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Sujet: Marcel TYBERG (1893-1944) Mar 27 Nov 2012 - 15:06
Ce compositeur est né à Vienne en 1893 au sein d'une famille catholique. Le père de Marcel Tyberg, Marcell, était un célèbre violoniste viennois. Sa mère, Wanda Paltinger Tybergova était une élève du pianiste Teodor Leszetycki (qui forma entre autres Moiseiwitsch, Schnabel, Paderewski). La famille était amie de Jan Kubelik, le violoniste viennois, père de Rafael. Ce dernier créa notamment la deuxième symphonie de Tyberg avec l'Orchestre Philharmonique Tchèque au début des années 30. Marcel Tyberg baigna donc dès sa plus tendre enfance dans un milieu musical. On a peu d'information sur sa formation même si on pense qu'il s'est formé à l'Académie de musique de Vienne. En 1916 la famille déménage pour Abbazia, dans le Nord de l'Adriatique. En 1920 il achève sa première sonate pour piano, en 1924 sa première symphonie. Il se produit en tant que pianiste ou en tant que chef. En 1927 le décès de son père laisse la famille dans la difficulté, il gagne sa vie en jouant dans des églises locales ou en donnant des cours de musique. Sa mère meurt à son tour en 1943. Se sentant de plus en plus menacé (un seul de ses trisaïeuls était juif et sa mère l'avait naïvement déclaré aux autorités) il confie ses partitions à un ami le Dr Milan Mihich. Il est arrêté par la Gestapo en 1944, conduit dans le camp de Risiera di San Sabba, non loin de Trieste, puis il est déporté vers le camp d'extermination d'Auschwitz. On perd sa trace à partir de là, on pense qu'il y trouve la mort à la fin de l'année 1944, une rumeur laisse entendre qu'il se serait pendu pendant le trajet. Ironie cruelle de l'histoire, son père était né dans la petite ville d'Oswiecim, dans le sud de la Pologne. Cette même ville fut choisie par les nazis en 1940 pour être le site d'un de leurs camps et renommée en allemand : Auschwitz.
L'histoire aurait pu en rester là. Mais...
Le Dr Milan Mihich décède en 1948 et confie les partitions de son ami à son fils Enrico. Celui-ci, lorsqu'il était étudiant en médecine, avait pris des cours d'harmonie avec Tyberg. En 1957 une proposition de poste l'amène à émigrer aux Etats-Unis, à Buffalo, où il dirige un centre de recherche contre le cancer. Pris par ses activités il laisse de côté les partitions confiées par son père. Puis dans les années 80 il commence à s'en préoccuper et entreprend des démarches pour faire jouer la musique de son ancien professeur. En vain.
Dr Enrico Mihich
Au milieu des années 90 il retourne en Europe et rencontre Rafael Kubelik qui l'accueille avec une grande joie. Un projet aurait pu aboutir mais le décès du chef tchèque en 1996 y met brutalement un terme. Finalement ses démarches vont porter leurs fruits : il rencontre le nouveau directeur musical du Buffalo Philharmonic Orchestra, JoAnn Falletta. Celle-ci est totalement enthousiasmée par la qualité de la musique qu'elle découvre et qu'elle décrit comme pouvant faire penser à un mélange de Reger et Szymanowski. Une fondation, le Tyberg Musical Legacy Fund est créé à Buffalo, et plusieurs projets sont mis sur pied pour découvrir sa musique : on interprète d'abord quelques uns de ses lieder, un concert permet d'entendre ses deux sonates, on joue et on enregistre son trio pour piano, un disque salue enfin la résurrection de sa troisième symphonie.
La 3ème symphonie et son trio pour piano sont disponibles sur ce disque :
C'est à ce jour le seul disque Tyberg et il est magnifiquement interprété par JoAnn Falletta et son orchestre. La musique est post-romantique en diable. Le premier mouvement fait penser à un mélange de Bruckner et de Mahler, le scherzo est très vif, le mouvement lent est superbe, le final enfin est frais et puissant. Vraiment de la très belle musique, aucune innovation mais une réelle inspiration.
- Présentation par JoAnn Falletta https://www.youtube.com/watch?v=7Ttf-SMKY7w
- Page en anglais très documentée sur le compositeur, sa redécouverte, son oeuvre : http://claude.torres1.perso.sfr.fr/GhettosCamps/Camps/Tyberg/TybergMarcel.html
- Critique du disque de JoAnn Falletta sur Musicweb : http://www.musicweb-international.com/classRev/2010/Oct10/tyberg_8572236.htm
- Wikipedia : http://en.wikipedia.org/wiki/Marcel_Tyberg (anglais) http://de.wikipedia.org/wiki/Tyberg (allemand)
Sextuor à cordes (1931-1932) 2 violons, 2 altos, violoncelle, contrebasse Allegro non troppo Scherzo Adagio molto sostenuto (Tema con variationi) Scherzo Finale
Messe No. 1 (1933-1934) Soprano, Contralto, Tenor, Basse et orgue
Sonate pour piano No. 2 (1934-1935) Allegro con fuoco Adagio Scherzo Finale
Trio pour piano, violon et violoncelle en Fa Majeur (1935-1936) Allegro maestoso Adagio non troppo Rondo
Messe No. 2 (1941) Soprano, contralto, ténor, basse and orgue
Lieder 21 Lieder on Heine’s lyric Intermezzo 1 Lieder “Rache” on words by Poridzky 5 Lieder on words by Daisy von Adelsfeld-Salghetti 1 Ave Maria 6 Lieder “Austrian” for small orchestra - 3 of them transcribed out of the Heine cycle 4 Lieder in English on words by Moore and others
EveningBells (Sir Thomas Moore) To a Flower (Barry Cornwell) My Heart’s in the Highlands (Robert Burns) .... 4 Lieder without words
Dernière édition par WoO le Mer 19 Juin 2013 - 12:06, édité 5 fois
WoO Surintendant
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Sujet: Re: Marcel TYBERG (1893-1944) Mar 27 Nov 2012 - 18:37
Excellente nouvelle : JoAnn Falletta a enregistré pour Naxos la Symphonie No. 2 - celle-là même qui fut créée par Rafael Kubelik et le Philharmonique Tchèque dans les années 30 - et dans laquelle on peut noter l'influence de Bruckner, Schubert, Mendelssohn et Bach. Le disque à paraître contiendra aussi une des deux sonates.
En toute logique la première symphonie et l'autre sonate devraient suivre.
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Sujet: Re: Marcel TYBERG (1893-1944) Mar 27 Nov 2012 - 18:46
Je suis en train d'écouter la troisième Symphonie. C'est marrant mais l'intro me rappelle étrangement une autre Troisième En tout cas, cela me semble très joli et parfaitement en adéquation avec mes goûts musicaux.
Merci pour la découverte
Spoiler:
Encore des disques à acheter
Mélomaniac Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Marcel TYBERG (1893-1944) Mar 27 Nov 2012 - 19:15
Concernant la Symphonie n°3, j'avais acheté ce disque vilà quelques mois. Ecouté une fois et pas réentendu depuis. C'est séduisant à la première écoute, mais ça sonne trop artificieux pour prétendre à une vraie profondeur.
WoO Surintendant
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Je ne dis pas que cette oeuvre est d'une profondeur abyssale (quelle importance d'ailleurs ?) mais qu'elle mérite l'écoute. Je l'ai trouvé pour ma part bien plus enthousiasmante que la symphonie d'Hausegger (plombée par son final pénible), que celles de Wetz (épigone de Bruckner pas très imaginatif), sans parler de Franz Schmidt (toujours rasoir). Tyberg est loin d'être en avance sur son temps (cette symphonie postromantique est quand même achevée en 1943 !) mais ce qu'il compose est à la fois "frais" et sans prétention. Ce qu'on peut regretter à la rigueur c'est son incapacité apparente à se lancer dans de grands développements : 37 minutes pour la durée totale de la symphonie dont 14 pour le seul premier mouvement... Là on est très loin de Mahler.
Dernière édition par WoO le Lun 3 Déc 2012 - 1:16, édité 2 fois
Nombre de messages : 14357 Date d'inscription : 14/04/2007
Sujet: Re: Marcel TYBERG (1893-1944) Mer 19 Juin 2013 - 12:04
WoO a écrit:
Excellente nouvelle : JoAnn Falletta a enregistré pour Naxos la Symphonie No. 2 - celle-là même qui fut créée par Rafael Kubelik et le Philharmonique Tchèque dans les années 30 - et dans laquelle on peut noter l'influence de Bruckner, Schubert, Mendelssohn et Bach. Le disque à paraître contiendra aussi une des deux sonates.
Le disque paraîtra le 15 août prochain, la Symphonie n°2 sera couplée avec la 2ème sonate pour piano. Je mets à jour la liste des oeuvres disponibles
gluckhand Mélomane chevronné
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Sujet: Re: Marcel TYBERG (1893-1944) Jeu 14 Nov 2013 - 21:18
Je ne connaissais pas ce compositeur, j'ai commandé ses 2 symphonies, c'est fou ce qu'il y a à découvrir dès que l'on se penche sur la musique?
gluckhand Mélomane chevronné
Nombre de messages : 4968 Localisation : Amiens Date d'inscription : 15/07/2013
Sujet: Re: Marcel TYBERG (1893-1944) Mer 27 Nov 2013 - 6:17
Marcel Tyberg /Symphonie N°3 /Jo Ann Falletta .C'eut été vraiment dommage de perdre cette belle symphonie , vu le contexte et la fin horrible qu'a eu Tyberg dans un camp d'extermination .Cette symphonie qui date de 1943, est vraiment superbe, je sais ,on lui a reproché son côté pas très novateur musicalement et ses emprunts à Mahler, mais c'est véritablement plus un véritable hommage très profond à ce compositeur d'origine juive comme lui et pour savoir orchestrer de cette manière ,il faut plus que quelques emprunts, il faut un grand talent de symphoniste que Tyberg possède indéniablement,il sait faire chanter l'orchestre comme Strauss auquel on pense parfois,même si son obsession reste toujours Mahler dans cette oeuvre et qu'il en fait quelque chose de particulier je trouve. Le 3ème mouvement ,l'adagio est vraiment remarquable d'émotion et d'humanité ,et fait un magnifique contraste avec le mouvement précédent,,une très belle alternative à des oeuvres trop connues même si on revient à Mahler quelque part avec cette oeuvre, moi j'aime beaucoup!
claudeyaacov Mélomane averti
Nombre de messages : 132 Age : 78 Date d'inscription : 14/03/2012
Sujet: Enregistrement inédit des 2 Messes Lun 7 Nov 2016 - 9:30
Marcel Tyberg (January 27, 1893, Vienna, Austria - December 31, 1944, Auschwitz) Masses PentaTone Classics PTC5186584 (SACD Hybrid) Téléchargement payant et Livret complet (PDF) gratuit South Dakota Chorale Brian A. Schmidt, conductor Christopher Jacobson, Organ November 18, 2016 1:04:29
• Messa No. 1 in Sol Maggiore • Mass No. 1 in G Major for Mixed Chorus and Organ (1934) 1. 1 ) Kyrie 3.38 2. 2) Gloria 5.13 3. 3) Credo 14.13 4. 4) Sanctus 5.01 5. 5) Benedictus 3.26 6. 6) Agnus Dei 9.56
• Messe de fascile in Fa Maggiore • Mass No. 2 in F Major for Mixed Chorus and Organ (1941) 1. 7) Kyrie 4.44 2. 8 ) Gloria 2.41 3. 9) Credo 6.46 4.10) Sanctus 3.39 5.11) Benedictus 1.57 6.12) Agnus Dei 3.15
Tyberg Project Concert Preview Saturday, October 22 2016 Duke Chapel 401 Chapel Drive Durham, NC (27708)
Les 2 CDs Naxos sont disponibles
Naxos 8.572822 15 août 2013
•1.-4. Symphonie n°2 en fa mineur (1927) 42:04 Buffalo Philharmonic Orchestra JoAnn Falletta, direction Music Hall, Buffalo, New York, USA 30 Avril -1er Mai 2011
•5.-8. Sonate pour piano n°2 en fa dièse mineur (1934) 32:43 Fabio Bidini, piano Groβes Funkstudio, SWR Stuttgart, Allemagne 6 Avril 2012
Naxos 8.572236 2008-2009 Kleinhans Music Hall, Buffalo, New York
•Symphony No. 3 (1943) Buffalo Philharmonic Orchestra JoAnn Falletta 9-11 mai 2088 36:54 I. Andante maestoso - Soleme e sostenuto 14:19 II. Scherzo 6:20 III. Adagio 9:29 IV. Rondo: Allegro vivace 6:46
•Piano Trio in F major (1935-36) Michael Ludwig, violin Roman Mekinulov, cello Ya-Fei Chuang, piano 23-24 Février 2009 23:48 I. Allegro maestoso 10:29 II. Adagio non troppo 8:24 III. Rondo: Allegro con Fuoco 4:55
Claude
Benedictus Mélomane chevronné
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• Symphonies nº2 en fa mineur et nº3* JoAnn Falletta / Buffalo Philharmonic Orchestra Buffalo, IV & V.2011, V.2008* Naxos
Réécoute de la 3 et première écoute de la 2 - avec énormément de plaisir dans les deux cas. Musique paradoxalement étonnante.
Premier sujet d’étonnement: on entend du Bruckner dans la 2 et du Mahler dans la 3 - mais on n’est pas du tout dans cette sorte de vague parenté globale du langage postromantique mitteleuropéen (qui fait qu’on entend des échos de Bruckner et de Mahler chez les Hausegger, Marx, Schmidt, Weingartner, Weigl...): il y a vraiment adoption des langages des deux maîtres (coupes rythmiques, structures harmoniques, modes de développement, orchestration, veine mélodique...) Ce décalque des deux langages symphoniques est d’une exactitude si hallucinante qu’on ne peut même plus parler de simple «épigonisme» mais qu’on ne peut que se demander s’il n’y a pas là comme une volonté délibérée - d’imitation, voire de pastiche (d’autant qu’on est déjà assez longtemps après - 1927 pour la 2, 1943 pour la 3).
Deuxième sujet d’étonnement: ce décalque de deux langages semble se doubler paradoxalement d’un souci de concision et d’élégance classiques - les symphonies sont beaucoup plus courtes que leurs modèles: Tyberg oppose au ressassement brucknérien comme aux spires infiniment relancées de Mahler une progression fluide et «économe»; par ailleurs, il semble conduit par une sorte de «bon goût» qui lui ferait renoncer aux «excès» de ses deux modèles (les figuralismes instrumentaux bizarres et volontiers triviaux de Mahler, les grosses doublures cuivrées de Bruckner.)
Bref, ce qu’on perçoit, c’est sorte d’épure classique des deux langages postromantiques les plus marquants. C’est extrêmement plaisant à entendre, c’est fait avec un métier étonnamment sûr - mais on se demande un peu ce quelle était la nature exacte du projet Tyberg.
(Peut-être la sonate pour piano et le trio, donnés en complément chez Naxos mais pas encore écoutés, me permettront-ils de mieux cerner cela.)
anaëlle Mélomane chevronné
Nombre de messages : 2090 Age : 23 Localisation : Paris Date d'inscription : 17/11/2014
Je n'ai pas encore écouté la Troisième Symphonie, ni réécouté la Deuxième sur laquelle j'ai été invitée à causer par Benedictus, mais en attendant, je poste quelques impressions sur la Sonate.
Sonate pour piano No.2 Fabio Bidinin
Je distingue deux influences dans cette pièce.
D’une part, [cette remarque concerne surtout les deux mouvements extrêmes], la composition de la ligne mélodique en accords plaqués m’évoque pas mal la Troisième Sonate de Brahms.
De l’autre, au delà de l’aspect très vertical de l’écriture, le ressassement des motifs (début du Scherzo, par exemple, ou réitération inlassable du thème initial du Finale), ainsi que le traitement du très beau thème de l'Adagio me semblent typiquement brucknériens.
Anaëlle, en Playlist, à propos de la Sonate a écrit:
On dirait une symphonie de Bruckner jouée au piano.
Je ne saurais pas vraiment dire pourquoi, mais j'ai, par moment, le sentiment que cette Sonate appelle à une orchestration. C'est une sensation assez diffuse. Je découvre que Schumann qualifiait la Troisième Sonate de Brahms de "symphonie déguisée" (dixit Wiki) : cela me conforte un peu dans la cohérence entre mon intuition et de ma comparaison, mais cela n'explique pas cette dernière.
Pour ce qui est de l'ordre de l'interprétation, j'ignore si c'est la prise de son ou le jeu de pédale, mais le discours a parfois tendance à perdre en clarté (ex : le contrepoint flou du Scherzo).
C'est une œuvre très écrite et bien faite (le beau thème de l'Adagio), mais pas inoubliable. Je préfère la Deuxième Symphonie. / 5