[jazz] Michael Brecker (1949-2007)

Vous n'écoutez pas ou peu de jazz, pourtant vous connaissez sans doute Michel Brecker: le solo de saxophone ténor sur l'album Brothers in arms de Dire Straits dans les années 80, c'est lui - comme sur des centaines d'autres disques de pop/rock/variété. Un musicien de studio, donc un cachetonneur virtuose, pas vraiment le genre de type qu'on va aimer si l'on est amateur de jazz. Et pourtant...
C'est dit, Brecker vient du rock, ses influences semblent plus à chercher du côté des guitaristes électriques que du côté de John Coltrane - dont Brecker savait qu'il était indépassable. Loin des recherches mystiques de ce dernier, Brecker s'adonne à la joie de jouer et de se jouer des contraintes techniques, comme si la réussite d'un solo passait aussi par le plaisir de faire un bon coup technique, un déminage dont on sort vivant, une galerie de trucs dangereux en toute décontraction - comme le dit le titre d'un de ses disques solo, Don't try this at home (d'un goût très discutable, mais quel musicien!)
http://www.jiwa.fr/#album/125095
Ce que faisant il pose de nouvelles normes techniques dans le jeu de l'instrument et devient jusqu'à sa mort prématurée le nouveau mètre étalon en matière de saxophone jazz - ce dont l'auditeur moyen aurait raison de se contreficher, s'il n'y avait là derrière une évolution du langage musical. Des guitaristes de rock Brecker retient la possibilité de décaler et transposer une formule mélodique par simple translation sur le manche et pousse dans ses derniers retranchements ce qu'on appelle le jeu out, c'est à dire dans une autre tonalité que l'accompagnement. On peut voir sur Y..tube un fantastique solo sur Oleo de Rollins qui commence un demi-ton au-dessus du ton principal, la clarté d'articulation du saxophoniste fait passer cela sans problèmes. Pour écouter Brecker dans le rôle d'un quasi-guitariste de rock, faites un petit tour du côté de Heavy Metal Be-Bop, ou il joue du saxophone électrique (il y a juste un micro devant l'instrument et une boîte d'effets).
http://www.jiwa.fr/#album/112375
Ça balance dur!
A côté de ses innombrables heures de vol dans des formations rock/pop ou jazz/ rock - comme Steps Ahead par exemple, ici:
http://www.jiwa.fr/#album/74636
Brecker se lance sur le tard dans des disques plus conformes à la tradition acoustique du jazz, où son incroyable décontraction dans les pires acrobaties fait mouche sans que l'on aie un instant l'impression d'être au cirque. A écouter en particulier ce disque:
http://www.deezer.com/#music/album/247677
Hélas une méchante leucémie a eu raison de lui il y a peu, une des plus tristes nouvelles musicales de ces dernières années.

Jamais apprécié ni son son ni ce qu'il jouait... c'est froid, métallique et mécanique pour moi

Même chose pour moi pendant très longtemps - sans compter l'esthétique très synthétique de beaucoup de ses productions, qui ne passe pas du tout. Mais il faut passer outre et le musicien est vraiment admirable et inventif. Va voir Oleo (je ne peux mettre le lien ici)!

Era a écrit:

Jamais apprécié ni son son ni ce qu'il jouait... c'est froid, métallique et mécanique pour moi

Dans une certaine mesure, il me fait aussi cette impression. Pas de poésie, que du muscle. (syndrôme 80's ?)
Il sait certes jouer en finesse, mais alors la sensibilité me paraît simulée (son récent album de ballades).
Ce que j'apprécie le plus de lui, c'est l'album Wild Angles, en quindectet, mais surtout pour les arrangements.
Sinon, un petit Brecker Bros de temps en temps, c'est rigolo, mais sans plus.
Sa version en solo de Naima est un vrai feu d'artifice technique.

C'est sûr, la métaphysique est ailleurs. Mais le plaisir de jouer qu'on ressent chez lui se transmet en plaisir d'écoute chez l'auditeur - je suis très sensible à ça. Et son jeu out est quelque chose de stimulant intellectuellement.

jerome a écrit:

Sa version en solo de Naima est un vrai feu d'artifice technique.

Je ne la connaissais pas - en effet un vrai festival:
http://www.deezer.com/#music/result/all/hancock%20naima
Merci Jérôme!

emmanuel a écrit:

Vous n'écoutez pas ou peu de jazz, pourtant vous connaissez sans doute Michel Brecker: le solo de saxophone ténor sur l'album Brothers in arms de Dire Straits dans les années 80, c'est lui

Ah, oui, tout de suite ça me parle plus!...

Je suis sûr que si tu écoutais le morceau tu le reconnaitrais

Xavier a écrit:

emmanuel a écrit:

Vous n'écoutez pas ou peu de jazz, pourtant vous connaissez sans doute Michel Brecker: le solo de saxophone ténor sur l'album Brothers in arms de Dire Straits dans les années 80, c'est lui

Ah, oui, tout de suite ça me parle plus!...

Tu as bien dû entrer dans un supermarché quelque part dans les années 90, on entendait encore ce tube...

jerome a écrit:

Dans une certaine mesure, il me fait aussi cette impression. Pas de poésie, que du muscle. (syndrôme 80's ?)
Il sait certes jouer en finesse, mais alors la sensibilité me paraît simulée (son récent album de ballades).
Ce que j'apprécie le plus de lui, c'est l'album Wild Angles, en quindectet, mais surtout pour les arrangements.

+1

Xavier a écrit:

emmanuel a écrit:

Vous n'écoutez pas ou peu de jazz, pourtant vous connaissez sans doute Michel Brecker: le solo de saxophone ténor sur l'album Brothers in arms de Dire Straits dans les années 80, c'est lui

Ah, oui, tout de suite ça me parle plus!...

C'était lui aussi dans le dernier BT de musique de Film sur "Local Hero", mais fallait l'écouter...

Je ne savais pas qu'il était mort...

Je n'étais pas super fan non plus. Jérome a dit "que du muscle (syndrome 80's?)" et je doit dire que je suis assez d'accord. Ce que j'ai pu entendre de lui me paraît très estampillé jazz années 80. Puissant et impressionnant comme un groose voiture de sport fluo qui fonce sous le soleil californien mais pas très profond.

Je suis vraiment triste par les critiques sévères adressées à l'endroit du saxophoniste Michael Brecker.

Que du muscle ? Je ne comprends pas cette image et bien entendu je ne la partage pas.

Mais bon, les gouts et les couleurs ne se discutent pas.

C'est sa sonorité un peu lisse, un peu "studio", qui est critiquée.

Il reste a mon sens un très grand saxophoniste, irreprochable technicien et grand lyrique.

J'ai toujours dans la tête son solo stupéfiant dans le Purple Lagoon du Live in New York de Frank Zappa.

J'aime également beaucoup le disque qu'il a enregistré avec Mac Coy Tyner:Infinity.

Un forçat des studios americains:il a participé à plus de 1500 disques!!!

J'ai écouté deux disques qui ne m'ont pas semblé indignes du tout. J'essaierai d'en reparler.

J'aime bien son travail avec Steps. Mon album préféré étant Somokin' in the Pit où Brecker livre dans Sara's Touch une contribution de toute beauté.