Beethoven: sonates pour violoncelle et piano

Horatio a écrit:

[à propos de Rostropovitch / Fournier]

Plus sérieusement, ces sonates des Beethoven - les premières en tout cas - ne sont pas censées être prises à un tempo de sénateur. Il faut attendre la 5e pour que le maestro nous gratifie d'un vrai mouvement lent. De plus, ces sonates sont pour lui un laboratoire grandeur nature, où il explore les possibilités du duo piano-violoncelle ; et, à vrai dire, il se cherche beaucoup, surtout dans les deux premières sonates. La musique est toujours légère et généreuse (très mozartienne), mais ces deux sonates ressemblent plus à un concerto pour piano ! A partir de l'op. 69 il atteint un meilleur équilibre - et les deux dernières sont de vrais chef-d'œuvres.
Rostropovitch et Richter sont les figures de proue d'une interprétation musclée et volontaire de ces sonates, alors que d'autres sont plus légers (voire frileux pour certains - comme Fournier d'après moi). Alors oui, on rentre dans le lard , mais c'est peut-être nécessaire dans ces premiers opus. Essaye les trois dernières sonates, c'est d'un autre acabit (ou alors essaye Perenyi, c'est le meilleur)

Fournier est un peu frileux, mais je crois qu'il est un peu anesthésié par Gulda et Kempff. Il est plus chaleureux avec Schnabel, qui le pousse plus, qui réagit aussi plus efficacement aux inflexions de Fournier. Et dans les deux premières, qui sont peut-être assez mozartiennes (mais surtout pas légères pour moi, le I. de la 2ème c'est à pleurer), Schnabel offre un accompagnement bien moins gentil que Gulda et Kempff.

Oui, "légère" n'est peut-être pas le terme approprié ; toujours est-il que les deux premières sonates sont moins concentrées et moins vertigineuses que les suivantes (dans leur ensemble : le I de la 2e est effectivement magnifique de tension et de retenue dans le chant, mais l'Allegro qui suit s'assouplit avant que le Rondo final ne plonge dans la badinerie - c'est sûrement le mouvement le moins réussi de la sonate).

Concernant Rostropovitch et Fournier, je dois dire que ce ne sont pas mes préférés : souvent secs et pas assez chaleureux. Mais l'énergie y est . Tiens, je vais essayer Gutman un de ces jours, puisqu'on en dit tant de bien.

EDIT : je viens de m'apercevoir que j'ai Casals EMI, que je n'avais jamais écouté . Je crois que le confort audiophile m'avait un peu rebuté...

Je l'aime bien ce rondo, il y a d'une part ces bariolages assez bizarres (enfin il me semble que ce sont des bariolages) qui sont remarquables et surtout ce motif typiquement beethovenien au milieu (ré - fa - la - sib - la) avec l'accompagnement arpégé et très frémissant du piano, ça créé des points de tension comme dans le finale de l'op.2 n°3 par exemple, et j'y suis assez sensible.

Oui, je vois bien le passage dont tu veux parler : une sorte de parenthèse mineure que j'aime beaucoup également, mais qui se referme bien vite. - Oui, ce sont bien des bariolages, des accords arpégés en bariolages si je puis dire. Il n'empêche que ça tourne un peu en rond, il y a quelques ruptures de tension, je préfère nettement l'Allegro qui précède.

Petite écoute comparée, ce soir, de la sonate n° 5 op. 102/2

- Rostropovitch/Richter: sublime de bout en bout, équilibre, ruptures, grâce infinie, profondeur, tout y est sans un gramme de gras.

- Fournier/Schnabel: l'âme qui vibre, les deux sont bouleversants d'humanité. Le violoncelle de Fournier est à pleurer.

- Fournier/Kempff: très décevant, le violoncelle de Fournier malgré le toujours très beau son est bien moins éloquent qu'avec Schnabel, Kempff est inexistant, il fait de jolies choses de temps en temps... Il y a même plein de chichis agaçants et l'ensemble est déséquilibré entre un violoncelle toujours royal et un piano sans relief.

- Gutman/Virsaladze: la version inouïe qui prend les tripes, rien n'est fait pour plaire, tout est drame et dénuement, sur le fil, équilibre génial entre les deux interprètes.

- Meneses/Pressler: très belle version, plus sage sans doute que les autres, mais d'une grande finesse. Le piano de Pressler est toujours aussi beau. C'est une heureuse découverte.

 Intéressante mise en perspective.

Et Fournier / Gulda chez DG, tu n'as pas réécouté pour cette confrontation ?

Je ne la connais pas et ne l'ai pas dans mes cartons. C'est mieux que Fournier/Kempff ?

En revanche j'ai écouté Navarra/Sancan que je ne connaissais pas, c'est magnifique. Il faut que je la réécoute.

 Ca se trouve facilement, notamment dans ce coffret de la série Original Masters.

Préférer Schnabel, Kempff ou Gulda sera affaire de goût, mais je suis sûr que Gulda échappera à ce que tu as pu écrire de l'accompagnement par Kempff.

http://www.amazon.fr/Beethoven-Sonates-pour-violoncelle-piano/dp/B000FBHSQI

Préférer Schnabel à Kempff, c'est affaire de bon sens, non ?  

Je suis désolé pour les amoureux de Kempff. J'ai peu fréquenté ce pianiste. J'ai quelques bons souvenirs mais surtout des mauvais dans Beethoven en particulier. Là ce qui frappe c'est la faiblesse, comme s'il était occupé à faire de temps à autre un joli effet et le reste du temps à "gérer" son inexistence - la prise de son n'aide peut-être pas. Et c'est comme si ça déteignait sur Fournier qui se met aussi à faire des effets.

Schnabel, c'est un autre monde, mazette !

L'intégrale Fournier / Schnabel est géniale, et pour moi de loin la meilleure des trois de Fournier. Parce-que Schnabel, et parce-que Fournier s'y montre d'une luminosité exceptionnelle, c'est d'une beauté à tomber. L'imagination de Schnabel est souvent imparable, et cette intégrale est l'une des plus vivantes pour le discours violoncelle / piano. Peut-être l'intégrale la plus élégante, mais ce n'est pas lisse pour autant.

La seule façon de la trouver est l'acquisition de ce petit coffret (indispensable de toute façon) :

Kia a écrit:

Sinon il faut connaître la magnifique version Fournier/Gulda pour ceux qui aiment ce son très français mais plein de charme...

En effet, magnifique version.

Découvert récemment, Wispelwey / Lazic sur Channel Classics en SACD. Un enregistrement impeccable et une interprétation exemplaire. J'ai mis de côté tous les autres, pour l'instant.... J'aime varier selon l'humeur:) 

http://www.amazon.fr/dp/B0007Z47YI/?tag=sacdinfocom04-21

alexandre. a écrit:

L'intégrale Fournier / Schnabel est géniale, et pour moi de loin la meilleure des trois de Fournier. [...]

Heureusement, cette version n'a jamais vraiment quitté le catalogue. Voilà la pochette d'une édition allemande en LP sous pavillon Emi, avec photo des artistes :

Bonjour

Désireuse de découvrir ces œuvres, j'ai lu le fil et suis partie à la pêche chez un marchand parisien de CD d'occasion.
Outre les versions citées plus haut, les rayonnages proposent aussi Gastinel/Guy chez Naïve et Rattay/Bogunia chez Calliope (rééditée depuis chez Phaia Music).
Appréciant le style viennois de Bogunia et ses enregistrements Mozart, je me suis lancée dans la deuxième version.
C'est très beau, très serein avec beaucoup de complicité et d'humilité.

Cordialement
Eléanore-clo

Quelle distraite !

Les présentoirs affichent aussi une version très récente, en vente depuis quelques semaines, par Queyras et Melnikov, éditée par Harmonia Mundi, CHOC de Classica et Choix de France Musique.
Par contre, je n'ai pas eu le loisir de l'écouter...

Bon WE
Eléanore-clo

Ils ont donné cette intégrale en concert il y a quelques semaines à la cité de la musique, c'est tout à fait recommandable.

dreamer a écrit:

Ils ont donné cette intégrale en concert il y a quelques semaines à la cité de la musique, c'est tout à fait recommandable.

Et c'est diffusé sur France Musique la semaine prochaine !
http://www.francemusique.fr/emission/le-concert-de-l-apres-midi/2014-2015/les-cinq-sonates-pour-violoncelle-et-piano-de-beethoven-par-jean-guihen-queyras-et
http://www.francemusique.fr/emission/le-concert-de-l-apres-midi/2014-2015/les-cinq-sonates-pour-violoncelle-et-piano-de-beethoven-par-jean-guihen-queyras--0
Avec des compléments ma foi bien sympathiques...