Le Génie Italien – Nylund/Cura : 08/10/2013
Salle Pleyel, Paris
Ruggero Leoncavallo (1857-1919) : I Pagliacci
Prologue
Intermezzo
"Vesti la giubba"
"Qual fiamma ave nel guardo !... Hui ! Stridono lassu"
[b]Giacomo Puccini (1858-1924) : Manon Lescaut
Intermezzo
[b]Giacomo Puccini (1858-1924) : La Fanciulla del West
Duo Johnson/Minnie : "Mister Johnson, siete rimaste indietro"
[b]Giuseppe Verdi (1813-1901) : Otello
Duo Otello/Desdemona : "Gia la notte densa"
Duo Otello/Desdemona : "Dio ti giocondi, o sposo... esterrrefatta fisso"
Air d'Otello : "Dio ! Mi potevi scagliar"
Air de Desdemona : "Era più calmo ?... Mi madre aveva una povera ancella"
Prière de Desdemona : "Ave Maria"
Duo final : "Chi è là ?... Otello ?"
Air final : "T'ant'osi ? Niun mi tema"
BIS :
La Bohème : "O soave fanciulla"
Turandot : "Nessun dorma"
José Cura, ténor
Camilla Nylund, soprano
Orchestre National d'Île-de-France
Direction : Mario De Rose
Retour de Cura après 12 ans d'absence ! Et dès son arrivée, il nous fait savoir combien il est content d'être de retour le tout en français !
Son arrivée avec un air de baryton n'était peut-être pas la meilleure idée ! En effet, dans le prologue de Pagliacci, il semble un peu en difficulté dans le grave qui sonne peu et l'aigu est un peu instable. Mais le métal reste là, beau et présent. Donc on peut espérer une grande soirée si la voix revient bien...
L'orchestre annonce dès le début la couleur : une direction assez lyrique, plutôt puissante mais un peu lourde par moments. Malgré tout, le chef semble à l'aise dans le répertoire et l'orchestre sonne bien. Tout au long de la soirée, nous aurons un bel accompagnement du chef, avec un orchestre dont seules quelques petites erreurs de cuivres ou de contrebasse feront tiquer. Mais globalement, une belle prestation.
Mais c'est avec l'air de Canio que Cura montre combien il tient la forme ! Dès les premiers mots piano, le ténor est déjà beaucoup plus stable et tout au long de l'air la voix va se déployer tant pour la puissance que pour l'émotion, sorte de grand crescendo qui nous emporte. Grand tragédien, le ténor joue sur scène, vie son personnage et nous montre tous ses tourments. Prestation magique qui avec un seul air s'impose.
Nylund entre ensuite pour l'air de Nedda... la voix est assez contraire à ce qu'est celle de Cura : claire et limpide, parfaitement contrôlée et nuancée, avec des aigus doux et lumineux... elle qui m'avait un peu fait peur lors de sa dernière prestation entendue, je l'ai retrouvée ici dans toute sa jeunesse et son rayonnement. Quel bonheur ! Nedda manque peut-être un peu de mordant et de volonté, mais musicalement, c'est une démonstration.
Intermezzo de Manon intéressant et bien développé par le chef.
Puis duo Minnie/Johnson. Je ne suis pas fan de l'oeuvre, mais il faut bien avouer que les deux chanteurs se donnent totalement ici, se répondant à merveille, lui lyrique et puissant, aussi à l'aise dans l'aigu que dans le grave. Elle manque peut-être un peu de grave justement, mais l'aigu est rayonnant et tranchant.
Après l'entracte, la grande pièce de résistance est Otello bien sûr !
Et là, avec des applaudissements uniquement après le duo d'amour du premier acte, les numéros s'enchaînent pour ne pas laisser tomber la tension dramatique. Car plus qu'un récital, c'est vraiment un drame que l'on voit sur scène, totalement joué par les deux protagonistes. Cura s'impose dès les premières mesures de son chant comme un Otello de grande tenue, violent mais aussi passionnément amoureux, chaque mot est joué, connue, interprété, nuancé... de la plus grande violence jusqu'à la plus douce gentillesse. Son personnage est une vraie révélation pour moi. J'en avais entendu quelques extraits mais là, face à lui, totalement marqué par sa prestance sur scène et son impact physique de la voix.
Nylund n'est pas en reste, vu qu'elle campe une Desdemona volontaire et douce, à la voix parfaitement maitrisée d'un bout à l'autre, au souffle infini et totalement sous contrôle pour la prière, au lyrisme fervent, à la défense véhémente... Touchante et d'une musicalité sans faille, la soprano montre ici qu'elle connaît bien le rôle car si ses Minnie et Nedda étaient très bien chantées mais un peu en retrait, Nylund fait jeu égal dans le théâtre avec le monstre qu'est Cura. Et les deux chanteurs partagent un jeu fluide et parfaitement expressif.
Beaucoup d'émotions à tel point que Cura finit en larmes à sa mort.
En Bis, le duo de La Bohème avec une Nylund libérée (et au dernier aigu triomphant) alors que Cura montre que oui, il peut aussi chanter les jeunes premiers sans soucis ! La voix est plus haut placée et n'appelle pas les mêmes graves roques...
Et puis dernier Bis car Cura est fatigué suite à ce marathon : un Nessun Dorma superbe !
Grande soirée en tout cas avec deux chanteurs en état de grâce, Cura toujours immense et dont la voix n'a pas changé...
Magique !
La salle a fait un véritable triomphe!!!!