Je ne connais pour l'instant de ce compositeur que ses deux premières symphonies, ça n'est pas grand chose, mais j'ouvre un fil quand même parce que d'autres oeuvres vont bientôt parvenir à mes oreilles, dont j'aurai de quoi parler.
Cet homme-là est un compositeur anglais qui ne ressemble guère à un Anglais dans sa façon de composer. Rien de dégoulinant chez lui: sa musique est très tendue harmoniquement, plutôt sombre, une absence totale de tournures faciles et vulgaires la caractérise de façon constitutive. Ecrites dans les années 1950, ses symphonies nos 1 et 2 ne sont pas la pointe de l'innovation et de l'originalité, mais voilà assurément une musique qui ne se repose pas sur la tradition et qui, pour cette raison, plaira sans doute à ceux qui l'écouteront. Rawsthorne n'a rien d'un romantique attardé, et le titre de "Pastoral symphony" donné à sa Deuxième ne doit pas abuser: ce n'est pas une gentille bluette bucolique que l'on y trouvera!
La Première symphonie est une oeuvre sans concessions: elle est très sombre et véhémente, dans la veine, si on veut, de la Quatrième de Vaughan Williams, en plus moderne. Le premier mouvement, s'il est le plus démonstratif avec ses grands éclats fortissimo, n'est pas le plus sombre: le deuxième, plus intérieur, lent et très bien orchestré, n'est pas en reste, pas plus que la véhémence rageuse du scherzo ou le caractère trouble et irrésolu du finale. L'esthétique musique-qui-en-veut-à-la-terre-entière n'est pas celle qui me parle le plus, on le sait, mais cette oeuvre excitante et surprenante, qui se situe plus dans l'héritage de Walton et Britten que d'Elgar, n'est pas pour me déplaire.
La Deuxième symphonie, nommée Pastorale, courte et dense (20 minutes à peine), m'a beaucoup plus marqué. Elle pêche peut-être par un certain statisme dans les deux premiers mouvements et le finale, mais elle plaira assurément: son côté mystérieux, énigmatique, franchement nocturne et sombre, est inattendu et très agréable. Les harmonies, dissonantes, s'inscrivent dans une conception torturée et instable de la tonalité qui est très bien maîtrisée et menée par Rawsthorne, et jamais le registre ne tombe dans la gentillesse et le pastoralisme facile. Le premier mouvement, Allegro piacevole, n'a rien de très gai: des sonneries de cors étranges, des motifs mélancoliques à l'humeur changeante et indéfinie, se succèdent dans une atmosphère inquiétante. Le mouvement lent perpétue ce climat de mystère, mais c'est le troisième volet, "Country Dance", qui me plaît le plus: le rythme est effectivement celui d'une danse paysanne, mais la mélodie est distordue par des modulations imprévues et des chromatismes omniprésents; quant au finale, il emploie une soprano qui chante des vers du XVIè siècle, ne dissipant nullement, avec son économie d'écriture et sa sobriété austère et un peu sinistre, le côté fantastique de la chose. L'orchestration de l'ensemble est superbe, très originale, sans facilité, sans tape-à-l'oeil. Une oeuvre admirable, qui parvient à la fois à s'inscrire dans un genre (le titre de Pastorale n'est pas choisi au hasard et renvoie à une forme d'intertextualité inévitable) et à s'en détacher.
La suite bientôt!