Opéra Comique - Britten - Albert Herring

Personne encore pour voir cet opéra ? Il reste encore deux dates...


Ce n'est pas du Britten le plus audacieux, c'est certain, le ton est souvent proche de la comédie musicale quasiment, avec beaucoup d'humour aussi bien dans la musique que dans le livret.

Adapté d'une nouvelle de Maupassant, modernisée, on se retrouve dans une ambiance à la Desperate Housewives (chacun ses références ) où la dictature de la bienséance et de la vertu enchaîne les jeunes un peu simplets comme Albert Herring. Le ton est globalement badin mais la critique sociale reste aiguisée et la fin, que tout le monde devine et attend, est forcément édifiante.

La musique y colle de près, souvent très ironique avec des parodies de célébrations bien pompeuses ou de petits thèmes gentillets et grinçant. On reste dans une tonalité qui peut paraître assez simple mais qui réserve des ensembles au contrepoint étonnamment étudié et des ambiances toujours très contrastées. Bref, il ne faut pas s'attendre à beaucoup d'innovation mais comme je l'ai dit il faut peut-être prendre ça comme une comédie musicale vraiment bien fichue et profonde. On en est proche aussi par la grande efficacité dramatique, cette action bien resserrée, où j'ai trouvé tout de même des longueurs au dernier acte.


La mise en scène utilise bien cet aspect housewivesien en recouvrant la scène d'un joli gazon bien vert, avec quelques éléments d'habitation d'un blanc immaculé et très symétriques. L'épicerie toute aseptisée aussi est très réussie. Au centre de la scène, une grande plaque tournante fait tourner tous ces décors et les personnages qui s'y trouvent ; je n'y ai pas trouvé énormément d'intérêt si ce n'est que cela modifiait sans cesse l'espace et empêchait toute lassitude.
Il y a aussi en avant plan une rangée de petites maison blanches toute simples censées représenter le village, au milieu desquelles les personnages passent parfois, et qu'un petit garçon vient soulever ou déplacer à chaque interlude. Je ne sais pas s'il y avait une volonté de faire sens, ça ne m'a semblé ni pertinent ni désagréable... pourquoi pas, ça retient l'attention pendant les passages orchestraux.
Sinon, quelques effets vidéos et sonores très drôles au deuxième acte, et souvent de petits gags rajoutés par le metteur en scène, Richard Brunel, vraiment bienvenus.

Je ne vais pas détailler toute la distribution, c'est globalement très bon, avec tous une prononciation quasi irréprochable. Allan Clayton dans le rôle de Albert Herring semble en faire en peu trop à certains moments mais son jeu devient de mieux en mieux, et vocalement c'est très bien assuré, avec des parties qui ne pas semblé si évidentes que ça.
J'ai beaucoup aimé Felicity Palmer également, tout à fait dans le ton et avec un timbre très particulier, très... "vieux", mais parfait pour le rôle de Mamade Pinke.


Bref, on passe vraiment une très bonne soirée, je le conseille à ceux qui hésitent. Mais de toute façon j'ai vu que ça avait été filmé : peut être une diffusion télé voire une édition en DVD ?

J'y étais hier soir.
C'est l'oeuvre lyrique la plus contemporaine que je connaisse... je n'ai que très peu d'éléments de comparaison, donc je ne sais pas trop par où commencer.

Qu'est ce que c'est? Pas un opéra-comique en tout cas contrairement à ce qui est marqué sur le prospectus.

Quelques éléments brefs : Il y a des effets orchestraux intéressants mais sans plus non plus. La prosodie de Britten me paraît remarquable. Distribution très homogène. Après, l'écriture vocale ne demande pas de grandes prouesses non plus.

Pour le contenu, je ne critiquerais pas le livret puisque je n'ai pas saisi l'approche esthétique. Pour moi, il y a trop de personnages peu caractérisés et on y perd beaucoup surtout que l'objet reste quand même sérieux (l'humour est un peu là pour décorer). Mais, je pense que c'est discutable aussi.

J'ai quand même trouvé que l'orchestre et l'oeuvre manque d'entrain.

Moander a écrit:

l'objet reste quand même sérieux (l'humour est un peu là pour décorer)

Vraiment ? Je n'ai pas du tout ressenti ça comme ça...

Le livret appelle tout de même très peu à des grandes tensions dramatiques, et même lorsque cela pourrait être le cas, dans le troisième acte par exemple, c'est traité avec un certain ridicule qui empêche tout premier degré.
Ce n'est certes pas qu'un divertissement creux, mais l'humour, l'ironie sont quand même le ressort principal de l'histoire.

Disons que comme pour le Turn of Screw, Britten adapte "Le Rosier de Madame Husson " de Maupassant de façon tractopellique (la tractopellisation du livret paraît être la doctrine Britten, comme pour Massenet la doctrine dite de nunuchification). Ca m'a donné envie de revoir le film de Jean Boyer avec Bourvil, au passage.

J'ai bien aimé a musique, qui tire parfois vers la comédie musicale et j'ai passé une excellente soirée, très bonne distribution, mise en scène sympa.

Il y a eu un incident de décor ou c'était seulement le premier soir ? (Trop drôle le pauvre gamin coincé sur scène jouer avec son ballon de rugby pendant 20 minutes pendant que c'était la panique derrière et que Laurence Equilbey cherchait désepérement à savoir ce qui se passait...)

Ce ne sera pas mon Britten préféré, mais je suis content de l'avoir découvert dans une bonne version

Wolferl a écrit:

Moander a écrit:

l'objet reste quand même sérieux (l'humour est un peu là pour décorer)

Vraiment ? Je n'ai pas du tout ressenti ça comme ça...

Le livret appelle tout de même très peu à des grandes tensions dramatiques, et même lorsque cela pourrait être le cas, dans le troisième acte par exemple, c'est traité avec un certain ridicule qui empêche tout premier degré.
Ce n'est certes pas qu'un divertissement creux, mais l'humour, l'ironie sont quand même le ressort principal de l'histoire.

Ironie oui, mais ça reste un peu fade tout ça quand même. Et puis, tout est tourné à l'ironie, le librettiste ne fait pas de choix, et c'est finalement toute la société (les puritains et les dévergondés) qui est critiqué tout en conservant ce ton sérieux (la musique est sérieuse).

Où est l'intérêt de ce théâtre? Il y en a un sans doute, mais je le saisis pas bien.
Après, j'avoue avoir du mal avec ce type de théâtre soi-disant comique très XXième.

Reste la musique...sympa comme je disais mais pas génial non plus.

La plupart des critiques a été enchantée par contre... "Ecriture vocale brillante" disent-ils à l'unisson. Ah bon??? Je vais devoir me coucher.

Il est sans doute trop tôt pour moi d'aborder ce genre d'oeuvre.

Par contre, j'en conviens comme Morloch, l'oeuvre était très bien servie...

Justement, la musique ne m'a pas semblé sérieuse du tout, souvent parodique, avec même une citation de Tristan au moment où Sid et Nancy versent de la vodka dans la limonade...
Il n'ya gère que le début du troisième acte avec ces effets (assez intéressants d'ailleurs) pour illustrer l'orage qui fasse quelque impression tragique.

Sinon, je suis d'accord que c'est loin d'être essentiel, c'est du gentil Britten. Pour l'écriture vocale, brillante dans certains ensembles et en général plutôt réussie mais je n'irais pas beaucoup plus loin non plus...

Je suis allé le voir hier soir, j'étais très heureux de voir encore du britten à Paris, même si je n'ai pas beaucoup aimé la "tournette" un peu énervante à mon goût, j'ai apprécié cet espace un peu froid et conservateur qui donne ç l'oeuvre son côté critique de la morale.

L'orchestre m'a vraiment étonné, car même s'ils ne sont pas nombreux, et c'est aussi une particularité de Britten qui excelle dans les petites formations, l'orchestre donc dégage une ambiance et une très grande sensibilité.

la musique est quand même superbe, ce duo flûte basse et clarinette est magnifique, je pense que ceux qui étaient là pendant cette petite quinzaine seront d'accord.

les chanteurs ont été parfaits. Une très bonne soirée et une très bonne représentation.

Que l'opéra comique continue à nous présenter de telles oeuvres rares mais essentielles

J'ai bien aimé cet opéra que j'ai trouvé très divertissant.

La mise en scène était excellente, on ne pouvait pas rêver mieux à mon avis. Il y a juste un détail qui aurait pu être corrigé : l'abus du (et même des !) plateau tournant dont l'utilisation n'était pas toujours justifiée. A la fin ça génère le même sentiment d'agacement que face aux matelas gonflables de la Flûte enchantée, on en a un peu marre de sentir le metteur en scène tellement heureux de sa petite trouvaille qu'il l'exploite jusqu'à la nausée. A part ça j'ai été ravi par tout un tas de petites choses : Sid qui se lance dans un numéro de crooner avec le micro de la supérette , l'utilisation de la vidéo très pertinente, Albert à qui on remet les attributs initialement prévus pour la reine, le village de Loxford en miniature qui pouvait être interprété à plusieurs niveaux symboliques (ordonné sous le joug de Lady Billows, le petit ordre bien rangé est mis à mal par le couple transgressif, etc.), le faux enterrement avec les fleurs laissées sur le sol par Albert, etc.
Pour tout dire j'ai même préféré cet opéra à Midsummer night's dream. La poésie onirique shakespearienne de ce dernier m'avait endormi, à l'exception du dernier acte avec l'épisode de Pyrame et Thisbé que j'avais trouvé génial. Ici je n'ai pas eu de mal à soutenir l'attention. Et puis les personnages sont savoureux, surtout cette dame patronesse de Lady Billows et son vieux dragon de Miss Pike qui entendent bien faire régner partout l'ordre moral et triompher la vertu Le dénouement aussi est particulièrement croustillant quand on apprend à quoi a servi l'argent du vertueux Albert Il y a vraiment quelques chose de très anglais dans tout ça, une capacité à se moquer de soi qui est assez jouissive. Au delà de la farce on peut y voir aussi un opéra qui traite de la difficulté à devenir adulte et à quitter le monde de l'enfance. Je me demande d'ailleurs si ce n'était pas l'occasion pour Britten de régler quelques compte avec sa mère

Musicalement parlant, la musique accompagne bien l'action, l'orchestre de chambre d'Equilbey est efficace (avec un tel effectif je me suis demandé à quoi servait la chef) les pages orchestrales les plus développées assurent la transition entre chaque acte. J'ai beaucoup aimé le passage de la fin du premier acte et aussi le prélude à la recherche d'Albert au troisième acte. Le climat d'angoisse et d'agitation est très bien rendu. Dans les citations/détournements grotesques à l'usage des mélomanes Wolferl a relevé la citation de Tristan au moment du toast, personnellement j'ai été frappé par la scène où les différentes sommités du coin (le pasteur et la compagnie des bien-pensants) présentent leurs doléances à Lady B dans un choeur fugué qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à du Bach. Mais avec des paroles autrement plus prosaïques.

Les chanteurs étaient tous très bons avec une mention pour Leigh Melrose qui interprétait Sid, la Lady Billows de Nancy Gustafson et la vieille Miss Pike de Felicity Palmer.

J'ai donc passé une bonne soirée et tout ça m'a donné envie de découvrir le rosier de Madame Husson que je n'ai jamais lu.

WoO a écrit:

Dans les citations/détournements grotesques à l'usage des mélomanes Wolferl a relevé la citation de Tristan au moment du toast, personnellement j'ai été frappé par la scène où les différentes sommités du coin (le pasteur et la compagnie des bien-pensants) présentent leurs doléances à Lady B dans un choeur fugué qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à du Bach. Mais avec des paroles autrement plus prosaïques.

Ah oui, et j'avais bien aimé aussi le petit chœur très kitsch des enfants avec la chorégraphie aux drapeaux, et Lady Billows qui ajoute à la fin "C'est un peu moderne, non ?"

Morloch a écrit:

Disons que comme pour le Turn of Screw, Britten adapte "Le Rosier de Madame Husson " de Maupassant de façon tractopellique (la tractopellisation du livret paraît être la doctrine Britten, comme pour Massenet la doctrine dite de nunuchification). Ca m'a donné envie de revoir le film de Jean Boyer avec Bourvil, au passage.

En fait, Britten et Crozier se sont inspiré du film de 1932 avec Fernandel et pas directement de la nouvelle de Maupassant.
Les noms sont empruntés à des personnage réels du village au vivaient Pears et Britten (Albert Herring en était l'épicier).

C'est amusant (pauvre Albert Herring).

Les fins sont différentes, pessimiste chez Maupassant, verbeuse et sentencieuse (quoique optimiste) chez Britten - et donc chez Bernard Deschamps ? je ne l'ai pas vu ce film - et enfin farce bon enfant chez Jean Boyer (scénario de Marcel Pagnol).