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| Moussorgsky : Chants et Danses de la Mort | |
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Polyeucte Mélomane chevronné
Nombre de messages : 20753 Age : 41 Date d'inscription : 03/07/2009
| Sujet: Moussorgsky : Chants et Danses de la Mort Dim 15 Aoû 2010 - 22:24 | |
| Contexte de l'écriture : Moussorgsky composa des pièces toujours très personnelles. Depuis les fameux "Tableaux d'une Exposition" jusqu'à "Boris Godounov". Parmi ses mélodies, il composa trois cycles : "Les Enfantines", "Sans soleil" et "Chants et Danses de la Mort". Si Sans soleil est d'une grande tristesse, "Chants et Danses de la Mort" sont quant à elles particulièrement lugubres et glauques! Il faut dire qu'à l'époque de la composition, Moussorgsky était dans une période très sombre. En effet, dans les années qui suivirent 1874 (année de compositions de "Sans Soleil" ou encore "Tableaux d'une Exposition" par exemple), le sors semble s'être acharné sur lui. Son problème d'alcoolisme s'aggrava, poussé à essayer d'oublier les différents décès qui l'entouraient. Mais dans ces années de désespoir, émergèrent les quatre mélodies qui forment peut-être ce qu'il a composé de plus fort et de plus personnel. Les poèmes sont d'un de ses amis, Arseny Arkadyevich Golenishchev-Kutuzov ( ) qui partagea son appartement pendant un certain temps avant de se marier. Composées en 1877, Moussorgsky n'aura pas le temps d'orchestrer la partition et ce seront donc Glazunov (Berceuse et Trepak) et Rimsky-Korsakov (les deux autres) qui l'orchestreront peu de temps après sa mort. Puis en 1962, ce sera au tour de Shostakovich d'en faire une autre version orchestrale, dédiée à Galina Vishnevskaya. La version de Shostakovich :Le 22 février 1961, Galina Vishnevskaya chantait un récital comprenant les "Chants et Danses de la Mort" dans sa version pour piano et des compositions de Shostakovich (parmi lesquelles "Tableaux du passé"). Accompagnée par son époux Rostropovich, Vishnevskaya fit très forte impression et fit découvrir les mélodies de Moussorgsky une nouvelle fois à Shosta. Frappé par la force imprimée, il voulut en faire une version orchestrale et donc, l'été suivant, il envoya une partition à Galina Vishnevskaya avec sur la première page : "Je dédie cette orchestration des Chants et Danses de la Mort à Galina Pavlovna Vishnevskaya. D. Chostakovitch". Cette version fut créée le 9 février 1963 à Moscou sous la direction de Rostropovich et avec bien sûr Galina Vishnevskaya au chant! Cette version s'est peu à peu imposée, et de nos jours, la seule version orchestrée qui subsiste est la version de Shostakovich. Il faut dire qu'ici, les paroles et les intentions de Moussorgsky sont poussées à l'extrême, l'orchestre grinçant et rugissant puis se faisant séducteur. Les poèmes :I. Berceuse :Dialogue entre la mort et la mère d'un enfant malade.- Spoiler:
L'enfant gémit… la chandelle se consume et projette une pâle lumière tout autour. De la nuit, remuant le berceau, la mère n'a point dormi. Tôt le matin, à la porte tout doucement la Mort miséricordieuse frappe! La mère sursaute, regarde autour d'elle, apeurée… "N'aie pas peur, ma chère! La pâle lueur du matin se glisse par la fenêtre… Par les pleurs, l'attente, la prière, tu t'es éreintée, repose-toi un instant, et je prendrai ta place à ses côtés. Tu n'as pu apaiser le pauvre enfant, je chanterai une plus douce chanson." "Chut! Mon enfant étouffe et n'a pas eu de repos, cela me brise le cœur!" "Cesse maintenant, bientôt il m'écoutera, chut, chut, chut." "Ses joues sont pâles, son souffle faiblit… Ne fait pas de bruit, je t'en supplie!" "C'est un bon signe, bientôt ses souffrances cesseront. Chut, chut, chut." "Disparais, maudite sois-tu! Par tes caresses tu veux détruire la joie de mon cœur!" "Non, je veux insuffler le sommeil de la paix en l'enfant. Chut, chut, chut." "Ai pitié, arrête juste un instant avant d'achever ta sinistre chanson!" "Vois maintenant, il s'est endormi sur la douce chanson. Chut, chut, chut."
II. Sérénade :La mort tente une jeune fille pour qu'elle se suicide- Spoiler:
La magique langueur, le bleu de la nuit, le chancelant crépuscule du printemps… Elle écoute, la malheureuse, la tête tombante, le murmure des mots silencieux de la nuit. Le sommeil ne clôt point ses grands yeux brûlants, la vie à ses joies encore l'appelle, Tandis que sous sa fenêtre dans le silence de minuit la Mort chante sa sérénade : "Dans une morne noirceur de prison, rude et confinante, ta jeunesse passera, mais moi, ton chevalier inconnu, par mes merveilleux pouvoirs, je vais te libérer. Lève-toi, regarde-toi : avec quelle beauté ton visage resplendit, radieux, ton visage rose, tes tresses ondoyantes, voilent ta silhouette tel un nuage. L'éclat bleu de ton regard fixe est plus éclatant que le ciel ou le feu; avec la chaleur de midi ton haleine souffle sur moi… Tu m'as ensorcelé. Ton oreille est captivée par ma sérénade, tes mots murmurés appellent ton chevalier. Ton chevalier est venu pour son ultime récompense : l'heure de l'extase est proche. Belle est ton apparence, irrésistible ton frémissement… Oh, je veux t'enlacer dans une ardente étreinte ; mon parler est d'amour, écoute!… Sois sans crainte!… Tu es mienne!" III. Trépak (Danse russe) :La mort danse dans la nuit glacée avec un paysan ivre.- Spoiler:
Dans la forêt et les clairières pas une âme en vue. La tempête de neige gémit et hurle. Il semble que dans l'obscurité de la nuit la neige cruelle enterre quelque pauvre bougre; Voyez, c'est bien cela! Dans le noir un paysan par la Mort est embrassé et caressé; avec un ivrogne la Mort danse un trépak et chante à son oreille une douce chanson : "Hé, pauvre paysan, toi, malheureux vieillard, tu as bu à t'en étourdir et tu erres et t'égares, or le blizzard, telle une sorcière, s'est levé et se joue de toi, des clairières au cœur de la forêt finissant par te pousser. Assailli par le malheur et la peine, te détachant de toutes choses, allonge-toi, repose-toi et dors, mon ami, je te réchaufferai d'une couverture de neige, et autour de toi je commencerai un beau divertissement. Bouscule sa couche, neige blanche comme un cygne! Holà, commence entonne une chanson, furieuse tempête! Une chanson qui durera toute la nuit, de sorte que sur ses accents cet ivrogne sombre dans le sommeil! Ô vous, forêts, ciels et nuages, obscurité, brise et neige virevoltante! Enveloppez-le dans un linceul de neige soyeuse ; dedans je le protégerai comme un petit enfant… Dors, mon ami, heureux paysan, l'été est venu et tout n'est que floraison! Sur les champs de blé le soleil sourit et les faucilles dansent, la chanson s'élève et les colombes s'envolent!… IV. Le Général d'Armée :La mort regarde un champ de bataille, prête à récolter les morts.- Spoiler:
La bataille vrombit, l'armure étincelle, les canons de bronze mugissent, les régiments chargent, les chevaux se ruent, Et des flots rouges de sang se déversent. Midi brûle violemment, tous continuent de lutter; quand le soleil décroît, la batille s'intensifie encore, le couchant pâlit, mais les ennemis toujours s'affrontent plus farouchement et plus sauvagement. Or la nuit est tombée sur le champ de bataille. Dans l'obscurité les légions se dispersent… Tout est tranquille et dans l'opacité de la nuit des gémissements montent vers le ciel. Alors illuminée par la clarté de la lune, chevauchant son destrier de combat, ses os blancs luisant dans la pâle lumière, surgit la figure de la Mort; et dans le calme, écoutant les rôles et les prières, emplie d'orgueil et de satisfaction, tel un chef guerrier, elle fait le tour du champ de bataille. Elle monte jusqu'au sommet des collines, observe, s'arrête, puis lâche un sourire… Alors sur la plaine du combat la voix du trépas retentit : "La bataille est finie! Je vous ai tous vaincus! Devant moi vous avez capitulé, soldats, tous! La vie vous avait opposés, moi je vous réunis dans la paix! Tous ensemble levez-vous à l'appel de la mort! Défilez en un cortège solennel, je veux rassembler mes troupes; ensuite dans la terre vos os pourront être couchés, et doucement dans la terre des maux de la vie se reposer! Les années succèderont aux années, indifférentes, et parmi les hommes tout souvenir de vous disparaîtra. Mais moi je n'oublierai pas, et par-dessus vos os je donnerai une fête bruyante à minuit sonné! En de lourds pas de danse la terre humide je piétinerai, afin que jamais vos os ne s'échappent de l'antre du tombeau, et que jamais vous ne puissiez de la terre vous relever!
Traduction de Michel Roubinet _________________ Les Carnets d'Erik, le retour!
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| | | DavidLeMarrec Mélomane inépuisable
Nombre de messages : 97941 Localisation : tête de chiot Date d'inscription : 30/12/2005
| Sujet: Re: Moussorgsky : Chants et Danses de la Mort Dim 15 Aoû 2010 - 22:26 | |
| Merci pour le transfert, ça s'imposait décidément. |
| | | aurele Mélomane chevronné
Nombre de messages : 23541 Age : 33 Date d'inscription : 12/10/2008
| Sujet: Re: Moussorgsky : Chants et Danses de la Mort Dim 6 Fév 2011 - 22:31 | |
| Je ne connais pas encore beaucoup le répertoire mélodique russe mais c'est vraiment une oeuvre d'une force dramatique extraordinaire, c'est angoissant, prenant, bouleversant. Je l'ai entendue dans l'orchestration de Shostakovich. |
| | | Wolferl Lapinophobe
Nombre de messages : 13311 Age : 34 Localisation : Paris Date d'inscription : 27/06/2006
| Sujet: Re: Moussorgsky : Chants et Danses de la Mort Dim 6 Fév 2011 - 22:41 | |
| Je vais essayer de développer un peu plus mon ressenti sur cette orchestration de Chostakovitch, parce qu'elle ne m'avait pas du tout convaincu. J'avais trouvé, en dehors de ses qualités propres (je ne suis pas un grand amateur de l'écriture orchestrale de Chosta, c'est très massif, un peu archaïsant dans sa manière de procéder par pupitres, par blocs) j'avais surtout trouvé qu'elle retirait tout l'aspect intimiste de l'œuvre. La nudité, voire l'aridité du piano participe tellement de l'impact de cette musique, ce naturalisme très cru, son côté populaire... C'est un peu comme si on orchestrait la Belle Meunière avec les effectifs de la Symphonie Alpestre, c'est presque un non-sens. |
| | | Polyeucte Mélomane chevronné
Nombre de messages : 20753 Age : 41 Date d'inscription : 03/07/2009
| Sujet: Re: Moussorgsky : Chants et Danses de la Mort Dim 6 Fév 2011 - 22:45 | |
| Hum... mais justement, je ne vois vraiment pas ces mélodies comme arides... La première version orchestrale, je suis d'accord qu'elle enlève beaucoup d'impact... mais shosta propose lui un climat encore plus sinistre que le piano, ajoutant au chant torturé un orchestre grinçant et malsain...
Après, c'est sûr que pour certains chanteurs, le piano va mieux... (genre Finley, je ne le vois pas avec l'orchestration de Shosta...) _________________ Les Carnets d'Erik, le retour!
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| | | Wolferl Lapinophobe
Nombre de messages : 13311 Age : 34 Localisation : Paris Date d'inscription : 27/06/2006
| Sujet: Re: Moussorgsky : Chants et Danses de la Mort Lun 7 Fév 2011 - 0:59 | |
| Le mot aride est peut être un peu fort, mais en tout cas très décharnées... Il y a certaines dissonances très surprenantes qui font un effet tout à fait différent au piano et étalées entre les timbres de l'orchestre. Ce n'est pas forcément moins beau, mais ça modifie complètement la couleur (et le caractère, puisque à la base je ne trouve pas tellement ces mélodies grinçantes ou sinistres). J'étais peut être simplement trop attaché à la sonorité du piano, il faudrait que je réécoute cette (ces) orchestration(s), par des interprètes qui me séduiraient davantage. |
| | | Polyeucte Mélomane chevronné
Nombre de messages : 20753 Age : 41 Date d'inscription : 03/07/2009
| Sujet: Re: Moussorgsky : Chants et Danses de la Mort Lun 7 Fév 2011 - 9:05 | |
| - Wolferl a écrit:
- Le mot aride est peut être un peu fort, mais en tout cas très décharnées... Il y a certaines dissonances très surprenantes qui font un effet tout à fait différent au piano et étalées entre les timbres de l'orchestre. Ce n'est pas forcément moins beau, mais ça modifie complètement la couleur (et le caractère, puisque à la base je ne trouve pas tellement ces mélodies grinçantes ou sinistres).
Oui, ça change un peu la vision... Disons que Shosta en rajoute une couche. Et pas sinistres ou grinçantes... quand même... entre la mort qui chante une berceuse pour enlever une enfant, la mort qui chante une sérénade à une belle pour la faire se suicider, la mort qui danse à un rythme endiablé pour faire mourir de froid un paysan et enfin la mort qui compte son armée qui s'agrandit pendant une bataille.... je trouve ça assez sinistre, cynique et grinçant! - Citation :
- J'étais peut être simplement trop attaché à la sonorité du piano, il faudrait que je réécoute cette (ces) orchestration(s), par des interprètes qui me séduiraient davantage.
Peut-être! Et puis avec Vishnevskaya, tu as directement tapé dans ce qui est de plus violent dans le changement! _________________ Les Carnets d'Erik, le retour!
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| | | Pelléas Mélomaniaque
Nombre de messages : 1875 Date d'inscription : 02/08/2009
| | | | Polyeucte Mélomane chevronné
Nombre de messages : 20753 Age : 41 Date d'inscription : 03/07/2009
| Sujet: Re: Moussorgsky : Chants et Danses de la Mort Lun 7 Fév 2011 - 17:54 | |
| - Pelléas a écrit:
- Je viens d'écouter Vichnevskaia / Rostropovitch dans la version de Chostakovitch, c'est très puissant, c'est vrai que le beau texte est sinistre, et la musique le rend bien, une très belle œuvre, beaucoup plus âpre que "sans soleil".
Oui, "Sans soleil" reste plus dans la tristesse continue... _________________ Les Carnets d'Erik, le retour!
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