Il Barbiere di Siviglia : 28/06/2012
Opéra Bastille, Paris
Il Conte d'Almaviva : Antonino Siragusa
Bartolo : Maurizio Muraro
Rosina : Karine Deshayes
Figaro : Tassis Christoyannis
Basilio : Carlo Cigni
Fiorello : Vladimir Kapshuk
Berta : Jeannette Fischer
Un ufficiale : Lucio Prete
Chœur de l'Opéra National de Paris
Orchestre de l'Opéra National de Paris
Direction : Marco Armiliato
Mise en scène : Coline Serreau
La mise en scène de Coline Serreau est déjà bien connue à Paris et rencontre toujours un beau succès. Il faut dire que les costumes sont magnifiques et que la mise en scène est à la base plutôt intelligente et drôle. Mais là, en plus des habituels gags prévus par la mise en scène, s'ajoutent les inventions des différents chanteurs qui ont pris possession de la scène et de leur personnages. Chacun se lance dans l'interprétation scénique avec conviction et l'ensemble dégage une cohésion et un esprit de groupe vraiment impressionnant et qui fait qu'on ne peut rester insensible ! Comment rester froid alors que sur scène, les chanteurs eux-mêmes ont du mal à garder leur sérieux ? Le plus grand trublion reste Christoyannis qui en fait des tonnes, s'amuse comme un diable et emporte ses partenaires dans la loufoquerie et l'humour ! Du coup, de grands éclats de rires et un vrai moment de bonheur !
Et puis en plus de cette vie scénique, il y a aussi le plaisir musical !
Si l'orchestre semble moins en place que lors des premières représentations de la série, il conserve une certaine dynamique qui emporte la partition.
Les chanteurs sont tous de très haut niveau ! Bien sûr Jeannette Fischer nous fait son grand show dont elle a le secret, toujours aussi délirante d'un bout à la fin sans pour autant sacrifier à son chant. Un peu raide bien sûr, mais donnant à sa Berta un caractère entier et légèrement hystérique !
Carlo Cigni propose un Bartolo sûr de ses graves, mais avec des aigus un peu trop prudents pour vraiment imposer sa Calomnie. Par contre, son timbre est somptueux et son intervention dans le deuxième acte est vraiment magnifique d'autorité ! Quels graves ! Personnage roublard au possible !
Maurizio Muraro a une belle voix ronde et du coup, se trouve légèrement à la peine dans la partie la plus rapide de son air. Par contre, son personnage est vraiment touchant par moments, sans la sècheresse que peuvent donner certains.
Karine Deshayes est vraiment impressionnante ce soir ! Dès son air d'entrée, elle montre une liberté dans l'aigu assez sidérante ! Osant des montées qu'elle n'osait pas en début de série, elle se lance aussi dans des variations plus poussées. L'habitude et la confiance lui permettent vraiment de donner le meilleur d'elle même ! Avec une voix beaucoup plus homogène, ses aigus ne sont pas trop puissants par rapport au reste de la tessiture (ce qui est souvent sa marque de fabrique pourtant). Sa Rosine est mutine, joyeuse... vraiment un grand plaisir de l'entendre aussi à l'aise avec son personnage et sa partition !
Antonino Siragusa possède parfaitement son Almaviva. Dès le début, il montre un art de la nuance magnifique avec une deuxième sérénade splendide de délicatesse... alors que la première avait montré déjà une belle aisance dans les vocalises. Un aigu un peu tendu des fois et une légère fatigue sur la fin, le ténor assume la partition avec une aisance sidérante et une conviction certaine. Impérieux quand il le faut, mais toujours musical, il nuance avec une facilité et un art qui laisse pantois. Quelle beauté ! La vocalise on l'a dit est assez assurée et du coup, le fameux air "Cessa di piu resitere" est un festival (malgré on l'a dit une petite fatigue sur la fin). Bien sûr, il fascine le public lors de son grand numéro de vocalise et de jonglerie (même si la jonglerie n'était pas en grande forme ce soir...). Vraiment impressionnant ! (et beaucoup plus passionnant qu'un Florez par exemple!)
Et puis le cas Tassis Christoyannis... Si on compare sa technique avec le couple d'amoureux, on est forcément déçu puisque la vocalise est assez imprécise et le chanteur beaucoup moins audacieux dans son interprétation. Disons qu'il possède une technique lui permettant dans chanter sans soucis du Bellini ou du Donizetti, mais qui est un peu insuffisance pour du Rossini. Après, l'interprète est fascinant et ravageur par sa façon de tourner en dérision la majorité des scènes, de s'amuser de tout, de faire rire d'un geste, d'une mimique... et il emmène tous ses partenaires dans son sillage ! Parce que Deshayes et Siragusa étaient très bien dans la précédente reprise, mais beaucoup moins concernés et drôles qu'ici ! Il semble vraiment un des moteurs de cette production !
Vraiment, cette reprise est une grande réussite par sa qualité musicale bien sûr, mais aussi aussi par la mise en scène que la troupe réunie réussit à faire vivre avec une vie nouvelle, encore plus fraiche, passionnante et drôle que ce qu'on peut voir sur le DVD qui a été enregistré lors de la création.