Les mots pour le dire (trouvés en dehors du forum)

Je ne trouve pas toujours des mots pour le dire.

Alors j'ai décidé d'apprendre dans les grands textes. Pas ceux d'ici, par discrétion.

Ce matin, je viens d'apprendre que l'on pouvait dire de Serkin qu'il avait un "pianisme monacal" par exemple et qu'il n'aimait pas "jouer la carte d'un hédonisme brillant et décoratif".

Vous allez voir que bientôt je vais pouvoir manier de l'"agogique cursive" comme personne.

shushu a écrit:

Ce matin, je viens d'apprendre que l'on pouvait dire de Serkin qu'il avait un "pianisme monacal" par exemple et qu'il n'aimait pas "jouer la carte d'un hédonisme brillant et décoratif".

On peut faire plus clair et plus court en traduisant :

Spoiler:

Non, faites comme sie je n'étais pas là.

Parfois, quand les formules toutes prêtes semblent dépassées ou désuètes, on peut avoir recours à de longs développements pour provoquer le ressenti:

Ce pianiste* "non seulement débite avec flegme les pires difficultés mais semble jouer avec sa quatrième main au poker (les trois premières étant tout de même largement occupées) et en plus regarder les cartes du voisin par un habile jeu de miroirs."**

*Benno Moisiewitsch, dans l'ouverture de Tannhauser Wagner/Liszt.
**Les indispensables du disque compact, 95, Fayard, page 896.

shushu a écrit:

Ce pianiste* "non seulement débite avec flegme les pires difficultés mais semble jouer avec sa quatrième main au poker (les trois premières étant tout de même largement occupées) et en plus regarder les cartes du voisin par un habile jeu de miroirs."**

C'est un poète qui a écrit cela ! Qui ?

J'ai donné la référence, mais c'est un ouvrage collectif. Ce serait signé donc soit de Jean-Charles Hoffelé, soit de Piotr Kaminski, soit des deux.

Mon étude des écrits de référence me fait progresser vite, je crois:

Les interprètes "prouvent que l'académisme est soluble si on agite bien"*

*shushu, Autour de la Musique classique, 28 août 2011

Frôlant les clichés mais ne s'embourbant pas complètement dedans quand même, on a pu lire que Rafael Kubelik dans la 8ème de Dvorak "parcourt avec une certaine nostalgie les vastes espaces champêtres et les élans passionnés du plus grand symphoniste de son pays natal".

shushu a écrit:

Frôlant les clichés mais ne s'embourbant pas complètement dedans quand même, on a pu lire que Rafael Kubelik dans la 8ème de Dvorak "parcourt avec une certaine nostalgie les vastes espaces champêtres et les élans passionnés du plus grand symphoniste de son pays natal".

C'est la moins pire, comme qui dirait .
Sinon, j'ai aussi cette magnifique périphrase (plus dans le genre assassine) : "Rousseau représente le cas extrême d'un compositeur dont l'influence fut sans commune mesure avec la qualité propre de sa musique" (Dictionnaire de la musique, Larousse).

envoyé à l'administrateur d'un autre forum :

"t'es un batard, je vais te péter les dents"

admirez la concision sans fioritures.

Sauf que dans ce sujet on est un peu censé parler de la façon de parler musique plutôt...

T'es un sale altiste, je vais te péter les boyaux !

Là ça le fait !

Nous sommes heureux d'apprendre que Jean-René Duchâble dans des études pour piano de Camille Saint-Saens "reste fidéle à la virtuosité discursive", ce qui est probablement une manière plus élégante de signifier qu'il est là avant tout pour mouliner des notes. Ce faisant, il est bien sûr "entre deux tendances, l'une romantique, l'autre nerveuse et impérieuse". Il est certain qu'entre le romantisme et les nerfs, malheureusement les nerfs l'emportent le plus souvent.

D'après Max Weber "les compositeurs sont en général compliqués quand ils ne savent pas etre complexes".

Glocktahr a écrit:

D'après Max Weber "les compositeurs sont en général compliqués quand ils ne savent pas etre complexes".

Ou alors ils font des fautes d'harmonie comme Glass.

C'était un risque à prendre. Mais si j'avais dit comme Scelsi, j'aurais eu des problèmes avec de plus hautes autorités, donc j'ai choisi de me mettre à dos les faibles plutôt que les forts.

Et il avoue sa lâcheté, en plus.

C'est qui les hautes autorités qui aiment scelsi, que je prenne asile en leur demeure?

Y en a qu'une de haute autorité ici.

Dans le War Requiem de Britten, selon un critique le chef, Hickox, "prend des distances et ses brouillards d'horreur ont déjà les lignes des bas-reliefs"*

Les indispensables du disque compact 95, JC Hoffelé et P Kaminski, p.323

Devons nous être heureux ou fâchés d'apprendre que le soliste (ici le pianiste J. Bolet) "privilégie une certaine dilution somnanbulique de la tension" ??

(Diapason n° 570, p.96)

Il ne faut pas négliger les mots rudes, essentiels à la hyène qui sommeille en chacun de nous, en gardant en tête le principe qui veut que qui aime bien châtie bien.

Imprégnons-nous par exemple de la formulation consistant à dire que l'interprète (que nous n'allons pas citer cette fois-ci) "aura donc pu achever (c'est le mot) une intégrale des concertos avec son petit orchestre difforme".


Diapason, n°579, p.81

shushu a écrit:

Il ne faut pas négliger les mots rudes, essentiels à la hyène qui sommeille en chacun de nous, en gardant en tête le principe qui veut que qui aime bien châtie bien.

Imprégnons-nous par exemple de la formulation consistant à dire que l'interprète (que nous n'allons pas citer cette fois-ci) "aura donc pu achever (c'est le mot) une intégrale des concertos avec son petit orchestre difforme".


Diapason, n°579, p.81

C'est à propos des concertos de Beethoven par Schoonderwoerd ?

Bah oui.

Sommes-nous rassurés d'apprendre que l'oeuvre "évoquera Chausson lorsque l'écume bouillonne et que les archets s'agitent en apercevant la nymphe toute nue."?



pardon


Diapason n°593, p.88," Nouveauté"," Philippe Gaubert"

Savent plus quoi inventer, ma pauv'dame:

le chef (Dutoit) "trouve un style tout à la fois épuré et sans esbrouffe, intériorisé et sans complaisance attendrie vis-à-vis de la sonorité en soi"

Si vous avez compris, merci de me faire un petit mp.


Diapason, Dictionnaire des disques et des compacts, 1991, p.625 (Honegger, le Roi David)

J'imagine que c'est la dernière partie de la phrase qui t'interroge ? Je pense qu'il faut comprendre que Dutoit ne s'écoute pas diriger, comme un Karajan, il n'est pas obsédé par le beau son qu'il pourrait tirer de son orcherstre.

Comprendre: son orchestre sonne comme il peut?

Ce qui m'interroge, c'est que l'auteur de la phrase semble par son style vouloir parler de compromis savamment équilibrés réussis par Dutoit (le "à la fois") et qu'ensuite il décrit 2 phénomènes qui d'après moi sont de toute façon étroitement corrélés: "épuré" et "sans esbrouffe", puis "intériorisé" et "pas de recherche du beau son" (extérieur). C'est le contraire d'un oxymore son truc, or il le présente comme si c'en était un.
Pour moi, ça ne veut donc pas dire grand chose.

"les pics sonores qui modèlent le relief de lt* laissent s'évaporer de volatiles éthers"

Je veux le disque!


*oeuvre de Franck Bedrossian

Hélas, certains violonistes n'en font qu'à leur tête.

Comment mieux l'exprimer qu'avec:

"Une suite de babillages et un sens marqué de la dérision dépouillent le concerto de certaines de ses dimensions les plus sublimes à savoir son souffle, sa puissance et sa majesté."

Ces jeunes ne respectent rien.


Diapason n°572, p.96: Concerto pour violon de Beethoven par P Kopatchinskaja (violon)

Les exemples particulièrement comiques de ce sujet me font penser, dans un autre registre, à ce générateur automatique de discours religieux abscons : http://catho.org/cgi-bin/pipotron !

shushu a écrit:

"Caballé chante divinement, mais elle pourrait aussi bien dire "j'ai des fraises et de la crème fraîche" au lieu de "je veux la tête de Jokanaan"".

Hoffelé 95, p. 1569 (Salomé de R Strauss)

Le pire, c'est que c'est exactement ça

Il faut bien qu'un critique se mouille de temps en temps: "Nous vous conseillons l'électrochoc.....Prévoyez force spontex pour éponger la sueur de l'interprète, et surtout écoutez sans vous soucier de l'inondation"

Guide Hoffelé 1995, p. 896; Jorge Bolet dans la transcription pour piano de l'ouverture de Tannhauser de Liszt/Wagner.

Je confirme, cette version live est hallucinante.

ahem, ahem,.....

"Fougueux mais intimement réservé, débordant de lyrisme mais volontairement organisateur de l'espace sonore et de la partition, toujours égal à lui-même, c'est-à-dire excellent et pénétré de poésie, tel apparaît Geza Anda......Quel souffle! Et quelle modestie de l'interprète face au compositeur!Dés lors...quelle leçon pour beaucoup!"

Quelle leçon effectivement!C'est de l'écriture automatique pour critique payé à la ligne?

Diapason-Dictionnaire des disques 1984-éditions Bouquins-page 813, Schumann, Kreisleriana

"Pauvre Perlemuter; deux fois il se met au disque à l'intégrale de Ravel, deux foix les ingénieurs du son creusent sa tombe dans la fosse commune"


Et puis, creuse-t-on une tombe dans une fosse commune?

".....une substance musicale idéalisée et insinuante......fait de la musique de Debussy une espèce de féérie éveillée, fluide, ductile et secrète"

Un vrai poème!

Dictionnaire des compacts/Diapason/coll. Bouquins 1991 p.370
(anthologie Debussy par Inghelbrecht)

Hopkinson Smith "égrène ses accords hiératiques avec la nostalgie des fastes du Grand Siècle"

Cette fois Diapaon a choisit une plume !

" ses registrations, relativement inédites, donnent parfois l'impression qu'il fait joujou avec tous les boutons d'un orgue qu'il viendrait de recevoir à Noël..."


Pour la première fois, je puise dans l'abondante littérature du forum : Sofro, à propos de l'interprétation d'Isoir de l'Art de la Fugue.
https://classik.forumactif.com/t1353p100-l-art-de-la-fugue-de-bach#382739 31 mars 2009

"L'orchestre.....se contente ensuite d'une respiration large et d'une belle pâte moelleuse où les différentes idées se distinguent plus ou moins".

Oh! C'est censé être de la musique (confortablement floue), pas de la philo.


Gaetan Naulleau, Diapason 618, p.94, Handel par Les Arts Florissants

"Contrairement à d'autres très belles capitations des Planètes....."

Bon, ça vaut toujours mieux qu'une décapitation en règle par les interprètes, c'est certain.

JC Hoffelé, DVD Host/The Planets, Diapason 618, p.127

shushu a écrit:

Diapason 168

  

Mélomaniac a écrit:

shushu a écrit:

Diapason 168

  

Ah oui, c'est un peu bas, mais ce n'est pas la peine de le trompetter sur tous les toits.

C'est plus amusant sans commentaire, alors une petite liste non exhaustive des fumisteries que j'ai lues par le passé :

• « Laisser la musique s'exprimer d'elle-même. » (Le parangon en termes de fumisterie.)
  
• « Interroger le texte. » (Le runner-up, en apparence opposé au précédent.)
  
• « Pianisme. » (Qu'est-ce que ça a du chien, les termes en -isme.)
  
• « Musicalité. » (Gné ? « Caractère de ce qui est musical. » Ah, bon ! je croyais qu'on parlait de récolte des cerises.)
  
• « Hors style. » (Et comment le sait-on ?)
  
• « Geste interprétatif. » (Pendant masculin du suivant.)
  
• « Intention interprétative. » (Pendant féminin discrètement édulcoré du précédent.)
  
• « Marmoréen. » (Je reconnais que le mot a de la musicalité.)
  
• « Interprétation. » (Qu'est-ce que j'envie les Anglais et leurs to interpret et to perform !)
  
• « Son. » (La musique est autant un tas de sons que la physique un tas de faits, non ?)
  

Sous spoiler, des traductions en français (un peu au bulldozer, j'avoue ) :

Laisser la musique s'exprimer d'elle-même:

Interroger le texte:

Pianisme:

Musicalité:

Hors style:

Geste interprétatif:

Intention interprétative:

Marmoréen:

Interprétation:

Son:

Je suis moins d'accord pour la définition donnée pour le geste interprétatif.   

Armand a écrit:

Je suis moins d'accord pour la définition donnée pour le geste interprétatif.  

C'est celle que j'aime le moins aussi mais ce que je trouve bizarre, c'est qu'on invoque le concept de geste alors qu'il s'agit sans doute d'une série de paramètres de jeu qui sont mis en œuvre : l'accentuation, la nuance, l'agogique, la longueur de résonance, le timbre, etc. Si un compte-rendu utilise plutôt ces mots-là, il y a des chances qu'on puisse comprendre de quoi il s'agit même si on n'a pas écouté (on pourra se faire une idée approximative de la manière dont ça a été joué), alors qu'avec un terme comme geste interprétatif ça me semble nébuleux...

lucien a écrit:

tiens, tu as retiré ta petite gauloiserie évocatrice ? 

Me souviens pas.    Tu veux dire, dans le message que j'avais posté ici avant de le supprimer ? Aucun souvenir d'une gauloiserie évocatrice, pourtant...

Peux-tu être plus explicite ?  

  T'inquiète pas Scherzian : Lucien voit de la gaudriole partout...

Scherzian a écrit:

Peux-tu être plus explicite ?  

non.