Suite à la question de Dave dans un fil HS, j'ouvre ceci. En rubrique générale parce que ça a des liens étroits avec les formes lyriques occidentales, mais si vous jugez que c'est plus adéquat dans "autres styles", à la bonne heure.
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1. De l'opéra ? Je commence peut-être par m'expliquer sur le mot d'opéra.
A l'exception du théâtre occidental à partir du XVIe siècle, tous les théâtres du monde sont mêlés de musique, à cause de l'origine du genre - la représentation de scènes religieuses.
L'opéra est donc la règle (même si tout n'est pas forcément chanté bien sûr), et le "théâtre" l'exception.
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2. Le genreLe Kunqu (prononcez "kounchou") est le nom donné au genre d'opéra traditionnel de Pékin. Chaque province chinoise a son théâtre musical propre, avec ses codes, son instrumentarium, etc. L'autre très célèbre, celui du Sichuan, fait la part belle par exemple aux percussions (utilisées en salves répétitives, avec un son à la façon d'ergots qu'on tourne, un peu comme les woodblocks chez Mantovani
) et au hautbois local (suona).
L'opéra chinois provient en réalité du théâtre liturgique indien. Comme en Occident, les sujets se fondent sur histoire ou légendes, et les opéras peuvent être très longs, mais son plutôt joués coupés. Avec une musique réécrite au fil des siècles comme à l'époque de la tragédie lyrique : on peut trouver un livret du XIVe et une musique du XVIIIe par exemple.
Comme la transmission de cette musique est essentiellement orale, l'évolution s'est produite doucement, sans les ruptures et audaces de la musique occidentale. Ici, on demeure vraiment dans le domaine du théâtre : la musique est un complément (comme l'opéra des origines).
Comment cela fonctionne-t-il ? Une douzaine à une vingtaine d'instrumentistes, menés par un musicien. La langue à ton limite les possibilités mélodiques (il faut absolument respecter certaines inflexions sous peine de changer le sens des mots) et le nombre de rythmes est limité, si bien qu'on peut improviser à partir du canevas assez rudimentaire.
A noter aussi : cette musique n'utilise pas de modulations, d'où un sentiment de lassitude qui peut naître avec l'instrumentarium assez strident et l'absence de renouvellement des couleurs.
Lorsqu'on parcourt les livrets, en revanche, la variété et la qualité d'inspiration (des drames bouddhiques pédagogiques aux récits guerriers impitoyables en passant par les romances touchantes) sont clairement au rendez-vous.
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3. DocumentationComme il est difficile de trouver des renseignements, et lorsqu'on en a, de fiables (beaucoup d'ethnologie européocentrée à la petite semaine), je vous indique le fruit de quelques recherches rudimentaires de mon côté en furetant dans les bibliothèques universitaires (dans lesquelles il n'y a pas que du solide, loin s'en faut...
) :
http://operacritiques.free.fr/css/index.php?Kunqu-theatre-chante-chinois , avec un essai de rapprochement avec l'opéra occidental, pour mieux situer. Mais c'était en réalité une erreur, il aurait fallu prendre un genre précis pour être bien pertinent (tragédie lyrique ou opera seria par exemple).
Je vous recommande particulièrement les interventions de
Morloch qui a pu s'infiltrer sur place dans une troupe d'amateurs confirmés, ce qui donne des renseignement pratiques que les livres peinent à fournir (déjà que pour la musique occidentale, c'est généralement peu précis et peu clair...).
Je pense que j'ai aussi indiqué une bibliographie dans le dernier article de la série de présentation.
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A présent, je vais répondre à Dave.