Maureen Forrester

Le contralto canadien est mort hier soir.


Certainement une voix dont on sous-estime l'importance et le rayonnement.

Uniquement chez moi connue par ses Chants de la Terre, avec Vickers et j'avais trouvé ça vraiment superbe...
Une grande voix de contralto en effet.

Après, je serais bien en mal d'en dire beaucoup plus...

Des choses particulières à connaître chez elle?

Polyeucte a écrit:

Uniquement chez moi connue par ses Chants de la Terre, avec Vickers et j'avais trouvé ça vraiment superbe...
Une grande voix de contralto en effet.

Après, je serais bien en mal d'en dire beaucoup plus...

Des choses particulières à connaître chez elle?

Même chez Mahler, tu as eu la perversité d'écouter Vickers Alors qu'il y a King, Seiffert et tant d'autres belles voix là dedans ^^.

Tout est bon en fait.

Je ne suis pas nécessairement amoureux de ces voix très profondes et granuleuses (je préfère, chez les altos, des émissions plus hautes comme celles de Ferrier, de Procter ou de Heynis) mais vraiment, au delà de la somptuosité de la voix, de la richesse du grave, de la singularité du timbre, c'est surtout une très belle musicienne et une imagination en action.

A l'opera on trouve facilement sa Clytemnestre et sa dame de Pique (les deux en ruines, mais monumentales), mais il faut chercher ses Haendel, vraiment extraordinaires de noblesse sans jamais être figés (Hercule, Rodelinda - avec une Stich phénoménale - Theodora, Jules César .. même s'il ne reste plus grande chose de Cornelia dans la version Rudel évidemment. Je ne connais pas le Serse reparu il y a peu).

Il y a beaucoup évidemment du côté du répertoire d'estrade, beaucoup de Mahler, mais ce n'est pas pour moi vraiment ce compositeur, une Rhapsodie pour alto dévorante et animée, des lieder et des mélodies toujours passionnants et surprenants.

Je l'ai découverte dans une compilation Haendel/Bach dont j'ai un très grand souvenir ... impossible de retrouver la référence.

Cololi a écrit:

Polyeucte a écrit:

Uniquement chez moi connue par ses Chants de la Terre, avec Vickers et j'avais trouvé ça vraiment superbe...
Une grande voix de contralto en effet.

Après, je serais bien en mal d'en dire beaucoup plus...

Des choses particulières à connaître chez elle?

Même chez Mahler, tu as eu la perversité d'écouter Vickers Alors qu'il y a King, Seiffert et tant d'autres belles voix là dedans ^^.

HS

Merci! Je regarderais ce que je peux trouver, si tout est bon de toute façon, aucun soucis!

Polyeucte a écrit:

Merci! Je regarderais ce que je peux trouver, si tout est bon de toute façon, aucun soucis!

Concernant Mahler, Wunderhorn avec H. Rehfuss et F. Prohaska chez Vanguard Classics.
Il y a eu une troisième de Mahler avec Haitink même si c'était un peu tard pour elle

Je mets ça en discographie.
On peut peut-être enlever le mot décès du sujet, non?

Xavier a écrit:

Je mets ça en discographie.
On peut peut-être enlever le mot décès du sujet, non?

As you like it ! Maintenant que ça a été lu de toute manière, le but était d'informer, si ça permet de créer un vrai fil, c'est aussi bien.

Je suis en train d'écouter son Abschied, dirigé par Reiner... c'est vraiment d'une immense beauté. Timbre somptueux, retenu et concentré.

Peut-être la version qui me touche le plus! Et puis l'orchestre est splendide et fort...

Mais pour Forrester, c'est vraiment d'une beauté/tristesse confondante.

Polyeucte a écrit:

Je suis en train d'écouter son Abschied, dirigé par Reiner... c'est vraiment d'une immense beauté. Timbre somptueux, retenu et concentré.

Peut-être la version qui me touche le plus! Et puis l'orchestre est splendide et fort...

J'aime beaucoup cette version du Chant de la Terre avec Lewis et Reiner. Ses lieder des Knaben Wunderhorn avec Rehfuss sont aussi splendides. Et puis sa 3e de Mahler avec Haitink, tout cela a été dit. Et enfin sa 2e avec Walter.
Mais je me rends compte que je ne la connais que dans Mahler !

Première lecture de ce fil. Forrester est une de ces artistes inclassables et peu connues car non portées par les agences de publicité. J'ai eu la chance de l'entendre plusieurs fois dans ses bonnes années, en concert aussi bien qu'à l'opéra.

Premièrement, il faut noter que, tout comme le concept de 'basse chantante', celui de contralto est souvent 'chipé' par des artistes au registre large qui débordent vers l'aigu ou le grave et de ce fait empiètent sur un répertoire relativement peu fréquenté. Forrester était une de ces authentiques voix de contralto comme il y en a eu peu - tellement peu en fait que la confusion des genres vocaux qui en a résulté a malheureusement occulté l'originalité de ce timbre si particulier.

Maireen Forrester a eu des heures de gloire exceptionnelles durant une douzaine d'années, soit vers 1957-1970. Dans son répertoire de prédilection (Mahler et Handel) elle n'a eu aucune égale. Malheureusement, dans le cas de Handel, les chefs et les textes révisés qui vinrent plus tard ont rapidement rendu obsolètes les efforts des artistes de cette période. Pour Mahler elle eut la chance d'enregistrer sous Walter, Haitink, Mehta, Reiner et Munch. N'était de cela son nom serait aujourd'hui oublié. Et pourtant, à l'écoute de ce timbre large, vibrant, incroyablement profond dans l'Urlicht de la deuxième symphonie, le 'O Mensch' de la troisième ou l'Abschied de Das Lied, il est difficile de croire que ces solos sont désormais confiés à des chanteuses de calibre 'mezzo', c'est-à-dire sans l'assise grave indispensable qui permet d'intégrer la partie vocale au tissu orchestral particulièrement dense de Mahler.

Pour UN euro, vous pouvez télécharger légalement ce qui est selon moi est le plus bel enregistrement de Forrester: les Rückert Lieder de Mahler, un enregistrement DG de 1962 sur DGG avec Ferenc Fricsay. Vous trouverez le lien sur le site de Classical Music Mobile.

Le problème de ces voix est leur grande homogénéité : elles n'ont pas la tension dans l'aigu des mezzos, et ça donne par moment quelque chose d'un peu confortable, d'un peu lisse. Dans Um Mitternacht (dans le disque que tu mentionnes), par exemple, ça ne fonctionne pas complètement pour moi : c'est très bien dit, le début est effectivement d'une intensité inusuelle, mais la fin ne s'élance pas, tout reste sur le même pied.

C'est aussi lié au tempérament artistique de Forrester, je crois, parce qu'elle est toujours comme cela, que ce soit dans la Rhapsodie pour alto, la Dame de Pique ou les rôles du seria.

Mais la voix est somptueuse, oui.

Curieux, car à mes oreilles l'aigu de Forrester (ou celui de Ferrier) est souvent tendu, au point où on craint que la voix ne 'craque' sur une note aigue. Ce qui arriva lors de sa dernière prestation dans l'Urlicht de la deuxième de Mahler à Toronto. Confortable et lisse ne sont pas des adjectifs que j'aurais choisis pour décrire son registre aigu. Par contre la voix de Christa Ludwig me semble parfaitement répondre à cette description. Ce qui en fait une chanteuse plus sûre techniquement, mais à mon sens moins intéressante.

André a écrit:

Confortable et lisse ne sont pas des adjectifs que j'aurais choisis pour décrire son registre aigu. Par contre la voix de Christa Ludwig me semble parfaitement répondre à cette description. Ce qui en fait une chanteuse plus sûre techniquement, mais à mon sens moins intéressante.

Sans parler du fait que le timbre de Ludwig est assez pauvre en harmoniques graves. Pour moi, on est quasiment en face d'une mezzo qui aurait le timbre d'une soprano (dont elle a d'ailleurs chanté certains rôles : Léonore, la Maréchale...). Un peu comme Meier en fait. C'est pourquoi quand ces deux là abordent le répertoire des contraltos, je trouve qu'il y a trahison : elles en ont les notes et la tessiture mais pas les couleurs sombres et le timbre troublant.

Pourtant, Ludwig dans les Lieder de Mahler

hugo75 a écrit:

elles en ont les notes et la tessiture mais pas les couleurs sombres et le timbre troublant.

Mais, fondamentalement, il n'y a pas pléthore de chanteuses passées et présentes (à venir ?) qui aient cette richesse, presque cette androgynie, ces moirures infinies, etc. qui font les vraies contraltos.
C'est un registre qui intrigue, qui dérange peut-être aussi parce qu'on y a peu/pas de repères, finalement.
(Podles avec Wit dans la 3e de Mahler !)

bAlexb a écrit:

...cette richesse, presque cette androgynie, ces moirures infinies, etc. qui font les vraies contraltos.
C'est un registre qui intrigue, qui dérange peut-être aussi parce qu'on y a peu/pas de repères, finalement.

Voilà qui est très bien dit. Je n'y avais pas réfléchi sous cet angle, mais c'est parfaitement exact. J'ai beaucoup de disques de Forrester, une chanteuse qui me fascine. Par contre j'écoute rarement un disque au complet car après un certain temps je me sens comme si j'arrivais au fond d'un énorme bol de mousse au chocolat

Ludwig c'est la Tebaldi des mezzos: une voix parfaite, une conduite du chant irréprochable, une égalité des registres inégalée. Le seul reproche que je lui fasse, c'est cette santé émotionnelle inébranlable. Pas l'ombre du début d'un commencement d'hystérie. On ne sent jamais la fêlure. Et pourtant la fêlure est là dans Mahler, dans Schubert, Wagner, même Brahms...

J'ai écouté Marie-Nicole Lemieux cette semaine et quoique le registre et la couleur de la voix soient celle d'un authentique contralto, je n'y entends pas la douleur, le Weltschmerz qui m'empoignent dès que Forrester ouvre la bouche. Je ne suis pas certain qu'elle s'en rendait compte, ni qu'elle savait comment elle arrivait à ce résultat. Forrester est née à Montréal dans un quartier ouvrier. Fille d'une famille nombreuse catholique irlandaise, pour elle la vie n'était pas compliquée. Très terre à terre, joviale, amusante, elle était toujours prête à aider les jeunes talents. Une anti-diva.

Je n'ai pas encore entendu Lemieux en vrai, mais j'ai l'impression que c'est plutôt un vrai mezzo qui s'est spécialisé dans les rôles graves en engorgeant au maximum. Ca passe très bien dans le baroque italien (nonobstant la mollesse), où on n'a pas d'impératifs de projection importants, mais ailleurs, ça me paraît plutôt tassé pour un alto véritable.

André a écrit:

Curieux, car à mes oreilles l'aigu de Forrester (ou celui de Ferrier) est souvent tendu, au point où on craint que la voix ne 'craque' sur une note aigue. Ce qui arriva lors de sa dernière prestation dans l'Urlicht de la deuxième de Mahler à Toronto. Confortable et lisse ne sont pas des adjectifs que j'aurais choisis pour décrire son registre aigu. Par contre la voix de Christa Ludwig me semble parfaitement répondre à cette description. Ce qui en fait une chanteuse plus sûre techniquement, mais à mon sens moins intéressante.

Je ne vais pas défendre Ludwig, qui le plus souvent me laisse assez froid, effectivement à cause d'une émission très charpentée, qui masque souvent les émotions et les mots. Mahler fait tout de même partie, avec ses rôles sopranisants - Fidelio, Brünnhilde, Färberin - et ses expériences de dernière période comme Fricka, de ce qu'elle a fait de mieux. Comme d'autres artistes trop solides techniquement, elle devient plus intéressante lorsque la voix commence un peu à bouger.

Sinon, les limites dans l'aigu de Forrester ne crée pas de sensation de tension (et jamais l'impression qu'un craquage est possible, me concernant), on sent que la voix "décroche", plus voilée, moins sonore, mais justement, pas en danger. Elle perd en éclat, mais ne continue pas à se tendre.

Une grande dame, à la discographie surement plus importante que sa consoeur néerlandaise Aafje Heynis.
J'ai réécouté sa version trés émouvante de la cantate 170( Vergnugte Ruh) de JS Bach.

C'est à tomber par terre....

Malheureusement il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent du côté de la discographie présentement disponible. Il faut entendre les albums Vanguard contenant les airs sacrés de Bach et Handel, ainsi que les cantates mentionnées par ojoj. Également les airs d'opéra de Haendel et Purcell sur MCA. Pour Mahler, son Das Lied avec Walter est disponible, sainsi que ses Rückert lieder. Conseil: visiter Youtube pour se faire une petite idée.


Voici des disques disponibles sur Amazon.fr et qui valent le détour:


Des airs de Haendel et de Purcell. Superbe.


Ce disque reprend le Knaben Wunderhorn de Prohaska et y ajoute les Rückert Lieder de Fricsay.


Celui-ci contient ses inestimables airs de Bach (Erbarme dich, Buss un reu, Es ist vollbracht tirés des Passions) ainsi que les cantates 169 et 53.