Très beau DVD, que je conseille vivement aux amateurs de Britten et même à tout le monde !
Musicalement c'est irréprochable : tous les rôles sont très bien tenus et l'orchestre est bien présent, il ne devient jamais toile de fond. Pourtant, c'est assez étrange, on dirait que la captation a été faite en re-recording. Il n'y a pas de play-back, c'est certain, mais on ne voit jamais la fosse et il y a certains montages entre les scènes qui prouvent que ça ne peut pas être du live. Étrange, mais on n'entend aucune couture.
Sinon, la mise en scène est vraiment très réussie, j'en ai rarement vu si bien transcrire l'ambiguïté d'un livret, et même la renforcer. Ici, pas de lecture univoque, mais pas non plus de littéralité facile censée peindre un livret dans son entièreté. On est dans l'interprétation intelligente, qui ne fait que sous-entendre et ouvre toujours plusieurs pistes.
La direction d'acteurs de Lawless et Clarke en est le gros point fort. Il y a comme quelque chose de rituel dans la façon dont les personnages entrent et se déplacent, cela s'accorde tout à fait avec la musique qui semble étirer le temps, et le livret aux scènes nombreuses et souvent similaires. Le personnage "multifacettes" (voyageur, maître d'hôtel, gondolier) prend ici une place très importante. Dans ce climat d'étrangeté, les jeunes garçons, très présents, sont traités avec énormément de sensualité, d'érotisme, c'est vraiment bluffant.
Visuellement, c'est assez travaillé mais je crois que ça a un peu vieilli. Ce n'est pas l'esthétique qui me parle le plus, mais on ne peut pas dire que ce soit négligé.
Et puis Robert Tear, dans le rôle d'Aschenbach, en plus d'avoir une voix magnifique et toujours parfaitement en place, a un jeu d'une grande justesse. On croit pouvoir lire sur son visage tous les troubles et en même temps les certitudes de son personnage. Seule sa mort est un tout petit peu décevante.
Alan Opie est assez bon dans son personnage multiple, surtout d'un point de vue scénique. Il faut dire que le(s) rôle(s) semble(nt) très difficile vocalement, on passe du très grave au très aigu, en falsetto, c'est peut être ce qu'il maîtrise le moins.
A voir donc, vous l'aurez compris, pour sa mise en scène assez exemplaire, on ne peut pas y rester insensible (le plus souvent indécis, mal à l'aise, mais c'est volontaire et très bien rendu).