Autour de la musique classique

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 Allan Rawsthorne (1905-1971)

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Tus
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MessageSujet: Allan Rawsthorne (1905-1971)   Allan Rawsthorne (1905-1971) EmptyLun 27 Oct 2008 - 14:06

Je ne connais pour l'instant de ce compositeur que ses deux premières symphonies, ça n'est pas grand chose, mais j'ouvre un fil quand même parce que d'autres oeuvres vont bientôt parvenir à mes oreilles, dont j'aurai de quoi parler.

Cet homme-là est un compositeur anglais qui ne ressemble guère à un Anglais dans sa façon de composer. Rien de dégoulinant chez lui: sa musique est très tendue harmoniquement, plutôt sombre, une absence totale de tournures faciles et vulgaires la caractérise de façon constitutive. Ecrites dans les années 1950, ses symphonies nos 1 et 2 ne sont pas la pointe de l'innovation et de l'originalité, mais voilà assurément une musique qui ne se repose pas sur la tradition et qui, pour cette raison, plaira sans doute à ceux qui l'écouteront. Rawsthorne n'a rien d'un romantique attardé, et le titre de "Pastoral symphony" donné à sa Deuxième ne doit pas abuser: ce n'est pas une gentille bluette bucolique que l'on y trouvera!

La Première symphonie est une oeuvre sans concessions: elle est très sombre et véhémente, dans la veine, si on veut, de la Quatrième de Vaughan Williams, en plus moderne. Le premier mouvement, s'il est le plus démonstratif avec ses grands éclats fortissimo, n'est pas le plus sombre: le deuxième, plus intérieur, lent et très bien orchestré, n'est pas en reste, pas plus que la véhémence rageuse du scherzo ou le caractère trouble et irrésolu du finale. L'esthétique musique-qui-en-veut-à-la-terre-entière n'est pas celle qui me parle le plus, on le sait, mais cette oeuvre excitante et surprenante, qui se situe plus dans l'héritage de Walton et Britten que d'Elgar, n'est pas pour me déplaire.

La Deuxième symphonie, nommée Pastorale, courte et dense (20 minutes à peine), m'a beaucoup plus marqué. Elle pêche peut-être par un certain statisme dans les deux premiers mouvements et le finale, mais elle plaira assurément: son côté mystérieux, énigmatique, franchement nocturne et sombre, est inattendu et très agréable. Les harmonies, dissonantes, s'inscrivent dans une conception torturée et instable de la tonalité qui est très bien maîtrisée et menée par Rawsthorne, et jamais le registre ne tombe dans la gentillesse et le pastoralisme facile. Le premier mouvement, Allegro piacevole, n'a rien de très gai: des sonneries de cors étranges, des motifs mélancoliques à l'humeur changeante et indéfinie, se succèdent dans une atmosphère inquiétante. Le mouvement lent perpétue ce climat de mystère, mais c'est le troisième volet, "Country Dance", qui me plaît le plus: le rythme est effectivement celui d'une danse paysanne, mais la mélodie est distordue par des modulations imprévues et des chromatismes omniprésents; quant au finale, il emploie une soprano qui chante des vers du XVIè siècle, ne dissipant nullement, avec son économie d'écriture et sa sobriété austère et un peu sinistre, le côté fantastique de la chose. L'orchestration de l'ensemble est superbe, très originale, sans facilité, sans tape-à-l'oeil. Une oeuvre admirable, qui parvient à la fois à s'inscrire dans un genre (le titre de Pastorale n'est pas choisi au hasard et renvoie à une forme d'intertextualité inévitable) et à s'en détacher.

La suite bientôt!
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MessageSujet: Re: Allan Rawsthorne (1905-1971)   Allan Rawsthorne (1905-1971) EmptyVen 20 Nov 2020 - 22:49

A. Rawsthorne, Symphony No. 2 "A Pastoral Symhony" (1959), Bornemouth SO [je ne quitte guère cette bonne ville de Bournemouth ces temps-ci Neutral ], D. Lloyd-Jones.

J'ai choisi de commencer par cette Deuxième car (évidemment) le sous-titre me faisait fantasmer sur une sorte de variante la Troisième de Vaughan Williams — ce qui n'est (bien sûr) absolument pas le cas, mais néanmoins j'aime assez ce que j'entends là...
D'ailleurs, vers 1:40 intervient un épisode statique très minimaliste et de fait assez pastoral, mais cela ne dure pas et la suite s'avère bien plus osseuse et angulaire que son homonyme de 1921, avec notamment force interventions de xylophone (des carcasses de vaches regardant passer les trains fantômes ?).
Nouveaux épisodes suspendus à 4:10, puis vers 5:20, jusqu'à une sombre et mystérieuse conclusion.

Le Poco lento est tout aussi insaisissable et étrange; on est assez proche de la 8e symphonie de Rubbra — en plus minimaliste, froid et minéral, sans les fruits harmoniques délicieux qu'Edmund le barbichu nous tends d'emblée pour nous appâter. Je suis toutefois assez enthousiaste.

La Country dance qui fait office de scherzo me fait un peu penser (au moins au début) à la scène d'Yniold du quatrième acte de Pelléas (l'image d'une scène champêtre stylisée et crépusculaire — même si la danse devient un peu plus franche par la suite, au détriment de l'ambiance).

L'Andante avec voix de soprano qui fait office de final (je pourrais faire l'effort d'essayer de comprendre ce que la dame raconte, mais je préfère me concentrer sur la musique) prolonge un moment l'idée de Country dance avec ses rythmes ternaires et pointés, puis le côté crépusculaire prends le dessus — ce qui n'est pas une contradiction dans cette œuvre.

En conclusion : un hommage évident à Vaughan Williams (le caractère fuyant et insaisissable, l'ambiance de fin du monde soft - mais exacerbée ici -, la chanteuse dans le final — avec des paroles, mais les voix inarticulées devaient être ringardes en 1959), dans un langage moins immédiatement aimable (d'ailleurs j'aime moins cat ), et une certaine parenté avec la Huitième de Rubbra (à laquelle je suis beaucoup plus sensible).
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MessageSujet: Re: Allan Rawsthorne (1905-1971)   Allan Rawsthorne (1905-1971) EmptyVen 20 Nov 2020 - 23:50

J'enchaîne sur la Troisième symphonie (toujours Bournemouth et Lloyd-Jones), incontestablement plus moderne dans son langage – les pôles harmoniques sont toujours présents, mais on est souvent proche de l'atonalité pure.
L'humeur générale reste assez pastorale – autrement dit anglaise – malgré des éclats de cuivres dissonants qui ne parviennent pas à tempérer la rondeur de l'ensemble (la direction de DLlJ y est peut-être pour quelque chose).

Le statisme blafard du début de l'Andantino Alla sarabanda m'évoque fortement la Sixième Symphonie de Vaughan Williams, même si la parenté avec Rubbra reste forte — et par ailleurs, un des traits récurrents de cette musique est d'avoir recours à la bitonalité, et plus précisément au contraste entre de longues pédales harmoniques et une mélodie construite sur une tout autre gamme, ce qui me fait invariablement penser au Château de Barbe-Bleue de Bartók (ma première expérience - très marquante - en la matière).
Chostakovitch est également présent — et même si j'aime beaucoup certaines de ses œuvres, je pense que son influence écrasante et desséchante (bien plus que celle de Schoenberg, et au moins égale à celle de Stravinsky) dans la musique du XXe siècle n'a pas été seulement bénéfique.

Le scherzo est relativement classique, à condition de s'être habitué(e) aux pédales harmoniques dissonantes... Je n'ai pas évoqué Mahler (mais qui y échappe lorsqu'il est question de symphonie au XXe siècle ?) pour les fanfares lointaines et les mouvements perpétuels de cordes...

L'Allegro risoluto final est le plus long (et le dernier) des douze mouvements des trois symphonies de Rawsthorne : je l'écoute donc avec une surcroît d'attention, sans être vraiment récompensé... Comme chez Bliss (pour rester en Grande-Bretagne), j'entends un discours parfaitement construit, mais auquel je reste désespérément hermétique.
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