Berg - Musique de Chambre

Un sujet où l'on pourra parler de versions discographiques d'oeuvres comme le Concerto de Chambre, le Quatuor à Cordes op.3 ou la Suite Lyrique.

Je commence avec la dernière version Boulez du Concerto de Chambre parue chez Decca en 2008 avec Mitsuko Uchida au piano.


Boulez remet le couvert pour la 3ème fois (les deux anciennes versions sont disponibles chez Sony et DG).

On est d'emblée soufflé par la beauté plastique de l'ensemble.
Les timbres sont absolument merveilleux.
Une approche hedoniste et esthétisée, qui peut faire penser à ce que Boulez a accompli dans sa dernière version DG du Pierrot Lunaire avec Schafer au chant.

Le tempo est moins vif que dans les version précédentes, ce qui permet de suivre avec plus d'aisance les méandres entortillées de cette musique complexe et ce, d'autant plus que la prise de son ahurissante détaille le moindre entrelac sonore avec une clarté absolue.

Ca n'est jamais bousculé, ça respire avec un naturel confondant.
A cet égard, le 2ème mouvement n'a jamais été aussi lyrique.

Quelle gageure de parvenir à aerer et à clarifier une musique aussi dense et etouffante!!!
Un vrai régal pour les oreilles!

Dores et déjà ma version préférée de l'oeuvre (et pourtant Dieu sait si j'ai usé jusqu'a la corde la précédente version DG de Boulez).

Une lecture qui pourra (je pense) convaincre tout ceux qui ont été jusque là rebutés par la rhétorique un peu byzantine de l'oeuvre.

Génial.

arnaud bellemontagne a écrit:

Une lecture qui pourra (je pense) convaincre tout ceux qui ont été jusque là rebutés par la rhétorique un peu byzantine de l'oeuvre.

Tout à fait. Tout est plus limpide, plus beau, plus lyrique que dans les autres versions. Quelque temps avant cette publication, les mêmes l'ont donné en concert à Pleyel (même programme avec le Mozart) et ce fut un grand moment à jamais gravé ! Je me disais que ce concert était la raison pour laquelle je préférais encore cette version au disque DG, mais ton commentaire me conforte dans mon impression que ce disque Decca est un must.

Ah oui cette version est vraiment une perle.
La porte d'entrée idéale pour appréhender cette oeuvre profusive et géniale.

Les versions de ce chef d'oeuvre qu'est le Concerto de Chambre semblent rares.Voila qui est bien étrange, eu egard au renom de son auteur et à la qualité de l'oeuvre
En me baladant sur Amazon, j'ai vu qu'il existait une version dirigée par Abbado avec Isaac Stern au violon et Peter Serkin(le fils de Rudolf) au piano.

Quelqu'un en sait plus ?

Spoiler:

Il existe un transcription par Berg lui-même du mouvement lent du concerto de chambre pour violon, clarinette et piano.
Nous l'avons montée en concert en janvier dernier (Ensemble Des Equilibres, à la Cité de la Musique - Bastide de Magalonne - MARSEILLE) et c'est magnifique. Le mouvement seul fonctionne à merveille.

Je n'en doute pas un seul instant.
Merci pour ce temoignage.

Dans L'encyclopédie de la musique des éditions Fasquelle de 1958, un certain P.B. écrit : « Sur le plan de l'écriture purement instrumentale, la Suite lyrique est un des plus grands chefs d'œuvre qui soient; jamais les sonorités d'un quatuor à corde n'avaient été encore aussi génialement exploitées [...]».

Et certes cette œuvre, analysée dans un autre sujet de ce Forum, est captivante.

Aussi, serais-je intéressé de recueillir des avis sur cette appréciation enthousiaste ainsi que des conseils discographiques, ne connaissant que l'enregistrement de 1987 par le Quatuor Lasalle pour Deutsche Grammophon.

Et j'y pense, quelqu'un ici aurai-t-il lu le roman éponyme de Guy Scarpetta (Grasset 1992) ? Il se développe, d'après ce que j'ai lu, selon une structure analogue à celle de l'œuvre musicale, qui s'y trouve également glosée, c'est peut-être intéressant ?

Je trouve le commentaire que tu cites très exagéré. Mais c'est un chef d'oeuvre oui, ça c'est vrai.

Certes, ce Monsieur Boulez ;-) – je n'avais pas vu tout de suite que c'était lui – est un peu juge et partie en la matière...

Quelques idées discographiques ?

Beh le Quatuor Lasalle (assez spécialiste de cette période) a fait un coffret chez Brillant pour 3 cacahuètes, regroupant les oeuvres des 3 viennois pour quatuor. Ca me semble une excellente affaire, mais je n'ai jamais regardé ailleurs  

C'est bien la version que je pratique, sur le coffret «Neue wiener Schule», mais l'œuvre me plaît tant que j'aimerais en écouter d'autres interprétations.

J'ai une espèce de prévention contre le Kronos Quartet (peut-être injuste, sorte de réflexe anti "snob-à-la-page"), mais il y a l'Artemis Quartet que je ne connais pas, et aussi les Alban-Berg, themself, si j'ose dire ??

Je ne connais des Artémis que leurs Beethoven, c'est très sage, alors je n'ose imaginer dans Berg…  

Oui alors... je vais peut-être pas aller de ce côté là (Artémis).
Vais tâcher d'écouter la version du Alban-Berg Quartet. La ou les d'ailleurs, faut que je regarde.
Quoique je les ai hier trouvés un peu trop riches dans Beethoven justement, leur Große Fugue, un peu trop "grôsse" à mon goût.

Ce qu'écrivant je ré-écoute la version du Quatuor LaSalle qui est décidément captivante.

La 2nde Ecole de Vienne des LaSalle est excellente, pour écouter une autre version je privilégierais les Juilliard I (Mann / Koff / Hillyer / Winograd), tout ce qui a été enregistré par ce quatuor à ses débuts est formidable. Très lisible, tranchant, expressif, tout y est.

Et puis il faut écouter la version vocale du dernier mouvement, enregistrée par C.Schäfer et le Petersen Quartett.

Il y a une version chantée sur le disque du Kronos Quartet, par la soprano Dawn Upshaw. Mais ça ne m'a pas aidé à aimer cette interprétation.
Je serais d'autant plus intéressé d'entendre Caroline Schäfer et le Petersen Quartet. Et puis pour moi qui doit apprendre l'allemand... quoi de mieux que Baudelaire !

Ceci étant dit, je ne suis pas bien sûr que le chant ajoute beaucoup à la sombre plainte des cordes qui ferme cette suite. Disons que ça forme une autre œuvre.

Cette histoire m'intrigue d'ailleurs, voici ce qu'on trouve sur wikipedia :

«La découverte d'une partition annotée par Berg a montré que le 6e mouvement contenait une ligne vocale distribuée entre les quatre instruments. Elle suit un poème de Baudelaire ("De profundis clamavi" traduit par Stefan George) et elle peut donc être chantée.»

Avec un renvoi au Guide de la musique de chambre, de Tranchefort. Je vais tâcher de trouver plus d'information sur cette alternative que Berg a voulu (ou n'a pas vraiment voulu ?) donner à sa suite lyrique. Ce n'était peut-être qu'une inspiration de travail ? Mais je n'ai guère d'éléments qui me garantissent de la vaine spéculation.

En tout cas, depuis la découverte, on la joue systématiquement avec soliste.

La première fois que j'ai vu ça programmé, je me suis dit qu'il fallait que je me déplace, que ce serait unique, peut-être même pas documenté... mais c'est devenu la norme.

Ah bon ? Je l'ignorais.

En tout cas il semble que je ne sois pas le seul à être réservé et à émettre l'hypothèse que Berg aurait utilisé le sonnet traduit par Stefan George comme une sorte de filigrane.
Voici ce qu'en disait le critique musical du Guardian :

«Die Geheime Gestimme is the title given here to the last movement of Berg's Lyric Suite, whose suppressed text, a setting of George's translation of Baudelaire's poem De Profundis Clamavi, was only discovered half a century after the composer's death. It is debatable whether the composer ever envisaged its being sung in a performance of the quartet, or whether its inclusion in one copy of the score was just another strand in the web of allusions that ramify through his works.» (<http://www.guardian.co.uk/music/2008/aug/22/classicalreview.schoenberg>)

Pour une pièce aussi truffée d'allusions et de codes que celle-ci, l'hypothèse d'un texte caché peu se défendre. Je n'ai rien appris de plus sur la notice wikipedia anglaise, sauf qu'il semble y avoir un article consacré à la question :

Green, Douglass (1977). "Berg's De Profundis: The Finale of the Lyric Suite". International Alban Berg Society Newsletter, no. 5 (June)

Et celui-ci : Perle, George (1977). "The Secret Program of the Lyric Suite", que je viens de lire en diagonale sur Google Books. Il ressort clairement de cette lecture que Berg a bien utilisé ce texte, mais comme "sous-texte" à la musique, et probablement pas pour transformer le sixième mouvement en un Lied.

Voir ici : <http://books.google.ch/books?id=sTWstz_E4b0C&pg=PA75&lpg=PA75&dq=International+Alban+Berg+Society+Newsletter,+no.+5+(June)&source=bl&ots=WPcUXxsV6y&sig=oSJzNt0LumZjYd0rV3h67wDxauU&hl=fr&sa=X&ei=2OHhUayZCovZPaa-gMgN&ved=0CEUQ6AEwAw#v=onepage&q=International%20Alban%20Berg%20Society%20Newsletter%2C%20no.%205%20(June)&f=false> à la page 78.

(je ne sais pas si ce lien effrayant mène bien où il doit...)

Guillaume Colnot a écrit:

Ah bon ? Je l'ignorais.

En tout cas, toutes les dernières parutions discographiques, tous les derniers concerts que j'ai vus où cette oeuvre étaient programmée contenaient la partie de soprano. Je suppose que ça rend plus attractif, que ça ouvre à un public différent - déjà qu'il n'y a pas grand monde pour du lied ou du quatuor, alors du quatuor atonal difficile...

Moi non plus je ne suis pas très convaincu par le fait que Berg ait prévu des doublures, ce n'était pas précisément son genre. Alors que le cryptique paraît tout ce qu'il y a de plus naturel, en particulier dans cette oeuvre.

Mais ça change - comme je n'aime pas la Suite Lyrique, ça me facilite la digestion.

Disques en Lice exceptionnel consacré au génial Kammerkonzert de Berg

http://www.rts.ch/espace-2/programmes/disques-en-lice/

Voila une oeuvre qui pourrait t'interesser, Lucien.

Mais j'imagine que tu connais déjà.

Disques en lice consacré à la Suite Lyrique:
http://www.rts.ch/play/radio/disques-en-lice/audio/alban-berg--suite-lyrique-pour-quatuor-a-cordes?id=8060651