Eh bien c'était fort prenant, quoique matière à questions de ma part. D'abord sur l'absence de surtitrage : j'avais escompté sur leur présence, n'avait pas donc pris de petit livret avec les Lieder de Mahler (comme on en trouve dans les intégrales Boulez ou Bernstein par exemple). Et bien sûr, le programme est dispendieux (aussi cher que la place

), et sans les textes. Du coup, je n'ai rien compris au russe, malgré tous mes efforts. A la fin j'essayais de repérer la structure du sonnet, mais Chosta' déjouait toute symétrie.

Le seul mot que j'ai compris est "Dante" dans le sonnet du même nom. Dommage pour les vers de Buonarotti.
Je m'interroge sur le public aussi : alors que je m'attendais à un ennui poli - car vous savez, le Lied c'est tellement
intellectuel - on a eu droit à une exaltation rare, à une dizaine de rappels. Et le plus beau, comme le Lied est un genre
intime - ce que vous savez auss - i, c'est que les gens ont été d'un silence absolu entre les Lieder et après ceux-ci, laissant quelques secondes de silence, denrée rare partout ailleurs (ce soir dans Lakmé, 5 sonneries de portables, 6 salves d'applaudissements mal placés)
Goerne a été ovationné par une foule en délire, et n'a concédé - comme on dit - qu'un seul bis qu'il a annoncé de sa voix goethéenne :
An die Hoffnung de Beethoven. Pour nous faire espérer d'autres bis ? (j'avoue que je n'aurais pas refusé la réduction pour piano de la Mort de Faust de Schumann, ou un Schubert classique du type
Erlkönig, An Schwager Kronos ou
Prometheus.)Le programme était ordonné selon un concept intéressant : le panachage Mahler / Chosta, pour faire ressortir des similarités comme pour montrer que, bien souvent, aux premières notes, on reconnaissait les pattes respectives (n'ayant pas acheté le programme, si vous me suivez bien, j'avançais à tâtons comme Faust aveuglé). [arrête les comparaisons s'il te plaît]. Au final on a eu tous les grands tubes liederesques de Mahler : Urlicht, Revelge, Tamburg'sell, Ich bin der Welt, Es sungen drei Engel...
Certains Chosta à côté de la ludicité de Mahler apparaissaient un peu tristounets, certes. Mais il y avait de réelles beautés - qui font d'autant plus regretter de ne pouvoir soutirer un seul mot compréhensible.
Mais la tonalité n'était pas au regret, à la rage ou quoi que ce soit, puisque Goerne chantait. Et c'était génial. Dans une petite salle c'est peut-être encore mieux. Il est intéressant de voir comment, à partir d'un matériau vocal pour le moins commun, Goerne tire des nuances extraordinaires. La tessiture est ample et égale, les nuances infinies. Le point attendu de la soirée était pour moi, avec l'
Urlicht,
Revelge qui est un Lied que je prise particulièrement (tant en version ténor - Winbergh - qu'en version baryton - Gerhaher). J'ai été saisi par la qualité des nuances, la variété de l'émission, la force expressive qui s'en dégageait. Pour qui connaissait les textes de près (c'était mon cas pour la moitié des Mahler, surtout les Wunderhorn), c'était ahurissant.
Je n'ai pu m'empêcher de trouver qu'il manquait quelque chose, vous savez, ce qu'on entend derrière les chanteurs. Andsnes m'a semblé parfois un peu appliqué, mais les réductions étaient assez bien faites, quoique dommageables pour la foison mahlérienne.
C'était donc une soirée très intéressante et hautement satisfaisante. Après tout on y aura entendu plusieurs
Rückert, Kindertoten- et 40% des
Wunderhorn.