[Richard Wagner] LULLY - Cadmus & Hermione

Il existait un vieux Leppard, mais le seul enregistrement commercial couramment disponible est le DVD de Dumestre / Lazar. Néanmoins, comme une bande Rousset existe chez les collectionneurs (et il y en a quelques-uns ici), ça peut se justifier. Et puis on peut toujours parler du DVD en question.

Je voulais citer (et réagir) au commentaire de Discobole :

discobole a écrit:

Lully - Cadmus et Hermione (vidéo, Dumestre & Lazar)
Prologue et Acte I

J'avais pas encore eu le temps de regarder ça. J'aurais pu mettre ça dans les grosses claques je pense, moi qui pourtant suis frileux envers la logique trop extrémiste de la reconstitution, là, c'est tellement superbe musicalement et visuellement, tellement théâtral...
Surtout, l'énorme, énorme bon point, c'est la langue. Contrairement aux Lully de Christie par exemple, je ne suis plus gêné ici par des fautes de diction, de soit-disant modernisations un peu triviales qui choquent l'oreille, non du puriste, mais du simple amateur de la langue française et de la littérature du XVIIe siècle. Rien que dans le Prologue, Mélisse et Palès sont délicieuses, ce qui importe d'ailleurs étant moins la prononciation des consonnes finales que les sons ouverts sur les diphtongues. Bref, c'est plus qu'excellent, c'est admirable.

discobole a écrit:

J'avais pas encore eu le temps de regarder ça. J'aurais pu mettre ça dans les grosses claques je pense, moi qui pourtant suis frileux envers la logique trop extrémiste de la reconstitution, là, c'est tellement superbe musicalement et visuellement, tellement théâtral...
Surtout, l'énorme, énorme bon point, c'est la langue. Contrairement aux Lully de Christie par exemple, je ne suis plus gêné ici par des fautes de diction, de soit-disant modernisations un peu triviales qui choquent l'oreille, non du puriste, mais du simple amateur de la langue française et de la littérature du XVIIe siècle. Rien que dans le Prologue, Mélisse et Palès sont délicieuses, ce qui importe d'ailleurs étant moins la prononciation des consonnes finales que les sons ouverts sur les diphtongues. Bref, c'est plus qu'excellent, c'est admirable.

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C'est amusant, mais j'avais été très appâté par le principe... néanmoins je trouve ça, justement, contraire au théâtre. Oui, c'est clairement la meilleure production du point de vue de l'usage de la prononciation restituée, malgré toutes les réserves sur ses prétentions d'authenticité (inexacte, et en plus c'est créer un décalage qui n'existait pas pour les spectateurs de l'époque !).

Néanmoins, du point de vue du théâtre, j'ai éprouvé tout le contraire : tout ce monde tassé sur cette scène minuscule, avec tous ces panaches d'un goût parfois discutable, cette déclamation frontale... A la fois séduit dans une certaine mesure et resté sur ma faim au bout du voyage.

Mais tu diras ça quand tu auras fini, je suis curieux de lire tes impressions, surtout si elles sont aussi enthousiastes.

Bon, j'ai terminé le visionnage de ce Cadmus et Hermione de Dumestre & Lazar.



Mon enthousiasme du premier contact est peut-être un peu atténué (après le choc de la première heure, ça suit plus tranquillement son cours), mais ça n'en reste pas moins une excellente production, qui n'a pas moins de qualités et pas plus de défauts que les Lully de Christie (Armide avec Carsen et la reprise d'Atys avec Villégier). Et la langue est ici une qualité vraiment intéressante, là où Christie me laisse (depuis pas mal de temps) sur ma faim, et dans le doute. Alors c'est certainement encore inabouti, il y a probablement un équilibre à trouver, peut-être moins extrême, mais je suis plutôt convaincu. Rien que le Prologue est un bijou à tous points de vue...

En ce qui concerne la mise en scène je n'ai pas cette impression soulignée par David d'entassement, tout juste suis-je d'accord sur un côté un peu statique dans la déclamation des airs (mais on a vu pire, cf. Idomeneo il y a trois mois au TCE, je m'en suis toujours pas remis), mais de façon générale je trouve ça vivant, à part peut-être le ballet des statues, dont la subtilité m'échappe sûrement.

La question de la « distance » par rapport au spectateur contemporain est une fausse question à mon sens. On peut faire un usage moderne des moyens anciens, et c'est ici le cas, à mon sens. C'est à dire que la seule distance créée par la diction, par les bougies, par les décors, c'est la distance dramatique nécessaire à toute mise en scène. En l'occurrence la scénographie m'a vraiment rappelé certaines des meilleures créations théâtrales que j'aie pu voir dans les années récentes, plus que beaucoup de mises en scène d'opéra récentes d'ailleurs.

Musicalement c'est excellent, la gestique un peu étrange de Dumestre n'empêche pas une implication totale de ses musiciens. Vocalement, idem, très convaincu, un plateau très cohérent, pas forcément de présence explosive certes, mais pas non plus de franche faiblesse (contrairement à Atys d'ailleurs, si je repense à certaines scènes, comme le fleuve Sangar de Deletré). Et quelques voix secondaires très séduisantes, comme Luanda Siqueira (Junon) ou Camille Poul (L'Amour).

Après, certes, je ne regarderai pas ce Cadmus dix fois. Mais c'est plutôt la faute de l'œuvre, qui a ses limites, que n'ont pas les Lully ultérieurs. J'aimerais donc voir Dumestre et les siens (pourquoi pas avec Lazar) se mettre à d'autres affiches, mais en Lullie, la concurrence est encore une pratique à peu près évitée. Un jour peut-être verra-t-on un autre Atys que celui que nous connaissons...

Si quelqu'un sait comment se procurer la bande de Rousset en tout cas, je suis preneur, ce serait déjà ça. Je vais mettre le DVD des comédies-ballets par Dumestre-Lazar à mon programme.

Merci pour ce compte-rendu très stimulant !

discobole a écrit:

qui n'a pas moins de qualités et pas plus de défauts que les Lully de Christie (Armide avec Carsen et la reprise d'Atys avec Villégier).

Là, clairement, je crois quand même que si. Ne serait-ce que le niveau technique de l'orchestre et l'envergure des chanteurs. Dumestre est excellent, mais Christie a quelque chose d'assez incomparable. J'en suis d'autant plus étonné que je trouve beaucoup de ses productions du début des années 2000 (entendues aussi en salle, même du français) assez grises et sèches.

Et même si je peux aimer beaucoup Lazar (Cendrillon !), ici je trouve que ça ne soutient pas la comparaison avec de "vraies" mises en scène comme Carsen ou Villégier, qui ne se contentent pas de "mettre en décors".

Citation :

Et la langue est ici une qualité vraiment intéressante, là où Christie me laisse (depuis pas mal de temps) sur ma faim, et dans le doute.

Alors ça, c'est sacrément intéressant. Christie fait un travail de formation hors du commun sur les jeunes chanteurs sur les questions de consonance du vers français, et les résultats obtenus sont spectaculaires, même chez les étrangers qui ne parlaient pas du tout la langue. Qu'est-ce qui te paraît inabouti ou sujet à caution ? Moi je n'entends rien de tel (et je ne suis pas du tout, au départ, un fanatique de Christie, loin s'en faut), mais il y a manifestement des choses qui te dérangent ou te paraissent contestables : si tu pouvais en nommer quelques-unes, ça m'intéresserait très vivement.

Citation :

mais on a vu pire

Si on va par là, c'est sûr que la mise en scène de Lazar se laisse très agréablement regarder, ce qui n'est pas le cas, loin s'en faut, de toutes les productions. Mais tout en considérant ce Cadmus comme une excellente production, je ne suis pas tout à fait emporté.
Ta comparaison avec Idoménée n'est pas équitable de toute façon : entre un seria classique avec des airs frontaux de dix minutes et un LULLY, on n'est vraiment pas dans le même univers dramatique. Braunschweig dans LULLY, ce devrait être étonnant, pas sûr que ça fonctionne, mais je serais prêt à tenter l'aventure !

Citation :

La question de la « distance » par rapport au spectateur contemporain est une fausse question à mon sens.

Là encore, pas d'accord : la puissance de l'opéra, et en particulier de ce genre d'opéra-là, réside dans la nourriture réciproque du texte et de la musique, et ici, on diminue cette puissance (en plus c'est la langue du public !) en la rendant exotique.

Cela dit, très franchement, les chanteurs étaient assez bien préparés (contrairement à Ambronay, qui produit chaque année des horreurs en restitué, culminant avec le Carnaval de Destouches à peu près totalement inintelligible...). Et au bout d'un moment on passe à autre chose.

La question de la prononciation ne me paraît pas centrale. Et précisément pour cette raison, je ne vois pas trop l'intérêt de la mettre en avant. Pour la déclamation parlée, en revanche, ça me paraît avoir beaucoup plus d'intérêt, parce que ça réactive certaines sonorités, certains sens - rôle déjà tenu par la musique à l'opéra.

Citation :

En l'occurrence la scénographie m'a vraiment rappelé certaines des meilleures créations théâtrales que j'aie pu voir dans les années récentes, plus que beaucoup de mises en scène d'opéra récentes d'ailleurs.

Des noms ?
Pour ma part, ce que j'ai vu de mieux ces dernières années au théâtre est sans rapport (Braunschweig encore !) ou certes tradi mais pas du tout adossé à une scénographie puissante (Andrés Lima).

Citation :

Vocalement, idem, très convaincu, un plateau très cohérent, pas forcément de présence explosive certes, mais pas non plus de franche faiblesse [...] Et quelques voix secondaires très séduisantes, comme Luanda Siqueira (Junon) ou Camille Poul (L'Amour).

Entièrement d'accord avec ça.

Citation :

Après, certes, je ne regarderai pas ce Cadmus dix fois. Mais c'est plutôt la faute de l'œuvre, qui a ses limites, que n'ont pas les Lully ultérieurs. J'aimerais donc voir Dumestre et les siens (pourquoi pas avec Lazar) se mettre à d'autres affiches, mais en Lullie, la concurrence est encore une pratique à peu près évitée. Un jour peut-être verra-t-on un autre Atys que celui que nous connaissons...

Il y a déjà celui de Reyne ! (qui a valu une fâcherie avec Christie, comme on s'en doute...) Que j'aime peut-être encore plus que les deux scéniques que Christie (en tout cas que celui de 2011).

Pour Dumestre et LULLY, il y a une limite stylistique. Ce que j'ai trouvé très réussi et passionnant, c'est la façon dont il tissait le lien entre le premier LULLY et le répertoire italien du premier XVIIe. Les couleurs, la faune instrumentale, la façon de développer le continuo avec plus de rondeur et de chaleur que de drame... il évoquait la filiation Cavalli de façon très saisissante, je trouve.

Est-ce qu'il voudrait le faire pour Roland, je ne suis pas sûr, et ça ne serait pas forcément aussi pertinent.

Après ça, Dumestre peut enregistrer tout le LULLY qu'il veut, il a ma bénédiction, hein.

Citation :

Si quelqu'un sait comment se procurer la bande de Rousset en tout cas, je suis preneur, ce serait déjà ça.

On m'a raconté qu'il suffisait de demander gentiment à quelqu'un qui a trois initiales. Mais qui, mystère.

Le problème quand on pose autant de questions c'est qu'il va falloir que je trouve le temps de répondre. J'essaierai d'y revenir dans les jours qui viennent, que mon silence éventuel ne soit pas pris pour du mutisme.

Non, non, tu as bien sûr tout ton temps. Mais ça m'intéresserait effectivement si tu y répondais, parce que tu soulèves des questions qui me paraissent passionnantes, sans que je voie forcément où tu veux en venir.

Merci.

Tiens, personne n'a réagi depuis longtemps... Il faut dire qu'avec une seule version officielle, ça réduit le champ des débats. Dommage, parce que l'option italiano-archaïsante de Dumestre est très typée (et passionnante, d'ailleurs).

Apparemment une nouvelle version (audio) par Dumestre vient de sortir dans la collection du Château de Versailles. Quelqu'un l'a entendu, a quelque chose à en dire? (Comme trop souvent en tragédie lyrique, les têtes d'affiche font moins envie que le reste de la distribe...)

(D'ailleurs, si quelqu'un à un avis sur les non moins récents enregistrements du Ballet Royal de la Naissance de Vénus de LULLY par Rousset, de Sémiramis de Destouches par les Ombres, et des airs de cour sur des poèmes de la comtesse de la Suze par les Mauillon sis & bro, je suis preneur.)

Benedictus a écrit:

Apparemment une nouvelle version (audio) par Dumestre vient de sortir dans la collection du Château de Versailles. Quelqu'un l'a entendu, a quelque chose à en dire? (Comme trop souvent en tragédie lyrique, les têtes d'affiche font moins envie que le reste de la distribe...)

Non, désolé. Je n'ai même pas vu passer cette production IRL, étrangement. Je me demande quand ils ont fait ça.

Comme CVS a retiré tous ses disques des sites de flux pour ouvrir sa propre plate-forme, je n'ai plus accès à rien de toute façon. (Ce doit être plus rentable que la dîme infinitésimale Deezer, mais en termes de visibilité et de diffusion, ouille.)

Citation :

(D'ailleurs, si quelqu'un à un avis sur les non moins récents enregistrements du Ballet Royal de la Naissance de Vénus de LULLY par Rousset, de Sémiramis de Destouches par les Ombres, et des airs de cour sur des poèmes de la comtesse de la Suze par les Mauillon sis & bro, je suis preneur.)

Pas encore écouté La Suze (mais ce doit être très très bien comme d'hab avec eux). Le Ballet de Vénus est vraiment très réussi (et puis il y a Tauran-bae ), pour un ballet de LULLY, ça a vraiment un certain relief (sans être du tout du niveau des tragédies évidemment).

Sémiramis, c'est un peu un décalque (livret et musique) de Callirhoé, en un peu moins inspiré. Très très bien donc, et chouettes interprètes, même si j'ai trouvé qu'il manquait (c'était le premier opéra jamais réalisé par Les Ombres, je crois bien !) un brin d'urgence et d'abandon pour être totalement saisi.
Il y a quand même des choses formidables, comme l'air d'entrée de Sémiramis, il faut écouter ça !

Moi qui réfléchissais à l'instant à un recueil de poésies féminines Ancien Régime et qui ne soit pas du Louise Labé ... merci @Benedictus !

Bon, eh bien, j'ai commandé tout ça, je vous en dirai des nouvelles.

(En tout cas, c'est réjouissant, toutes ces sorties en répertoire XVIIᵉ français!)

Sémiramis, c'est déjà 1718 ! (j'espère que ça ne te décevra pas, donc)

Oui, abus de langage de ma part: je pensais en fait pré-troisième école.
(Parce que si le langage est le même que Callirhoé, ça devrait me plaire.)

J'ai écouté le Dumestre version 2... et globalement ça marche très bien j'ai trouvé.
Après j'ai un peu de mal à être fasciné par cette première tragédie de LULLY... Mais distribution très soignée (même les deux têtes d'affiches même si ça risque de ne pas être forcément tes préférences...)
Dumestre est magnifique en tout cas!

Pour le Ballet Royal de la Naissance de Vénus j'avoue là par contre que je n'ai pas été fasciné du tout. Peu d'intérêt je trouve.
Enfin, le double disque sur les Poèmes de la Comtesse de la Suze est une vraie splendeur! Rien n'est à jeter tant chacun est superbe là-dedans.

Pas encore trouvé ni écouté du coup le Semiramis.

C'était accessible sur Deezer, il me semble (label Ambronay, non ?).

DavidLeMarrec a écrit:

C'était accessible sur Deezer, il me semble (label Ambronay, non ?).

Eh non

Ah oui, c'est la bande de France Mu que j'ai, captée à Ambronay !

(Tu l'as ?)

DavidLeMarrec a écrit:

Ah oui, c'est la bande de France Mu que j'ai, captée à Ambronay !

(Tu l'as ?)

Oui, après il y a des changements dans la distribution :

Rôle	Versailles (CD)	Ambronay (FMu)
Sémiramis	Éléonore Pancrazi	Judith Van Wanroij
Amestris	Emmanuelle de Negri	Emmanuelle de Negri
Arsane	Mathias Vidal	Mathias Vidal
Zoroastre	Thibault de Damas	João Fernandes
La Prêtresse, une Babylonienne	Judith Fa	Julia Beaumier
Un Génie, un Babylonien	Clément Debieuvre	Clément Debieuvre
L’Oracle	David Witczak	Benoît Descamps

Et puis bon, ma collectionnite aigüe fait que... je vais acheter le disque

Je reviens à Cadmus et Hermione: je suis en train d'écouter le Prologue - c'est le Poème Harmonique, c'est-à-dire que le grain instrumental est ébouriffant (ces théorbes, cette cornemuse, ces percussions!) mais qu'il faut se fader le frrrraneçouèsss restitué.

Pancrazi, s'il y a eu un vrai travail sur la déclamation, ce peut être très intéressant !

(mais ça ne semblait vraiment pas le cœur du projet de cette production, si j'en crois l'impression que m'a laissé la radio)

Ça a été donné à Versailles en public, non ? Il me semble bien que j'y étais (et que ça ne m'a pas bouleversé, alors que c'est calibré pour moi).

Oui, ça me revient, j'y étais – et j'avais été frustré précisément par le côté sous-Callirhoé et le faible investissement du côté du verbe… (il est vrai que l'Opéra Royal est vaste et pas très facile acoustiquement)

DavidLeMarrec a écrit:

Oui, ça me revient, j'y étais – et j'avais été frustré précisément par le côté sous-Callirhoé et le faible investissement du côté du verbe… (il est vrai que l'Opéra Royal est vaste et pas très facile acoustiquement)

Après en studio, peut-être qu'on entendra plus de texte de la part des chanteurs. Il y a quand même De Negri et Vidal, donc au moins de leur part on aura du texte a priori.

Ils étaient déjà dans la bande radio…

Vidal fait du Vidal : ça fonctionne très bien pour Rameau et le XIXe, mais le début XVIIIe, les rôles sont vraiment graves, il est bridé dans son expression, un peu toujours sur les mêmes figures expressives agitées.

Et Negri non plus n'avait pas la puissance de verbe qu'on lui a connu dans Pyrrhus, par exemple.

C'était très très bien, mais il manquait vraiment, pour moi, la petite étincelle d'équipe. (On entendait des individualités extraordinaires un peu juxtposées.)