- Francesco a écrit:
- Polyeucte est-ce que tu avais donné le détail du coffret dont tu parles sur ce fil STP ? Ou fait un compte rendu ?
Quelle mémoire!!
En effet, en 2008, j'avais fait un compte-rendu... je vous le livre comme ça (j'ose pas le relire... en général, ça me fait trop bizarre
)
Polyeucte, en 2008, à propos du coffret Simoneau/Alarie :Un coffret est paru il y a fort longtemps chez Deutsch Grammophon consacré à ce couple opératique qu’étaient Léopold Simoneau et Pierrette Alarie, regroupant airs d’opéra et mélodies. Je l’avais écouté d’une oreille plus ou moins distraite… écoutant de préférence les passages chantés par Léopold Simoneau, sa femme ne me laissant pas un souvenir vocal impérissable… Et puis j’y suis revenu il y a peu… Et j’ai découvert tout le prix de ce coffret.
Si on doit le résumer en une phrase, je dirais style… Car tout y est magnifiquement stylé, avec simplicité et franchise, mais aussi avec une classe vocale impitoyable pour les générations suivantes !
Les trois premiers disques sont consacrés à des airs et des duos d’opéra.
On commence par un duo entre Paolino et Carolina dans
Il matrimonio segreto de Cimarosa… Dès le début, cela pose la barre à un haut niveau… Lmes deux voix sont parfaitement en accord et les deux chanteurs chantent avec nuances, faisant fis des vocalises et note décoratives comme si cela n’était qu’un jeu. Et quelle complicité !
Ensuite, air de Norina de
Don Pasquale. Légèreté, jeunesse, beauté du timbre. Alarie a tout pour faire un grand moment de cet air ! Et ce petit air espiègle !
On reste encore dans l’opéra italien…
L’Arlesiana de Cilea et l’air de Federico… Cet air est par nature superbe, mais devant un tel timbre, une telle ligne, que l’on trouve peu dans des opéras véristes… et cette délicatesse de la voix mixte.
L’air de Gilda de
Rigoletto est un terrain parfait pour Alarie. Elle peut agrémenter cet air de trilles superbes, et d’une délicatesse qui va tellement bien à cette jeune fille coupée du monde. C’est aérien.
Puis, un autre duo plein d’amour et de douceur : « O soave fanciulla » de
La Bohème. On peut trouver les voix un peu petites par moments, mais là encore, on ne peut que s’incliner. On dit que Mimi se doit d’être jeune, que Rodolfo doit être poète… On a une soprano jeune et claire, et un ténor qui ne peut être plus extatique et amoureux. Et là encore, la fusion des deux timbres est magnifique, tous les deux au diapason d’un chef qui peu se permettre de ralentir, permettant aux deux protagonistes de nous faire profiter de grandes douceurs… Une telle tendresse est tellement rare…
Un duo français cette fois, celui du jardin de
Faust. La seule petite ombre à ce duo est que Pierrette Alarie est un peu légère pour ce rôle de soprano lyrique… Mais on retrouve les mêmes qualités que pour le duo précédent, avec en prime une diction royale ! Et quelle classe dans le Faust de Simoneau…
La Juive… Simoneau n’aurait sûrement pas chanté le rôle en entier, mais en abordant cet air si connu d’Eléazar, il nous montre comment il peut être chanté et interprété alors que la voix suit parfaitement les volontés du chanteur, sans se répandre en plainte… C’est une méditation, une réflexion. Et toujours ce style parfait !
On revient enfin dans un style plus léger avec le duo Manon/des Grieux de l’acte I de
Manon de Massenet. Un des Grieux rêveur, une Manon jeune et frivole, le tout s’unissant et se découvrant au fil du duo. Les voix sont bien sûr toujours aussi souples et faciles.
Un air peu connu, « Vainement Pharaon » extrait de
Joseph de Méhul… Il est à la limite de la vaillance qu’il peut donner, mais ne cherche pas à en faire trop, jouant de sa voix pour palier ce petit manque !
Deux airs de
Mignon que Simoneau illumine de sa candeur naïve.
Deux airs de
Manon cette fois ci… le rêve de des Grieux, suivit du « Ah ! fuyez, douce image ». On a là la démonstration de ce que peut faire Simoneau dans un tel répertoire, chantant le rêve avec une grande réserve, presque à mi-voix, jouant de voix mixte pour alléger. Dans le deuxième air, il exprime toute sa détresse, mais en restant dans le cadre de cette Manon de Massenet : avec style et noblesse…
Puis, on revient à de l’opéra italien avec
L’Elisir d’Amore de Donizetti et l’inévitable romance de Nemorino… Je ne peux m’empêcher de penser à l’interprétation de Di Stefano de la fin des années 50 devant la beauté du timbre, le phrasé et la facilité… On pourra peut-être lui reprocher un côté trop noble, pas assez nigaud… mais c’est tout de même bien peut face à ce qu’il nous propose, parfaitement à l’aise avec l’écriture de Donizetti et le style, ajoutant ci et là quelques décorations, légères, discrètes, mais marquantes…
Puis
La Traviata et le « Lunga da lei » d’Alfredo. Il y est jeune, insouciant, amoureux ! Quel duo cela devait faire avec Callas leur de leur unique rencontre… Elle encore en voix en ce milieu des années 50 et dont on connaît tellement bien sa Violetta, lui tellement jeune et amoureux…
On continue sur le deuxième CD en commençant par
Tosca et « E lucevan le stelle ». Là encore, on retrouve, comme pour Nemorino, une ressemblance avec le jeune Di Stefano… Tout en nuance, en contemplation, Simoneau nous offre un air désespéré, mais superbe par le timbre et les pianos délicatement amenés…
La gavotte de
Manon suit, avec légèreté et juste ce qu’il faut de préciosité ! Alarie nous montre ses magnifiques aigus lancé directement et sans acidité !
Arrive l’air de Nadir des
Pêcheurs de Perles. Alors qu’avant, on trouvait Simoneau dans un répertoire autre que le sien, il est ici parfaitement à sa place… Son Nadir est stylé, rêveur. Son phrasé fait merveille sur ces longues lignes mélodiques, murmurées et rêveuses. Le tout splendidement fait, déposant ses aigus légers en voix mixte.
Ensuite, nous avons différents airs déjà chanté ici en italiens, mais chanté cette fois en allemand… tradition de l’époque que d’enregistrer dans la langue d’origine ainsi que dans la langue du pays d’enregistrement.
Puis vient « Ach, so fromm », extrait de
Martha de Flotow. Très bel air…
Ensuite, on a une série de duos français. On commence par le duo Micalea/Don José de
Carmen. Si Alarie est parfaite en Micaela, un peu précieuse… Simoneau est pour le coup un peu juste en Don José… Heureusement que cette partie du rôle est assez lyrique… Mais on reste un peu sur sa faim tout de même… Malgré tout, un très beau duo…
Ensuite, un autre duo de
Manon. Comme dans le premier, on a un superbe moment…
Puis, la Chanson de Magali de
Mireille. Tout est beau dans ce moment d’insouciance de deux amoureux…
Pour clore ce deuxième CD, deux duos de
Roméo et Juliette, celui du balcon, puis de la chambre de Juliette… Alarie est une magnifique Juliette, jeune et frémissante. Simoneau est lui d’une grande noblesse et forme avec cette Juliette un grand couple d’amants ! On trouve la noblesse et la style des plus grands… Thill par exemple ne lui porte pas ombrage !
Le troisième CD est partagé entre des airs français chantés par Pierrette Alarie et des grands extraits de Lakmé.
Dans la première partie, on trouve la valse de Juliette de
Roméo et Juliette qui préfigure l’ensemble des airs qu’on va trouver ici. Alarie est légère et belle, échappant qu piège de la démonstration, mais se permettant tout de même quelques ajouts parfaitement en accord avec l’état d’esprit de la jeune fille !
Ensuite, deux airs de
Mireille. on commence par « Heureux petit berger », cavatine sobre et joyeuse. Puis vient la valse « O légère hirondelle »… morceaux de bravoure, qui s’il n’est pas d’un intérêt dramatique, est par contre particulièrement virtuose. Et Alarie s’en sort magnifiquement bien et est impressionnante de facilité !
Il en est de même pour la polonaise de Philine extraite de
Mignon. Là encore, Alarie fait montre d’une grande virtuosité… Si les aigus peuvent être un peu retenu, pas aussi facile qu’on pourrait le penser, le reste est de très belle facture, dans le style de ce que pouvait faire Janine Micheau au début des années 50…
On retrouve par la suite les
Pêcheurs de Perles et la cavatine de Leïla… on retombe là sur un air plus sensible, moins ostentatoire qui montre Alarie attentive aux sentiments de cette jeune fille.
Par la suite, l’air d’Olympia des
Contes d’Hoffmann est beau, mais on pourrait demander quelques variations en plus… Disons que là, on a droit à la partition, mais que cela reste très calme loin d’être aussi brillant que ce que l’on pourrait entendre !
On retourne à Bizet pour l’air de Micaela de
Carmen et on retrouve là le même style d’interprétation que celle entendu avant dans Leïla… sensible, belle et jeune… et le tout avec
Pour finir ce disque, on a donc droit à des nombreux extraits de
Lakmé : l’air de Gérald « Prendre le dessin d’un bijou… Fantaisie, aux divins mensonges », l’air de Lakmé « Pourquoi dans les grands bois », le duo de rencontre de Lakmé et Gérald, la chanson des clochettes, la berceuse de Lakmé, puis deux duos Lakmé/Gérald. Les deux chanteurs sont encore une fois magnifique dans ce répertoire… Lakmé ne pose pas de problème à Alarie… Elle possède les aigus des clochettes, sans avoir la voix pointue que l’on peut entendre certaines fois, et la facilité dans les trilles et les aigus piqués. Mais les passages plus lents sont eux aussi d’une grande beauté. On voit dans ce rôle encore un fois l’alliance d’une technique parfaite permettant les vocalises et les aigus alliés à un timbre léger et frais. Simoneau est rêveur et dans la lignée de son Nadir. Son air est un modèle de phrasé et de beauté ! Réunis, ces deux grands artistes ne peuvent que nous donner de magnifiques moments…
Pour le quatrième CD, on commence par des valeurs sûres… Simoneau et Mozart !
Deux airs d’
Idomeneo : celui donc du rôle titre (« Fuor del mar »), puis celui d’Idamante… puis les deux airs de Don Ottavio de
Don Giovanni, puis l’air « Un’aura amorosa » de
Cosi fan tutte. Enfin, on a l’ai « Ah, se fosse intorno al trono » extrait de
La Clemenza di Tito. Que dire de ces six airs, si ce n’est que c’est une démonstration de ce qui se fait de mieux dans le répertoire mozartien ? Il y a tout d’abord ce timbre lumineux mais non mièvre. A cela s’ajoute cette science du détail apporté par une voix contrôlée magnifiquement et totalement au service de la partition. Et puis ensuite, une ligne de chant qui ne peut être plus belle tellement elle est royale, ne cédant jamais à un effet, toujours d’une musicalité parfaite ! Mais ce n’est pas pour ça qu’il se repose uniquement sur cette voix et cette technique. Que de sentiments sont en plus dispensés ! Cela prouve à quel point Simoneau est un des plus grands (si ce n’est même le plus grand) ténor mozartien qui nous reste en disque…
Par la suite, nous avons le Pie Jesu du
Requiem de Fauré chanté avec recueillement par une Pierrette Alarie qui mélange sa voix à l’orgue et qui montre toute la blancheur de son instrument, ignorant de tout vibrato…
Enfin, pour terminer ce CD, des extraits de
La Traviata avec Maria Moralès dans le rôle de Violetta… On se demande pourquoi ce n’est pas Alarie qui chante ce rôle, vu qu’elle était présente à Paris lors des ces enregistrements… Mais cela est sûrement un choix de la part de cette chanteuse, connaissant ses limites ! On commence par deux airs d’Alfredo : « Un di felice » et « Lunga da lei ». On trouve les mêmes qualités que dans l’extrait gravé séparément… Un jeune homme vibrant et amoureux, et une voix splendide ! Dans les deux duos avec Violetta (acte II et III), on entend une très belle Violetta, à la voix plus corsée que Alarie… et surtout une Violetta vivante et belle ! Simoneau ne peut qu’être motivé par une telle partenaire. Le contraste entre les deux voix est très intéressant : Alfredo léger, lumineux et frémissant ; Violetta plus corsée, plus femme… de très beaux… qui nous font vraiment regretter qu’une intégrale n’existe pas avec Callas…
Le cinquième CD est consacré aux mélodies, chantées par Alarie. Tout d’abord 16 mélodies de Mozart… On balaye des mélodies italiennes, françaises et italiennes. Je ne suis pas forcément fan de toutes ces mélodies, mais on ne peut que s’incliner devant le style et la beauté du chant. Alarie fait montre de beaucoup de nuances, passant de la mélodie joyeuse à la triste puis celle plus humoristique. Ces mélodies sont très variées et montrent le côté mozartien d’Alarie.
Par la suite, on commence une série de mélodies françaises du vingtième siècle. On commence par Debussy. Ces mélodies nous montrent une Alarie peu connue, une Alarie chantant du répertoire moderne… Et elle le fait très bien. Tout d’abord, une diction très claire. Mais aussi une belle conteuse…
Je m’étendrais beaucoup moins sur toutes ces mélodies, ne les connaissant pas avant pour la plupart… Mon jugement est donc très subjectif et peu documenté…
Le sixième CD est la suite de ce dernier… On continue sur Debussy, puis on finit par Ravel.
Les mélodies de Ravel sont elles aussi superbes, plus lyriques de celles de Debussy… Le timbre de Alarie fait merveille dans ce répertoire et cette diction toujours souveraine qui fait d’elle une très belle conteuse, renforcé par le fait qu’elle sait exactement ce qu’elle chante !
Et pour finir ce coffret, les mélodies de Duparc par Simoneau… Là encore, on n'attend pas du tout ce grand ténor dans ce répertoire… Les mélodies de Duparc sont en elles-même magnifiques, mais chantées par Léopold, elle sont encore plus belles… les textes sont de grande qualité et parfaitement dis par Simoneau qui met sa science de la ligne et du chant au service de ces mélodies qui forment le sommet de la rare composition de Duparc… Simoneau était d’ailleurs très triste que pendant longtemps, ces enregistrements aient été indisponibles… Heureusement, ils ont été distribués dans ce coffret…
Ce coffret regroupe donc les différentes facettes de l’art de ces deux grands artistes et est précieux témoignage d’un grand couple ! Ils ne sont pas seulement des grands artistes, mais aussi un superbe couple chantant… leur voix se mariant parfaitement au point de vue timbre, mais aussi au point de vue type de rôles !
Ce que je ne comprends pas, c’est qu’un tel coffret ne soit plus édité… il n’aura été disponible que très peu de temps, alors que très peu de ces airs, duos et mélodies sont disponibles ailleurs…
Lorsqu’on parle de Pierrette Alarie et Léopold Simoneau, on pense en premier lieu à Mozart, qu’ils ont beaucoup défendu… Mais comme le montre ce coffret, leur répertoire était bien plus large et même si beaucoup d’airs ici présentés n’ont pas fait l’objet d’une prise de rôle, il n’en reste pas moins magnifique de voir à quel point leur technique et leur goût musical pouvait permettre une interprétation magnifique, sans se forcer ou grossir sa voix. Tous deux auront été d’une grande prudence au niveau de leur répertoire… Prudence ou clairvoyance d’un autre côté ? Car quand on voit que Simoneau considérait qu’il ne pouvait pas chanter un rôle plus corsé que Rodolfo de
La Traviata, on voit bien qu’il savait quelles étaient les limites de sa voix et quel répertoire pourrait être le mieux servit par ce magnifique instrument !
Certains trouveront sûrement un petit air vieillot… Peut-être… mais c’est une école de chant qui se fait ici entendre… l’école qui format les grands noms des années 50/60 à Paris notamment… Moi, j’y trouve une clarté, une propreté et une sensibilité qui me touchent et m’éblouissent. Le tout servit par de magnifiques timbres !
Hors de ce coffret, il ne faut pas oublier pour lui Don Ottavio dans son intégralité, incarnation inégalée par le raffinement, la beauté et la caractérisation de son chant ! (Son interprétation dirigée par Mitropoulos, avec Siepi en Don Juan en ait un magnifique témoignage !)
On peut aussi écouter son Hoffmann, rôle qu’il ne chantera jamais sur scène, mais qu’il nous laisse pour nous montrer ce qu’il aurait peu faire dans bien d’autres rôles de l’opéra français… Une interprétation toujours juste, un interprète faisant confiance à sa voix et la connaissant bien, donnant ainsi un Hoffmann moins déchirant que bien d’autres, mais bénéficiant d’un timbre splendide ! Et il est de plus magnifiquement accompagné par Georges London, Suzanne Danco et Pierrette Alarie…
On peut aussi écouter son Orphée… sommet de style. Gedda est magnifique en Orphée, mais que dire de Simoneau… Il est d’une poésie et d’une fragilité sans pareil ! Ce n’est pas sa lyre qui nous charme, mais bien sa voix seule ! Bien sûr, cet enregistrement n’a rien de baroque, au niveau orchestral, mais pour le chant, on a des voix parfaitement à leur places.
Puis, un Faust… avec Alarie en Marguerite et Refhuss en Méphisto… Alarie est donc un peu juste en Marguerite, mais Refhuss et Simoneau sont splendides ! Le gros reproche à faire est au chef, Rivoli Gianfranco, qui dirige sans nerf et à une vitesse d’escargot…
Et les Pêcheurs de Perles, avec Alarie et Bianco… Parfait, rien à dire si ce n’est que les trois chanteurs sont à un même niveau d’excellence… Un témoignage à mettre aux côtés des autres Pêcheurs (Gedda/Micheau/Blanc et Angelici/Legay/Dens) sans rougir…
On peut aussi écouter son Œdipe dans l’œuvre de Stravinski…
Nous reste aussi, grâce à la Télévision Canadienne, on peut aussi voir le couple dans des très larges extraits de Mireille, de même que pour Orphée.
L’enregistrement de Mireille nous montre certes des décors très cartons pâtes, des costumes plus ou moins réussis… mais il nous garde deux interprètes magnifiques : un Vincent digne des jeunes Vanzo et Gedda ; et une Mireille un peu légère, mais assumant tout de même le rôle, réussissant une belle scène de la Crau, alors que sa voix pouvait faire craindre le pire dans ce passage !