Je viens d’écouter la chose...
![[Versailles] Antonio SACCHINI - Renaud ou la Suite d'Armide Sacchi10](https://i.servimg.com/u/f37/18/87/21/22/sacchi10.jpg)
• Marie Kalinine (Armide), Julien Dran (Renaud), Jean-Sébastien Bou (Hidraot), Pierrick Boisseau (Adraste, Arcas, Tissapherne, Mégère), Julie Fuchs (Mélisse, Une Coryphée), Katia Velletaz (Doris, Une Coryphée), Chantal Santon (Antiope), Jennifer Borghi (Iphise), Cyrille Dubois (Tisiphone, Un Chevalier), Pascal Bourgeois (Alecton), Christophe Rousset / Les Talens Lyriques, Les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles / Olivier Schneebeli
Metz, X.2012
Singulares / Bru ZaneBon, l’œuvre en elle-même n’est pas bien fameuse. Musicalement, ça fait surtout penser à du Mozart qui tire à la ligne: les marches et les airs de ballets pourraient sortir de quelque divertimento, cassation ou sérénade, il y pas mal d’airs de virtuosité qui évoquent le formalisme des airs de concert («
Jeux folâtres, plaisirs charmants»). Globalement, c’est très morcelé, très conventionnel et plutôt insipide: récitatifs brefs et assez plats avec des cordes qui tricotent en-dessous d’une déclamation assez simple, airs et chœurs qui modulent sur deux phrases jusqu’à la résolution harmonique attendue surlignée d’un crescendo, peu d’ensembles et traités de façon essentiellement instrumentale... Le livret n’est pas bien fameux non plus: on dirait une sorte de réduction de l’univers surnaturel et guerrier du Tasse aux conventions du
seria (amours contrariés et intrigues politiques sommaires).
Par ailleurs, l’interprétation n’aide pas non plus forcément. Autant j’aime bien le côté hédoniste et un peu nonchalant de la direction de Rousset dans Lully (où elle peut ménager de beaux moments de poésie ou adoucir certaines raideurs) ou dans Salieri (où elle permet de faire entendre pleinement une orchestration inventive), autant là ça sonne juste mou. Le Chantres de Schneebeli, assez sollicités, sont en revanche parfaits d’intelligibilité et de précision dans les effets de leurs parties.
Vocalement, on retrouve là les caractéristiques habituelles des troupes mobilisées ces dernières années dans les tragédies lyriques. D’un côté, des hommes qui, au pire font très honorablement le travail (Pierrick Boisseau), au mieux se distinguent par un art consommé de la déclamation (Jean-Sébastien Bou, absolument admirable, Cyrille Dubois, malheureusement cantonné à des parties très brèves); de ce point de vue, Julien Dran est impeccable lui aussi, en revanche son interprétation possède un ton de bonhommie pateline pas dénuée d’humour qui sonne assez curieusement dans un rôle héroïque
(on pense un peu à François Hollande expliquant les interventions militaires françaises dans le monde...) - bizarrement son élocution m’a rappelé Michel Sénéchal dans Offenbach; dans l’air «
Déjà la trompette guerrière...», par lui-même déjà assez rigolo dans son pseudo-héroïsme décoratif, on vraiment très éloigné des sombres violences du Tasse...
Côté féminin, je pourrais reprendre mot pour mot ce que je disais de Jennifer Borghi et Julie Fuchs à propos de leurs prestations
dans l’Hercule mourant de Dauvergne. Katia Velletaz et Chantal Santon m’ont semblé, prévisiblement, un bon cran au-dessus - en termes de diction comme de positionnement vocal, beaucoup plus proches de la franchise des voix de dessus des Arts Flo’ de la grande époque. Reste le cas de Marie Kalinine qui, intrinsèquement, est totalement à rebours de mes attentes dans ce répertoire: voix très couverte et assombrie, diction en conséquence très opaque avec des voyelles peu distinctes et des consonnes manquant de tranchant, interprétation un peu «callassienne» avec des postures vocales très marquées qui soulignent les effets dramatiques (ce qui est peut-être moins gênant ici que dans des répertoires antérieurs); pour autant, l’engagement et la personnalité sont tels que, dans cette œuvre faiblarde et par ailleurs pas défendue avec énormément d’ardeur, elle est vraiment la seule à «assurer le spectacle» et à soutenir vaillamment l’intérêt vacillant de l’auditeur.
Mais, un peu comme David à propos d’autres œuvres, je m’interroge quand même sur les critères qui guident Bru Zane dans leurs exhumations... Sinon, l’
Œdipe à Colone de Sacchini, c’est de la même farine ou c’est un peu plus intéressant?