Bonjour,
j'ai lu avec intérêt le fil de discussion à propos d'un concert précédent où Radu Lupu interprétait le concerto pour piano de Schumann. Beaucoup d'avis tranchés avait été émis.
J'étais alors impatient d'entendre Radu Lupu jouer Mozart, dirigé par Abbado. Radu Lupu, j'en garde un souvenir mémorable lors d'un récital au théâtre du Chatelet, dans Beethoven et Debussy. Tout là haut, tout au dessus du piano et de son musicien, la musique nous parvenait parfaitement bien tellement le discours était limpide et personnel.
Mais revenons à ce concert à Pleyel. Voici le programme :
Ludwig van Beethoven(1770-1827)
Les Créatures de Prométhée (Ouverture)
Wolfgang Amadeus Mozart(1756-1791)
Concerto pour piano n° 27 en si bémol majeur K. 595
entracte
Joseph Haydn(1732-1809)
Concerto pour trompette en mi bémol majeur Hob VIIe/1
Sergueï Prokofiev(1891-1953)
Symphonie 1 en ré majeur op.25 «Classique»
Orchestra Mozart
Claudio Abbado, direction
Radu Lupu, piano
Reinhold Friedrich, trompette
L'ouverture des Créatures de Prométhée était magnifique, parfait pour commencer ce concert, on est tout de suite plongé au coeur de la magie orchestrale, et nous avons tout de suite la sensation d'un orchestre très impliqué et jouant ensemble et avec le chef.
La suite avec Radu Lupu. Suspens, l'orchestre joue, on attend les premières notes du piano. Qu'on aime ou pas, il entre et quelque chose est là qui s'impose. Y a rien à faire, il faut accepter le jeu de Radu Lupu ou ne pas jouer avec. Si Abbado veut bien nous transmettre la musique avec ce pianiste, c'est qu'il accepte cette personnalité musicale entièrement, qui ne semble en effet pas pouvoir accepter le compromis. Nous avons l'orchestre, le chef et le pianiste, et sans se faire la guerre, les personnalités sont imposantes, doucement imposantes, dans le sens d'une douceur. Quel son ! Les détracteurs parlent d'un jeu techniquement insoutenable, qui n'est plus à la hauteur. J'ai pour ma part entendu un son fascinant, recueilli, qui se situe dans un lâché prise impressionnant. C'est à la fois ferme dans la direction prise et léger dans une sorte de nonchalance. J'ai trouvé le son de Radu Lupu merveilleux. Il n'est plus virtuose, Radu Lupu ? Le son est le fruit d'une sacré virtuosité. Une cohérence tellement personnelle. Oui, c'est unique (personne ne pourrait jouer comme lui, cette manière lui appartient) et ça peut rendre la tâche difficile pour l'orchestre. Ce qui me plait, c'est que le chef et l'orchestre ne semble pas se soumettre au seul pianiste. Nous ne sommes donc pas face à une suprématie, une sacralisation de l'un ou l'autre. Chacun se respecte, et c'est à la fois déroutant d'entendre des directions et une âme de jeu différentes de la part du pianiste et de l'orchestre. Pourtant, ça fonctionne, ce n'est jamais cacophonique ou brouillon. La personnalité de chacun est bien accueilli.
Ce qui est impressionnant, c'est la manière dont Radu Lupu ne transige jamais avec son parti pris. Jusqu'au bout, ça n'ira jamais ailleurs que ce que les premières notes nous ont exprimé. C'est ce qui est surprenant et qui je le comprend peut en agacer certains.
Ce que je ne comprends pas des détracteurs, c'est la façon de vouloir rendre objectif leur avis. C'est tellement personnel... Comment prétendre qu'il est en dessous de tout et qu'il n'a plus de jeu crédible ? Quelque chose est là, c'est la présence et la musique d'un artiste, d'un grand amoureux de la musique et qui la joue d'une manière unique. Pas mieux ou moins bien, peu importe, c'est sa manière, et elle est légitime. Il serait vraiment dommage de se passer de sa lecture musicale. Il incarne un précieux joyau, celui d'une musique entière et sans compromis, fruit d'une vision personnelle et construite. Il représente bien l'insoumission à la dictature du "c'est comme ça qu'il faut jouer ça".
J'ai donc était comblé de l'entendre, acceptant que quelqu'un puisse nous proposer une vision aussi claire et expressive.
Après l'entracte, le concerto pour trompette de Joseph Haydn. Je n'en parlerai pas trop, parce que j'ai un peu décroché à ce moment là du concert. Le programme était fourni, et j'ai malheureusement eu la sensation d'assister à une sorte de congrès dans lequel s'enchaine les interventions. Quelque chose de l'ordre du programme à tenir. Le concert dans son ensemble paraissait malheureusement trop dans son caractère organisationnel. Bref, le trompettiste avait une manière étrange d'être là. Une présence aussi imposante qu'effacée, sans grande stabilité et un peu au pied levé. Sa trompette l'a lâché en début de concerto. Jai était décontenancé par sa façon d'être, de regarder à droite à gauche l'orchestre, comme s'il ne savait pas trop qui il était et où il était. Ce qui me donnait l'impression qu'il jouait de manière automatique, non investie. En fermant les yeux ça allait un peu mieux, mais je n'ai pas réussi à entré dans la musique.
Je mets ça sur mon humeur à ce moment du concert, et à mon intérêt assez réduit pour l'instrument, qui ne me touche pas particulièrement. Parce que c'était quand même rudement bien joué !
Passé ce moment, j'attends avec une grande joie la symphonie dite classique de Prokofiev. J'ai une sensibilité vraiment en éveil à l'écoute de la musique de Prokofiev, au même titre, différemment, avec Shostakovich. C'est un répertoire que je trouve idéal pour le concert. Et je ne m'y suis pas trompé, je n'ai pas regretté d'avoir attendu avec un aussi grand enthousiasme, sans jamais avoir peur de la déception. C'était vraiment une merveille. C'est la première fois que j'entendais cette symphonie en live. Je la connais bien dirigé par Ancerl, et elle m'est apparu différente, mais toujours dans son identité, reconnaissable dans sa qualité d'orchestration. Le concert a donc fini comme il a commencé avec l'ouverture de Beethoven. Un orchestre qui joue ! Le premier violon exceptionnel tellement il en veut, il mord dans son violon, on peut tendre l'oreille et n'entendre que le son de son archet, avec l'orchestre tout entier qui suit dans une même verve de plaisir et d'abandon...
Un autre aspect du concert, c'est le lieu : la salle Pleyel.
Je n'aime définitivement pas cette salle. Le son semble jaillir des instruments sans jamais vraiment faire le tour des murs, sans jamais vraiment atteindre le coeur du public. Ca ne me permet jamais d'être vraiment ému. Le son et l'éclairage... Tout est très éclairé, le public n'est pas plongé dans le noir, ce qui empêche de se sentir préservé et dans un dialogue intime avec l'orchestre. Et cette salle ! Une salle de congrès, de séminaire... Les artistes entrant et sortant par cette porte. On s'attend à les voir entrer avec un dossier sous le bras pour nous faire une conférence. Suis-je le seul dérangé par cette salle ?
Je serais content de savoir si d'autres forumeurs ont assisté à ce concert !
à bientôt !
Laurent