TCE - Octobre 2012 - Médée de Charpentier - Haïm

Médée
Tragédie lyrique en cinq actes et un prologue (1693)
Livret de Thomas Corneille
TRILOGIE MEDEE
Emmanuelle Haïm direction
Pierre Audi mise en scène
Jonathan Meese scénographie
Marlies Forenbacher scénographe associé
Jorge Jara costumes
Willem Bruls dramaturgie
Jean Kalman lumières
Kim Brandstrup chorégraphie

Michèle Losier Médée, La Gloire
Anders Dahlin Jason
Stéphane Degout Oronte, un chef des habitants, un berger
Sophie Karthäuser Créuse, La Victoire, 2e bergère
Laurent Naouri Créon
Aurélia Legay Nérine, Bellone
Elodie Kimmel Cléone, 1ère bergère
Katherine Watson Une Italienne, un fantôme, une bergère
Benoît Arnould Arcas, un habitant
Clémence Olivier l'Amour

Le Concert d’Astrée
Chœur d’Astrée

La première approche et comme à son habitude le TCE nous comble en nous donnant des extraits de répétition :
/watch?v=nUKLtOAPxOs
Ca promet

Je profite de la réception d'un mail présentant la mise en scène pour ouvrir le sujet. Je ne résiste pas au plaisir de faire un copier/coller de la chose :


Avec ce décor de Médée, Jonathan Meese signe sa deuxième scénographie d’une oeuvre opératique « classique ». Et dans ce nouvel opus, Meese, l’enfant terrible de la nouvelle génération allemande, semble assagi, par rapport au précédent Dionysos – Szenen und Dithyramben et Opernphantasie du compositeur allemand Wolfgang Rihm créé à Salzbourg en 2010 –, plus suggestif qu’explosif, moins fracassant. Ici, le décor évolue d’une manière simple, respectant le temps et le rythme qu’impose le récit dramatique, et les thèmes de Médée – meurtre, trahison, folie. L’agencement scénique impose volontairement un labyrinthe d’images dérangeantes propres à l’univers de Meese, mais l’ensemble est conçu avec une précision incisive inhabituelle. Ce décor porte en lui quinze années d’expérimentation de cet artiste pour qui le théâtre a toujours occupé une place importante.

Il se montre également clairement fasciné par les chanteurs et les mystères de la voix humaine. « Je pense toujours à la musique comme à une fonction du corps humain, comme la sueur, le battement du coeur, le flux du sang. C’est physiologique. Je peux même aller à l’opéra sans entendre la musique, me concentrant uniquement sur la bouche et le mouvement du corps, comme le cri primal d’un enfant. C’est le Ur Opéra, ou le cri de l’animal. J’aime regarder les chanteurs d’opéra, comment ils contractent l’ensemble de leur corps, poussant tout au-dehors dans le monde, respirant et expirant. Ils utilisent leur corps comme un instrument d’expression. »

Contrairement à d’autres artistes-scénographes, Meese ne s’intéresse pas particulièrement aux questions de dramaturgie. (…) De même, il avoue ne pas
avoir, en préparant Médée, étudié et analysé les différentes versions du mythe, affirmant : « Pour moi, la Médée future est beaucoup plus importante que celle qui est déjà résolue et développée. Ce que je suis en train de faire est un opéra pour le futur ». Et d’ajouter : « Avec les mythes, il s’agit toujours de découper et d’assembler des éléments à nouveau dans un sens différent. Pour moi, ces images sont toutes les mêmes. Je les mélange et les réassocie, parce que je ne les vois pas comme étant spécifiques, plutôt comme de la matière première. Ici, le rideau de scène est un peu sexuel, un peu érotique ; c’est la bouche, le nez et les yeux de Claudia Schiffer, et c’est la bouche et les yeux de Scarlett Johansson. »

Dans Médée, trois énormes croix de fer apparaissent au second acte, que l’artiste explicite en ces termes : « Les trois croix n’ont de connotation ni religieuse ni négative. Elles sont en argent, de façon à refléter ce qui les environne. Si vous les voyez comme un miroir, alors vous voyez quelque chose de différent. Cela vous amène dans le Never-Never Land, le Magicien d’Oz. Le symbole perd son acuité. Sur scène, rien n’est véritablement négatif, pas même la pire chose. L’expérience théâtrale doit être un processus de nettoyage, comme de prendre un bain ; vous vous nettoyez complètement. »

Avec sa conviction que la scène doit être le lieu d’une expérience cathartique forte, Meese met en évidence un mécanisme essentiel du théâtre grec. En
attendant la réalisation de son « Gesamtkunstwerk » à Bayreuth en 2016, voici sa Médée, une tragédie lyrique qui nous y mène par un chemin inédit et radical.

On verra bien, mais je crains un peu le quand j'irai. Et puis je rigole toujours quand on annonce quelque chose de "dérangeant". C'est si tristement convenu...

Il y a avait déjà un sujet sur Médée

https://classik.forumactif.com/t6362-tce-octobre-2012-medee-de-charpentier-haim

Je fusionne !

Je viens de voir les vidéos... la mise en scène a l'air de tout gâcher! Les costumes sont ridicules...

Ridicules? Mais dans la deuxième vidéo, ce sont justes des costumes très strictes et sobres... rien de particulier!!
Moi ça me donnerait presque envie d'y aller... sauf que bon, c'est au TCE...

Polyeucte a écrit:

Ridicules? Mais dans la deuxième vidéo, ce sont justes des costumes très strictes et sobres... rien de particulier!!
Moi ça me donnerait presque envie d'y aller... sauf que bon, c'est au TCE...

on doit pas avoir vu la même vidéo... trois quart en cuire rouge... ou en version doré pour Créon, robe argentée scintillante version disco pour Creuse... robe verte fashy pour le "don fatal"... à part Oronte en costume noir sobre...

Ah ben j'ai vu que 2 vidéos...

Polyeucte a écrit:

Ah ben j'ai vu que 2 vidéos...

voici le lien

Ben c'est du Audi quoi... moi ça ne me choque pas...

Audi pourtant c'est vraiment ce qui ne choque personne en général... ni hyper classique ni très moderne, avec des costumes souvent intemporels.

J'étais à la générale et :

- la mes est excessivement mauvaise : tape à l'oeil, elle tente de tirer la couverture à elle alors que l'oeuvre est d'une puissance telle que la musique l'emportera de toutes façons ; la mes distrait, gâche un peu, mais surtout ne dit rien. c'était tout bonnement ridicule. Je signale tout de même que les chanteurs sont bien dirigés, ce qui permet, en oubliant les décors et les costumes vides de sens, de garder la tension dramatique du texte.

- le plateau est fantastique : même Dahlin que je n'aime pas toujours était très bien (sauf une entrée dans la 2e partie où il était atrocement faux, mais il s'est rattrapé par la suite), Karthauser et Naouri étaient quasi parfaits, le timbre de Degout est toujours aussi envoûtant, et Michèle Losier campe une Médée sombre et passionnée, malgré une projection un peu moindre que sa camarade féminine.

- le concert d'astrée est là dans une oeuvre sur mesure : ses couleurs se déploient idéalement chez Charpentier, avec des bois et une trompette merveilleux ; la tension est là, par la musique elle-même, alors que j'ai souvent reproché à Haïm, dans Händel, de faire du "stop and go", de ne pas avoir une vision globale des oeuvres ; ici, on est tenus en haleine et bout en bout.

Une très belle soirée donc, allez-y absolument, fermez les yeux, et profitez d'une très, très grande interprétation de la superbe partition de Charpentier.

Je confirme, après la 1ère représentation, très belle représentation ! Une grande oeuvre, une grande interprétation !

Ca n'a pas raté, la scénographie et les costumes de Meese ont l'air horribles, rien que la vidéo avec l'inscription "Créon Louis" ça fait vraiment pitié de voir un scénographe incapable de signifier quelque chose autrement qu'en le surlignant. Réponse dimanche prochain pour ma part...

Guillaume a écrit:

Ca n'a pas raté, la scénographie et les costumes de Meese ont l'air horribles, rien que la vidéo avec l'inscription "Créon Louis" ça fait vraiment pitié de voir un scénographe incapable de signifier quelque chose autrement qu'en le surlignant. Réponse dimanche prochain pour ma part...

Charpentier n'a jamais eu de chance avec sa Médée

Ino a écrit:

J'étais à la générale et :

- la mes est excessivement mauvaise : tape à l'oeil, elle tente de tirer la couverture à elle alors que l'oeuvre est d'une puissance telle que la musique l'emportera de toutes façons ; la mes distrait, gâche un peu, mais surtout ne dit rien. c'était tout bonnement ridicule. Je signale tout de même que les chanteurs sont bien dirigés, ce qui permet, en oubliant les décors et les costumes vides de sens, de garder la tensiondramatique du texter.

Je suis tout à fait d'accord avec ce point de vue. Rien de choquant, rien de vraiment moche mais absolument rien d'intéressant. Enfin ça ne dérange pas la compréhension de l'oeuvre c'est déjà ça.
Quelques bonnes idées tout de même comme la mort de Ceuse et des enfants de Médée. Mais franchement le prologue déjà peu intéressant musicalement est ras des pâquerettes.

L'autre gros problème pour moi est la quasi absence de ballet. Alors oui il y a 3 fois 30 secondes ou des gens se roulent par terre puis voilà.

Vocalement c'est excellent, rien à redire.
Mais pour moi le clou de la soirée c'est l'orchestre. quelle palette de couleurs impressionnante !
Et le continuo ? Absolument magnifique, le violiste était particulièrement bon.

C'est un spectacle qui vaut vraiment le coup au moins musicalement et la salle est à moitié vide !

C'était vraiment très bien, Michèle Losier était très bien en Médée, très touchante (autant qu'elle peut l'être).
Et je rejoins Hidraot sur le continuo, merveilleux.

La mise en scène ne présente aucun intérêt, c'est même pas jolie. Il y a un moment où il y a des néons sur scène, ça fait vraiment mal aux yeux, c'est pas très agréable. Pareil pour les ballets, par très intéressants. Par contre j'étais avec une amie qui a beaucoup aimé les ballets.

Je rejoins l'avis de David sur CSS en fait : on a plaisir à entendre ce sommet de l'opéra baroque, même si la mise en scène et une partie de la distribe sont assez décevants.
Gros points positifs : Anders Dahlin souverain, Sophie Karthäuser, les choeurs, le continuo.

Par contre, au-delà de la nullité intersidérale de Meese et de l'amas de clichés de Audi - que tout cela sent son époque et surtout sa mouvance théâtrale regietheaterienne - déception pour Michèle Losier, qui n'ouvre les vannes qu'au début du V. Le reste de la Médée infernale est fade. Ses récitatifs en général sont soignés, mais elle a vraiment du mal à me convaincre dans l'aspect infernal, peut-être un problème de projection. Au reste, le style n'est pas non plus irréprochable. De même, on a connus MM. Naouri et Degout plus inspirés.

L'orchestre est vraiment tiré par le haut par le continuo, même si les passages "trompettants" sont trop carrés.


(Parsifal 2016 à Bayreuth, ce sera définitivement sans moi, voir le site de Meese pour comprendre le bonhomme et la hauteur de son ambition "artistique" : http://www.jonathanmeese.com/20120725_Bayreuth_Wagner_Parsifal/index_1.html )

J'arrive 10 jours après la dernière représentation pour louer cette production qui était superbe.
A l'exception de certains décors, notamment les couleurs et les lumières criardes qinsi que les fameuses croix de fer, tout m'a plu.
Je trouve que les belles voix lyriques qu'on a pu entendre servent admirablement l'opéra baroque.

Cela se joue en ce moment à Lille et je me faisais une grande joie de découvrir cette œuvre… Livret intéressant, musique aussi mais quels atroces mise en scène et décors ! Le jeu m'empêchait de me concentrer : une Médée d'abord pauvre midinette victime de son méchant mari puis chef racaille de banlieue au V Bon, j'exagère un peu mais c'est ce à quoi j'ai pensé sur le moment… Et ce Jason, même pas séduisant (ce n'est pas de sa faute, bien sûr, mais du coup on a du mal à comprendre pourquoi ces deux femmes s'arrachent un être aussi falot…). Et que dire du personnage de Créon sans grandeur ni prestance… ? On dirait que le mes n'a pas lu le livret… Oronte (Stéphane Degout) était le seul interprète qui jouait de façon crédible avec la confidente de Médée…

J'ai trouvé aussi que les rôles principaux (Médée, Jason, Créüse) articulaient très peu, si bien qu'on ne comprenait pas grand chose si on ne lisait pas les sur titres… Et puis, ce sont de toute petites voix, aucun volume… Il a fallu attendre les seconds rôles pour avoir quelque satisfaction vocale avec surtout une épatante Katherine Wilson.
J'ai été horriblement déçue et me suis fait violence pour ne pas filer à l'entracte. Franchement, un Cd et mon imagination auraient fait mieux l'affaire, je pense…

Pour rattraper ça, il faut que tu écoutes l'enregistrement de Christie avec Lorraine Hunt !

http://www.amazon.fr/Médée-Marc-Antoine-Charpentier/dp/B006W7SVNI/ref=sr_1_1?s=music&ie=UTF8&qid=1352637536&sr=1-1

Mariefran a écrit:

J'ai trouvé aussi que les rôles principaux (Médée, Jason, Créüse) articulaient très peu, si bien qu'on ne comprenait pas grand chose si on ne lisait pas les sur titres… Et puis, ce sont de toute petites voix, aucun volume…

C'est bizarre que tu aies trouvé que Michèle Losier et Sophie Karhauser sont des petites voix. Je ne sais pas du tout comment est la salle de l'opéra de Lille, mais je ne trouve pas que leur voix soient petites. Surtout Michèle Losier pour qui c'était la première fois qu'elle chantait dans du baroque. Je l'ai entendu d'ailleurs en mai dernier dans Cosi fan tutte. Après Dalhin, oui il a pas une énorme voix, mais c'est normal pour un haute-contre. Même s'il y en a qui ont quand même du potentiel comme Paul Agnew.

Hippolyte a écrit:

Pour rattraper ça, il faut que tu écoutes l'enregistrement de Christie avec Lorraine Hunt !

http://www.amazon.fr/Médée-Marc-Antoine-Charpentier/dp/B006W7SVNI/ref=sr_1_1?s=music&ie=UTF8&qid=1352637536&sr=1-1

C'est commandé, merci à toi et Polyeucte !

@ Cleme, l'opéra de Lille est un très joli théâtre à l'italienne et j'étais au parterre, plein centre… La faiblesse sonore de leur voix est flagrante dès que Wilson entre en scène…

Le problème principal était quand même la scénographie horrible de Meese et la mise en scène inexistante d'Audi. Après, oui, Losier était inférieure à Hunt ou d'Oustrac, bien inférieure. Mais Dahlin était assez magnétique, c'est bizarre que tu n'aies pas ressenti ça ; et qui plus est sa diction et celle de Karthäuser sont bonnes je trouve.

C'est pire que ça… La mes d'Audi va à l'encontre du livret ! Il l'affaiblit considérablement… C'était brouillon, sans intérêt, distractif, dans le sens où ça empêche de se concentrer sur la musique tant c'est nul ! Il aurait fallu fermer les yeux, mais comme je ne comprenais pas ce qu'ils chantaient… j'étais piégée !
Je n'ai pas trouvé Dahlin magnétique, au contraire extrêmement falot…

Mariefran a écrit:

C'est pire que ça… La mes d'Audi va à l'encontre du livret ! Il l'affaiblit considérablement… C'était brouillon, sans intérêt, distractif, dans le sens où ça empêche de se concentrer sur la musique tant c'est nul ! Il aurait fallu fermer les yeux, mais comme je ne comprenais pas ce qu'ils chantaient… j'étais piégée !
Je n'ai pas trouvé Dahlin magnétique, au contraire extrêmement falot…

et moi qui espérait une mise en scène à la Hippolyte et Aricie de ce printemps...

Pour ceux qui n'ont pas pu assister aux représentations de Paris ou de Lille (ou pour ceux qui souhaitent - comme moi - prolonger le plaisir), il est possible d'en écouter un enregistrement sur France Musique.

http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/concert-soir/emission.php?e_id=80000056&d_id=515003618

Et l'enregistrement vaut quand même le détour, parce que d'abord on entend mieux Losier qu'en salle (même si ça reste un peu plat et trop homogène), mais surtout le continuo est fantastique, et puis le Jason de Dahlin c'est glorieux.

Mais on a déjà la version ultime avec Christie II qu'on complètera impérativement avec Niquet pour entendre Stéphanie.

Guillaume a écrit:

Mais on a déjà la version ultime avec Christie II qu'on complètera impérativement avec Niquet pour entendre Stéphanie.

Bof... Niquet... j'ai commencé et franchement, d'Oustrac est loin de ce qu'elle a fait après (Armide, Cybèle... bien sûr!)
Moi je trouve que Christie I est plus intéressante... Jill Feldman, Jacques Bona, Agnès Mellon, Gilles Ragon, Philippe Cantor... un peu sèche, mais diablement passionnante!

Guillaume a écrit:

Et l'enregistrement vaut quand même le détour, parce que d'abord on entend mieux Losier qu'en salle (même si ça reste un peu plat et trop homogène), mais surtout le continuo est fantastique, et puis le Jason de Dahlin c'est glorieux.

Mais on a déjà la version ultime avec Christie II qu'on complètera impérativement avec Niquet pour entendre Stéphanie.

En effet, Dahlin, c'était un peu plat. Enfin, faux (flat).

Ino a écrit:

En effet, Dahlin, c'était un peu plat. Enfin, faux (flat).

Vraiment ? Je n'ai pas du tout entendu ça.

Fiordiligi a écrit:

Ino a écrit:

En effet, Dahlin, c'était un peu plat. Enfin, faux (flat).

Vraiment ? Je n'ai pas du tout entendu ça.

J'exagère, ne comprenant pas l'affection qu'il suscite chez certains. Il a été à deux reprises très faux, sinon c'est surtout sa voix que je continue de trouver trop frêle et les notes de passage mauvaises ; le style est là, mais oser prononcer le mot "souverain" pour ce type de performance, c'est ahurissant...