Garnier - Récital Jonas Kaufmann / Helmut Deutsch

Quelques mots tout de même sur ce récital du 9 novembre 2008 :

Franz Liszt - Trois sonnets de Pétrarque S. 270
Benjamin Britten - Sept sonnets de Michel Ange op. 22
Richard Strauss - Cinq lieder op. 21 " Schlichte Weisen", Quatre Lieder choisis op. 32 n°2, 29 n°3, 48 n°1, 37 n°2, Quatre Lieder Op 27

Annoncé à grand renfort de publicité, le plan com' déchaîné, Jonas Kaufmann est parvenu à faire venir un grand nombre de personne pour un récital de lieder à Garnier, aux deux-tiers plein, ce qui est beaucoup.

Le public de ce soir est un mélange : beaucoup d'étrangers attirés par son nom, un public très parisien venu écouter le chanteur à la mode et de véritables amateurs de lieder. En gros : le parterre est plein et très toussant, dans les loges, amphithéâtres et galleries le public est recueilli.

Jonas Kaufmann arrive, manifestement pas détendu dès le début. Il y a un côté challenge.

La voix est tout de suite très belle, mais dans le Liszt il est un peu rigide, ne parvient pas à faire vivre le texte et perd parfois un peu son timbre dans les pianissimos qu'il tente. Très opératique également, on ne sent pas l'ambiance lieder.

Mais la suite du programme tranche. Echauffé, il revient brillantissime dans les Britten. Son duo avec Helmut Deutsch est bien rodé, et cela fonctionne à merveille. Le texte est habité, et concilie des phrasés magnifiques avec une diction impeccable, le récital de llieder à bien commencé.

Après l'entracte, il revient en pleine confiance pour les Strauss. Il montre des moyens vocaux colossaux, une voix magnifique et un grand sens du texte, même s'il ne cherche pas à interpréter chaque phrase, mais à donner un sens global et une construction musicale à chaque lied. Des crescendos incroyables, sans jamais tomber dans le travers d'avoir l'air de chanter de l'opéra italien. Le texte est à la base de chacune de ses interprétations. Il semble en état de grâce et rassuré sur le déroulement du concert, l'accueil du public (toutes catégories confondues) est extrêmement chaleureux. Il livre des versions de plus en plus "habitées" des textes choisis.

Ovation finale, il revient pour quatre rappels. Il semble avoir réussi à rassembler amateurs de lieder et amateurs d'opéra, une très bonne soirée pour lui, visiblement.

tout à fait d'accord avec toi.
ce programme était bien rodé, car donné presque à l'identique à Munich en été.
Parmi les sommets, effectivement les sonnets de Michel-Ange (meilleurs qu'à Munich) et les Strauss, notamment un Ruhe meine Seele et un Morgen bouleversants.
L'incorrection du public a de quoi faire hurler. J'ai rarement vu des gens aussi impolis, crachant à qui mieux mieux au moinde piani (ils ont peur du silence ou quoi ?).

Le programme est plus que rodé, il le donne dans le monde entier depuis plusieurs années. Depuis 2001, en fait...

A Bordeaux, je l'avais entendu avec un Schubert rare à la place des Liszt (Die Bürgschaft), dans le style récitatif du Schubert long, extrêmement habité. C'est plus intéressant que les Sonnets à mon humble avis.

Effectivement, dans le souci absolu de fournir des nuances précises et expressives, il fait passer ses piani par l'arrière, ça détimbre en donnant une allure de Vickers, à s'y méprendre.

Dès qu'il peut donner de l'ampleur, la voix rayonne bien plus.

Les Britten ne sont pas passionnants, du Puccini chic, mais c'est une chance de pouvoir les entendre. Les Strauss sont magistralement interprétés et très bien choisis.

Pour ma part, j'ai été très séduit par le soin de l'interprète envers la musique et le texte, son engagement de tout instant, sa prise de risque quitte à altérer son timbre.


Mais celui qui m'a le plus ému, c'est Deutsch, d'une rondeur, d'une sûreté, d'une poésie admirables, vraiment idéal pour ce répertoire.

DavidLeMarrec a écrit:

Le programme est plus que rodé, il le donne dans le monde entier depuis plusieurs années. Depuis 2001, en fait...

C'est aussi un peu l'impression que ça donne, Jonas connaît si bien les lied que cela en paraît presque des automatismes.

[quote]A Bordeaux, je l'avais entendu avec un Schubert rare à la place des Liszt (Die Bürgschaft), dans le style récitatif du Schubert long, extrêmement habité. C'est plus intéressant que les Sonnets à mon humble avis. [/quote)

J'étais content d'entendre ces Liszt, je ne connaissais pas, mais j'ai eu l'impression que ce n'était pas du grand Liszt, même la partie pour piano m'a paru décevante. Cela dit, c'était une découverte.

Citation :

Dès qu'il peut donner de l'ampleur, la voix rayonne bien plus.

C'est même impressionnant. Son programme doit être bien choisi, des lieder qui tendent vers le lyrique. En confiance, il est impressionnant d'aisance et donne l'impression de ne jamais être en difficulté et d'avoir des ressources en réserve.

Citation :

Les Britten ne sont pas passionnants, du Puccini chic, mais c'est une chance de pouvoir les entendre.

Tu es un peu dur. Globalement, j'ai été un peu déçu, mais certains, les sonnets XXXII et XXIV par exemple, ont une écriture magnifique.

Citation :

Les Strauss sont magistralement interprétés et très bien choisis.

Oui, c'est la partie impériale du concert (tiens, j'avais jamais essayé " impérial" comme adjectif).

Citation :

Pour ma part, j'ai été très séduit par le soin de l'interprète envers la musique et le texte, son engagement de tout instant, sa prise de risque quitte à altérer son timbre.

Oui, j'ai été très impressionné, il tente beaucoup de chance et lors de ce concert a réussi tout ce qu'il a tenté.

Citation :

Mais celui qui m'a le plus ému, c'est Deutsch, d'une rondeur, d'une sûreté, d'une poésie admirables, vraiment idéal pour ce répertoire.

Oui, un accompagnateur de Matthias Goerne aussi. Comment pourrait-il ne pas être génial ?

Un des côtés amusants de ce concert, c'est le côté moutonnier du public. Il y a deux ans, dans la Traviata, le ton de base semblait être de donner son avis sur Christine Schäfer, mais on passait pour un original si on s'intéressait au second couteau qui chantait Alfredo. Et cette année, c'est l'émeute Kaufmann.

(Je n'en reviens pas de la billetterie pour Fidelio )

le problème c'est qu'à l'époque le second couteau chantait sous une tondeuse à gazon... ça limite l'intérêt. Bon, et puis Alfredo ne me semblait pas être vraiment un rôle où il serait le plus interessant. Sans compter qu'entre la mise en scène, Schäfer en Piaf/Violetta, la tondeuse, Cambreling qui dirigeait un service funèbre 1ère classe et van Dam en contre-emploi effarant, il y avait de quoi commenter

Morloch a écrit:

(Je n'en reviens pas de la billetterie pour Fidelio )

oui, l'anniversaire à Gégé pourrait être grandiose, vu qu'ils réaménagent les récitatifs...

Freia a écrit:

le problème c'est qu'à l'époque le second couteau chantait sous une tondeuse à gazon... ça limite l'intérêt. Bon, et puis Alfredo ne me semblait pas être vraiment un rôle où il serait le plus interessant.

Ca fonctionnait quand même pas mal.

Citation :

Schäfer en Piaf/Violetta

J'avais beaucoup aimé Schäfer. Je sais, je suis irrécupérable.

Citation :

la tondeuse

Tututut. Reconnais que c'était quand même une belle tondeuse. Au moins 5 chevaux, une élégante couleur rouge, autotractée, bac de ramassage ergonomique. Idéalement choisie pour Jonas qui pouvait la pousser avec beaucoup de classe.

Citation :

Cambreling qui dirigeait un service funèbre 1ère classe

Oui, c'était soporifico-ralenti. Comme quoi Verdi n'est pas si simple à diriger.

Citation :

et van Dam en contre-emploi effarant

En net déclin vocal, fâché avec le diapason. Un peu triste de l'entendre comme ça.




Tiens, il faudra créer un sujet Fidelio, je n'avais pas vu qu'ils modifiaient les récitatifs.

Morloch a écrit:

C'est aussi un peu l'impression que ça donne, Jonas connaît si bien les lied que cela en paraît presque des automatismes.

Je ne l'ai pas senti, en tout franchise. Je trouve ça aussi bon en 2004 qu'en 2007 en tout cas.

Citation :

J'étais content d'entendre ces Liszt, je ne connaissais pas, mais j'ai eu l'impression que ce n'était pas du grand Liszt, même la partie pour piano m'a paru décevante. Cela dit, c'était une découverte.

Oui, ce n'est pas ce que je préfère non plus chez lui.

Citation :

En confiance, il est impressionnant d'aisance et donne l'impression de ne jamais être en difficulté et d'avoir des ressources en réserve.

Justement, ce qui impressionne, c'est qu'il paraît toujours d'une certitude absolue.

Moi, je m'inquiète juste de son placement très nasal qui s'est fortement accentué et qui commence à devenir excessif. Qu'il ne finisse pas en Vickers.

Enfin, il a la qualité linguistique (phénoménale en français, en allemand et même en anglais) pour lui, et une intelligence musicale qui passe sans peine son illustre aîné, et ça ça ne se perd pas avec le temps, bien au contraire.

Citation :

Citation :

Les Britten ne sont pas passionnants, du Puccini chic, mais c'est une chance de pouvoir les entendre.

Tu es un peu dur. Globalement, j'ai été un peu déçu, mais certains, les sonnets XXXII et XXIV par exemple, ont une écriture magnifique.

Ah, mais je ne cherche pas à en dire du mal ; disons que ça a plus pour intérêt de faire entendre sa voix dans toute sa plénitude que la révélation d'un chef-d'oeuvre inconnu.

Quand on prend un texte de Michel-Ange, on n'écrit pas une sérénade napolitaine...

Citation :

Oui, c'est la partie impériale du concert (tiens, j'avais jamais essayé " impérial" comme adjectif).

Le Schubert était également très impressionnant...

Citation :

Oui, j'ai été très impressionné, il tente beaucoup de chance et lors de ce concert a réussi tout ce qu'il a tenté.

Oui, il réussit tout, mais c'est tout de même étonnant, que ce détimbrage ne le soucie pas plus que ça.

Citation :

Oui, un accompagnateur de Matthias Goerne aussi. Comment pourrait-il ne pas être génial ?

Je te garantis que tous les accompagnateurs de Goerne ne sont pas géniaux !

Il a aussi accompagné Angelika (notamment pour son premier récital discographique chez Sony).

Dans ses bons jours, il est l'un des tout plus grands. Il a quand même livré une Meunière invraisemblable d'énergie, alors qu'on imaginait quelque chose de plus doucement mélancolique. Peut-être encore plus bouleversant que Goerne / Schneider (peut-être, j'ai dit).

Citation :

Un des côtés amusants de ce concert, c'est le côté moutonnier du public. Il y a deux ans, dans la Traviata, le ton de base semblait être de donner son avis sur Christine Schäfer, mais on passait pour un original si on s'intéressait au second couteau qui chantait Alfredo. Et cette année, c'est l'émeute Kaufmann.

Oui, ça fait des années que Kaufmann fait des merveilles dans les plus grands théâtres du monde et dans tous les répertoires et toutes les langues, mais on vient juste de s'apercevoir en France qu'il était digne d'intérêt...

Par ailleurs, comme le dit Freia, on l'attend plus impatiemment dans des rôles bien dramatiques.

J'avais pourtant lu du bien de van Dam en Germont (ça me semblait de la folie pour lui à cette date de chanter ça, mais paraît-il qu'il s'en est bien tiré).

Freia a écrit:

Morloch a écrit:

(Je n'en reviens pas de la billetterie pour Fidelio )

oui, l'anniversaire à Gégé pourrait être grandiose, vu qu'ils réaménagent les récitatifs...

Il n'y a pas de récitatifs dans Fidelio.

Oui, les dialogues ont été aménagés, mais la déclaration d'intention m'a plutôt convaincu. Il s'agirait de montrer que le ministre n'est pas si innocent que ça, que Pizarro n'en serait que la créature. Pourquoi pas, si ça ne tourne pas à la leçon gentiment poujadiste.
Le livret n'étant pas extraordinairement fort, si ça peut l'affermir...

En tout cas, les déclarations étaient assez modérées, il s'agissait d'ajouter des possibles sans altérer le caractère jubilatoire de l'oeuvre.

Nous verrons entendrons.

DavidLeMarrec a écrit:

Je te garantis que tous les accompagnateurs de Goerne ne sont pas géniaux !

...


...



Si !!

Mon Dieu ! Ils sont ignobles !

DavidLeMarrec a écrit:

J'avais pourtant lu du bien de van Dam en Germont (ça me semblait de la folie pour lui à cette date de chanter ça, mais paraît-il qu'il s'en est bien tiré).

Bin, je me souviens l'avoir entendu trois fois dans cette Traviata. Une fois correct, toujours une grande musicalité, excellent acteur, une autre fois correct mais un peu moins, et une fois en totale perdition, archi-faux, attendant que son calvaire prenne fin.

J'ai l'impression qu'il ne peut plus assurer tous les soirs.

Oui, il est devenu très irrégulier, c'est aussi ce que j'ai pu constater (je le croyais fini en entendant son récital à La Monnaie en 2001, et pourtant il a produit des merveilles depuis, avec d'autres soirs difficiles entre).
Et c'est ce que m'ont confirmé des sources proches du dossier.

Morloch a écrit:

Citation :

la tondeuse

Tututut. Reconnais que c'était quand même une belle tondeuse. Au moins 5 chevaux, une élégante couleur rouge, autotractée, bac de ramassage ergonomique. Idéalement choisie pour Jonas qui pouvait la pousser avec beaucoup de classe.

j'avoue ma totale ignorance de ce sujet

désolée de l'abus de langage pour Fidelio, je ne sais pas trop ce qui m'a prise de parler de récitatifs.

Ce qui m'a scandalisé, ce n'était pas ton lapsus, c'est que vous étiez deux à le faire !

excellent

Hem, pour s'en sortir, on n'a qu'à dire que dans Fidelio, il y a du recitativo secco, mais alors vraiment vraiment très très secco...




Et hop ! Le est échec et mat !

Fidelio est tout simplement un prolongement de la forme Singspiel qui, historiquement, de même que l'opéra-comique, n'a jamais conçu l'idée du récitatif.
C'est pourquoi c'est une confusion grave.

Il s'agit d'un théâtre à numéros chantés, et non pas d'un opéra allégé.

Je soutiens totalement Morloch dans cette polémique. Il est tellement secco-secco ce récitatif qu'il arrive même que le texte non chanté soit parfois supprimé de la représentation. Et ce n'est pas le qui dira le contraire.

Oui, d'ailleurs j'ai en projet de pester comme il se doit où il se doit. Parce que ça ruine totalement l'économie esthétique de l'oeuvre.

Heureusement que notre Weise-Kapellmeister était vraiment excellent et revient pour Tannhäuser...

Je préfère largement qu'on bidouille le texte, mais au moins qu'il soit dit !

C'est un opéra-comique Tannhaüser ? Je ne savais pas.

Je dis juste que Klaus Weise se fait pardonner ses coupures en venant nous sauver Tannhäuser, sur lequel je nourris quelques craintes vocales (surtout du côté du poète...).