Autour de la musique classique

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 Brian Ferneyhough (1943)

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Percy Bysshe
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MessageSujet: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMar 25 Aoû 2009 - 1:07

Pas de sujet pour ce compositeur contemporain anglais, voilà donc chose faite ici.

Je ne connais pas grand chose à propos de Ferneyhough, mais je peux préciser qu'il fait partie du courant maximaliste. Pour vous donner quelques illustrations de ce que peux vouloir signifier maximalisme:

Brian Ferneyhough (1943) Image102

Brian Ferneyhough (1943) Image004

J'écoute son "Fourth String Quartet", qui a la particuliarité d'associer un quatuor à cordes au chant. Pas une oeuvre que j'ai forcément apprécié, mais ce mélange m'a beaucoup, ça va si bien ensemble, une vraie harmonie de textures.

Connaissez -vous, aimez-vous ce compositeur? Et par quelles oeuvres me conseillerez-vous de poursuivre (je m'étais un peu lancé sur le premier disque venu à la bibliothèque, parce qu'il faut bien commencer quelque part). Il y a des oeuvres de références?
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Xavier
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMar 25 Aoû 2009 - 1:20

D'après le peu que je connais (je n'aurais même pas de titres d'oeuvres à te proposer), c'est vraiment de la caricature de mauvaise musique contemporaine, impossible à jouer, et qui semble inintelligible, moche, bavarde et aride à la fois...

Citation :
J'écoute son "Fourth String Quartet", qui a la particuliarité d'associer un quatuor à cordes au chant. Pas une oeuvre que j'ai forcément apprécié, mais ce mélange m'a beaucoup, ça va si bien ensemble, une vraie harmonie de textures.

Schoenberg l'a déjà fait dans son 2è quatuor au tout début du siècle dernier...


Dernière édition par Xavier le Mar 25 Aoû 2009 - 1:28, édité 1 fois
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Percy Bysshe
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMar 25 Aoû 2009 - 1:25

Oui, je suis en train d'écouter son Kurze Schatten II, pour guitare, et il ne se passe strictement rien, si ce n'est que le guitariste enchaîne des traits supers rapides avec des harmoniques au milieu. Surprised
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Dave
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMar 25 Aoû 2009 - 1:28

Xavier a écrit:


Schoenberg l'a déjà fait dans son 2è quatuor au tout début du siècle dernier...

Dans un autre genre, il y a aussi le septuor "à cordes vocales et instrumentales" de Caplet pour quatuor et voix de femmes.


Dernière édition par Dave le Mar 25 Aoû 2009 - 2:14, édité 1 fois
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Percy Bysshe
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMar 25 Aoû 2009 - 1:31

Xavier a écrit:
Schoenberg l'a déjà fait dans son 2è quatuor au tout début du siècle dernier...

Je ne savais pas que ça existait, même si je m'en doutais bien un peu. Je vais essayer de trouver les pièces dont vous parlez.
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jerome
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMar 25 Aoû 2009 - 1:31

Sans parler de Schubert...

Citation :
le guitariste enchaîne des traits supers rapides avec des harmoniques au milieu
J'ai vu une pièce de Stockhausen pour marimba qui me faisait un peu la même impression.
Sait-on comment il justifie son bazar, Feyernough ? Est-ce qu'il "explique" un peu l'intérêt de la chose ?
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Xavier
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMar 25 Aoû 2009 - 1:37

Wolfgang a écrit:
Xavier a écrit:
Schoenberg l'a déjà fait dans son 2è quatuor au tout début du siècle dernier...

Je ne savais pas que ça existait, même si je m'en doutais bien un peu. Je vais essayer de trouver les pièces dont vous parlez.

Le 2è quatuor est connu pour ça mais aussi pour être la première oeuvre atonale! (la tonalité se désagrège vraiment vers la fin)
Même si c'est discutable quand on entend les Clairs de lune de Decaux et quelques autres exemples...
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Percy Bysshe
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMar 25 Aoû 2009 - 1:38

jerome a écrit:
Sait-on comment il justifie son bazar, Feyernough ? Est-ce qu'il "explique" un peu l'intérêt de la chose ?

Sûrement pour se démarquer et s'opposer aux minimalistes d'une part, et d'autre un mouvement simple considérant à se déplacer toujours plus vers la complexification comme si c'était la poursuite du "progrès" (je n'entends bien sûr pas qu'on peut qualifier le progrès en musique, mais c'est sûrement sa démarche d'après ce que j'ai pu lire çà et là).

Tout est résumé ici, dans le titre:
http://www.entretemps.asso.fr/Nicolas/TextesNic/Ferneyhough.html
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Percy Bysshe
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMar 25 Aoû 2009 - 1:46

Xavier a écrit:
Le 2è quatuor est connu pour ça mais aussi pour être la première oeuvre atonale! (la tonalité se désagrège vraiment vers la fin)

Oui, comme quoi je suis loin de tout connaître. Autant j'ai toujours été fasciné par Berg, autant Schoenberg ne m'a jamais plus inspiré que cela... Il faudrait je me mette sérieusement à découvrir ce compositeur.

En ce qui concerne Ferneyhough, je viens d'écouter le Trittico per G.S., pour contrebasse, et Terrain, pour violon et ensemble, et ça y est ça me gonfle complètement. Neutral J'ai arrêté en plein milieu du deuxième.
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMar 25 Aoû 2009 - 1:49

Bah voilà, au moins tu as fait le tour de ce compositeur. Mr.Red

Viens donc dans le topic Schoenberg, il y a plus de matière à mon avis. Smile
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jerome
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMar 25 Aoû 2009 - 1:55

Cette phrase, dans le lien de Wolfgang, n'est pas piquée des vers :
Citation :
les adeptes français de la "nouvelle consonance" en reviennent aux antiques vertus lénifiantes de l'alternance tension/détente.
Mais ça se défend, après tout.
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Philippe Agrippa
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MessageSujet: Brian Ferneyhough/Charles Ives   Brian Ferneyhough (1943) EmptyJeu 27 Aoû 2009 - 11:59

Cher Wolfgang,


Dans la série "Maximaliste" je vous signale (mais peu être le connaissez-vous déjà) le "Pape" du genre , ce cher Charles IVES !

S'il vous est inconnu , je vous promets des chocs musicaux forts ,couplées avec de réelles qualités émotionelles "humaines".

Sa quatrième symphonie (par Berstein,si vous trouvez) et des oeuvres telles que "Paysages de la nouvelle-angleterre" (poême symphonique)
où se mèlent les cantiques,les airs de fanfare, et tout un coktail de pyrotechnie orchestrale.

Son père faisait écouter au petit des fanfares jouant des morceaux différents ,se croiser devant la route où ils s'étaient installés...
Ou bien , en haut du clocher de l'église, quatre fanfares , venant du sud,nord,est,ouest, se rejoignaient à leur pied , jouant chacune une oeuvre différente...

La dernière création , hélas inachevée ! , prévoyait de placer des orchestres de part et d'autre des flancs d'une vallée, jouant la partition de ce génial Charles Ives !...

Je trouve que part moment , Malher ,dans certaines de ses oeuvres, évoque Charles Ives. siffle
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DavidLeMarrec
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyLun 17 Mai 2010 - 22:43

Je postais ceci en 'Playlist' :
DavidLeMarrec a écrit:
=> Ferneyhough, Quatuor n°4
Sympa. Very Happy Ca babille de partout, c'est assez agréable.
Et puis survint Arnaud :
arnaud bellemontagne a écrit:
C'est aussi giga-complexe qu'on le dit?
Niveau partition, oui, c'est extrêmement touffu, avec des subdivision rythmiques à peu près impossibles à appréhender. On touche d'ailleurs à ce que Ouannier avait appelé "l'inaudible", au sens le plus strict, il y a un fil sur le sujet : les subtilités qui n'apparaissent pas à l'écoute.
L'autre difficulté, et en cela on se rapproche des Klavierstücke de

Stockhausen, c'est le nombre infini d'indications de jeu sur chaque note, d'effets.

Mais dans ce Quatrième Quatuor, et dans Ferneyhough en général, ça ne touche pas au système et au catalogue, c'est toujours bondissant, beaucoup de textures et de rebonds. Un peu comme Boulez, on passe sans doute à côté du coeur du propos, mais cette trame n'est pas désagréable du tout à écouter.

Ca me touhe infiniment plus que n'importe quel Escaich en tout cas, et pourtant la démarche me semble sur le papier beaucoup plus discutable.
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyLun 17 Mai 2010 - 22:49

Merci pour cet eclairage. Very Happy
Je vais peut être tenter ça un de ces quatre... bien que je ne vois toujours pas l'intérêt d'ecrire une musique dont la complexité est imperceptible pour l'auditeur. scratch

Bon, je jugerai sur pièces. bounce
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyLun 17 Mai 2010 - 22:55

arnaud bellemontagne a écrit:
Merci pour cet eclairage. Very Happy
Je vais peut être tenter ça un de ces quatre... bien que je ne vois toujours pas l'intérêt d'ecrire une musique dont la complexité est imperceptible pour l'auditeur. scratch
Moi non plus... mais au total je trouve ça vraiment beau. Le reste, ce n'est pas vraiment mon affaire, du moins tant qu'il ne me prend pas la fantaisie de vouloir jouer ça. Confused
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyVen 22 Juil 2011 - 22:29

J'ai écouté le Cassandra's dream song, qui n'est pas inintéressant, ça me fait penser évidemment aux Sequenzia de Berio: c'est une pièce pour flûte solo, où les possibilités de l'instrument sont utilisés à l'extrême. Ce genre de choses peut vite prendre une tournure de catalogue technique, mais pour le coup on y échappe.
J'aimerai bien connaître le lien avec Cassandre, s'il s'agit bien de la fille de Priam.
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMer 28 Jan 2015 - 17:26

Smile J'ai écouté quelques extraits de ce disque pour me faire une idée de sa musique d'orgue.

Les deux premiers morceaux de Sieben Sterne s'intitulent : Refrain.

fleurs Je me suis dit qu'en portant pareil sous-titre, l'écriture serait peut-être un peu mélodique (à défaut de mélodieuse).

Et bien, je crois que j'ai eu tort...  Mr.Red



http://www.amazon.fr/Die-Orgelwerke-Haas-Bernhard/dp/B002ALGMKO

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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMer 28 Jan 2015 - 17:31

mais cette pochette est un troll, ce n’est pas possible. Mr. Green

’faudrait que je prenne le temps d’écrire quelque chose ici, moi.
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMer 28 Jan 2015 - 17:35

Oui, avec une telle pochette, on se demande si le disque ne contient pas quelque fumisterie... bedo

Entendre les extraits m'a suffi, j'ai assez peu envie de commander le CD pour vérifier.

Et quand je pense que c'est moi qui fait remonter ce vieux topic de 2011... silent
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptySam 11 Avr 2015 - 9:52

coucou

Je tente quelques mots sur Ferneyhough. Notez que je ne cherche pas à épuiser son œuvre ni à évoquer tous ses aspects ; disons que je m’attarde sur deux ou trois choses qui m’intéressent.

1. J’imagine parfois la musique de Ferneyhough comme une poussée d’énergie, une explosion originelle qui se relâcherait violemment et s’épuiserait sur tous les éléments musicaux, jusqu’à l’extinction.
En tout cas, l’acte de composition est envisagé sous le mode de la collision. Ferneyhough travaille dit-il davantage avec des forces qu’avec des formes, et l’idée est que l’entrechoquement de ces forces simples génèrent des phénomènes complexes et imprévisibles, chaotiques, engendrant sans cesse de nouvelles forces qui interfèrent à leur tour, etc.
Leur conjonction sans cesse renouvelée forme une entité reconnaissable pour la perception. Ferneyhough a suggéré l’image de la vague qui se brise sur les rochers, faisant apparaitre une forme reconnaissable et éphémère qui provient d’une accumulation de forces sous-jacentes.
La polyphonie est donc naturellement le centre de son écriture, qui a parfois en commun avec Carter l’indépendance dramatique des instruments. Pourtant, ces dernières années, des constructions harmoniques peuvent apparaitre pour elles-mêmes, et d’ailleurs globalement sa musique devient plus accessible.
Énergie, force, collision, choc, on a là aussi tout un programme esthétique. La musique de Ferneyhough est en effet très expressive (mais pas sentimentale), et violemment expressive, même si ce potentiel n’apparait pas à tout le monde et au premier abord.

2. Ferneyhough n’écrit pas de la musique post-sérielle. Mais outre quelques allusions parfois à des procédés sériels, il en retient une certaine esthétique, et notamment l’idée que la structure affectent l’ensemble des paramètres, y compris d’ailleurs des paramètres que le sérialisme n’avaient pas retenus, comme la densité ou les inflexions microtonales.
Mais si tous ces paramètres obéissent à de minutieux calculs préalables, ceux-ci ne se substituent pas à l’expression, à l’imagination, et l’œuvre n’obéit pas à un strict déterminisme où tout est déduit d’une forme simple (qui serait la série). L’ordre génère le désordre et inversement. « Je crois que l'ordre et le désordre coexistent au sein de zones de conflit à l'intérieur desquelles les objets musicaux, émergeant aux points névralgiques de courants provisoires, à l'énergie cohérente mais parfois autodestructrice, sont à la frontière de l'ordre perçu et du chaos insaisissable. »
Si le sérialisme est un classicisme, Ferneyhough serait comme le compositeur romantique qui vient tordre le langage classique pour le plier à l’expression. Et cela va même bien plus loin que ça, puisque sa musique n’a plus rien à voir avec la musique sérielle, puisqu’elle est par essence anti-sérielle.

3. La composition ne provient pas d’un accomplissement de ces structures, mais d’une lutte avec elles. Le compositeur se bat contre elles, l’interprète également quelquefois se bat contre elles, submergé par le matériau qu’il produit lui-même, et enfin les structures se combattent elles-mêmes.
Tout est en devenir perpétuel, tout se transforme et recrée de nouvelles choses, au fil des altérations, de la dilacération rythmique, etc. Et l’énergie qui anime la musique de Ferneyhough est une énergie autodestructrice, les forces qui l’agitent s’anéantissent elles-mêmes. Souvent, il me semble que le flot s’achoppe à quelque point d’impossibilité, cherche une nouvelle voie, tâtonne, et progresse par heurts.

4. La musique de Ferneyhough est complexe, et elle demande une très grande virtuosité, certes. Mais si elle obéit à des structures précises et à des procédés de transformation vertigineux, la réalisation est toujours libre. « C'est une liberté énorme que Ferneyhough s'accorde tout à coup relativement aux contraintes qu'il vient de s'imposer, et qui masque le squelette rigide par un libre modelé. »
Pour ce qui est de la virtuosité, cette réalisation suit de plus instinctivement l’idiosyncrasie du geste instrumental. « Tous les grands solistes qui ont interprété sa musique soulignent que passées les difficultés de lecture, de mise-en-place et de compréhension de la forme, la musique de Ferneyhough tombait naturellement sous leurs doigts. »
Puisque l’interprète ne peut pas jouer exactement tout ce qui est écrit, il cherche à s’en rapprocher le plus possible, et construit son propre phrasé dans une sorte de rubato généralisé. Derrière la subdivision rythmique apparait un rythme fondamental très lent (il suffit de regarder les indications métriques) et souple, fait d’élans et de tensions.
Ferneyhough ne cherche pas à dépersonnaliser l’interprète, comme le font dans une certaine mesure les compositeurs liés aux courants sériel et spectral. L’interprète engendre la manifestation finale, et l’œuvre est aussi une performance dramatique, ceci à un degré variable selon les œuvres. Quant à la partition, la notation n’indique pas seulement ce qui doit être joué comme une suite de prescriptions précises, mais aussi le contexte dans lequel les idées musicales peuvent prendre sens.

5. Beaucoup d’œuvres de Ferneyhough font référence à des œuvres picturales. Peut-être parce que sa musique, au-delà de sa complexité et de son abstraction, est fondamentalement visuelle.
De plus, Ferneyhough emprunte fréquemment des gestes à des musiques antérieures (notamment médiévales, renaissantes et élisabéthaines), dans un mouvement circulaire ou l’histoire s’offre comme un vaste répertoire de techniques musicales.
Enfin, l’œuvre fait également référence à elle-même, de façon critique, parfois ironique. Ferneyhough s’intéresse aussi à ce que toute œuvre contient d’échec, d’inaboutissement, sans en tirer de réponse définitive. « La continuité d’une œuvre à l’autre consiste non pas dans leur succession mais dans leur relation critique » (Adorno), ce qui donne aussi à chacune une personnalité propre.

Ne bougez pas, je reviens bientôt avec des partitions Mr. Green, puis avec quelques conseils.
mais d’abord, je fais une petite pause.


Dernière édition par lucien le Dim 12 Avr 2015 - 10:48, édité 1 fois
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lulu
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptySam 11 Avr 2015 - 12:19

6. Non, Ferneyhough n’écrit pas n’importe quoi dans l’unique but d’être très difficile à jouer et d’impressionner, genre ça a l’air compliqué donc ça doit être bien. Pour ça, et pour montrer comment concrètement cela peut se passer, je vais prendre un exemple, Lemma (pour piano seul), et essayer de donner quelques pistes. Voici la première mesure:
Brian Ferneyhough (1943) 1428739569
D’abord, remarquez que Ferneyhough — dans un élan regardez comme ma musique est simple ! — indique la structure de chaque mesure, ici croche pointée – croche – croche, en fait croche – quart de soupir – croche – croche. Et on a en effet dans cette mesure trois fois la même chose, avec un petit silence avant la première répétition. La ligne mélodique est constitué de ce petit chant (le retour au la étant omis lors des répétitions) :
Brian Ferneyhough (1943) 1428741166
On pourrait analyser cette mélodie pour elle-même (elle présente beaucoup de symétries), mais passons. Dès sa première apparition, deux notes sont transposées à l’octave inférieure, une à l’octave supérieure. Ceci a pour effet de diviser le chant en deux mouvements similaires, plus le retour au la, staccato. Pour la suite, les notes déjà transposées continue leur trajectoire avec une octave supplémentaire, et d’autres notes sont transposées de la même façon. Une sorte de contrechant se forme ainsi à la main gauche. Et surtout, cela contribue à l’éclatement de cette ligne. Cet éclatement se poursuit avec la troisième occurrence, où les notes les plus extrêmes sont encore déplacées d’un demi-ton vers l’extérieur.
Passons au rythme. 12:8 – 11:8 – 10:8, pas la peine de s’énerver, c’est un simple ralentissement, ou si l’on préfère, une diminution de la densité. Pour le reste, et bien c’est la même chose que pour la mélodie : éclatement progressif. La première fois le rythme est régulier. Puis il se resserre d’un côté (3:2) et se distend de l’autre (4:6). Et enfin, des silences s’y introduisent, et les valeurs rythmiques changent encore comme pour compenser ce vide d’air au centre.
Il reste la pédale, les attaques, les nuances, etc. Bon, pour les détails, on repassera, mais globalement on a le même mouvement du régulier à l’explosé, et à l’oreille il me semble qu’on accentue en particulier les notes qui changent.
Tout ça forme une entité, une sorte de premier thème. Voyons les mesures suivantes, rapidement :
Brian Ferneyhough (1943) 1428742363
On voit tout de suite que le caractère est assez différent. Dans la deuxième mesure, j’entends une première tentative de mise en accords, avec modification, et avec un trémolo qui reprend à la fois le fa dièse et le sol de la mesure précédente. Troisième mesure, hésitations. Ça commence par les deux bonnes notes, et puis ah non, c’est pas ça, et on recommence. Mais on retrouvera ce petit motif par notes répétées partout dans Lemma. Enfin, nouvelle tentative de mise en accords avec de nouveau un trémolo, silence, et puis, par mouvement contraire, une jolie petite cadence toute symétrique, dont les notes doivent dériver d’une manière ou d’une autre du matériau initial (on s’en fiche, j’ai envie de dire).
Une fois tout ceci établi, l’œuvre ne s’arrête pas là, et va pouvoir utiliser tous ces motifs, les combiner, les transformer, en créer de nouveaux, etc. Mesure suivante on recommence avec motif de la mesure un, mais s’ajoute celui de la troisième, puis les accords, etc. Tout ceci poursuit son chemin jusqu’à la mesure 10 où on a une nouvelle cadence (très comprimée), et mesure 11, retour du thème dans une version amplifiée :
Brian Ferneyhough (1943) 1428743493

etc., etc., le but n’étant pas l’analyse (sommaire et approximative, mon approche restant assez naïve) elle-même, mais de montrer qu’il y a des logiques de développement cohérentes et audibles (je vous rassure, j’ai écouté et aimé l’œuvre avant de regarder la partition pour formaliser certaines choses).


7. Très bien, mais tout ceci a-t-il un sens ? Eh bien, je vais prendre un autre exemple pour montrer que la musique de Ferneyhough n’est pas qu’abstraction et mathématiques. Autrement dit, tentons de passer au niveau supérieur. Cet exemple, c’est La Chute d’Icare, une œuvre écrite pour clarinette et petit ensemble en 1988. Je ne vais pas y passer des heures, de nouveau c’est juste pour donner des pistes. Ça commence comme ça (cliquez pour agrandir) :
Brian Ferneyhough (1943) 1428745356

L’œuvre porte comme sous-titre Petite sérénade de la disparition. Dans le livret qui accompagne l’un des enregistrements de cette œuvre (eh oui, il y a des gens qui s’amusent à réenregistrer des œuvres de Ferneyhough Mr. Green), il est écrit, deux-points-ouvrez-les-guillemets. L’inspiration principale vient ici du tableau de Brueghel Paysage avec Chute d’Icare, mais également du commentaire poétique qu’en a proposé W.H. Auden : « Comme tout se détourne / sans hâte du désastre / […] et le délicat bateau précieux qui a dû voir / quelque chose d’étonnant, un garçon tombant du ciel / avait sa destination et poursuivit sa voie tranquille ». — oh, ouiiii, une image, on veut une image !
La clarinette solo représente Icare, et exécute des cadenza virtuoses. Ici en l’occurrence, très simple, un mouvement descendant suivi d’un mouvement ascendant, et ça se répète, se répète, le tout avec des modifications, rythmiques, et tout le tralala. L’effet sonore est celui d’une chute tourbillonnante.
Mais ce n’est pas tout : la clarinette éclabousse également l’ensemble qui va reprendre lentement ses hauteurs, chaque instrument à sa manière (l’œuvre commence d’ailleurs par un parfait unisson). Est-ce que ce sont les remous de l’eau, Icare qui illumine le paysage, donne son nom à la mer, etc., je vous laisse décider. Mais progressivement, ces figures reprises par l’ensemble vont s’amplifier, développer leurs propres « univers parallèles » avec lesquels le soliste n’a plus de rapport. Et malgré quelques illusions de dialogue, l’ensemble poursuit sa voie et la clarinette est abandonnée à elle-même.

Brian Ferneyhough (1943) Bruege10


À bientôt pour le point 8 (des conseils et/ou des œuvres que j’aime). coucou


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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptySam 11 Avr 2015 - 13:06

Merci, c'est passionnant. Brian Ferneyhough (1943) 173236763
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptySam 11 Avr 2015 - 22:50

8. Je disais donc, quelques œuvres.

Si vous êtes familier avec le répertoire moderne pour piano seul, Lemma-Icon-Epigram (1980) ne devrait pas vous poser trop de difficultés. Personnellement c’est une pièce que je trouve très belle, même si je ne comprends pas le programme et le titre (ni l’exergue de Baudelaire). Mais globalement, je ne pense pas que commencer par les pièces pour soliste soit une bonne idée, car elles tendent souvent à la vaine démonstration de virtuosité, un vague souvenir des Sequenza de Berio (si vous voulez vous faire une idée, les pièces pour flute seule sont assez célèbres). Cela dit, Superscriptio pour piccolo (1981), par exemple, me semble être une pièce sympathique, et beaucoup moins show off.

Ensuite il y a les fameux quatuors, pour lesquels Adagissimo (1983) ou Dum Transisset (2006) peuvent être des portes d’entrée. Ce sont à mon avis parmi les œuvres les plus “communicatives” que Ferneyhough ait jamais écrites, et c’est de plus court. Benedictus a donné un commentaire de la seconde œuvre ici. Si cela prend (ou pas), on peut passer aux quatuors numérotés, par exemple les deuxième (1980) et sixième (2010). Le quatrième (1990) est avec soprano, on en parle un peu plus haut dans ce sujet. Le quatuor à cordes est fondamentalement une forme abstraite, et chaque fois qu’un compositeur s’y attaque c’est une façon de se confronter à une tradition et de renouveler ce genre prestigieux.

Du côté des pièces pour ensemble, j’aime beaucoup La Chute d’Icare (1988), Terrain (1992), Mnemosyne (1986) et Flurries (1997).
J’ai déjà parlé de La Chute d’Icare. Je trouve que c’est une œuvre vraiment dingue, avec des couleurs incroyables. Terrain est également un concerto, pour violon cette fois, et est un hommage au land art de Robert Smithson. Le violon est l’agitation naturelle du vivant, notamment dans deux longs solos au début et au milieu de l’œuvre, et il se confronte au monde géologique du sous-sol que représente l’ensemble, dans ses différentes strates mouvantes.
Mnemosyne est en fait encore une pièce pour flute basse solo, mais avec une bande préenregistrée constituée de huit pistes de flute basse. Il s’agit de la septième et dernière pièce du cycle des Carceri d’invenzione. C’est une œuvre étonnante, car malgré l’agitation relative du soliste elle est très lente, contemplative, onirique.
Quant à Flurries, c’est une œuvre beaucoup plus exaltée, qui déroule avec beaucoup d’inventivité diverses combinaisons instrumentales.
Je devrais ajouter les deux Funérailles pour harpe et septuor à cordes, mais je les connais au final trop mal. La composition s’est étalé sur plus de dix ans, et la particularité est que la deuxième pièce est en relation critique avec la première qu’elle déconstruit.

Et je termine par La Terre est un homme, une œuvre pour grand orchestre composée entre 1976 et 1979. Elle s’inspire d’une toile de Matta. La transposition de cette écriture de la complexité à l’échelle de l’orchestre est d’un effet étonnant. Le babillement des instruments, en particulier des vingt-deux violons, s’effacent pratiquement derrière une écriture de masses lumineuse (aveuglante, en fait) qui irradie tout. La complexité de détail est ainsi mise à distance derrière une sorte de voile translucide, et se pose la question du rapport entre l’infiniment petit et la totalité. On en a un peu parlé ici.


Dernière édition par lucien le Dim 19 Juil 2015 - 16:34, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyDim 17 Mai 2015 - 13:07

Quand je disais que Ferneyhough empruntait fréquemment à des musiques antérieures, en particulier anciennes, cela peut être très fort. Il y a par exemple sa contribution au projet In Nomine de l’ensemble recherche, mais je voudrais citer une pièce pour ensemble de 2005, O Lux. L’œuvre est basée sur la pièce du même nom de Christopher Tye... et on l’entend vraiment, cette pièce ! L’esthétique a quelque chose d’inhabituellement webernien, avec cette mélodie qui saute d’un instrument à un autre. Mais pour le reste, c’est l’habituel babillement, qui suit l’évolution récente du style de Ferneyhough, plus harmonique et plus communicatif. Quelquefois il me semble ailleurs, quasi indépendant, et puis à d’autres moments il se mêle et forme un tout homogène avec le matériau renaissant. Je suis très séduit par le résultat.

Sinon j’ai découvert et écouté plusieurs fois Transit, une œuvre emblématique du début des années 70, au projet cosmologique et aux dimensions ambitieuses. Encore une fois l’inspiration est picturale : la célèbre gravure de Camille Flammarion. J’accroche déjà à cette œuvre, belle, subtile et puissante, mais j’aurai sans doute besoin d’un peu de temps avant d’en dire plus, parce que tout ça est difficile à saisir.
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptySam 18 Juil 2015 - 17:14

J’ai réécouté les Sonatas for String Quartet de 1967. J’avais un mauvais souvenir, sans doute lié à la longueur (plus de 40 minutes), mais en fait cela se tient très bien ! Vingt-quatre pièces, utilisant de manière très variée un même matériau, se succèdent dans un parcours sinueux. Pour le style, on n’est pas encore beaucoup au-delà de Schönberg-Webern, ce qui de mon point de vue ne rend pas forcément la chose plus accessible. Il me semble que plus on avance dans l’œuvre plus on trouve des pages calmes et aérées, voire contemplatives, notamment la toute fin de l’œuvre, quasi feldmanienne.
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyDim 19 Juil 2015 - 22:53

Allgebrah pour hautbois et ensemble à cordes     1997
(Ensemble Exposé - 17'45)


Une très belle oeuvre, très expressive - aussi bien par les lignes du hautbois que par les cordes. Le hautbois n'est pas traité avec des grands traits virtuoses comme la clarinette dans la Chute d'Icare, il dialogue avec les cordes. Ici, c'est plutôt une forme concertante qui est employée, on trouvera d'ailleurs une cadenza du hautbois pendant la minute quarante finale. On trouve toujours ces babillements dont parlent - très justement - David et Lucien, qui sont assez caractéristiques de la musique de Ferneyhough.
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyDim 29 Mai 2016 - 11:24

Brian Ferneyhough (1943) Piranesi

Carceri d’Invenzione (1981–86)

Les Carceri d’invenzione sont un fabuleux cycle formé de sept œuvres écrites entre 1981 et 1986 — extrêmement intenses et foisonnantes, surtout les trois Carceri à proprement parler, typiques de l’expressivité exarcerbée qui caractérise le compositeur —, et qui constitue l’aboutissement des recherches de Ferneyhough des décennies précédentes. Et en particulier :

1. Si le matériau est élaboré minutieusement en amont, la musique surgit de collisions chaotiques et pourtant organisées — ordre et désordre —, s’organise autour de ses brisures internes et se fracasse contre ses propres limites jusqu’à l’explosion ou l’annihilation. La macro-structure (les différentes sections) est alors le plus souvent marquée par des changements de timbre, de texture et de densité — des sortes de changements d’état.

2. L’intégration de multiples mises en perspective dans le développement interne (et non plus externe), si caractéristique de cette seconde modernité (voir aussi Mahnkopf, Czernowin), dans une même œuvre et d’une œuvre à l’autre, obligeant l’auditeur, qui perçoit le matériau depuis des angles et des distances changeants, à renouveler sans cesse son attention.

(inutile d’expliciter le rapport de ces deux éléments avec les œuvres de Piranesi auxquelles le cycle emprunte le titre.)

Sept œuvres donc :
1. Superscriptio (1981) pour piccolo
2. Carceri d’Invenzione I (1982) pour orchestre de chambre
3. Intermedio alla ciaccona (1986) pour violon
4. Carceri d’Invenzione II (1985) pour flute et orchestre de chambre
5. Études Transcendantales (1982–85) pour soprano, flute, hautbois, violoncelle et clavecin
6. Carceri d’Invenzione III (1986) pour quinze vents et percussions
7. Mnemosyne (1986) pour flute basse et bande

Superscriptio est dans un sens programmatique du cycle. La limite aigüe du piccolo sert d’élément organisateur, le piccolo semblant parfois s’élancer comme un bélier contre ses propres murs (oui, les voilà déjà, les prisons imaginaires !). Mais l’écriture est relativement simple, et la pièce — n’a-t-elle pas un air de danse burlesque ? — reste assez retenue, une bonne partie gardant une allure automatique.

Les fracas, la violence expressive, c’est avant tout dans les trois Carceri qu’on les trouve. Ici ce que j’ai écrit plus haut s’applique pleinement. Les trois fonctionnent de façon différente, notamment dans l’organisation des familles d’instruments. La matière en fusion se déploie par secousses, par détonations. Des pages d’une énergie fabuleuse et débordante, et puis soudain on entend une basse de jazz, ou un solo de piano, des ponctuations de cuivres, ou des percussions tribales, ou bien le flot formidable se suspend et on ne perçoit plus que des frétillements épars, et la flute, fil conducteur du cycle, flotte dans l’air... C’est un flux incessant, toujours changeant pourtant, qui a ses moments de stases, qui sans se figer prends des formes particulières qui caractérisent les différents moments de l’œuvre.

Les Études transcendantales ont une tonalité différente, chambriste, presque mondaine. Neuf pièces, cycle dans le cycle, la soprano est accompagné par un effectif chaque fois différent. Chaque fois chaque instrument est très caractérisé et tient son rôle tout au long de la pièce, sauf peut-être dans la dernière, la plus développée des neuf. La voix aussi semble être chaque fois un personnage différent. Ici mieux qu’ailleurs on entend les jeux subtils d’échos, les différents intervenants se reprennent des notes et s’empruntent des figures.

Mnemosyne est encore tout autre chose. La bande est constituée de flutes basses préenregistrées qui forment de lents accords qui sont à la base de tout le cycle. C’est un milieu subaquatique, une temporalité distendue, dans lequel le soliste se meut lentement. Il erre dans sa propre prison jusqu’à s’effacer.


Dernière édition par lucien le Jeu 7 Juil 2016 - 16:40, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyJeu 7 Juil 2016 - 15:10

Brian Ferneyhough (1943) Bruege10

Les concertos de chambre (1988–97)

Après les Carceri d’invenzione vient une série de grands concertos de chambre. Ils sont indépendants, mais partagent plusieurs caractéristiques. Il s’agit de :

1. La Chute d’Icare (1988) pour clarinette et ensemble
2. Terrain (1992) pour violon et ensemble
3. Incipits (1996) pour alto et ensemble
4. Allgebrah (1996–97) pour hautbois et ensemble à cordes
Il y a encore Les Froissements d’ailes de Gabriel en 2003, pour guitare et ensemble, mais cette œuvre constitue la deuxième scène de Shadowtime, donc je considère qu’elle ne fait pas partie du même ensemble.

Si le cycle des Carceri témoignait encore d’une phase d’expérimentation dont il marquait l’aboutissement, ces quatre œuvres font partie d’une période de maturité plus sereine et maitrisée. La Chute d’Icare qui ouvre la série est d’ailleurs une des œuvres les plus célèbres et enregistrées de Ferneyhough. Dans ces concertos, le contraste entre le soliste et l’ensemble est particulièrement important, comme dans de très nombreuses œuvres contemporaines ou successives (même si elles ne sont pas ouvertement concertantes). Ici, l’exploitation formelle du matériau passe au second plan pour laisser place à une rhétorique quasi théâtrale, une sorte de figuralisme abstrait. Dans la Chute, dont j’ai déjà un peu parlé plus haut, le soliste (Icare) est absorbé par l’ensemble (le paysage). Dans Terrain, il se glisse entre des strates géologiques qui l’amplifient et s’entrechoquent. Incipits exacerbe l’esthétique de la rupture, puisque l’œuvre est constituée de débuts interrompus, toujours introduits par le soliste (ce procédé sera repris dans des œuvres ultérieures). Enfin, Allgebrah synthétise ces principes créateurs (opposition soliste-ensemble ; multiplicité de strates ; évènements qui s’effacent, se reprennent ou s’amplifient).
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyMar 27 Sep 2016 - 15:19

Quelques éléments d’esthétique

1. L’immanentisme, hérité du sérialisme et plus généralement du modernisme, puisque c’est le dénominateur commun de tout l’art moderne. L’œuvre est indépendante, n’obéit qu’à ses propres règles, la musique se définit elle-même, assure sa propre génèse et son propre devenir, et ne dit rien d’autre qu’elle-même. Elle n’est que mise en forme d’elle-même à partir de ses rapports internes. Le sens est loi formelle, et l’expression dérive du pouvoir d’impact de la contrainte. Ceci exclut toute relation référentielle au monde, à des idées politiques, comme à états émotionnels préexistants (une figure n’ayant de signification que contextuelle), et bien entendu toute référence à l’acoustique, tonale ou spectrale, ou à l’histoire qu’elle soit abordée positivement (à la Rihm) ou négativement (à la Lachenmann). Mais elle n’obéit pas non plus à des schémas ou logiques imposées du dehors, comme ce fut souvent le cas à Darmstadt.

2. Autre héritage de la tradition sérielle : la pensée paramétrique, à savoir l’objectivation des paramètres issus d’une différenciation historique et désormais compris comme immanents. Cependant elle se distingue du séralisme classique. D’une part parce qu’elle ne se limite pas aux paramètres classiques (hauteur, durée, timbre, dynamique) ; toute unité musicale peut constituer un paramètre. L’autre différence, c’est que la pensée sérielle tendait à décontextualiser les paramètres en leur donnant une mobilité totale et, dans le cas le plus canonique, en les ramenant à une seule identité, nécessairement extérieure. Chez Ferneyhough, les paramètres sont structurés selon leur nécessité propre et sélectionnés d’après des problématiques stylistiques. Les complexes paramétriques forment le matériau de l’œuvre.

3. De même que dans la musique tonale la subjectivité et l’expression sont davantage reconnues dans les écarts que dans l’application stricte du cadre tonal, la musique moderne et contemporaine ne devrait pas se limiter à l’application de systèmes linguistiques, même autoproduits et aussi personnels qu’il est possible. C’est pourquoi chez Ferneyhough, figure héroïque et radicale de la subjectivité, l’œuvre musicale résulte non pas du déroulement d’un matériau (fût-il complexe) mais davantage de la collision de forces matérielles entre elles et de la subjectivité contre elles. Le matériau lui-même est en continuelle transformation et le plus souvent sa forme primitive n’apparait pas telle quelle, retranchée de l’œuvre finale ne laissant que l’ombre d’une origine imaginaire toujours perdue.

4. La notion des perspectives multiples est très importante. C’est si l’on veut l’assimilation moderniste du principe postmoderne de pluralité et de non-vérité, pluralité qui est désormais interne et plus externe. On retrouve cette idée de perspectives multiples à plusieurs niveaux. Au niveau microstructural, chaque note est chargée de significations mobiles et multiples de par les diverses forces qui les traversent. En effet il convient de préciser que la complexité ne tient pas seulement à la quantité d’informations mais surtout à la multiplicité des relations qu’elles entretiennent. Ensuite, chaque état n’est que la forme momentanée de l’énergie résultante de forces multiples et variées qui apparaissent sous des aspects chaque fois différents. L’auditeur lui-même doit intégrer cette attitude, dans une écoute véritablement active, car il perçoit les évènements musicaux selon des angles et des distances changeant sans cesse. Il arrive même qu’à l’intérieur d’un cycle une œuvre en réinterprète une autre.

5. Le langage de Ferneyhough implique un dépassement total de la notion d’harmonie. C’est l’un des grands acquis de la musique moderne d’avoir fait éclater les frontières entre les composantes classiques de la musique, d’avoir mis au jour leur porosité. Mélodie et harmonie, harmonie et timbre d’abord, et bientôt tout un jeu de continuums en un immense champs de forces et tensions concurrentes. Quand une sonorité est construite sur un nombre relativement grand de hauteur individuelles, dit-il, on ne peut plus appliquer les règles qui conviennent aux accords de trois ou quatre notes. C’est pourquoi il travaille également sur des textures, des densités, et toutes sortes de choses qui dépassent la simple harmonie. Il parvient ainsi à créer des complexes sonores caractérisés proprement inouïs, et cela est d’autant plus remarquable qu’il le fait en recourrant à des “briques” relativement conventionnelles, sans “sortir de l’instrument” (de façon bruitiste par exemple).

6. Les œuvres de Ferneyhough tissent souvent des liens avec des œuvres ou idées extérieures, extra-musicales ou non. Gardons-nous cependant d’imaginer un rapport trop direct ; plutôt un rôle de suscitation. Il ne s’agit pas de reproduire dans le champ musical telle ou telle théorie par exemple, mais plutôt d’être ému par des problématiques visuelles (Piranèse, Brueghel, Matta, etc.), musicales (par exemple Purcell dans les Sonatas) ou philosophiques (particulièrement antiques et médiévales). Une sorte d’intériorisation de conflits spécifiques. Cette attitude débute la fin des années 60 (Epicycle et Firecycle Beta inspiré par Héraclite), et on la retrouve presque sans interruption jusqu’à aujourd’hui, même si beaucoup d’œuvres y échappent. En ce qui concerne l’emprunt à d’autres musiques, il n’est littéral (à ma connaissance) que dans deux brèves pièces : In nomine a 3 et O Lux.

7. Les œuvres de Ferneyhough font souvent apparaitre une dramaturgie. Le cas le plus simple et le plus rare est l’individualisation dramatique des instruments (Coloratura, 1966). Mais rapidement vont se développer des formes de représentation beaucoup plus complexes. Dans Transit (1972–75), par exemple, les solistes vocaux et instrumentaux représentent la figure humaine tandis que les groupes instrumentaux sont placés en cercles concentriques associés à des zones cosmiques à travers lesquelles l’humain (philosophe) va “transiter”. Avec les années 80 il me semble que les constructions deviennent plus modestes ; j’ai déjà parlé des concertos de chambre. Il y a enfin un cas particulier où l’efficacité de l’interprète face à un excès d’information est mise en scène de façon programmatique, les Time and Motion Studies, et dans une moindre mesure d’autres œuvres pour soliste.

8. Il est vrai que l’interprète est souvent dépassé un texte trop complexe et détaillé. Le compositeur a pourtant toujours insisté sur le fait qu’il n’attend pas des interprètes qu’ils exécutent exactement toutes les informations. On peut penser, naïvement peut-être, que la liberté de l’interprète est d’autant plus grande que les informations qu’on lui donne sont réduites. Ferneyhough fait le pari inverse. Plus on donne d’indications à un musicien, plus il devra les interpréter librement et faire sienne la partition, l’intérioriser et la restituer de façon expressive. Remarquons aussi encore une fois que le geste compositionnel suit l’idéosyncrasie de l’instrument (étudié au préalable) ; jamais il n’écrit contre ou en marge de l’instrument (contrairement à beaucoup de compositeurs, en particulier récents). De ce point de vue il est assez conservateur, dans la mesure où il ne cherche pas à employer des sons substantiellement inouïs.

9. Le surplus est également perceptif, du côté de l’auditeur. Dans une telle complexité polyphonique, l’oreille ne peut pas tout saisir de façon égale, consciemment et dans l’instantanéité. Ce fait, loin de l’appauvrir, rend la perception plus riche et plus active. L’auditeur est forcé de trouver son chemin. La complexité crée un genre d’écoute diagonale, c’est-à-dire que l’oreille ne perçoit pas toutes les voix en même temps avec un souci égal, mais “divague” entre les lignes, dirigeant son attention vers l’un ou l’autre objet qui la sollicite, le reste étant perçu de façon périphérique ou indirecte. Ce type d’écoute n’est pas propre à la musique de Ferneyhough (ou à celle d’autres compositeurs proches), mais elle a ici un statut de principe esthétique. La musique n’est alors jamais tout à fait épuisable, débordant toujours, et sa perception peut être sans cesse renouvelée sans que son sens cesse de l’excéder.

*

J’ai tenté d’être le plus clair possible, mais j’ai bien conscience que tout ceci est fort abstrait. J’ai mis beaucoup de temps à venir à Ferneyhough. Mon appréciation est passé par tous les stades et aujourd’hui c’est l’un des compositeurs que j’admire et qui m’émeut le plus. Je voudrais encore dire une chose. On imagine que l’inspiration, l’expression et la beauté n’ont pas de place dans de telles élaborations formelles. Pourtant, va-t-on dire que la musique de Mozart n’a pas le droit d’être expressive ou inspirée puisque qu’elle obéit en partie à de fortes contraintes linguistiques et structurelles ? Bien sûr que non. Parler d’expressivité exacerbée à propos de Ferneyhough est presque devenu un lieu commun, et ce n’est pas là une déclaration de posture ; j’en affirme autant pour l’inspiration et la beauté. Rappelons-nous aussi que le style est « le résultat des recherches de s’exprimer » (en français dans le texte), non une posture idéologique. Quant aux accusations d’opportunisme, elle ne peuvent être que désespérées, quand à peu près personne ne veut de sa musique si difficile à écrire, à jouer, à écouter et qui ne se satisfait jamais de ses acquis — les compositeurs pour qui le langage n’est pas un problème sont ceux qui se répètent le plus ; pour Ferneyhough au contraire une œuvre qui ne fait pas surgir davantage de problèmes qu’elle ne se propose d’en résoudre n’est pas satisfaisante —, et qu’il a fallu tant d’années pour qu’elle reçoive autre chose que de l’imcompréhension et des ricanements (auxquels elle doit toujours faire face). Ferneyhough est un compositeur qui a transcendé les apories contemporaines de la manière la plus radicale qui soit et cela dans la plus grande intégrité artistique.
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyJeu 27 Oct 2016 - 11:41

Ah la la, Lucien qui me répond, pour tenter de me moucher et de me prendre de haut, que :

lucien a écrit:
sur Ferneyhough, ça n’a à peu près rien à voir avec du sérialisme, donc c’est déjà mal parti.

et dont les deux premiers points de sa description de l'esthétique de Ferneyhough sont :

"1. L’immanentisme, hérité du sérialisme..."

et

"2. Autre héritage de la tradition sérielle..."

Enfin, ne vous inquiétez pas, j'ai bien compris que j'étais indésirable ici, mais quitte à être chassé, je préfère ne pas l'être sur une base de mauvaise foi...
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyJeu 27 Oct 2016 - 11:47

Personne n'a dit indésirable soit dit en passant.

Je ne suis d'accord sur rien ou presque avec Lucien ... mais est-ce un problème pour autant ? Bref monter sur ses grands chevaux ...

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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyJeu 27 Oct 2016 - 12:06

Je pense que Ferneyhough est successeur du sérialisme au sens du motif récurrent chez Boulez de tirer les conséquences réelles (il y a aussi cette métaphore incongrue du canard chez l’antiquaire, ou quelque chose d’apparenté) : critiquer, montrer les contradictions internes, c’est une bonne chose, mais pour dépasser, par pour revenir au point de départ. Conception relativement historique ou adornienne donc, ce qui est un parti pris. C’est le cas de Ferneyhough par rapport à la pensée sérielle... mais aussi d’une bonne part de l’œuvre de Xenakis par exemple. En bref Ferneyhough est de mon point de vue à peu près aussi sériel que Xenakis (ce qui veut tout et rien dire).

Voyons encore à ce sujet le grand Mahnkopf : Le complexisme, fidèle aux principes d’une écriture intégrale, structurelle, polyphonique et immanentiste est (nécessairement) une suite du sérialisme, mais il ne démontre pas que celui-ci se “survit” – il en représente une évolution au sens d’une avancée et d’une montée dialectiques, si tant est que la dialectique comme paradigme analytique puisse encore nous suffire aujourd’hui.
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyJeu 27 Oct 2016 - 12:19

Sacrées pirouettes rhétoriques.

Et Xenakis n'est pas un successeur du sérialisme au sens où pourrait l'être Ferneyhough, même si je conçois que Metastaseis et l'article de 1955 peuvent prêter à confusion.

Je n'ai aucun problème avec les désaccords. Par contre, j'en ai avec la condescendance et la mauvaise foi, et là, j'ai eu ma dose.
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyJeu 27 Oct 2016 - 12:30

Dr. Locrian a écrit:

Je n'ai aucun problème avec les désaccords. Par contre, j'en ai avec la condescendance

Ah ? Alors ça serait sympathique que vous ne la pratiquiez pas vous-même.

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Dr. Locrian
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyJeu 27 Oct 2016 - 12:34

Ne renversez pas les rôles. J'ai certainement été condescendant avec Ferneyhough, Barraqué et autres (qui, sauf erreur, ne fréquentent pas ce forum), mais pas avec Lucien (en tout cas pas avant qu'il le soit avec moi).
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lulu
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyJeu 27 Oct 2016 - 12:36

Je ne fais préciser mon opinion et mon message que tu as été rechercher dans un contexte différent.
Je laisserai à d’autres le soin de situer la condescendance et la mauvaise foi (et j’ajouterai, surtout si on prend en compte certains extérieurs, l’insulte).
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Dr. Locrian
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyJeu 27 Oct 2016 - 12:48

A ce niveau de mauvaise foi, ça laisse sans voix. Tu es un champion. Ne t'inquiète pas, tu vas pouvoir continuer à faire ton coq pseudo-savant.
Salut !
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nugava
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyVen 28 Oct 2016 - 0:18

Dr. Locrian a écrit:
A ce niveau de mauvaise foi, ça laisse sans voix. Tu es un champion. Ne t'inquiète pas, tu vas pouvoir continuer à faire ton coq pseudo-savant.
Salut !

Je me fous de Feyermachin, mais lucien a l'air vachement plus sympa que toi...
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyJeu 23 Fév 2017 - 13:34

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Premières œuvres (1963–69)

Je ne tiens pas particulièrement à m’éterniser sur Ferneyhough, compositeur qui d’ailleurs est loin d’être celui dont je me sens le plus proche, d’autant plus qu’il y a des choses plus importantes dont j’aimerais parler sur ce forum et que je retarde encore davantage, mais j’avais interrompu cette mini-série avec laquelle je présente très rapidement les différentes périodes/ensembles dans l’œuvre de Ferneyhough, alors que j’avais presque préparé l’épisode suivant. Je voulais parler des premières œuvres, celles des année 60, que j’avais consciencieusement réécoutées (c’était en septembre). L’esthétique de ces œuvres est assez différentes du Ferneyhough plus habituel ; sur le papier le signe le plus immédiat et superficiel en est que les partitions ne montre pas encore cette propension à noircir la page de quintuple-croches surchargées. En voici la liste (peut-être incomplète, et l’ordre est approximatif) :

1. Sonatina (1963) pour trois clarinette et basson ou clarinette basse
2. Four Miniatures (1964–65) pour flute et piano
3. Invention (1965) pour piano
4. Coloratura (1966) pour hautbois et piano
5. Epigrams (1966) pour piano
6. Sonata for Two Pianos (1966)
7. Three Pieces for Piano (1966–67)
8. Prometheus (1965/67) pour sextuor à vent
9. Sonatas for String Quartet (1965–67)
10. Epicycle (1968) pour vingt cordes
11. Missa Brevis (1969) pour douze voix
12. Funérailles (1969) pour harpe et sept cordes

On peut en fait encore les répartir en plusieurs groupes chronologiques, et voici ce que je propose.

1. La sonatine, écrite à vingt ans, dans un langage tout à fait néoclassique.

2. Des quatre miniatures aux trois pièces, six œuvres assez anecdotiques et largement dominées par le piano, Ferneyhough poursuivant là une tradition classique jusque Boulez et Stockhausen, à savoir que la recherche musicale se fait d’abord au piano. On peut y suivre Ferneyhough se familiariser avec le dodécaphonisme, quasi immédiatement à un sérialisme de facture classique, pour ensuite aboutir à un dépassement de ce dernier dans le groupe suivant. Le style est particulièrement épuré et aride.

3. Enfin, cinq œuvres plus importantes et écrites pour des effectifs plus développés : sextuor à vent et quatuor à cordes, puis chœur et ensemble de cordes. Ici, on assiste à la naissance de la personalité de Ferneyhough. Si Prometheus est encore très conforme au canon sériel de la décennie précédente, les Sonates pour quatuor à cordes sont pour moi le chef-d’œuvre de la période ; j’en ai brièvement parlé plus haut dans ce sujet. L’imaginaire du compositeur se constitue aussi avec Epicycle, référence à Héraclite qu’on retrouvera dans la période suivante ; comme Prometheus, ce titre contraste avec l’abstraction des œuvres précédentes.
Je dois préciser que si Funérailles doit pouvoir logiquement se rattacher à ce groupe, c’est une œuvre à part. En effet dans la forme connue elle a été réécrite — ou bien revue et réécrite — à deux reprises (1977 et 1980), les deux versions se confrontant dans une sorte de dialectique. Cette œuvre incarne ainsi le thème des perspectives multiples qui sera si important par la suite, et il est sans doute significatif que la période abordée ici s’achève sur cette place vide, première pierre de l’édifice.


Dernière édition par lucien le Sam 4 Mar 2017 - 13:02, édité 1 fois
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lulu
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyVen 24 Fév 2017 - 0:25

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La prétention analogique (1969–79)

Cette fois on parle de trois œuvres monumentales composées tout au long des années 70, en parallèle à un premier lot d’œuvres solistes (ce sera sans doute le prochain épisode) puis à Funérailles (voir plus haut).

1. Firecycle Beta (1969–71) pour deux pianos, deux ensembles et deux groupes de cordes
2. Transit (1972–75) pour sextuor vocal, trio instrumental et orchestre
3. La Terre est un homme (1976–79) pour grand orchestre

Firecycle Beta pourrait être rattaché à la période précédente, mais je trouve ça plus pertinent de présenter les choses comme ça. N’oublions pas que Ferneyhough avait déjà achevé Sieben Sterne et Cassandra’s Dream Song alors que Firecycle Beta était toujours en cours de composition. De plus, si l’œuvre présente certes plusieurs points communs avec des pièces plus anciennes, Epicycle et les Sonatas en particulier, l’écriture et surtout l’esthétique me semblent plus proches de ce qui suivra, donc de Transit et de La Terre est un Homme. Si le « beta » du titre vous intrigue, il faut savoir que le compositeur avait prévu trois parties, dont seule la seconde a été achevée.

Donc reprenons. Ces trois œuvres présentent plusieurs points communs :

1. Factuellement, leur dimension importante et leur longue gestation. Si Epicycle avait déjà vingt instruments, c’est avec ces trois œuvres que Ferneyhough se risque pour la première fois à l’orchestre. Les nomenclatures sont à l’image des œuvres, foisonnantes : dans Firecycle Beta ce sont deux pianos solistes, deux ensembles composites (formés entre autres d’instruments amplifiés) et deux orchestres à cordes, le tout dirigé par cinq chefs ; dans Transit, six voix amplifiées, un trio de bois solistes amplifiés et un orchestre (cuivres, deux harpes, guitare électrique, cimbalum, percussions, piano à quatre mains, clavecin amplifié, célesta et cordes !) ; à côté, le grand orchestre de La Terre est un homme parait plus classique, mais on y retrouve encore une fois les harpes, piano, clavecin, célesta, cimbalum, etc. Les durées sont également imposantes, avec plus de 40 minutes pour Transit, environ 25 pour Firecycle Beta et un plus modeste 13 pour La Terre est un homme.

2. Ces œuvres projettent des expériences compositionnelles préalables sur des échelles plus étendues. Comme parallèlement l’écriture de Ferneyhough devient de plus en plus lacérée, ramifiée et sinueuse, il en résulte une profusion instrumentale délirante — peut-être jamais égalée chez Ferneyhough —, une sorte de fourmillement cosmique dense et fiévreux. C’est un peu moins vrai pour Transit où les groupes sont très prononcés et l’orchestre (de toute façon plus réduit) comme un tout est finalement assez en retrait. Cela est d’ailleurs un autre trait commun. Dans Firecycle Beta et Transit surtout, mais aussi dans La Terre est un homme de façon plus souple, toutes sortes de formations se distinguent, se meuvent, se superposent ou se succèdent qui constituent des sortes de petites unités comme le sont les instruments dans une pièce de chambre. C’est une façon de faire qu’on trouvait déjà en partie dans Epicycle et dans la Missa Brevis.

3. Enfin, elles ont en commun leur ambition intellectuelle. Les deux premières ont une inspiration très clairement philosophique (Héraclite, la cosmographie médiévale), picturale dans le troisième cas mais avec des problématiques philosophiques là encore. Elles développent un genre d’imbrication entre la musique et d’autres disciplines (artistiques ou théoriques) par l’intégration de catégories musicales et culturelles en vertu d’un principe de projection analogique. C’est particulièrement net dans Transit qui met en place une véritable topologie orchestrale en groupes correspondant à la cosmographie et dont les interventions représentent la transformation des représentations de l’univers. Après ces trois œuvres, Ferneyhough prendra distance avec ce genre de dispositif : « ce n’est qu’en 1979/80 qu’il y eut un autre changement de perspective qui eut pour résultat de ramener consciemment mon champ de référence dans le domaine immanent à la musique. » L’intégration avec des domaines autres que musicaux ne disparait pas, mais elle devient plus indirecte et le compositeur se concentre sur la force expressive et conceptuelle du langage musical lui-même.

#coqsavant
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Dr. Locrian
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyVen 24 Fév 2017 - 10:50

lucien a écrit:

#coqsavant

Pitoyable.
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyVen 24 Fév 2017 - 11:30

merci pour ton intervention, tout juste au moment où tu commençais à nous manquer. Very Happy

mais je pense que tout le monde avait déjà compris que c’était un peu d’autodérision pour désamorcer.
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyVen 24 Fév 2017 - 13:25

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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyVen 24 Fév 2017 - 13:42

dommage que Locrian ait supprimé son dernier message, mais en attendant, je vous propose un petit contrechamp. Very Happy
EDIT. au temps pour moi, le message en question a été supprimé par l’administration ; soyons honnête, ce n’est pas une très grande perte.

Parallèlement, encouragée et suscitée notamment par le développement de la technologie dans les dix dernières années, une espèce de fidélité digne des romans de chevalerie, pour laquelle le progrès est un article de foi, persiste dans le dogmatisme sériel et structural. En les reprenant à l’identique ou en les renouvelant, ce dogmatisme continue de cultiver la vieille rigueur paramétrique et une logique organisant intégralement et aveuglément la syntaxe, comme l’unique vertu riche d’avenir pour la composition. Manifestement, cette pensée espère et escompte que sa tour d’ivoire, grâce à la fascination techniciste qu’elle suscite, finira par devenir une destination du tourisme artistique de la société.

Cette position musicale mérite assurément le respect, d’autant qu’elle se distingue nettement des tendances dont j’ai parlé précédemment en bloquant ou interdisant tout d’abord l’accès à l’ancien sujet éloquent au sens romantico-bourgeois. En générant et en régulant les structures, elle tente ainsi de rendre effectives des lois détachées de la subjectivité immédiate et de ses intentions.

Pour autant, une telle pensée ne me satisfait pas : en effet, à une époque où la technique elle-même est en train de se mettre de mille façons au service d’illusions régressives, cette subjectivité éloquente (au sens romantico-bourgeois), au lieu de monter en chaire en jouant sur l’expression et l’émotion, se laisse simplement installer à un poste secret de commandement, et elle est en somme aux manettes d’une console technique d’où elle peut définir et manipuler les règles pour toutes sortes de dessins et configurations sonores. En pilotant ainsi le phénomène musical, c’est en fait l’ancienne attitude d’esprit qu’elle fait valoir à nouveau, un esprit pour qui ce type de structuralisme joue à nouveau un rôle intéressant, fantastique, surréaliste, exotique, à l’occasion aussi agréablement décoratif. Voilà comment un structuralisme innocent et manifestement fort content de lui-même fleurit dans les cabinets de curiosités d’une société culturelle réactionnaire, qui a développé — et dans l’art tout particulièrement — des mécanismes hautement différenciés d’intégration, de défense et de refoulement, face à toutes les formes d’incertitude, et qui s’entend à manier ces mécanismes avec virtuosité. Indifférent aux pièges de la facilité, ce néostruturalisme imagine finalement, et de manière fatale, d’être aussi intact que cette société qui se ment à elle-même.


(Helmut Lachenmann, 1990, traduction Jean Lauxerois)

sunny
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptySam 25 Fév 2017 - 17:52

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Time & Motion (1970–77)

Comme je l’annonçais, il sera question ici d’un premier lot d’œuvres pour soliste : un premier essai pour orgue d’abord, puis deux pièces beaucoup plus célèbres pour flute seule, et le cycle des Time and Motion Studies, dont le troisième numéro (le plus ancien en fait) a la particularité d’être écrit pour chœur mais s’inscrit cependant pleinement dans la même démarche que les œuvres solistes à proprement parler. Ces pièces sont composées parallèlement aux trois œuvres monumentales que j’ai évoquées plus haut, et les contrebalancent en quelque sorte. En voici la liste :

1. Sieben Sterne (1970) pour orgue
2. Cassandra’s Dream Song (1970) pour flute
3. Time and Motion Study I (1971–77) pour clarinette basse
4. Time and Motion Study II (1973–76) pour violoncelle amplifié et électronique en temps réel
5. Time and Motion Study III (1974) pour 16 voix, percussion et électronique en temps réel
6. Unity Capsule (1973–76) pour flute

Ces pièces emblématiques (la première exceptée sans doute) sont l’occasion d’aborder des problématiques spécifiques qui, même si elles innervent tout l’œuvre de Ferneyhough, sont ici et bien plus qu’ailleurs centrales. Notons également qu’elles ont été créées entre 1974 et 1977, période qui correspond exactement aux débuts publics de Ferneyhough, et qu’elles ont donc contribué considérablement à façonner l’image du compositeur.

Grossièrement, la caractéristique principale de ces œuvres est leur caractère dramatique, autrement dit qu’elles sont autant, sinon davantage, des performances (au sens anglais du terme) que des pièces de musique pure ; avec la particularité notable que la dimension dramatique n’est ni superposée ni première mais nait de l’œuvre musicale elle-même. Cette spécificité se met en place progressivement : quasi absente dans Sieben Sterne, déjà davantage dans Cassandra’s Dream Song, elle est pleinement aboutie avec le cycle Time and Motion et encore dans Unity Capsule.

1. Une chose rare me semble-t-il chez Ferneyhough qu’on trouve principalement dans Sieben Sterne et Cassandra : l’œuvre (très relativement) ouverte. En particulier on a une alternance de passages rigoureusement déterminés et d’autres dont l’ordre et la réalisation sont partiellement libres, ceci dans le but de susciter des situations d’interprétation de nature différente selon les choix opérés et la personnalité de l’interprète.

2. À partir des Time and Motion Studies surtout, une redéfinition de la notion d’interprétation. Une time and motion study est un dispositif visant à mesurer dans une entreprise l’efficacité d’une tâche de production, ici l’interprète face à un texte musical complexe et stratifié. Ce dispositif aliénant vise paradoxalement à révéler « une dimension d’expression potentielle enfouie dans l’attitude de l’exécutant face au texte musical ». L’interprète est contraint de réaliser personnellement ce texte, c’est-à-dire non pas de le simplifier, mais, sensibilisé par ses multiples strates, à le réaliser d’une manière qui soit suggérée par l’œuvre elle-même — et non par un savoir académique hérité comme dans le répertoire classique — et qui rende compte des difficultés et tensions mentales impliquées par l’exécution.

3. Si Time and Motion Study I ressemble encore à un Cassandra pour clarinette basse — et c’est une pièce très amusante (beaucoup plus immédiate que les autres), qui part d’un ostinato de deux notes —, grâce à l’électronique s’ajoute dans les deux autres pièces une nouvelle dimension (plus développée dans II que dans III), des mécanismes de feedback. L’interprète est alors non seulement confronté à un texte qui le dépasse, mais se trouve tout autant emparé par ses propres souvenirs auxquels il doit réagir.

4. Dans le cas particulier d’Unity Capsule, le compositeur va plus loin en dépassant volontairement ce qui est jouable. Ferneyhough veut éviter que l’interprète ait une réflexion trop en avance sur l’exécution pour garder un état continuel de « surprise d’exécution ». Ceci est vrai également pour les autres pièces. J’ai alors fait un constat intéressant. L’expérience de l’auditeur submergé par les œuvres dont j’ai parlé la fois précédente, comparable à celle de l’observateur qui regardant vers le ciel s’efforce de saisir par la vue la pluie à la fois comme un amas total et comme une pluralité de goutes individuelles en mouvement, se trouve davantage du côté de l’interprète. « La pièce ressemble à une image futuriste, celle du passage à grande vitesse d’un train rapide tandis que l’exécutant est inéluctablement enchevêtré dans une broussaille de détails. »

5. À partir de Cassandra’s Dream Song, les pièces utilisent une part importante de sons non conventionnels et bruitistes. Dans Time and Motion Study III la parenté (superficielle !) avec les œuvres pour chœur de Schnebel est patente. Pour la flute, Ferneyhough profite de sa propre expérience de flutiste. J’aime bien l’image de Barrett ; alors que dans Cassandra les sons autres, percussifs surtout ici, semblent encore enrichir la palette, avec Unity Capsule ils servent « à réduire plus qu’à accroitre le son familier de la flute : les complexités de la musique tiennent lieu pour ainsi dire de négatifs, de profils sculptés dans le timbre plein, lyrique que l’on attend habituellement de cet instrument. » Cet aspect est aussi très remarquable dans Time and Motion Study II, où tout le début de la pièce est presque entièrement bruitiste.

6. Par ailleurs, l’écriture se heurte aux limites physiques des instruments et produit des sons indésirables, souvent imprévisibles, qui étant donné la vitesse d’exécution prennent fréquemment le dessus sur la musique écrite. Ceci est accentué par une technique d’écriture, maintefois imitée (et systématisée) depuis, qui consiste à isoler plusieurs niveaux d’activité — par exemple pour la flute : embouchure, doigtés, dynamiques, voix (la voix elle-même est subdivisée dans la pièce chorale), etc. — (poly)rythmés séparément, ce qui produit inévitablement des impuretés. La pièce qui va le plus loin de ce point de vue est Time and Motion Study ou les deux mains du violoncelliste sont écrites sur des portées différentes qui se subdivisent parfois davantage et à quoi s’ajoutent encore la voix et deux pédales. Ainsi, outre que le produit est parfois très bruitiste, la partition note davantage une action qu’un résultat attendu. C’est très intéressant, parce je pense qu’ici Ferneyhough et Lachenmann, pourtant si opposés, se rejoignent comme si leur point limite coïncidait.

*

Je suis désolé d’avoir été aussi long, d’autant plus que ce n’était pas prévu ni voulu ; je me dois de préciser que je me suis beaucoup servi d’un entretien avec Albèra paru dans la revue Contrechamps. En fait, ces œuvres où la virtuosité techniciste est la plus centrale sont a priori ce qui m’intéresse le moins chez Ferneyhough. Cependant, après m’être familiarisé avec d’autres pans de son œuvre, je commence à les approcher et à apprécier peu à peu leurs beautés propres, que je n’ai pas décrites ici. De ce point de vue, les pièces qui me semblent les plus accessibles sont Cassandra’s Dream Song et Time and Motion Study I, par ailleurs les plus courtes. Avec le risque de céder à la fascination bourgeoise de la technique et pour l’exotisme de ces croches qui pendent à leur fil comme les caractères indiens pendent aux lignes courant sur la page...
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyVen 3 Mar 2017 - 18:04

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Nouvelles œuvres pour grands ensembles (2006–15?)

J’ai choisi de regrouper six œuvres sous ce titre. Il est possible cependant premièrement que la liste doive être poursuivie d’ici quelques mois, d’autre part que la quatrième puisse y être retranchée — néanmoins malgré son effectif plus réduit il me semble qu’elle appartient au même mouvement. Après Shadowtime (1999–2004), voici donc un groupe d’œuvres pour ensemble ou plus souvent grand ensemble écrites ces dix dernières années. Il s’agit pour la plupart de commissions pour des festivals, avec quatre fois Donaueschingen, et il y a bien un côté « œuvre de commande » (presque le Ferneyhough de l’année). Leur « régularité » voire leur classicisme n’en fait pas pour autant des œuvres négligeables, bien au contraire, puisque Ferneyhough y démontre une très grande maitrise d’écriture et d’expression. Les durées varient autour de 15 à 25 minutes.

1. Plötzlichkeit (2006) pour orchestre et trois voix
2. Chronos-Aion (2008) pour grand ensemble
3. Finis Terrae (2012) pour six voix et grand ensemble
4. Liber Scintillarum (2012) pour six instruments
5. Inconjunctions (2014) pour grand ensemble
6. Contraccolpi (2015) pour ensemble

Ferneyhough a bien évolué depuis les années 80 ou 90. Oh, on sent bien que c’est toujours le même compositeur, celui qui a imaginé les Carceri ou Terrain, mais si j’ai rassemblé ces œuvres c’est parce qu’elles présentent une allure nouvelle chez Ferneyhough. Rassurez-vous, le langage est toujours aussi riche. On retrouve une microtonalité très développée, avec à la fois des quarts de ton tempérés et des inflexions microtonales, chose qu’il fait depuis 1970 au moins. On n’est pas non plus dépaysé par la complexité rythmique, quoique les choses se présentent de façon un peu différente, mais n’entrons pas dans les détails techniques. Mais il y a au moins deux choses fondamentales qui évoluent. La première est une attention renouvelée à verticalité. Les instruments jouent et sonnent fréquemment ensemble, avec un véritable souci harmonico-timbral. Dans Plötzlichkeit l’orchestre plutôt bien fourni est même, tenez-vous bien, regroupé en un nombre réduit de pupitres. C’est fait avec un sens de la progression et du développement, ce qui par contre n’est pas nouveau. À côté de ça, même les passages à dominance polyphonique me semblent écrits avec une attention beaucoup plus grande à la dimension verticale qu’avant, et la virtuosité polyrythmique produit non pas une impression de solos superposés mais un authentique contrepoint qui donne tout leur sens aux références renaissantes de Ferneyhough — ces œuvres sont d’ailleurs écrites en parallèle à un « cycle » Christopher Tye —, qu’on croirait presque entendre telles quelles. Si on ajoute que les voix sont elle-mêmes superbes d’un point de vue mélodique — il me semble parfois que n’importe quel petit fragment qu’on isolerait d’une ligne est un bijou —, c’est assez fabuleux.

L’autre élément, et les deux sont liés bien entendu, c’est la maitrise instrumentale que Ferneyhough a développé depuis des décennies. Au-delà de la technique — je me souviens d’un interview récent où il dit quelque chose comme « si en tant que compositeur vous ne pouvez pas dire essaie avec ce doigté, vous n’avez pas fait votre travail » —, l’instrumentation est particulièrement remarquable et, chose assez nouvelle, elle semble être poursuivie en partie pour elle-même. On a des fusions de timbres et des superpositions de textures inouïes. Textures huileuses et granuleuses, mélanges savants de couleurs pastelles et criardes, j’imagine parfois des liquides visqueux fluorescents en ébulition ou des paysages irréels, sous-bois lunaires ou déserts irisés... Les instruments, très classiques du reste, sont souvent utilisés de manière un peu similaire, par exemple les cordes en multiples glissandi. Les percussions ont un rôle anormalement important dans plusieurs de ces pièces, et les voix s’invitent dans deux d’entre elles (« non solistes » dans Finis Terrae et carrément fondues dans l’orchestre pour Plötzlichkeit). Comme je l’ai déjà dit, ces œuvres se rapprochent d’une forme de classicisme. Plutôt qu’une suite d’implosions et d’explosions paradoxales, on se promène plus calmement d’une vision picturale à l’autre... Du point de vue conceptuel, les problématiques ont l’air de tourner autour des déroulements temporels et des contrastes matériels.

Pour commencer peut-être, à écouter sur youtube : Inconjunctions.
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Mandryka
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptySam 4 Mar 2017 - 8:09

Vos idées sont intéressantes et inspirantes, et grâce à vous j'écoute pas mal de nouvelles choses dans Plotzlichkeit et Inconjunctions. Merci.

(C'est ironique que la meilleure discussion de Ferneyhough sur internet est soit en Français!)
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyVen 12 Mai 2017 - 18:05

Brian Ferneyhough (1943) Tye210

Umbrations (2001–17)

Comme je le disais dans l’épisode précédent, Ferneyhough s’est consacré ces dernières années à un cycle Christopher Tye, un compositeur de la Renaissance anglaise. Cette entreprise part d’un projet lancé par l’ensemble recherche : The Witten In Nomine Broken Consort Book. À partir de la fin des années 90, l’ensemble a lancé une série de commandes d’« in nomine », un genre de fantaisie très répandu en Angleterre aux XVIe et XVIIe siècle et dont la particularité est d’utiliser un cantus firmus issu d’un messe de Taverner. 14 pièces ont été créées à Witten en 1999 et le projet s’est amplifié ensuite ; en 2004 Kairos a publié un double album — je le conseille vivement — avec 42 pièces de dimensions variables (moins d’une minute à plus de dix, de un à huit instruments) utilisant de manières diverses le matériau, de l’arrangement à la symbolique impénétrable. L’In Nomine a 3 de Ferneyhough date de 2001 et prend pour point de départ un In nomine de Christopher Tye (on en a conservé une vingtaine du même compositeur). Mais il ne s’est pas arrêté là puisqu’il a constitué d’année en année, au fil des circonstances, tout un cycle Christopher Tye. Pas vraiment un cycle à vrai dire, mais davantage un rassemblement de pièces variées, un recueil ou, si j’ose dire, un Broken Consort Book à lui tout seul. Au total presqu’une heure de musique, créée à Witten le 5 mai par le Quatuor Arditti et l’Ensemble Modern (12 instruments), puis rejoué à Frankfurt le 8, et on attend les créations française et anglaise en octobre et novembre à l’occasion des festivals d’Automne à Paris et d’Huddersfield. Il semble qu’un enregistrement studio soit prévu dans le courant de l’année. En attendant, j’ai quelques incertitudes (pas sûr que l’ordre soit fixe, voire complet) et n’ai pas tous les titres ; voici néanmoins la liste telle que l’œuvre a été jouée à Witten, que je complèterai dès que possible :

1. In Nomine a 3 (2001) pour piccolo, hautbois et clarinette
2. Dum Transisset I : Reliquary (2006) pour quatuor à cordes
3. Dum Transisset II : Totentanz (2006) pour quatuor à cordes
4. Lawdes Deo pour piano et percussion
5. In Nomine (2016–17) pour violoncelle seul
6. O Lux (2005) pour dix instruments
7. Christus Resurgens pour quintette à cordes
8. In Nomine a 5 pour quintette à vent
9. Dum Transisset III : Shadows (2006) pour quatuor à cordes
10. Dum Transisset IV : Contrafacta (2006) pour quatuor à cordes
11. In Nomine a 12 pour ensemble

Toutes ces pièces sont basées sur la musique pour consort de violes de Christopher Tye, mais pas toujours des In nomine. L’utilisation du matériau est très variable, si bien que si dans certaines pièces la référence est franchement cryptique, dans d’autres il est très audible et on fait alors l’expérience étrange du mélange des langages. Ainsi dans l’In Nomine a 3, la clarinette joue le début du cantus firmus sans l’altérer puis les trois instruments poursuivent dans un style plus habituel à Ferneyhough tout en en gardant quelque chose si je puis dire. Dans O Lux, un thème qui se répète soutient l’ensemble en passant d’un instrument à l’autre. C’est encore plus net dans deux des nouvelles pièces : dans la pièce pour piano et cloches à vache on a un genre d’écriture polymodale qui rappelle Finnissy, et dans la pièce pour ensemble les steeldrums assistées par le piano jouent quelque chose de très consonnant tandis que le reste de l’ensemble se contente la plupart du temps d’accompagner la mélodie par des applats verticaux. Deux très jolies pièces, je les écoute presque en boucle depuis deux jours. Smile Bon sinon, qu’est-ce qu’on a... ? Les Dum Transisset, qu’on connaissait déjà, basés sur les quatre mises en musique de Tye ; un très beau quintette à vent ; un quintette à cordes avec contrebasse d’après Christus resurgens ; et à peu près au milieu un long solo pour violoncelle, la plus longue pièce du cycle.

http://konzertplayer.wdr3.de/klassische-musik/konzert/wdr-3-konzert-05052017/


Dernière édition par lulu le Dim 21 Jan 2018 - 18:56, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyVen 12 Mai 2017 - 22:35

Est-ce que vous connaissez la date de Christus Resurgens? Je l'aime bien ainsi que le morçeau pour violoncelle, en faite je pense que la deuxième moitié est vraiment splendide


Dernière édition par Mandryka le Ven 12 Mai 2017 - 23:20, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Brian Ferneyhough (1943)   Brian Ferneyhough (1943) EmptyVen 12 Mai 2017 - 22:57

J’ai déduit la date de l’In Nomine pour violoncelle solo d’un interview où il dit qu’il est en train de travailler dessus, mais pour le Christus Resurgens je l’ignore malheureusement. Mon intuition c’est que toutes les pièces (hors In Nomine de 2001, O Lux et Dum Transisset) doivent dater de 2016 et 2017, ou pas loin, mais c’est seulement une hypothèse. En tout cas, je n’ai rien dit de particulier sur le solo car je ne l’ai pas encore beaucoup écouté, mais très belle pièce en effet ! Very Happy
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