Armide, LULLY/Quinault (1686)
Armide : Peggy Kriha Dye
Renaud : Colin Ainsworth
Hidraot : Joao Fernandes
Sidonie/ la nymphe des eaux : Meghan Lindsay
Phénice/ Lucinde : Carla Huhtanen
Aronte : Vasil Garvanliev
Artémidor/ Chevalier Ubalde : Olivier Laquerre
La Haine : Curtis Sullivan
Le Chevalier Danois : Aaron Ferguson
Orchestre Tafel Musik Baroque Orchestra, David Fallis
Artistes de l'atelier Ballet
Les chantres du CMBV, Olivier Schneebeli
C'était une véritable gageure pour l'opéra Royal de Versailles de présenter une Armide qui tienne la comparaison avec celle du Théâtre des Champs Elysées : pari tenu !
Comme dans toutes ses productions, l'Opera Atelier nous sert ici aussi une mise en scène très littérale qui fonctionne à merveille. Il n'y a peut-être pas autant d'inventions que dans les productions avec mises en scène modernes mais au moins tout colle avec le livret et tout est concentré sur l'esthétique avec tout de même quelques trouvailles.
L'acte I se déroule dans le palais d'Armide où trônent Hidraot et Armide. Les décors sont riches et l'ambiance orientalisante.
Dans l'acte II, le palais d'Armide est représenté dans le fond de la scène caché par des arbres et des fleurs, décor propice au sommeil de Renaud. On voit ici une très belle chorégraphie autour de Renaud endormi qui se fait manipuler par l'Amour.
La toute fin de l'acte II est marquée par l'entrée fracassante d'Armide parmi les éclairs et les bruits de tonnerre.
L'acte III tranche par la sobriété des décors : un fond noir et un cercle de flammes autour duquel les démons et la Haine dansent et maltraitent l'Amour, lui arrachant son bandeau et détruisant ses traits. Une très belle image : celle de l'Amour soutenu par deux démons mimant le Christ crucifié.
L'acte IV est aussi assez simple, les deux chevaliers cherche le chemin sur une scène vide laissant ainsi la place aux ballets avec le palais d'Amide en fond.
L'acte V se passe dans le palais d'Armide. Lors de la Passacaille les plaisirs sont représentés par des danseurs porteurs d'objets (violon, archet, table pleine de victuailles).
Les costumes sont très riches, les couleurs chatoyantes : bleu roi, fuchsia, orange, jaune ...
D'un point de vue musicale, il y a beaucoup d'inégalité. Tout d'abord on ne peut que regretter la coupure du prologue et de la fin de l'acte IV (scène entre le Chevalier Ubalde et Mélisse).
Les deux suivantes d'Armide, Sidonie et Phénice, sont justes correctes. Chantant parfois faux, parfois détimbré, le français est loin d'être bon et les accentuations parfois malheureuses perturbant ainsi la phrase musicale.
Joao Fernandes nous donne un Hidraot presque à l'image de son Corésus dans Callirhoé, fort et vigoureux avec quelques problèmes de prononciation du français.
Olivier Laquerre n'est malheureusement plus que l'ombre de lui même ... il détimbre quand il monte et peine à descendre. Heureusement son rôle étant comique ça passe plutôt bien malgré tout.
Le rôle du chevalier Danois est tenu par un ténor spécialisé dans les rôles de ténor comique et cela s'entend. Mais comme pour Laquerre le rôle étant cantonné au comique ...
Peggy Kriha Dye nous livre une Armide magnifique. Il était pourtant difficile pour elle de rivaliser avec Stéphanie d'Oustrac. La chanteuse est très expressive, émouvante, elle adopte une ornementation qui lui est propre et qui fonctionne plutôt bien. Le français est plus que correct et pour le coup l'accentuation respecte assez la prosodie. Elle est époustouflante à la fin de l'acte II et à la fin de l'acte V et tient bien son rôle sans aucune faiblesse. On peut juste regretter un vibrato un peu trop présent par moments.
La palme revient à la magnifique interprétation de
Colin Ainsworth. Il y a tout ... la virilité que l'on peut attendre de Renaud et en même temps une grande délicatesse. J'attendais beaucoup de lui et je n'ai absolument pas été déçue. On tombe sous le charme dès le début de l'acte II avec son " plus j'observe ces lieux", il arrive fort, guerrier et on le sent petit à petit glisser vers la torpeur d'un doux repos. Il a une projection incroyable, offre des nuances très fines se risquant aux piano les plus délicats, sa voix mixte est un pur bonheur, aucun saut entre les différents registres ... une vraie leçon de chant. Il chante aussi la passacaille pour notre plus grand bonheur malgré le contre-sens.
Le duo de l'acte V "Aimons nous, tout nous y convie" entre Armide et Renaud fut un grand moment de félicité, les deux voix étant complètement confondues et n'en formant plus qu'une.
Une mention spéciale également pour les chantres du CMBV qui chantaient depuis la fosse nous garantissant ainsi une très belle homogénéité.
L'orchestre avait un son assez homogène également, une belle direction de la part de David Fallis, parfois un peu brusque et un peu hachée. Mais il y avait globalement une belle énergie et de bonnes idées. Un grand bravo pour la Passacaille qui était en tous points magnifiques, sûrement une des plus belles que j'ai pu entendre.
Le continuo était riche et varié, assez porté sur les théorbes.
En somme une très belle soirée avec quelques inégalités au niveau de la distribution largement rachetés par le couple Armide/Renaud.
Pas de nouvelle quant à une diffusion radio ou vidéo sur internet ... à suivre.