Hector Berlioz: les cantates

Voici un sujet pour les cantates.
On peut classer les cantates en deux catégories: celles pour le Prix de Rome et … les autres.

Cantates du Prix de Rome:
Berlioz a tenté quatre fois le Prix de Rome et l'a gagné en 1830.

La mort d'Orphée, monologue et bacchanale (1827)
Cantate pour ténor solo, chœur de femmes à quatre voix et orchestre.

Herminie, scène lyrique (1828)
Cantate pour soprano solo et orchestre.

La mort de Cléopâtre, scène lyrique (1829)
Cantate pour soprano solo et orchestre.

La mort de Sardanapale (1830)
Cantate pour soprano solo, chœur d'hommes à quatre voix et orchestre.

La mort de Sardanapale nous est parvenue à l'état de fragment. On peut entendre ce qu'il en reste (pas grand chose) sur le CD dirigé par Casadesus chez HM (seul enregistrement à ma connaissance)
En ce qui concerne les trois autres cantates, Berlioz ne semble pas avoir porté ces musiques en haute estime. Il a d'ailleurs récupéré une partie du matériel pour d'autres œuvres comme à son habitude en ce qui concerne ses œuvres de jeunesse (jusqu'en 1830). On retrouve ainsi dans Lélio un passage entier de la mort d'Orphée (La harpe éolienne) et un mouvement entier de Cléopâtre (Chœurs d'ombres), dans la fantastique un thème de Herminie… et la mort de Sardanapale étant vraisemblablement amputée de l'essentiel de sa durée, on peut imaginer qu'il en a recyclé le matériel aussi.

Herminie et Cléopâtre sont souvent enregistrées, la mort d'Orphée pourtant très jolie l'est nettement moins (par Fournet, Plasson et Casadesus si mes souvenirs sont bons).

Autres cantates:

La révolution grecque, scène héroïque (1826)
Œuvre de jeunesse également, donc pillée pour les besoins de la Symphonie funèbre et triomphale, elle est composée pour deux basses solo, un chœur mixte à 8 voix et un orchestre. C'est la plus longue de toutes, une grosse vingtaine de minutes.

Le cinq mai, op.6, chant sur la mort de Napoléon (1835)
Œuvre magnifique pour basse solo, chœur mixte à 6 voix (SSTTBB) et orchestre malheureusement trop peu enregistrée. On y entend déjà toute sa maitrise de l'orchestration et de la mélodie.

L'impériale (1855)
Beaucoup plus pompeuse mais très maitrisée (œuvre de maturité), l'Impériale est écrite pour deux chœurs mixtes et orchestre. Il faut aimer le pompeux…

En ce qui concerne les pièces les plus rares, on les trouvera sur ce double CD enregistré par Michel Plasson:



… il contient la révolution grecque, le cinq mai, la mort d'orphée, et d'autres œuvres qui ne sont pas des cantates.

Sur ce CD enregistré par Jean-Claude Casadesus il y a les 4 cantates du Prix de Rome:



Quand à l'Impériale, il faudra aller la chercher sur un CD épuisé, avec Jean Fournet dirigeant des forces hollandaises:
http://www.cdmail.fr/gb/affich_fich.asp?refcdm=CDM007291

Sur un site Tchèque (je n'y comprends que quelques mots) il me semble avoir lu que l'Orchestre d'harmonie des gardiens de la paix de Paris aurait enregistré la "Symphonie funèbre et triomphale" avec (?) finale de la scène héroique de la Révolution Grèque. Ai-je bien compris?
http://www.muzikus.cz/klasicka-hudba-jazz-recenze/Hector-BerliozSymphonie-funebre-et-triomphale-Final-de-la-scene-heroeque-de-la-revolution-greque~03~unor~2004/

Je ne comprends pas le tchèque, mais je suppose qu'ils ont couplé les deux œuvres parce que Berlioz a recyclé une partie de la musique de la Révolution grecque dans la Symphonie funèbre et triomphale.

Merci, je commande.

Attends un instant…

C'est bien ce qui me semblait: si c'est la Révolution grecque qui t'intéresse, il n'y a que le final et c'est arrangé pour orchestre d'harmonie.

Si c'est l'intégrale "officielle" et certifiée conforme que tu cherches, alors je te recommande le CD de Plasson. Par contre si tu veux la funèbre et triomphale, et bien tu peux essayer la version éditée par Calliope et tu m'en dira des nouvelles.

"Je me souviens que, m'étant mis en tête de faire une cantate avec choeurs sur le petit poème de Béranger intitulé le Cinq mai, je trouvai assez aisément la musique des premiers vers, mais que je fus arrêté court par les deux derniers, les plus importants, puisqu'ils sont le refrain de toutes les strophes:
Pauvre soldat, je reverrai la France,
la main d'un fils me fermera les yeux.
Je m'obstinai en vain pendant plusieures semaines à chercher une mélodie convenable pour ce refrain; je ne trouvais toujours que des banalités sans style et sans expression.. Enfin j'y renonçai; et par suite la composition de la cantate fut abandonnée.
Deux ans après, n'y pensant plus, je me promenais un jour à Rome sur une rive escarpée du Tibre qu'on nomme la promenade de Poussin; m'étant trop approché du bord, la terre manqua sous mes pieds, et je tombai dans le fleuve. En tombant, l'idée que j'allais me noyer me traversa l'esprit; mais en m'apercevant après la chute que j'en serais quite pour un bain de pieds et que j'étais tout bonnement tombé dans la vase, je me mis à rire et je sortais du Tibre en chantant: Pauvre soldat, je reverrai la France, précisément sur la phrase si longuement et si inutilement cherchée deux ans auparavant: "Ah! m'écriai-je, voilà mon affaire, mieux vaut tard que jamais!". Et la cantate s'acheva."
(petit exercice de style de l'écrivain Berlioz, dans "A travers chants", 1862)

Et merci, Zoilreb, pour tes conseils!

felyrops a écrit:

Et merci, Zoilreb, pour tes conseils!

De rien, c'est un plaisir … et un ordre de Xavier.

A propos du Cinq mai je tiens cette œuvre pour une des plus belle et des plus équilibrée formellement parlant de Berlioz… malheureusement quasi jamais jouée.

Si vous avez l'occasion de tomber sur le CD de Fournet ou de Plasson, ça vaut la peine de les prendre uniquement pour cette œuvre.

Je me suis réécouté le disque des cantates par Casadesus.
Je ne me lasse pas, je les trouve vraiment originales ces quatre-là (je ne connais pas les autres). La mort d'Orphée, avec ce choeur de Bacchantes furieuses accompagnant les prières désespérées d'Orphée, et ce solo magnifique. La mélodie Berliozienne n'est peut-être pas efficace mais elle est vraiment charmante. J'aime beaucoup le ténor, pas tellement le timbre, mais le phrasé, la puissance.

J'ai aussi La mort de Cléopâtre par Baker et Sir John Barbirolli. C'est pas déplaisant, ce timbre et cet accent.

MickeyZeVrai a écrit:

Je me suis réécouté le disque des cantates par Casadesus.
Je ne me lasse pas, je les trouve vraiment originales ces quatre-là (je ne connais pas les autres). La mort d'Orphée, avec ce choeur de Bacchantes furieuses accompagnant les prières désespérées d'Orphée, et ce solo magnifique. La mélodie Berliozienne n'est peut-être pas efficace mais elle est vraiment charmante. J'aime beaucoup le ténor, pas tellement le timbre, mais le phrasé, la puissance.

J'ai aussi La mort de Cléopâtre par Baker et Sir John Barbirolli. C'est pas déplaisant, ce timbre et cet accent.

La mort de Cléo est très mal servie au disque - beaucoup d'étrangères au format énorme...
Un mezzo assez léger fait parfaitement l'affaire, pourvu que son français soit bon.
(Evidemment, comme Mimi l'a chanté, toute concurrence est écrabouillée.)

Je suis d'accord pour le très beau moment de la mort d'Orphée, notamment avec cette fin, ces cris. Un épisode très rarement représenté, d'ailleurs.

DavidLeMarrec a écrit:

La mort de Cléo est très mal servie au disque - beaucoup d'étrangères au format énorme...
Un mezzo assez léger fait parfaitement l'affaire, pourvu que son français soit bon.
(Evidemment, comme Mimi l'a chanté, toute concurrence est écrabouillée.)

Mimi ?

DavidLeMarrec a écrit:

Je suis d'accord pour le très beau moment de la mort d'Orphée, notamment avec cette fin, ces cris. Un épisode très rarement représenté, d'ailleurs.

En peinture ? Ou tu parles de la cantate elle-même ?

MickeyZeVrai a écrit:

DavidLeMarrec a écrit:

La mort de Cléo est très mal servie au disque - beaucoup d'étrangères au format énorme...
Un mezzo assez léger fait parfaitement l'affaire, pourvu que son français soit bon.
(Evidemment, comme Mimi l'a chanté, toute concurrence est écrabouillée.)

Mimi ?

La plus grande chanteuse intergalactique de tous les temps. qui n'est jamais sortie de France

Citation :

DavidLeMarrec a écrit:

Je suis d'accord pour le très beau moment de la mort d'Orphée, notamment avec cette fin, ces cris. Un épisode très rarement représenté, d'ailleurs.

En peinture ? Ou tu parles de la cantate elle-même ?

Représenté... au théâtre. Ce que tu as l'esprit mal tourné !

DavidLeMarrec a écrit:

La plus grande chanteuse intergalactique de tous les temps. qui n'est jamais sortie de France

Callas ? mais elle est sortie de France alors... c'est pas ça, zut, je me sens bête

MickeyZeVrai a écrit:

DavidLeMarrec a écrit:

La plus grande chanteuse intergalactique de tous les temps.

Callas ?

Nan mais j'vous jure...

Xavier a écrit:

MickeyZeVrai a écrit:

DavidLeMarrec a écrit:

La plus grande chanteuse intergalactique de tous les temps.

Callas ?

Nan mais j'vous jure...

C'est drôle je m'y attendais...

Tsss... on est plus avancés avec ça, surtout quand on connaît pas

Françoise Pollet ?

Morloch ?

Spoiler:

DavidLeMarrec a écrit:

Morloch ?

Spoiler:

Ah mais c'est aps évident, comme bien sûr Renée a chanté hors de France, je ne vois vraiment pas de qui il s'agit ...

A l'attention de Mickey (puisqu'il s'agit d'ignorer superbement Monsieur fading) :

En tout cas je repasse en boucle cette Herminie par Minkowski et c'est un régal. Comme souvent chez lui, les oeuvres à venir macèrent dans les précédentes et la Fantastique est très présente dans cette cantate qui semble dériver d'un épisode de la Jerusalem délivrée du Tasse revue par Pierre-Ange Vieillard. Idée-fixe qui n'est plus destinée qu'à Harriet mais à Herminie aussi Tout le bonheur de l'orchestration de Berlioz est là. La mélodie avec cette prosodie qui mérite (et ne trouve pas toujours) une diction parfaite.

"Arrête, arrête cher Tancrède", avec cette surdramatisation qui évoque le seria entrecoupé de récitatifs pathétiques, un orchestre totalement fou, une citation de... la Marseillaise !
Il n'a obtenu que le deuxième prix de Rome pour ce chef d'oeuvre. Qui a eu le premier ?

vartan a écrit:

Idée-fixe qui n'est plus destinée qu'à Harriet mais à Herminie aussi

A l'époque, Berlioz ne connaissait pas encore Harriet, je pense.

Citation :

"Arrête, arrête cher Tancrède", avec cette surdramatisation qui évoque le seria entrecoupé de récitatifs pathétiques, un orchestre totalement fou, une citation de... la Marseillaise !

Eh bien quoi, même Wagner l'a fait !

(Fil Berlioz : OK.)

Citation :

Il n'a obtenu que le deuxième prix de Rome pour ce chef d'oeuvre. Qui a eu le premier ?

Guillaume Ross-Despréaux.

C'est bien la peine de l'avoir avec un nom aussi inconnu !

J'ai vu que Mimi avait enregistré cette Herminie, ça vaut le coup ?

Bonsoir David.

On dit souvent qu'elle n'a jamais été en aussi grande forme vocale. Personnellement, je la préfère plus tard, mais c'est déjà très bon, et dans un répertoire qui ne la brusque pas.

Herreweghe est sans doute un peu sage, mais ça reste de la belle musique de toute façon.

Merci.

vartan a écrit:

"Arrête, arrête cher Tancrède", avec cette surdramatisation qui évoque le seria entrecoupé de récitatifs pathétiques, un orchestre totalement fou

J'aime beaucoup cet air aussi

H.Berlioz: Symphonie fantastique; Herminie (Marc Minkowski + Les Musiciens du Louvre + Mahler Chamber Orchestra + Aurélia Legay, CD DGG 474 209-2)

Citation :

une citation de... la Marseillaise !

J'avais jamais remarqué. Où ça ?

Zoilreb a écrit:

vartan a écrit:

"Arrête, arrête cher Tancrède", avec cette surdramatisation qui évoque le seria entrecoupé de récitatifs pathétiques, un orchestre totalement fou

J'aime beaucoup cet air aussi

Oui, mon préféré de toute cette cantate. Delunsch a plus de charme que Legay non?

Oui… s'il fallait une version idéale, ce serait alors Minkowski + Delunsch.

Il avait déjà un sacré sens du rythme en tous cas.

vartan a écrit:

Il n'a obtenu que le deuxième prix de Rome pour ce chef d'oeuvre.

Et il ne l'a pas emporté l'année suivante (avec Cléopâtre), mais bien l'année d'après… ex-aequo avec un autre candidat, si je me souviens bien.

Le second Premier Grand Prix avait échu à Alexandre Montfort.

Je viens d'écouter Herminie par Minkowski. Voilà tout ce qui manquait à ma version Herreweghe !

Orchestre superlatif, on a l'habitude avec le gaillard. Mais la grosse surprise vient d'Aurélia Legay, que Zoilreb m'avait annoncée comme catastrophique, et dont les phrasés intelligents, la diction, la beauté du timbre (qui rappelle à certains égards une certaine Mimi...) me la fait sans hésiter préféré à Delunsch elle-même dans ces pages...

Un régal absolu !

DavidLeMarrec a écrit:

Mais la grosse surprise vient d'Aurélia Legay, que Zoilreb m'avait annoncée comme catastrophique, et dont les phrasés intelligents, la diction, la beauté du timbre (qui rappelle à certains égards une certaine Mimi...) me la fait sans hésiter préféré à Delunsch elle-même dans ces pages...

Je n'avais pas dit que ça si je me rappelle bien. Il me semble que j'avais dit aussi que si tu aimes les petits calibres et les élèves sortant du Conservatoire, tu y trouverait sûrement ton compte.
Côté "authenticité" (Prix de Rome) ça a son charme mais j'aimerais un style plus propre, une voix plus dynamique et un rien plus puissante… et avec cet orchestre-là. Ici on a l'impression qu'elle est tout le temps à bout.

Zoilreb a écrit:

Je n'avais pas dit que ça si je me rappelle bien. Il me semble que j'avais dit aussi que si tu aimes les petits calibres et les élèves sortant du Conservatoire, tu y trouverait sûrement ton compte.

Ah oui, dans mon immense mansuétude, j'avais totalement oublié, espèce de vipère...

Citation :

Côté "authenticité" (Prix de Rome) ça a son charme mais j'aimerais un style plus propre, une voix plus dynamique et un rien plus puissante… et avec cet orchestre-là. Ici on a l'impression qu'elle est tout le temps à bout.

C'est justement ça qui est excitant !

Zoilreb a écrit:

Citation :

une citation de... la Marseillaise !

J'avais jamais remarqué. Où ça ?

Oops ! Je n'avais pas vu !

Donc dans Herminie, air "Venez, venez, terribles armes", très exactement à la deuxième et troisième reprise de l'air sur le vers "Cessez, cessez d'exciter les alarmes".

Oui, c'est un peu court, mais ça me frappe à chaque fois.

Je vais faire un superbe commentaire : j'adore la mort de cléopâtre ! Mais certes, la version que je possède n'est pas forcément la meilleure...

Moi non plus, je réécoute les cantates (sauf Sardanapale que je n'ai pas trouvée )
Et La mort de Cléopâtre c'est quelque chose, quelle fin, ça me scotche à chaque fois. Quelle imagination pour tuer sa protagoniste.

vartan a écrit:

Moi non plus, je réécoute les cantates (sauf Sardanapale que je n'ai pas trouvée )
Et La mort de Cléopâtre c'est quelque chose, quelle fin, ça me scotche à chaque fois. Quelle imagination pour tuer sa protagoniste.

Oui, la fin est superbe ! Le passage avec les pharaons, (surtout par la chanteuse qui la chante), ça me colle littéralement sur le siège. Difficile de s'en remettre... Bon, le seul gros désavantage de ma version, c'est qu'on ne comprend rien tellement que c'est de la bouillie.

C'est par qui ?

David, tu crois que je peux l'avouer ?

Elvira a écrit:

David, tu crois que je peux l'avouer ?

Nie !

DavidLeMarrec a écrit:

Elvira a écrit:

David, tu crois que je peux l'avouer ?

Nie !

Je le savais bien que c'était à ce point honteux...

C'est par Klaus Nomi, c'est ça ?

Moi je n'ai que Janet Baker. Pas enthousiasmant mais honnête quand même, on comprend bien l'oeuvre.

vartan a écrit:

C'est par Klaus Nomi, c'est ça ?

Moi je n'ai que Janet Baker. Pas enthousiasmant mais honnête quand même, on comprend bien l'oeuvre.

Non, non, c'est une captation radio.

Mimi ?

vartan a écrit:

Mimi ?

Non, non...

D'ailleurs, les bonnes versions sont excessivement rares au disque, toutes dans un français abominable (et la meilleure de toute de ce point de vue, c'est... c'est...).

C'est qui %/+*$£ !!!!

Je ne puis, son nom est maudit par l'Académie jusqu'à la treizième génération.

Spoiler:

?