C'est étonnant que Cololi semble découvrir ces albums fondamentaux.
Pour l'encourager à écouter, tu seras certainement d'accord que ce disque Chant de Rome période byzantine est un des plus prioritaires, avec la Messe de Tournai.
/ Mélomane chevronné
Nombre de messages : 20537 Date d'inscription : 25/11/2012
Sur le terme ligne/thème : oui, mon vocabulaire est forcément anachronique pour parler de cette musique que je ne connais trop peu. Finalement, c'est une sorte de mélodie continue ? C'est presque du Wagner avant l'heure ! Et ce n'est pas seulement pour plaisanter que je balance ça. Qu'est-ce que je veux dire par là : une composition romantique expose un thème, développe, reprend un thème ... on sent une structure générale à l'œuvre. Si au contraire on est dans une "mélodie continue", alors, j'ai envie de dire qu'on va potentiellement où l'on veut : un groupe de note, ne prédestine pas tout le reste. Ca veut dire qu'on commence et on finit quand on veut aussi.
Que dire ? Le terme "mélodie continue" vient de l'allemand "unendliche Melodie", et est utilisé souvent d'une façon bien plus large que le sens donné par Wagner. En tout cas, un grégorien n'utilise par la richesse des tensions de l'harmonie tonale pour prolonger son contour.
Dans le grégorien, à part dans de rares cas et dans le tonus peregrinus justement, la mélodie ne va pas vraiment où elle veut. Il y a de nombreux centres de polarisation modaux, autour desquels gravitent la mélodie. En plus, la construction du mode (4te + 5te ou 5te + 4te) implique de facto un certain ordre. On ne commence donc pas comme on veut, ni ne finit quand on veut Et une partie du grégorien est basée sur des textes en vers (par exemple la séquence, pas la primitive, mais relativement tôt tout de même). Ces retours textuels (ou simplement les rimes) se retrouve bien souvent dans la musique. AA BB CC DD EE FF ... Voir le Dies Irae !
Cololi a écrit:
Sur le catalogue : donc la hiérarchie ecclésiale décidait de mettre ou non tel ou tel chant dans une sorte de répertoire (lui même variant suivant la région si je suis bien) ? Il n'y avait que des clercs de toutes les façons qui sachent composer ... mais il fallait qu'ils passent la barrière hiérarchique ? J'imagine qu'il fallait que la composition respecte certaines normes ? Pourquoi ces "retraits" au XVI° du coup ? (une réaction par rapport à la Réforme ?) Si on retire ainsi du catalogue ... est-ce que les polyphonies qui utilisaient par exemple un de ces "thèmes grégoriens" (comment nommer cela alors ?) pouvaient être encore jouées ?
L'Eglise a eu toutes les peines du monde à imposer une liturgie (Offices, rituels, textes, pratiques, musiques) commune à toute la chrétienté. Grégoire le Grand a essayé, Charlemagne aussi. Mais de nombreux grands centres (Rome, Milan, Paris) se sont battus, idéologiquement, pour garder leurs particularités. Ainsi, le répertoire grégorien a de nombreuses ramifications locales ! De mémoire, les séquences, qui pullulent (sans doute plus de 4000), passent au nombre officiel de 5 au XVIe siècle (Stabat mater, Dies Irae, Victimae paschali laudes... ??). En plus d'une influence de la Réforme, il faut aussi y voir une volonté d’homogénéisation (les séquences font souvent référence à des saints locaux et des usages textuels régionaux), et un combat contre la qualité parfois faible des nouvelles séquences composées.
Si un grégorien n'est plus officiel, ou tombe en désuétude, les compositions polyphoniques qui s'en inspirent demeurent bien souvent au répertoire si leur qualité est reconnue !
Musica Enchiriadis Mélomane averti
Nombre de messages : 143 Localisation : Genève Date d'inscription : 22/02/2017
Et comment classer les chansons de Machaut par exemple ? Certaines sont monodiques, d'autres en duo non ? Du coup la musique profane des clercs ... elle était placée comment dans la hiérarchie musicale (à la fois par rapport aux grandes messes polyphoniques ... mais aussi aux chansons des troubadours/trouvères ?) ... que j'imagine les hiérarques de l'Eglise n'ont pas manqué de construire ... vu que l'Eglise ne pense, ne respire que sur le mode hiérarchique.
En principe, les chansons de Machaut utilisent toutes des formes fixes, qui viennent de la poésie de l'époque. On classe donc par :
- ballades - rondeaux - virelais - lais.
Et la production profane n'a rien à voir avec l'Eglise, elle est en principe destinée à la cour. Donc au final une séparation assez sereine, même si certaines chansons sont très critiques ou satiriques envers le clergé. Voir le Roman de Fauvel F latterie A varice U ilenie V ariété E nvie L àcheté
Cololi chaste Col
Nombre de messages : 33406 Age : 43 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 10/04/2009
je l’ai déjà dit quelques fois, et Mélo l’a répété, mais il est très grand celui-là, et l’une de mes premières grandes émotions en musique ancienne, et en musique classique tout court d’ailleurs.
Et bien je n'avais pas vu ! C'est encourageant !
Mélomaniac a écrit:
C'est étonnant que Cololi semble découvrir ces albums fondamentaux.
Pour l'encourager à écouter, tu seras certainement d'accord que ce disque Chant de Rome période byzantine est un des plus prioritaires, avec la Messe de Tournai.
En quoi est-ce étonnant ? On ne peut pas dire que ce soit une tube du mélomane moyen Et vu que je ne peux prétendre à autre chose que cela ...
_________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
/ Mélomane chevronné
Nombre de messages : 20537 Date d'inscription : 25/11/2012
Et comment classer les chansons de Machaut par exemple ? Certaines sont monodiques, d'autres en duo non ? Du coup la musique profane des clercs ... elle était placée comment dans la hiérarchie musicale (à la fois par rapport aux grandes messes polyphoniques ... mais aussi aux chansons des troubadours/trouvères ?) ... que j'imagine les hiérarques de l'Eglise n'ont pas manqué de construire ... vu que l'Eglise ne pense, ne respire que sur le mode hiérarchique.
En principe, les chansons de Machaut utilisent toutes des formes fixes, qui viennent de la poésie de l'époque. On classe donc par :
- ballades - rondeaux - virelais - lais.
Et la production profane n'a rien à voir avec l'Eglise, elle est en principe destinée à la cour. Donc au final une séparation assez sereine, même si certaines chansons sont très critiques ou satiriques envers le clergé. Voir le Roman de Fauvel F latterie A varice U ilenie V ariété E nvie L àcheté
Mais justement ... un Machaut, un Dufay qui écrit à usage profane, ne peut pas se permettre de tout dire non ? Ils sont clercs ! A l'inverse ... un troubadour ... peut dire ce qui est dans les limites autorisées par les seigneurs. Et ces limites ne coincident bien sûr pas totalement à celles de l'Eglise. Ces musiques à usage profane, composées par des clercs, n'ont elles pas de ce fait un statut spécial ? Et du coup qui interprète ces musiques, puisqu'on peut imaginer que les troubadours ont leur propre répertoire ?
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Musica Enchiriadis Mélomane averti
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Mais justement ... un Machaut, un Dufay qui écrit à usage profane, ne peut pas se permettre de tout dire non ? Ils sont clercs ! A l'inverse ... un troubadour ... peut dire ce qui est dans les limites autorisées par les seigneurs. Et ces limites ne coincident bien sûr pas totalement à celles de l'Eglise.
Les troubadours / trouvères et Machaut / Dufay ne se sont sans doute jamais croisés. On ne peut pas les comparer, puisqu'ils sont actifs à des périodes très différentes, du point de vu temporel mais aussi stylistique. La musique profane des troubadours est monodique. Pour Machaut et Dufay, elle est plutôt polyphonique, ce qui implique une solide éducation, puisque la polyphonie "complexe" implique la notation, donc bien souvent un savoir dispensé dans les écoles cathédrales pour les religieux.
Troubadours - Trouvères : XII-XIIIe siècles Machaut : XIVe s. Dufay : XVe s.
Il y a quelques trouvères qui ont produit des œuvres polyphoniques, et ils sont sans doute passés par une université ou une institution ecclésiastique. C'est le cas par exemple de Adam de La Halle.
Sinon, comme déjà dit, il y avait une séparation "étanche" entre les activités profanes et sacrées d'un compositeur. Il suffit d'examnier la production de chansons polyphoniques grivoises des premières générations de compositeurs franco-flamands, pourtaut tous au service d'une église !
Mélomaniac Mélomane chevronné
Nombre de messages : 28855 Date d'inscription : 21/09/2012
Sujet: Re: Monodie grégorienne - polyphonie médiévale Ven 5 Mai 2017 - 22:58
Cololi, in playlist, a écrit:
Tu vois, quand tu suis les bons conseils...
luisa miller Mélomane chevronné
Nombre de messages : 5874 Age : 924 Date d'inscription : 27/11/2008
Sujet: Re: Monodie grégorienne - polyphonie médiévale Ven 5 Mai 2017 - 23:00
Alors c'est toi qui me pertube cololi? . Comment je le remets dans le droit chemin moi maintenant ?
Ravélavélo Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9130 Localisation : Pays des Bleuets Date d'inscription : 28/09/2015
Grates nunc omnes reddamus Domino Deo Laetabundus exsultet fidelis chorus Stans a longe publicanus Lauda, Sion, Salvatorem Victimae Paschalis laudes Zima vetus expurgetur Summi triumphum regis Omnes gentes, plaudite Veni, Sancte Spiritus Dies irae, dies illa Rex caeli, Domine maris Mundi aetate octava
= Konrad Ruhland, Choralschola, Capella antiqua de Munich
(Seon, décembre 1980)
Ruhland et ses chantres proposent une approche vive et colorée du répertoire grégorien, qui s'épanouit dans une acoustique large mais cohérente et structurante (église bavaroise de Niederaltaich). Les chants de Séquence pullulèrent au Moyen-Âge (plusieurs milliers !), avant que le Concile de Trente et le Missale Romanum ne mènent drastiquement à les limiter à quelques-unes : Victimæ paschali laudes, Veni Sancte Spiritus, Lauda Sion et Dies iræ.
Ravélavélo Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9130 Localisation : Pays des Bleuets Date d'inscription : 28/09/2015
Salve Festa Dies Chant grégorien pour les saisons de l'année * In Dulci Jubilo Alberto Turco Naxos, 1993 (enregistré à l'Église Ste-Marie de Nazareth, Vérone, Italie).
Autre enregistrement de qualité et de grande utilité puisqu'il offre des chants pour toutes les fêtes de l'année.
Ravélavélo Mélomane chevronné
Nombre de messages : 9130 Localisation : Pays des Bleuets Date d'inscription : 28/09/2015
Sujet: Re: Monodie grégorienne - polyphonie médiévale Mer 30 Mai 2018 - 2:32
Hildegard von Bingen * Hortus Deliciarum (Un jardin de délices) Chants grégoriens du XIIe siècle Ensemble Discantus Brigitte Lesne Opus 111, 1998 / 2003
Discantus est un ensemble essentiellement composé de voix féminines fondé en 1989 par Brigitte Lesne. L'enregistrement a été réalisé à l'Abbaye Royale de Fontevraud et il a été réédité par Opus 111.
Ravélavélo Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Monodie grégorienne - polyphonie médiévale Dim 3 Juin 2018 - 17:53
Ravélavélo a écrit:
An English Ladymass Plain-chant et polyphonies mariales des XIIIe-XIVe siècles en l'honneur de la Vierge Marie Anonymous 4 Harmonia Mundi, 1992
Le CD nous est offert avec un livret très bien documenté qui aide grandement à apprécier ces chants polyphoniques. Ainsi il nous renseigne sur la Légende dorée de Jacques de Voragine. L'Ensemble Anonymous 4 se compose de quatre femmes. Quant à l'origine des sources de manuscrits, la rédactrice du livret Susan Hellauer nous avoue honnêtement qu'il n'existe pas un seul manuscrit intacts et que le montage des pièces s'est fait grâce à l'érudition d'Ernest Sanders et que souvent, il est nécessaire de les recréer car des notes sont manquantes.
http://www.harmoniamundi.com/#!/albums/542
Ravélavélo Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Monodie grégorienne - polyphonie médiévale Dim 3 Juin 2018 - 21:36
Ravélavélo a écrit:
Santa Maria Chants à la Vierge dans l’Espagne du XIIIème siècle Ensemble Discantus Bayard, 2016
L'intérêt de ce CD réside dans les accompagnements instrumentaux: cloches à main, vièle à archet, harpe, psaltérion et percussions. Mais les voix restent magnifiques.
Un autre magnifique CD à la gloire de la Vierge Marie.
Musica Enchiriadis Mélomane averti
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Sujet: Re: Monodie grégorienne - polyphonie médiévale Mar 26 Mai 2020 - 19:48
Jules Biron a écrit:
Quelques conseils pour commencer dans le chant grégorien et ses suites polyphoniques proches ?
Je viens de publier une capscule vidéo sur le grégorien, et à la fin, trois exemples de réutilisations dans la polyphonie, dans trois périodes différentes. A savoir, organum de Notre-Dame, messe de Josquin, et pièce d'orgue de Frescobaldi
https://www.youtube.com/watch?v=j0GN0MFzo3o
Musica Enchiriadis Mélomane averti
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Sujet: Re: Monodie grégorienne - polyphonie médiévale Mar 21 Juin 2022 - 0:51
Une petite vidéo qui donne le contexte de la théorie modale (les 8 modes grégoriens), théorie qui propose de définir la gestion des hauteurs tant pour le chant grégorien que pour la polyphonie sacrée médiévale et Renaissance.