Avec pas mal de retard, quelques mots sur cette 5e biennale, dont j'ai écouté la dernière partie (du 20 au 22 janvier).
Le compositeur contemporain à l'honneur était Wolfgang Rihm. A part une pièce d'orchestre lugubre entendue il y a longtemps (in doppelter Tiefe), je ne connaissais rien de lui. Les oeuvres entendues étaient d'un intérêt variable, certaines intéressantes et assez émouvantes par moments (quatuors n° 3 et 4), d'autres plutôt barbantes (quatuor n° 12, Grave in memoriam Thomas Kakuska). Une seule écoute est évidemment peu de choses pour juger d'une musique complexe. Cela m'a semblé tout de même inégal, tout en étant moins rasoir que Dusapin (4e biennale) et moins aride que Carter (3e biennale). C'est surtout assez uniformément dans un registre lugubre/angoissé/torturé/mystérieux, qui finit par être lassant. Je suis bien entendu incapable d'apprécier les interprétations (sincèrement, je ne suis pas sûr que, si les interprètes avaient fait 50 % de fausses notes, je m'en serais aperçu), mais enfin, chapeau aux Arditti pour leur engagement pour la musique de leurs temps (parfois, je me dis qu'ils doivent périodiquement se réunir dans le 5e sous-sol d'un immeuble désaffecté pour se jouer un Stamitz histoire de se changer les idées, mais peut-être que l'audition d'un accord d'ut majeur les fait s'évanouir, allez savoir).
Pour le reste, les Borodine m'ont moyennement convaincu dans Beethoven (op. 59/2 et 59/3). Le style est certes châtié, sans outrance, mais le 59/2 était passablement planplan, malgré un beau mouvement lent. Le 59/3 était nettement mieux, beau et noble, mais un peu marmoréen à mon goût.
Les Ysaÿe ont bien commencé, par un 3e de Schumann intense, mais ont curieusement sombré dans un op. 127 de Beethoven terne et étriqué. Même problème pour les Takàcs, qui ne sont plus aussi bons depuis le changement de leur premier violon il y a déjà assez longtemps : op. 64/5 de Haydn bien mené sans être transcendant, puis un quintette en ut de Schubert (avec Marc Coppey) assez plat (entre les deux, un 3e quatuor de Britten que je ne connais pas assez bien pour juger de l'interprétation). Problème inverse avec les Prazak, qui ont commencé par un quintette op. 29 de Beethoven d'une platitude désespérante, pour finir par un op. 59/1 du même de bonne facture, juste bridé par les limites techniques assez gênantes du nouveau premier violon. Ces trois ensembles donnent un peu l'impression d'avoir leur avenir derrière eux, au moins au vu de ces concerts (ce qui peut être une appréciation trop rapide, j'en conviens).
Bien plus satisfaisant, le quatuor de Jérusalem dans des demi-concerts partagés avec les Arditti; il a donné le 2e de Brahms et le 2e de Beethoven, avec une belle sonorité charnue et beaucoup d'allant. Beau concert, pour terminer, du quatuor Arcanto, impressionnant de maîtrise instrumentale et intellectuelle dans un répertoire exigeant (4 extraits de l'Art de la fugue, op. 135 de Beethoven, 15e de Schubert). Je n'ai pas été d'accord avec tout (dans Beethoven, 1er mouvement un poil trop lent et mouvement lent trop rapide), mais je n'ai pu qu'admirer la solidité et l'intelligence de l'ensemble (et arriver à la fin du 15e de Schubert parfaitement frais, sans savonner les traits, sans s'embourber, bravo, bravo). Les Hagen ont paraît-il été très bons, mais je n'ai pas pu y aller.
Il est vraiment agréable de bénéficier d'une telle concentration de quatuors (même si je préférerais une saison régulière plus dense, cf. le Wigmore Hall ou les salles viennoises), merci la Cité. Un voeu pour la 6e biennale, plus de Haydn, et pas traité comme une mise en jambes en début de concert, merci...