Je me demande bien à quoi peuvent ressembler les quatuors de JÖRG WIDMANN et serais curieux d'entendre son concerto pour trompette "Ad Absurdum" qui apparemment emploie l'orgue de barbarie. C'est surprenant d'autant que cet instrument est rarement utilisé dans la musique dite savante. MARIUS CONSTANT lui avait cependant dédié un concerto avec orchestre,le premier dans l'histoire de la musique,il me semble.
"Dark strings" pour violoncelle,orchestre et deux voix de femmes est la seule oeuvre que je connaisse de JÖRG WIDMANN. Ce concerto commence sur un grand lamento qui enfle progressivement,porté par le violoncelle passionné de JAN VOGLER. L'orchestre constitué de 21 cordes,flute, clarinette,basson, trompette,trombone,4 cors,piano,célesta,3 percussionnistes,semble dans un premier temps se soumettre à la volonté narratrice de l'instrument principal qui continue,imperturbable,son chant plaintif et incessant. Si le second mouvement s'inscrit dans la continuité du
premier,bien qu'il arbore un ton plus sévère et obsédant,amorcé par la note la plus grave du piano,il s'y passe un phénomène étonnant. Des cordes y exposent un même motif obsessionnel sur un mode dissonant et vite suraigu,bientôt suppléées par des percussions dont le célesta,et sur un mode strident identique...Une machine infernale dont la mécanique bruyante va s'estomper progressivement sur les derniers "cris" du célesta
alors que la plainte déchirante du violoncelle sera violemment interrompue
par la même note de piano du début. Le troisième mouvement se veut plus hésitant et énigmatique,à peine moins crispé que les deux précédents.
Le soliste racle l'instrument,y produit même quelques effets de frottement
particulièrement saisissants. C'est chaotique à souhait avant de plonger
dans une ambiance sonore étrange et très bien troussée. Le violoncelle s'y
exprime alors avec une grande virtuosité au centre d'une multitude d'effets
produite par l'orchestre,plus tumultueux et vertigineux que jamais. Il
s'égosillera sous le roulement effréné des tambours avant qu'une voix
suspendue dans l'aigu n'annonce le quatrième et dernier mouvement. Le
violoncelle lui succèdera jusqu'à de terribles effets métalliques et vocaux.
Ces voix n'y sont pas employées pour narrer ou chanter un texte,
mais comme deux instruments voués à des expériences sonores éprouvantes,au centre d'un monde fascinant où les instruments de l'orchestre,notamment les percussions et la trompette,semblent s'y livrer une concurrence farouche et presque délirante. C'est par le violoncelle et ses mesures finales,que l'oeuvre de WIDMANN retrouvera un semblant de sérénité,celle du tout début.