Les chanteurs en savent ils plus que nous ?

Le fait de chanter la partition (ou de l'interprèter pour un instrumentiste) offre-t-il une clé compréhension de l'oeuvre que ne possède pas le spectateur ( le mélomane) ?

Malko, pas musicien pour un sou

La réponse me parait assez évidente : bien sûr que oui !

Le simple fait de posséder une partition et d'être capable de la lire, c'est déjà un plus. Alors se lancer dans son déchiffrage et travailler son interprétation, cela donne accès à une dimension nouvelle et toute autre de l'œuvre.

Pareil en ce qui concerne la lecture des écrits autour de l'œuvre ainsi que celle de la biographie du compositeur...

malko a écrit:

Le fait de chanter la partition (ou de l'interprèter pour un instrumentiste)

Cela change déjà l'intitulé de ton sujet . Pour moi ton titre signifie : "Les chanteurs en savent-ils plus que les instrumentistes ?" (et à fortiori que les mélomanes), et ta première phrase que j'ai citée veut dire "les musiciens en savent-ils plus que les mélomanes" (c'est ce à quoi répond Corvus). Ce n'est pas vraiment la même chose, et ton titre, s'il signifie que les chanteurs en savent plus que les autres, risque de froisser quelques egos A commencer par le mien

Il en offre une vision en tout cas différente. D'un côté, le chanteur (ou l'instrumentiste) bénéficie des explications préalables, des intentions et des indications du chef qui peuvent donc lui donner une compréhension plus fouillée de l'œuvre. Mais d'un autre côté, le chanteur (ou l'instrumentiste) s'intéresse surtout à "sa" ligne de chant et a donc une audition biaisée de l'œuvre.

antrav a écrit:

Si en plus il est ténor...

Alors quoi .... ????

Je me demande si certains chanteurs et chanteuses, ne se soucient pas plus spécialement de leur glotte, en se demandant s'ils vont arriver à placer leur contre-machin dans ce foutu air de ce foutu opéra!

Pelléas a écrit:

Je me demande si certains chanteurs et chanteuses, ne se soucient pas plus spécialement de leur glotte, en se demandant s'ils vont arriver à placer leur contre-machin dans ce foutu air de ce foutu opéra!

Perso, si je ne pense que technique, impossible de sortir les contre-machin comme tu dis. C'est au contraire, quand on l'oublie, et qu'on oublie toute pudeur, pour montrer sa voix et la façon dont on vit le texte, que les notes viennent naturellement.

Mon propos n'est pas technique; il est évident que le musicien en saura plus que moi sur la partition.

Il est plus sensible (le propos).

Une cantatrice en sait-elle plus que moi sur la personne de Carmen parce qu'elle la chante ?

malko a écrit:

Une cantatrice en sait-elle plus que moi sur la personne de Carmen parce qu'elle la chante ?

Difficile de le dire sans te connaître. Que sais-tu de Carmen et de quelle cantatrice parles-tu ? Il n'y a pas de réponse générale. Cela dit, la majorité des chanteurs d'opéra (puisque tu as l'air de viser ceux-là) se posent des questions sur leur personnage avant et au moment de l'interpréter.

Dans le cas de l'opéra, l'interprète est non seulement un chanteur, mais aussi un acteur; il va devoir apprendre à jouer son rôle, et beaucoup s'investir, avec plus ou moins de profondeur selon le personnage, pour restituer au mieux ce qu'a voulu le compositeur. Il y a des artistes qui s'identifient à leur rôle jusqu'à frôler la schizophrénie, et d'autres qui arrivent à garder un certain détachement par rapport au rôle qu'ils interprètent...

Mais pour répondre à ta question, si une cantatrice fait de gros efforts pour devenir Carmen, rien n'empêche à l'auditeur de faire de même (se procurer la partition, lire et relire le livret, situer l'opéra dans son contexte historique, se renseigner sur la vie du compositeur à cette époque), afin de fusionner autant que possible avec l'œuvre.

Le questionnement est peut être spécieux auquel cas je m'en excuse.

Pour échanger assez fréquemment avec des artistes peintres et par analogie, parfois leur pénétration me laisse sans voix, parfois c'est nous, simples amateurs, qui , ainsi qu'il l'admettent eux mêmes, leur apprenons sur leurs oeuvres.

malko a écrit:

Mon propos n'est pas technique; il est évident que le musicien en saura plus que moi sur la partition.

Il est plus sensible (le propos).

Une cantatrice en sait-elle plus que moi sur la personne de Carmen parce qu'elle la chante ?

C'est surtout différent. Je remarque que ce ne sont pas les mêmes oeuvres que j'aime écouter et jouer (ou chanter). Certaines oeuvres sont de véritables expériences en tant qu'interprète (Chopin pour le pianiste, Wagner ou Reyer à jouer en réduction), avec des émotions bien plus fortes qu'à l'audition. Et dans certains cas aussi, des plaisirs très différents selon qu'on joue ou écoute (Schubert).

C'est donc avant tout une perspective différente. L'interprète qui n'est pas mélomane (et il y en a beaucoup) n'est donc pas forcément plus avancé que toi, mais l'interprète qui est mélomane (ou le mélomane qui est interprète, même à niveau limité) a effectivement une plus grande richesse de vues, ne serait-ce que parce qu'il a deux canaux différents par lesquels appréhender la musique.

Ensuite, si on parle spécifiquement des personnages d'opéra, à part une exaltation spécifique à l'interprétation des rôles, je n'ai pas eu l'impression, personnellement, de découvrir plus dans les psychologies en chantant qu'en écoutant (au contraire d'ailleurs).

Réponse éclairante, merci.

Il est difficile d'obtenir des artistes qu'ils répondent comme d'ailleurs de les questionner : pudeur ou incommunicabilté ; ou rien à dire...

malko a écrit:

Il est difficile d'obtenir des artistes qu'ils répondent comme d'ailleurs de les questionner : pudeur ou incommunicabilté ; ou rien à dire...

Beaucoup d'artistes sont assez peu cultivés : il font ce métier parce que l'opportunité s'en est présentée, ou parce qu'ils aiment leurs instruments. Ils n'ont pas forcément de culture développée et de vision vaste sur la musique. C'est pourquoi leur métier est de faire et pas de commenter. (Et qu'inversement on n'a pas forcément envie d'entendre André Tubeuf chanter le Pâtre sur le rocher.)

Ceux qui en ont ne sont pas forcément lucides, mais ils sont forcément passionnants, évidemment, puisqu'ils combinent les deux aspects.

malko a écrit:

Une cantatrice en sait-elle plus que moi sur la personne de Carmen parce qu'elle la chante ?

Il y a quelques temps je me suis entretenue avec Anna Caterina Antonacci dans le cadre de la réalisation d'un documentaire et celle-ci m'a énormément parlé de son rapport aux personnages. Le fait est qu'elle porte un amour très profond pour les femmes qu'elle interprète. Et même si il y a clairement distanciation, d'une certaine manière ses personnages ne la quittent pas. Pour Carmen justement, elle disait avoir l'impression d'avoir tous les hommes à ses pieds pendant les périodes de répétitions et de représentations... Dans son cas, il n'y a que ce que disent les mots du livret qui forme son personnage. Je ne sais pas si on peut dire qu'il n'existe qu'une Carmen. A mon sens, le personnage varie d'une interprète à une autre, et le spectateur ne peut donc pas connaître parfaitement le Sujet de l'action...

DavidLeMarrec a écrit:

malko a écrit:

Il est difficile d'obtenir des artistes qu'ils répondent comme d'ailleurs de les questionner : pudeur ou incommunicabilté ; ou rien à dire...

Beaucoup d'artistes sont assez peu cultivés : il font ce métier parce que l'opportunité s'en est présentée, ou parce qu'ils aiment leurs instruments. Ils n'ont pas forcément de culture développée et de vision vaste sur la musique. C'est pourquoi leur métier est de faire et pas de commenter. (Et qu'inversement on n'a pas forcément envie d'entendre André Tubeuf chanter le Pâtre sur le rocher.)

Ceux qui en ont ne sont pas forcément lucides, mais ils sont forcément passionnants, évidemment, puisqu'ils combinent les deux aspects.

On a pas forcément envie de l'entendre tout court.

tuttigabbati a écrit:

malko a écrit:

Une cantatrice en sait-elle plus que moi sur la personne de Carmen parce qu'elle la chante ?

Il y a quelques temps je me suis entretenue avec Anna Caterina Antonacci dans le cadre de la réalisation d'un documentaire et celle-ci m'a énormément parlé de son rapport aux personnages. Le fait est qu'elle porte un amour très profond pour les femmes qu'elle interprète. Et même si il y a clairement distanciation, d'une certaine manière ses personnages ne la quittent pas. Pour Carmen justement, elle disait avoir l'impression d'avoir tous les hommes à ses pieds pendant les périodes de répétitions et de représentations... Dans son cas, il n'y a que ce que disent les mots du livret qui forme son personnage. Je ne sais pas si on peut dire qu'il n'existe qu'une Carmen. A mon sens, le personnage varie d'une interprète à une autre, et le spectateur ne peut donc pas connaître parfaitement le Sujet de l'action...

EN même temps, même sans être chanteuse, et sans jouer Carmen, Antonacci n'a jamais du avoir de problème pour que les hommes se battent pour elle