Florence 1681 - Vienne 1732.
Un fil pour parler des
opere serie dont l'auteur ne mérite pas forcément un fil, parce qu'on connaît peu de choses de lui. Ca pourrait même devenir un fil Conti, parce que Hasse ou Jommelli peuvent prétendre à un fil isolé, ce sont tout de même des figures importantes ; et Pergolesi ou Cimarosa ont déjà des fils propres pour d'autres oeuvres.
Juste un mot, mais pour éviter que ce soit perdu en 'Playlist', d'autant que ça pourrait en intéresser certains.
--
On connaît essentiellement de Conti son
Don Chisciotte della Mancia in Sierra Morena ("Don Quichotte de la Manche dans la Sierra Morena"), créé à la cour de Vienne en 1719. C'est un
opéra seria un peu particulier, puisqu'il comporte
des finals en fin d'acte, une suite de "numéros" et d'ensembles en particulier, à la manière de l'opéra classique, tel qu'on le connaît par exemple chez Martin y Soler ou dans les Da Ponte de Mozart. (Donc passablement moderne !)
L'argument est tiré de l'épisode de la traversée (puis de la retraite, au sens religieux du terme) de la montagne espagnole par Don Quichotte. C'est un épisode célèbre du premier livre de ses aventures, qui comprend les fameuses
Folies de Cardenio mises en musique par Lalande, et qui raconte dans un récit inséré l'histoire de Dorothée. C'est là où Don Quichotte, qui se prépare à mourir d'inanition exposé au soleil en songeant à Dulcinée, est ramené chez lui sous prétexte de remettre la fantasmagorique Micomicona sur son trône.
C'est une oeuvre intéressante à plusieurs titres.Tout d'abord,
tous ces éléments, à l'exception peut-être de l'état misérable de Don Quichotte,
se retrouvent dans le livret d'Apostolo Zeno et Pietro Pariati. [Zeno était le librettiste à la mode avant Métastase.] La folie brutale de Cardenio (chanté logiquement, vu sa distinction, par une voix aiguë et délicate), la cour de Maritornes (servante d'auberge repoussante) à Sancho (et non plus à un muletier contre qui Don Quichotte veut la défendre dans un des moments les plus grotesques - et peut-être faciles - du roman)...
Ensuite, on a affaire à une oeuvre musicale tout à fait piquante. Les airs n'y sont pas particulièrement spectaculaires ou inspirés musicalement, mais dressent des portraits très individualisés des personnages,
quasiment des airs de caractère, et non plus des numéros individuels un peu interchangeables.
Enfin, on y retrouve les
folies d'Espagne, en particulier lors du final totalement fou du premier acte, où la grande confusion (entre Maritornes qui minaude et Micomicona qui feint, on n'est pas
sorti de l'auberge) bâtit une succession des variations les plus dansantes et convaincantes jamais écrites sur ce thème. Le joyeux désordre va ainsi de pair avec une invention musicale réjouissante.
Surtout peut-être,
René Jacobs, qui l'a donné à plusieurs reprises (1992 Innsbruck, Beaune 2005, Innsbruck 2005), se montre dans sa dernière série de représentations capable d'inventer une
orchestration hors du commun, avec une richesse du continuo (les cordes grattées en particulier), une alliance magnifique des timbres, une inspiration totalement débridée qui ne peuvent que susciter l'admiration la plus invense. Les
récitatfs comiques deviennent quasiment symphoniques... quand ce n'est pas de la musique contemporaine à clusters (avec cor faux, bruits de chaînes arythmiques et dépareillés, etc.).
Incontestablement, dans ce répertoire, l'interprète peut prendre
la place de co-compositeur, car Conti ne séduirait pas ainsi, littéralement interprété.
Un délice absolu, une réjouissance riante. De plus, le rôle-titre était interprété par
Nicolas Rivenq et sa présence dramatique toujours aussi persuasive, son timbre si caractéristique aussi. Et la mise en scène de Stephen Lawless semblait assez sympathique :
--
Ca n'a manifestement pas été publié depuis la radiodiffusion. Mais à venir, peut-être, et on peut l'espérer en vidéo, ce qui représenterait en l'occurrence une réelle plus-value.