Strauss - Elektra - Bastille - Octobre-novembre 2013

Xavier a écrit:

lugotor a écrit:

J’ai assisté hier à la représentation avec Caroline Whisnant. Je ne sais pas vous, mais j’avoue avoir été dérangée par la corpulence de Whisnant, n’y voyez pas là de la discrimination, mais franchement, Electre est censée être maigre, décharnée, maladive, les joues creuses, je n’arrivais pas à voir Electre là, à croire au personnage.

Je comprends... mais si on attend que les descriptions physiques (ou de décor) du livret soient systématiquement illustrées, on va souvent être déçu à l'opéra.
Et puis... dans ce cas il faut aussi abandonner les Elektra de Nilsson, Marton, Théorin, et tant d'autres...  

Oui, ça revient aussi à vouloir une protagoniste âgée d'une petite vingtaine d'années, car on devine Elektra assez jeune... la partition, pour ce rôle comme pour tant d'autres, entre ici en contradiction avec les indications du livret. Mais un physique, un visage, ça se maquille, tandis qu'avec les notes, c'est plus difficile de tricher.  

je suis d’accord. Le truc, c’est que je connaissais bien mieux le livret que l’opéra dans son ensemble pour en avoir joué des passages du temps où je faisais du théâtre. Du coup, je suis arrivée avec un regard biaisé, et des attentes sans doute beaucoup trop précises de ce côté-là. ce qui est dommage, car je sais que j’ai pas réussi à m’ouvrir à l’opéra et à me laisser porter comme j’aurais dû. tant pis...!

lugotor a écrit:

je suis d’accord. Le truc, c’est que je connaissais bien mieux le livret que l’opéra dans son ensemble pour en avoir joué des passages du temps où je faisais du théâtre. Du coup, je suis arrivée avec un regard biaisé, et des attentes sans doute beaucoup trop précises de ce côté-là. ce qui est dommage, car je sais que j’ai pas réussi à m’ouvrir à l’opéra et à me laisser porter comme j’aurais dû. tant pis...!

Oui, quand on vient du théâtre, c'est tout à fait normal d'avoir beaucoup d'exigences sur la crédibilité physique des acteurs.

Moi qui ai fait le chemin inverse (je suis venu au théâtre par la musique), je suis toujours émerveillé, au théâtre, par la beauté des acteurs, c'est un miracle permanent à mes yeux !  

Ceci étant, j’aurais sans doute pu passer outre l’incrédibilité physique de Caroline Whisnant si elle avait campé une Electre plus nerveuse, plus possédée, plus véhémente et plus contrastée, et si globalement la mise en scène avait été plus énergique. La Electre de Whisnant était trop douce et manquait de relief de mon point de vue. Beaucoup d’indications scéniques la décrivent frénétique. Quand Oreste paraît devant elle, par exemple elle est censée être en train de creuser avec ardeur, comme une bête, elle danse de façon extatique à la fin une fois al vengeance accomplie, etc. Or, toutes ces scènes violemment expressives ont été édulcorées. Comme la scène entre Electre et Clytemnestre, elle manquait de tension aussi, on aurait dit que la mère et la fille faisaient salon. Ou est-ce que j’ai mal vu? j’aimerais y retourner pour me faire une deuxième opinion, mais bon vu le tarif…

lugotor a écrit:

Ceci étant, j’aurais sans doute pu passer outre l’incrédibilité physique de Caroline Whisnant si elle avait campé une Electre plus nerveuse, plus possédée, plus véhémente et plus contrastée, et si globalement la mise en scène avait été plus énergique. La Electre de Whisnant était trop douce et manquait de relief de mon point de vue. Beaucoup d’indications scéniques la décrivent frénétique. Quand Oreste paraît devant elle, par exemple elle est censée être en train de creuser avec ardeur, comme une bête, elle danse de façon extatique à la fin une fois al vengeance accomplie, etc. Or, toutes ces scènes violemment expressives ont été édulcorées. Comme la scène entre Electre et Clytemnestre, elle manquait de tension aussi, on aurait dit que la mère et la fille faisaient salon. Ou est-ce que j’ai mal vu? j’aimerais y retourner pour me faire une deuxième opinion, mais bon vu le tarif…

Oui... mais au lieu de montrer toute cette haine qui s'extériorise, Carsen a voulu montrer combien cette haine est destructrice... Toute l'attitude d'Elektra la montre portant un fardeau, ancrée à cette terre qui l'empêche d'avancer (les déplacements toujours lourds)...
Sinon quand Oreste arrive, elle creuse bien pour trouver la hache... Elle est d'ailleurs tout au fond à gauche de la scène...

Par contre non, pas de danse frénétique à la fin. Au contraire même... comme si une fois sa vengeance réalisée, elle ne pouvait plus vivre. Oui différent de ce qui est écrit... mais vision très forte aussi je trouve.

Salon pour le dialogue entre mère et fille? Il y a pourtant dans le jeu des ombres, dans les postures d'Elektra quelque chose de menaçant caché derrière cette courtoisie... et cette menace finit bien par éclater au final.

oui, elle creusait, mais gentiment non? enfin, lourdement disons. j'entends bien ta lecture, et je la trouve très intéressante. mais est-ce que l'originalité d'Elektra ne résidait pas dans sa violence, assez inouïe pour un opéra de cette époque? or, en montrant une électre rongée de l'intérieur par sa soif de vengeance, qui pèse sur elle comme un fardeau comme tu dis, en restant dans des gestuelles toujours lentes et lourdes, on perd pas mal de l'éclat, de la force expressive de l'oeuvre.

lugotor a écrit:

oui, elle creusait, mais gentiment non? enfin, lourdement disons. j'entends bien ta lecture, et je la trouve très intéressante. mais est-ce que l'originalité d'Elektra ne résidait pas dans sa violence, assez inouïe pour un opéra de cette époque? or, en montrant une électre rongée de l'intérieur par sa soif de vengeance, qui pèse sur elle comme un fardeau comme tu dis, en restant dans des gestuelles toujours lentes et lourdes, on perd pas mal de l'éclat, de la force expressive de l'oeuvre.

Disons que c'est moins mis en avant, mais l'attitude d'Elektra, ses postures droites et son côté animal qui pointe par certains mouvement est bien là, en parti par ses ombres...

Alors oui, il y a des visions plus violentes... Carsen donne quelque chose qui est plus de l'ordre de l'ambiance de la violence et du sordide que ne le montre vraiment.
Chéreau à Aix par exemple montrait directement les éclats et la violence d'Elektra (Herlitzius géniale!) mais on perdait un peu le côté étouffant qui est donné par Carsen avec ces lumières, cet enfermement et ces doubles obsédants...