Bruno Walter

Quels enregistrements à recommander tout particulièrement pour ce chef si attachant ? (Mahler, Mozart, autres...)

Autant mettre cartes sur tables, je ne suis pas le premier des admirateurs de Walter. Je ne sais pas ce que donnait ce son en salle, il était peut-être stupéfiant, mais ce spectre sonore écrasé, ces cordes opprimées m'ont toujours un peu indisposé, surtout que je n'y entends que rarement la profondeur vantée par d'autres.

Cependant, pour avoir parcouru un spectre assez large de ses enregistrements (Haendel, Haydn, Mozart, Beethoven, Wagner, Brahms, Smetana, Dvořák, Bruckner, Mahler, Hindemith, Barber...), j'aurais quelques perles à signaler, par leur qualité ou par leur renommée.


Walter est essentiellement cité pour ses Mozart, ses Wagner et ses Mahler, voire ses Beethoven. Cela tombe bien, c'est précisément les secteurs où je vais recommander.
Dans Mahler, la légende qui l'entoure est telle - dont celle, fantasmatique, de l'authenticité en ligne directe - qu'il faut absolument l'entendre, ne serait-ce que avoir une idée de ce dont il s'agit. S'il n'y avait qu'un choix à faire, il serait de ce côté.


Quant à moi :
- pour Mozart, éviter les symphonies dont certaines versions sont véritablement plates ; en revanche, son Don Giovanni de 1937 (celui avec Rethberg et Lazzari) est d'un allant, d'une urgence remarquables (même s'il faut supporter l'histrionisme pesant de Pinza) ;
- pour Wagner, le premier acte de la Walkyrie est mythique, non sans raison d'ailleurs, car l'épure des lignes, l'allant du tout et le lustre des chanteurs emportent l'adhésion. Privilégier la version Naxos (peu chère, parfaitement restauré) qui la couple avec les compléments tirés de l'acte II par Seidler-Winkler, de premier intérêt ;
- pour Mahler, bien que je trouve son style généralement peu compatible, il faut absolument avoir entendu le dernier mouvement de sa Neuvième avec Vienne, d'une tension bouleversante et nonpareille. Sa plus grande réussite pour moi.
(Bien sûr, d'autres citeront le Chant de la Terre, mais surtout à cause de Ferrier, je devine ; pour ma part, je préfère Thorborg, et la direction de Walter dans la version avec Thorborg... Cela dit, pas une référence absolue pour moi de toute façon.)


Pour les autres compositeurs, son son rêche me paraît vraiment poser quelque problème, surtout que ses Haendel, Haydn, bien des Mozart, Beethoven, Brahms, Smetana, Dvořák, Bruckner, Hindemith et Barber ne m'ont pas paru bien profonds.





Si ça peut te guider...
On peut peut-être aussi te fournir certains enregistrements lorsqu'ils sont libres de droits.

Ah, Walter, l'un de mes chefs préférés... Oui, le son est rêche, je suis d'accord et c'est son plus gros défaut. Mais je le trouve tout de même extrêmement attachant. Vois-tu, j'ai toujours l'impression, en écoutant Walter, d'une sincérité, d'une spontanéité très émouvante. Jamais je ne crois entendre Walter dire "voilà, moi je fais comme ceci et comme cela", mais plutôt "venez avec moi, nous allons faire de la musique". Ca peut paraître un peu niais, mais c'est sincèrement ce que j'entends chez lui : une "authenticité" personnelle que je trouve louable. J'ai bien dit "authenticité", pas dans le sens théoricisant où on aime jaqueter ce mot aujourd'hui, mais dans celui de la sincérité. Walter est un homme passionnant et j'ai toujours le sentiment en l'écoutant qu'il vit la musique plutôt qu'il ne la dirige ou ne l'interprète.
Oui, c'est rêche, souvent sec, parfois trop rapide, parfois peu inspiré. Ma description ci dessus ne veut pas faire entendre que tout ce que Walter fait est parfait, loin de là ! Mais on sent qu'il veut bien faire, qu'il est convaincu et ça me séduit bien plus que le discours démonstratif et rigoureux de toute une catégorie de chefs qu'il est inutile de citer.

Ses enregistrements ? Les incontournables : ses Mahler chez Columbia (symphonies No 1, 2, 4, 5 et 9), son Chant de la Terre à Vienne avec Paltzak et Ferrier, ses Brahms américains (New York), son intégrale Beethoven Columbia (celle, antérieure, compilée par United Archives fait tout aussi bien l'affaire), ses Mozart (le Don Giovanni oui, mais ses symphonies aussi... je ne vois vraiment pas comment David peut trouver ça plat sec et hors-style peut être, mais plat !!!!), pourquoi pas ses Haendel si comme moi tu aimes le baroque interprété à la romantique (ça vaut toujours mieux que l'inverse ).

Merci pour vos réponses aussi fulgurantes qu'intéressantes !

Et bienvenue à toi!

Walter n'a à mon sens aucun rival dans la 1ere de Mahler (version avec New-York ou avec l'orchestre Columbia en stéréo (tous chez Sony/CBS)

Sa neuvième de Mahler avec Vienne en 1938, juste avant l'Anschluss est bouleversante d'urgence (le mouvement final est à peu près le plus rapide des versions que je connais, excepté peut etre Bruno Maderna avec l'orchestre de la BBC dans un live qui emporte tout, chez BBC legends justement).

La 2e Résurrection, avec Forrester et les lieder eines fahrendes gesellen sont également caractéristiques de ce Mahler dégraissé jusqu'à l'os qui est la marque de fabrique de walter, qui fut l'assistant de Mahler. C'est l'anti Baker/Barbirolli dans les lieder.

Ses Chants de la Terre (avec Kerstin Thorborg, géniale, avant guerre, avec Ferrier bien sur -live chez tahra et studio chez decca, et aussi avec Forrester, son dernier enregistrement de l'oeuvre, sous estimé et pourtant d'un raffinement, d'une tendresse qui me font chavirer) font partie à juste titre de la légende du disque.

Beaucoup parlent avec ferveur d'une 4e de mahler avec Seefried qui chante le final, mais j'avoue que je n'ai jamais écouté... Je possède une version avec Hilde Guden et les Wiener, mais c'est un concert qui me semble un tantinet routinier (paru autrefois chez DG pour le jubilé de l'orchestre.)

Son intégrale Brahms avec New York dans les années 50 est aussi recommandable.

Ses 4e et 6e symphonies "Pastorale" de Beethoven sont pleines de vigueur, de "grandeur d'âme", avec un orchestre, Columbia, pas trop mal...

J'avoue aussi que je suis moins fan de Mozart et le requiem par lui, c'est un peu inécoutable, très romantisé, et avec une prise de son à faire fuir.

milia a écrit:

J'avoue aussi que je suis moins fan de Mozart et le requiem par lui, c'est un peu inécoutable, très romantisé, et avec une prise de son à faire fuir.

Allez j'assume pour le requiem de Mozart par Walter. Je supporte vraiment pas. La prise de son très "oeufs brouillés" ne doit pas m'aider. Mais si ça se trouve, dans le genre puissamment romantique, c'est peut-etre aussi bon que Bernstein/radio bavaroise (DG) ?

Ou Karajan, ou Böhm, peut-être, oui ? En fait, je suis tout à fait d'accord pour dire que la prise de son est très moche (Walter en a pâti souvent, trop souvent je trouve). Mais quelle interprétation ! quelle vie là dedans !

[quote="Spiritus"]sec et hors-style peut être, mais plat !!!!(/quote]
Comme tu voudras. Sec, hors-style et plat, alors.
Mais on ne parle sans doute pas du même enregistrement. Le mien est avec la NBC, il me semble.

Citation :

, pourquoi pas ses Haendel si comme moi tu aimes le baroque interprété à la romantique

Non, dans ce cas, mieux vaut Leitner (et Jochum ou Scherchen pour Bach).

(Pour la Quatrième avec Seefried, Milia, j'ai ça, et c'est libre de droits sauf erreur.)

Walter dans Mahler moi j'en suis revenus... c'est très bien mais il y a tellement mieux, hormis dans la 1ere en effet, ou avec Bernstein et rares autres, il excelle.

DavidLeMarrec a écrit:

Comme tu voudras. Sec, hors-style et plat, alors.
Mais on ne parle sans doute pas du même enregistrement. Le mien est avec la NBC, il me semble.

En effet, les miennes sont avec Columbia. C'est du Mozart très exagéré, mais j'adore.

Merci david pour ce renseignement sur Seefried/Walter. Je vais fouiller.

Peut-être pas spécialement pour Walter, mais évidemment le Chant de la Terre de 1952 en grande partie pour Ferrier mais pas seulement, qui est considéré comme un des plus grands enregistrements qui soit.

De toute manière tout le monde devrait l'avoir

Ferrier oui évidemment (le live chez tahra d'ailleurs vaut vraiment l'achat, Patzak étant encore plus survolté que dans la session Decca)
Kerstin Thorborg toutefois, qui était un peu la titulaire de l'oeuvre avant guerre, vaut vraiment le détour, un timbre enivrant (live avec Walter, 1936 peut etre, chez Dutton et autour de 8 euros et sans doute par ailleurs libre de droit).

Dans les Mahler, j'oubliais une 5e en mono qui doit dater de 1947 (mais peut-etre je me trompe) et qui est phénoménale. C'est avec New-York, rééditée par Sony masterworks. Oui je le répète, ce sont des Mahler dégraissés jusqu'à l'os, c'est comme ça que je le ressens, et dans la 5e, j'aime aussi. L'adagietto est vraiment un adagietto, ça file, ça emporte. Une interprétation ou tout est suggéré plutôt que souligné.
Bon Walter était rébuté par l'aspect trop uniment tragique de la 6e et ne l'a jamais jouée. C'était aussi globalement un musicien très conservateur qui n'a sans doute pas saisi aussi bien que Klemperer, qui a connu Mahler également, la portée, la modernité de son oeuvre. Mais là où il est allé, ce qu'il a enregistré, il en a proposé une vision d'une simplicité poétique que pas grand monde depuis n'a retrouvée (peut être Giulini dans la 9e avec Chicago). Bien sûr à coté, j'ai besoin de mes chers Bernstein, Tennstedt, Barbirolli, Klemperer (aujourd'hui regardé de haut...passons) et Kondrachine. Mais Walter dans Mahler me semble être une voix qu'il faut impérativement connaître.

milia a écrit:

Merci david pour ce renseignement sur Seefried/Walter. Je vais fouiller.

Ce n'était pas un renseignement, mais une honnête proposition.

A noter, pour les curieux, un Double CD de Wagner chez Sony où Walter répète Siegfied-Idyll avec le Columbia Symph. Orch.
45 min. très interressante où l' oeuvre est disséquée et où Walter parle dans un anglais que même moi je comprend.

Spiritus a écrit:

Ses enregistrements ? (...) ses Brahms américains (New York)

Précisons qu'il y a deux cycles Brahms par Walter : le premier avec New York, en mono (1951-53), publié par Sony et United Archives ; le second, avec le Columbia Symphony, en stéréo (1959-60) publié par Sony.

Les deux cycles ne se ressemblent pas du tout, le premier est extrêmement nerveux, avec des tempi qui cassent souvent la baraque, une poésie et une spontanéité qui sont tout à fait ce que j'aime chez Walter. Le son est très bon dans les 3 premières, plus parasité et un peu sourd dans la 4e (antérieure), même si globalement il faut remarquer que l'édition Sony est nettement préférable à celle d'United Archives, pour une fois ! Et puis ce n'est pas rêche du tout, j'invite DLM à écouter la 2e par exemple - les cordes sont dignes de Jochum, voire meilleures!

Le second cycle est plus automnal, lent, plus posé, proche de Böhm (avec une pâte orchestrale moins touffue que ce dernier). Il est à mon avis moins intéressant.

je connais l'intégrale avec new york et c'est à mon avis une réusite!
comme l'intégrale de brahms aves le même orchestre!

EMI va bientôt sortir dans sa série "Icon" un coffret consacré aux enregistrements d'avant guerre de Walter pour HMV.

En faisant un peu le point sur ce qui allait manquer (car il manque toujours plein de trucs dans ces coffrets Icon), j'ai réalisé que cette fois-ci la perte allait être considérable. On passe ainsi de 28 CDs dans l'édition complète japonaise d'EMI/Toshiba en 1993 (2 coffrets de 14 CDs chacun) à seulement 8 CDs dans ce nouveau coffret Icon...

Le drame, c'est qu'il y a encore quelques jours on pouvait apparemment trouver l'édition Toshiba en ligne (tout est libre de droit), mais entre temps il y a eu le cataclysme que l'on sait... J'enrage de ne pas avoir pensé à télécharger tout ça avant, tout semble perdu... A moins que quelqu'un m'informe qu'il y a encore une source en vie ?

Je n'ai que celui-là…

Tu l'avais acheté à l'époque ou bien c'était un des coffrets Toshiba gracieusement mis sur Fileserve par un de tes collègues ?

Je l'ai écouté interpréter Bruckner. C'est flippant cette faculté à faire d'une œuvre profondément romantique et passionnée une mélodie presque chantante et joyeuse. Du Klemperer en moins lourd. Je ne saurais dire si c'est mieux ainsi, mais on ne reconnait plus vraiment Bruckner.

DavidLeMarrec a écrit:

Quant à moi :
- pour Mozart, éviter les symphonies dont certaines versions sont véritablement plates

Bon, je reviendrai discuter de cette affirmation, pas le temps ce soir...

Juste maintenant signaler la parution de ce coffret :

http://www.amazon.fr/Bruno-Walter-%C3%89dition-Anton-Bruckner/dp/B00BNZN27E

C'est quoi ça? Juste comme je viens de compléter l'achat et la copie des albums qui m'intéressaient. Enfin, faut faire avec. Paraîtrait-il que le marché est inondé de coffrets pas cher d'ici à ce que le cd disparaisse pour de bon.

Enfin, si c'est Walter ça devrait être bon. Rares sont les Mozart et Mahler qui lui arrivent à la cheville. Sans compter plusieurs Bruckner, Beethoven, Brahms, Dvorak, Schumann et Schubert.

Quelques perles dans le discographie de ce grand chef :
• une très belle 9ème de Bruckner (CSO)
• une non moins belle 1ère de Mahler (CSO) (par contre la 5ème (NYP) est moins réussie, et la prise de son très ratée ne pousse guère à approfondir l'écoute !!!)
• et, évidemment, Wagner, die Walküre I et les extraits du II. C'est magnifique...

Mélomaniac a écrit:

Juste maintenant signaler la parution de ce coffret :

http://www.amazon.fr/Bruno-Walter-%C3%89dition-Anton-Bruckner/dp/B00BNZN27E

Jutement, à propos de Bruno Walter, j'ai remarqué que j'avais peu d'enregistrement de lui (hormis son premier acte de la Walkyrie, et une Pastorale que j'ai perdu dans un de mes nombreux déménagements).

Je ne souhaite pas acquérir le coffret paru chez Sony (trop onéreux),bien que j'en ai lu le plus grand bien (dans Diapason notamment).

J'ai vu ce coffret. Peut-il me donner un aperçu de son art, et que valent généralement les reports chez cet éditeur? Merci

Spoiler:

Je le répète chaque fois, je ne suis nullement un spécialiste de musique classique, j'apprécie beaucoup, j'apprécie moins , ... selon des critères qui sont les miens
Mais dans Mozart il est globalement clairement un de mes préférés, symphonies et autres.
En sus je préfère les enregistrements avec New York remasterisés que les enregistrements "plus récents" Columbia.
2 exemples que je trouve sans pareil ailleurs : la symphonie 36 Linz et la Marche funèbre Maçonnique K477. (et pourtant je cherche, je cherche mais en vain).

Voici mes 2 références




Ceci est l'avis d'un simple amateur
Si vous me donnez d'autres pistes, je suis partant.
Grand merci quoi qu'il en soit

Parution d'un gros coffret de 77 CD, avec les enregistrements américains du chef

https://www.amazon.de/dp/B07MWXGCWL/ref=dra_a_ms_hp_ho_xx_P3711_100?tag=dradisplay0b-21&ascsubtag=b5c4afb1ca9b5fce5928f5266d9e3fb6_CT

Un peu cher pour le moment...

J ai le souvenir d une interprétation absolument magistrale des variations sur un thème de haydn de brahms et de la pastorale de beethoven par le columbia symphony orchestra ... Des interprétations très travaillés et en tout point admirable