Tout d'abord merci à
Xavier d'avoir autorisé la réouverture d'un fil tout propre sur ce compositeur pour remplacer l'ancien à l'intérêt quasiment nul.
D'autant que la musique de Dalbavie mérite qu'on s'y attarde. Je n'ai pas encore écouté grand-chose de lui mais les 2-3 pièces que je connais m'ont fait forte impression, et mon appréciation s'est non seulement maintenue mais franchement accrue à la réécoute ce qui n'est au final pas si fréquent avec le contemporain.
Il a été l'élève de
Boulez mais ses influences sont aussi à chercher chez les spectralistes. Comme eux, il fonde sa démarche sur le timbre. Comme eux, il a recourt, au début de sa carrière du moins, à l'électronique. Mais là où les spectralistes ont une approche plus contemplative que discursive, Dalbavie dote ses oeuvres d'un fort sens de direction. A partir de la fin des années 1990, il délaisse peu à peu l'ordinateur et réintègre dans sa musique des pôles, des pulsations marquées et revisite des genres bien établis (concerto, opéra, trio et quatuor avec piano) avec un grand soin apporté aux couleurs et à la lisibilité.
J'ai découvert sa musique avec
Color (2001), une pièce pour orchestre d'une vingtaine de minutes. L'introduction, masse statique d'où se déploient et se tressent lentement des fils de notes, évoque le
Ligeti des années 60, en plus chaleureux. Après trois minutes, une très longue série d'accords de cuivres relayée par le piano (qui joue un rôle important à plusieurs moments) ouvre une section massive et solennelle. Une intervention très pulsée des cordes annonce un changement de climat. La musique prend un caractère animé, les différents instruments entrent en dialogue dans un bouillonnement de plus en plus nerveux avant de laisser la place à un calme comparable à celui du début mais ponctué cette fois de nombreux silences. Arrive ensuite le moment le plus marquant de la pièce: un court crescendo aboutit à un jaillissement aussi saisissant qu'inattendu, une puissante éruption orchestrale qui dissipe presque entièrement toute la tension accumulée depuis le début. Une belle réussite, ça m'a coupé le souffle. Les dernières minutes marquent une lente décrue, émaillée occasionnellement de déflagrations résiduelles. On conclut de fort jolie manière sur quelques notes très délicates et mélancoliques. Je n'ai pas la partition et, à l'oreille, c'est difficile d'être sûr dans une pièce aussi riche mais il me semble que toute l’œuvre est basé sur un motif récurrent, une sorte de basso ostinato qui génère les accords et les motifs mélodiques. En tout cas, il me semble qu'il y a vraiment un fil conducteur parfois évident, parfois caché du début à la fin.
J'ai enchainé avec son
concerto pour flûte (2006), composé pour
Pahud. Dalbavie a une prédilection pour la forme concertante; il a déjà écrit une dizaine d’œuvres dans le genre: pour flûte donc mais aussi pour alto, pour violon, pour piano (2), pour hautbois (2), pour clarinette et cor de basset ainsi que, tout récemment, pour violoncelle. Là aussi, c'est une belle réussite qui fait alterner des passages très mouvementés, avec un flûtiste qui coule des gammes si rapides qu'elles en paraissent liquides et des moments plus pensifs, assez lyriques. Loin de se contenter d'accompagner simplement le soliste, l'orchestre commente et élabore ses traits dans un va-et-vient constant, très coloré et occasionnellement musclé.
J'en profite pour citer un des rares messages instructifs du fil précédent, écrit par Gesualdo (le membre) sur
Gesualdo (l'opéra de Dalbavie - 2010) traitant de
Gesualdo (le compositeur).
- Gesualdo a écrit:
- Pour revenir au sujet: la dernière création de Dalbavie, Gesualdo, opéra crée à Zürich en octobre dernier. J'avais trouvé le compositeur assez original, à ses débuts, puis après tout cela s'est banalisé. Sur le site de l'opéra de Zürich, pas mal de photos. Et sur YT, des extraits videos, et interview de Dalbavie, il me semble mis en ligne par l'opéra de Zürich. Mes premières impressions sont plutôt positives. http://opernhaus.ch/de/programm/detail.php?vorstellID=10331598
Charlotte Salomon, un nouvel opéra, est prévu pour Salzbourg en 2014. Dans le registre vocal, il a aussi écrit 6
Sonnets sur des Poèmes de Louise Labé (2008) pour contre-ténor et orchestre, créés par
Jaroussky et paraît-il fort recommandables.
Un compositeur à découvrir, vraiment.