
do /
si (7'27-7'32), chacun chutant d'une hauteur de
neuvième.
Un motif qui surnage aux flûte & hautbois
(7'38) rappelle la prosodie de
Aa. Pendant que les violons continuent de dérouler leur guirlande,
Bb revient ensuite aux flûte & altos
(7'53), aux hautbois & altos
(7'59).
Le développement de
A filoche aux violons
(8'05), filigranés par la flûte, puis reprend force
(8'20) dans un
tutti que martèlent des triolets de timbales.
La Coda
(8'50) se résume à une série d'arpèges descendants aux violons II, violons I puis flûte & hautbois, sur le tic-tac des bassons finalement cédé aux violons.
Violoncelles & contrebasses escaladent deux gammes tuilées vers trois accords conclusifs.
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