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Autour de la musique classique Le but de ce forum est d'être un espace dédié principalement à la musique classique sous toutes ses périodes, mais aussi ouvert à d'autres genres. |
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xoph Mélomane chevronné
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Nombre de messages : 6220 Age : 66 Localisation : là Date d'inscription : 12/10/2011
![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mar 31 Aoû 2021 - 14:44 | |
| - gluckhand a écrit:
- CONNAIS-TOI TA SOLITUDE
[…]
STANISLAS RODANSKI (1927-1981) Des proies aux chimères / Plasma Un beau livre de Rodanski, préfacé (et aimé) par Gracq : La victoire à l'ombre des ailes |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Lun 27 Sep 2021 - 18:32 | |
| Je vous jette un petit poème ancien inspiré d’un petit fait vécu. Ma tendance David Rolland
L’autre jour, je croise Mat et je lui dis : « Hello Brian ! » Il me répond : « Moi c’est pas Brian, c’est Mat. » Je lui dis en souriant : « Mat, comme dans tomate ? » Il me dit en plissant ses yeux : « Attends, tomate ? — Eh bien, à tantôt Mat », et je file. Je repasse un peu plus tard. Il avait disparu. Je demande à ses amis qui étaient restés : « Mat est parti ? — Oui, s’empressent-ils de me dire, comme un automate. — Si tôt ! m’exclamé-je. Et comment cela ? — En auto, me répondent-ils. » J’ai vécu cela comme un échec. Je leur demande s’ils croient qu’il m’en veut : « Non, disent-ils, Mat t’adore. » Cela n’empêche pas qu’il m’en veuille. Je m’attarde quelques instants, histoire de vérifier qu’il ne matait pas mon retour, caché dans les parages, tramant Dieu sait quoi. Je dois dire que je lui connaissais un don de calculateur, et s’il est vrai que Prat était pratique, logiquement Mat est matique. Je confie ma déception à l’un de ses amis, avec un message pour Mat, moi qui ne suis guère diplomate : « Je m’attelle à te retrouver partout où je vais. Ton élève Pat m’a tapé, je crois qu’il ne veut pas faire ses maths. Mon amitié a un prix, Mat. » C’était la fin du jour, peut-être est-il rentré pour dîner. « Sais- tu que Mat est à la diète ? », me dit l’un de ses amis. Quoi ? Mat est au riz ! J’aurai au moins appris ça, c’est une preuve matérielle. Mais j’étais bien triste, triste comme la fin du jour, de perdre Mat au confluent du rendez-vous de tous nos avenirs. Je suis rentré à pied au logis, inquiet comme un marcheur épuisé, navré qu’il ne m’attendît pas. Je me suis servi un whiskey avant de m’écrouler dans un fauteuil. J’ai pensé : « Me voilà dans de beaux draps, Mat. Hic ! » Je me perds dans l’échec et Mat.
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Lun 4 Oct 2021 - 2:12 | |
| Reçu plus tôt aujourd'hui ce recueil de Denis Vanier: ![Poésie - Page 6 17794211](https://i.servimg.com/u/f80/19/38/09/77/17794211.jpg) Denis Vanier est un poète québécois décédé en 2000. Il demeure une figure emblématique de la contre-culture nord-américaine. Son oeuvre se compose de nombreux recueils. Celui-ci est une sorte d'anthologie qui regroupe des poèmes rares, ou introuvables. |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mar 2 Nov 2021 - 19:25 | |
| Deux recueils:
Jim Morrison: La nuit américaine
René Char: Feuillets d'Hypnos |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Ven 5 Nov 2021 - 20:08 | |
| Jacques Prévert * Fatras * Imaginaires |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mar 14 Déc 2021 - 15:31 | |
| J'AI UN GROS RHUME
J’ai un gros rhume, Et tout le monde sait comment les gros rhumes Altèrent tout le système de l’univers. Ils nous fâchent avec la vie, Et nous font éternuer jusqu’à la métaphysique. J’ai perdu la journée entière à me moucher. J’ai mal confusément à mon crâne. Triste condition pour un poète mineur ! Aujourd’hui je suis vraiment un poète mineur ! Ce que je fus autrefois ne fut qu’un désir : il s’en est allé.
Adieu à jamais, reine des fées ! Tes ailes étaient de soleil, et moi ici-bas je m’en vais doucement. Je ne sentirai pas bien tant que je ne me verrai pas au fond de mon lit. Je ne me suis jamais senti bien autrement que couché dans l’univers.
Excusez un peu…Le bon gros rhume bien physique ! J’ai besoin de vérité et d’aspirine.
Fernando Pessoa (1888-1935)
*******
AUTOPSYCHOGRAPHIE
Le poète est celui qui feint. Et il feint si parfaitement Qu’il fait enfin passer pour feinte La douleur qu’il ressent vraiment.
Et les lecteurs de ses écrits Ressentent sous la douleur lue Non pas les deux qu’il a connues, Mais la seule qu’ils n’ont pas eue.
Ainsi, sur ses rails circulaires Tourne, embobinant la raison, Ce si petit train à ressorts Que l’on a appelé le cœur.
Fernando Pessoa (1888-1935)
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ULYSSE
Le mythe est le rien qui est tout. Le soleil lui-même qui ouvre les cieux Est un mythe brillant et muet ― La dépouille mortelle de Dieu, Vivante, mise à nu.
Celui-là, qui trouva un havre en ces lieux, Reçut de son absence d’être une existence. Sans exister il nous combla. Parce qu’il n’est pas venu, il fut celui qui vint, Il fut celui qui nous créa.
Ainsi s’écoule d’elle-même la légende En venant pénétrer la réalité, Qu’en son parcours elle féconde. Plus bas, la vie, moitié De rien, se meurt.
Fernando Pessoa, Message, Premier in Poèmes ésotériques - Message - Le Marin, Christian Bourgois éditeur, 1988, pp. 104-105
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Désolé , pas de traducteurs pour les deux premiers poèmes copiés sur le net. |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mer 15 Déc 2021 - 4:01 | |
| AIR MAGIQUE
Là-haut sur le toit même souffle un air magique Frisant continuellement le flot et les forêts Un air si rare au milieu des formes tragiques Harmonieuses par l'intense ciel creusé ;
L'air baigne Les poumons et le coeur et la chair ou douleur Le chagrin l'espérance et la mélancolie, L'air revêtu de foin et d'absente chaleur,
Effaçant jusqu'au haines d'un amour _ magique, Des forêts comme l'orgue aux prologues du vert Il engendre un grand être Jouant le vrai théâtre en notre éternité.
Pierre Jean Jouve (1887-1976)
*******
UNE SEULE FEMME ENDORMIE
Par un temps humble et profond tu étais plus belle Par une pluie désespérée tu étais plus chaude Par un jour de désert tu me semblais plus humide Quand les arbres sont dans l’aquarium du temps Quand la mauvaise colère du monde est dans les cœurs Quand le malheur est las de tonner sur les feuilles Tu étais douce Douce comme les dents de l’ivoire des morts Et pure comme le caillot de sang Qui sortait en riant des lèvres de ton âme
Matière Céleste, Hélène, Poésie/Gallimard 1995
*****
ECLAIREMENT
J’émerge alors de l’angoisse quand le soleil Perce en se souvenant de sa droite les brumes A la saison vieillie par les glaives du ciel Bleu profond qui réchauffe encor les amertumes
Et me souviens : vous êtes amoureusement Tout amoureusement à toute heure de vie Si je sais vous aimer dès le souffle aspirant Seulement vous aimer où votre sein supplie
A la plaie ! Seulement uniquement aimer Par souffle et par poil frémissant et par penser Votre être ; et votre éternité claire et ravie
Diadème / Les Editions de Minuit, 1949
***** Pierre-Jean Jouve (1887-1976) fut un poète ,d'abord d'un certain mysticisme religieux,puis de l'amour sacré teinté d'un certain érotisme,aussi du merveilleux quotidien parfois magique, mais n'est-ce pas la fonction de la poèsie de tout transformer en or? Il fut aussi un grand amoureux de la musique de Mozart ,de Schubert,de Mahler, et aussi de Berg ." Le poète en moi a toujours envié les musiciens. Il n'y a pas d'art plus suspendu et plus libre. "
Dernière édition par gluckhand le Jeu 16 Déc 2021 - 10:04, édité 1 fois |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mer 15 Déc 2021 - 5:34 | |
| MÉDITERRANÉE
Ô mer d’Homère et de Virgile, mer natale Aux vagues de laquelle j’ai bu le lait bleu, Je te reviens ce soir, ô mer sans cesse étale À la grâce du souffle innombrable de Dieu.
Cœur profond de la strophe intime ou bien totale, En moi subsiste encore le cadencé jeu Qu’enfant j’avais reçu de l’eau sacerdotale, Et mes yeux ont gardé le sel de notre adieu.
Car je sortis, moi si petit, de la même onde Où tu conçus Pindare, Orphée aux dieux pareil, Dante, Lope, Mistral au timbre de soleil ;
Car je suis né de l’onde où magiquement blonde Aussi naquit, en sa jumelle royauté Du corps et de l’esprit, l’immortelle Beauté.
31 octobre 1936.
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LA GUERRE
Des yeux, des cœurs, des bras, des jambes et des têtes De par Satan qui jongle, entrecroisant leur vol Cependant que les toits, les arbres et les bêtes S’épivardent, crevés par le métal du sol.
En sang les âmes vont, dressant ergot et crêtes, À travers le pillage, le feu, le viol, Et la haine profonde aux vipères concrètes Jusqu’à ce qu’un vaincu reçoive le licol.
Certes, pour ce charnier dont s’effarent les astres Et ces tronçons épars des tranquilles cadastres Le monstre primitif dut monter aux cerveaux.
Viendra-t-il pas Quelqu’un refaire avec la viande Et les cailloux restés de l’orde sarabande Une race nouvelle en des foyers nouveaux ?
Saint-Pol-Roux (1861-1940)
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CHASSE À COURRE
Les gens, tel on boit à l’amphore, Soufflent dans les escargots d’or ; Il sort une bave sonore De chaque spiral corridor.
Là-bas les chiens, montrant l’ivoire, Ruissellent derrière le cu D’un cerf dont la roide mémoire Brame qu’il est dix fois cocu.
Pour s’éjouir du sganarelle Dévalent, sur leurs fins chevaux, Les Fiers de l’altière Tourelle : Écrin de la sueur des vaux.
Héraldique et svelte avalanche Où mâles yeux parent d’aveux Certaine damoiselle blanche Ayant des guêpes pour cheveux.
Ambitieux de l’estocade, On salte l’onde et la moisson ; L’air sable l’âpre cavalcade Comme l’ivrogne la boisson.
Enfin, sur un lit de pelouse, Le cerf vêtu de saignements Épouse la Fidèle épouse Parmi le glas des aboiements.
Les gens, tel on boit à l’amphore, Soufflent dans les escargots d’or ; Il sort une bave sonore De chaque spiral corridor.
Saint-Pol-Roux (1861-1940)
***** Saint-Pol-Roux (1861-1940) Poète inclassable, poète magique et visionnaire.Un langage poètique toujours surprenant ,parfois surréaliste ,souvent très drôle même. Très attaché aux valeurs profondes et spirituelles , aux origines et aux endroits ou il a vécu.Il est mort tragiquement.C'est un poète qu'on a pas fini de découvrir et d'admirer. |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Jeu 16 Déc 2021 - 0:34 | |
| CHANSON DE FOU (1)
Le crapaud noir sur le sol blanc Me fixe indubitablement Avec des yeux plus grands que n'est grande sa tête ; Ce sont les yeux qu'on m'a volés Quand mes regards s'en sont allés, Un soir, que je tournai la tête.
Mon frère ? - il est quelqu'un qui ment, Avec de la farine entre ses dents ; C'est lui, jambes et bras en croix, Qui tourne au loin, là-bas, Qui tourne au vent, Sur ce moulin de bois.
Et Celui-ci, c'est mon cousin Qui fut curé et but si fort du vin Que le soleil en devint rouge ; J'ai su qu'il habitait un bouge, Avec des morts, dans ses armoires.
Car nous avons pour génitoires Deux cailloux Et pour monnaie un sac de poux, Nous, les trois fous, Qui épousons, au clair de lune, Trois folles dames, sur la dune.
Émile VERHAEREN (1855-1916) Recueil : "Les Campagnes Hallucinées"
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CHANSON DE FOU (II)
Je les ai vus, je les ai vus, Ils passaient, par les sentes, Avec leurs yeux, comme des fentes, Et leurs barbes, comme du chanvre.
Deux bras de paille, Un dos de foin, Blessés, troués, disjoints, Ils s’en venaient des loins, Comme d’une bataille.
Un chapeau mou sur leur oreille, Un habit vert comme l’oseille ; Ils étaient deux, ils étaient trois, J’en ai vu dix, qui revenaient du bois.
L’un d’eux a pris mon âme Et mon âme comme une cloche Vibre en sa poche.
L’autre a pris ma peau - Ne le dites à personne - Ma peau de vieux tambour Qui sonne.
Un paysan est survenu Qui nous piqua dans le sol nu, Eux tous et moi, vieilles défroques, Dont les enfants se moquent.
Émile VERHAEREN (1855-1916) Recueil : "Les Campagnes Hallucinées"
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CHANSON DE FOU (III)
Brisez-leur pattes et vertèbres, Chassez les rats, les rats. Et puis versez du froment noir, Le soir, Dans les ténèbres.
Jadis, lorsque mon coeur cassa, Une femme le ramassa Pour le donner aux rats.
- Brisez-leur pattes et vertèbres.
Souvent je les ai vus dans l’âtre, Taches d’encre parmi le plâtre, Qui grignotaient ma mort.
- Brisez-leur pattes et vertèbres.
L’un d’eux, je l’ai senti Grimper sur moi la nuit, Et mordre encor le fond du trou Que fit, dans ma poitrine, L’arrachement de mon coeur fou.
- Brisez-leur pattes et vertèbres.
Ma tête à moi les vents y passent, Les vents qui passent sous la porte, Et les rats noirs de haut en bas Peuplent ma tête morte.
- Brisez-leur pattes et vertèbres.
Car personne ne sait plus rien. Et qu’importent le mal, le bien, Les rats, les rats sont là, par tas, Dites, verserez-vous, ce soir, Le froment noir, A pleines mains, dans les ténèbres ?
Émile VERHAEREN (1855-1916) Recueil : "Les Campagnes Hallucinées"
Dernière édition par gluckhand le Jeu 16 Déc 2021 - 1:02, édité 1 fois |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Jeu 16 Déc 2021 - 0:57 | |
| LES USINES
Se regardant avec les yeux cassés de leurs fenêtres Et se mirant dans l’eau de poix et de salpêtre D’un canal droit, marquant sa barre à l’infini, . Face à face, le long des quais d’ombre et de nuit, Par à travers les faubourgs lourds Et la misère en pleurs de ces faubourgs, Ronflent terriblement usine et fabriques.
Rectangles de granit et monuments de briques, Et longs murs noirs durant des lieues, Immensément, par les banlieues ; Et sur les toits, dans le brouillard, aiguillonnées De fers et de paratonnerres, Les cheminées.
Se regardant de leurs yeux noirs et symétriques, Par la banlieue, à l’infmi. Ronflent le jour, la nuit, Les usines et les fabriques.
Oh les quartiers rouillés de pluie et leurs grand-rues ! Et les femmes et leurs guenilles apparues, Et les squares, où s’ouvre, en des caries De plâtras blanc et de scories, Une flore pâle et pourrie.
Aux carrefours, porte ouverte, les bars : Etains, cuivres, miroirs hagards, Dressoirs d’ébène et flacons fols D’où luit l’alcool Et sa lueur vers les trottoirs. Et des pintes qui tout à coup rayonnent, Sur le comptoir, en pyramides de couronnes ; Et des gens soûls, debout, Dont les larges langues lappent, sans phrases, Les ales d’or et le whisky, couleur topaze. Par à travers les faubourgs lourds Et la misère en pleurs de ces faubourgs, Et les troubles et mornes voisinages, Et les haines s’entre-croisant de gens à gens Et de ménages à ménages, Et le vol même entre indigents, Grondent, au fond des cours, toujours, Les haletants battements sourds Des usines et des fabriques symétriques.
Ici, sous de grands toits où scintille le verre, La vapeur se condense en force prisonnière : Des mâchoires d’acier mordent et fument ; De grands marteaux monumentaux Broient des blocs d’or sur des enclumes, Et, dans un coin, s’illuminent les fontes En brasiers tors et effrénés qu’on dompte.
Là-bas, les doigts méticuleux des métiers prestes, A bruits menus, à petits gestes, Tissent des draps, avec des fils qui vibrent Légers et fin comme des fibres. Des bandes de cuir transversales Courent de l’un à l’autre bout des salles Et les volants larges et violents Tournent, pareils aux ailes dans le vent Des moulins fous, sous les rafales. Un jour de cour avare et ras Frôle, par à travers les carreaux gras Et humides d’un soupirail, Chaque travail. Automatiques et minutieux, Des ouvriers silencieux Règlent le mouvement D’universel tictacquement Qui fermente de fièvre et de folie Et déchiquette, avec ses dents d’entêtement, La parole humaine abolie.
Plus loin, un vacarme tonnant de chocs Monte de l’ombre et s’érige par blocs ; Et, tout à coup, cassant l’élan des violences, Des murs de bruit semblent tomber Et se taire, dans une mare de silence, Tandis que les appels exacerbés Des sifflets crus et des signaux Hurlent soudain vers les fanaux, Dressant leurs feux sauvages, En buissons d’or, vers les nuages.
Et tout autour, ainsi qu’une ceinture, Là-bas, de nocturnes architectures, Voici les docks, les ports, les ponts, les phares Et les gares folles de tintamarres ; Et plus lointains encor des toits d’autres usines Et des cuves et des forges et des cuisines Formidables de naphte et de résines Dont les meutes de feu et de lueurs grandies Mordent parfois le ciel, à coups d’abois et d’incendies.
Au long du vieux canal à l’infini Par à travers l’immensité de la misère Des chemins noirs et des routes de pierre, Les nuits, les jours, toujours, Ronflent les continus battements sourds, Dans les faubourgs, Des fabriques et des usines symétriques.
L’aube s’essuie A leurs carrés de suie Midi et son soleil hagard Comme un aveugle, errent par leurs brouillards ; Seul, quand au bout de la semaine, au soir, La nuit se laisse en ses ténèbres choir, L’âpre effort s’interrompt, mais demeure en arrêt, Comme un marteau sur une enclume, Et l’ombre, au loin, parmi les carrefours, paraît De la brume d’or qui s’allume.
Emile Verhaeren (1855-1916) Les Villes tentaculaires (1895).
*****
COMME TOUS LES SOIRS
Le vieux crapaud de la nuit glauque Vers la lune de fiel et d’or, C’est lui, là-bas, dans les roseaux, La morne bouche à fleur des eaux, Qui rauque.
Là-bas, dans les roseaux, Ces yeux immensément ouverts Sur les minuits de l’univers, C’est lui, dans les roseaux, Le vieux crapaud de mes sanglots.
Quand les taches des stellaires poisons Mordent le plomb des horizons - Ecoute, il se râpe du fer par l’étendue - C’est lui, cette toujours voix entendue, Là-bas dans les roseaux.
Monotones, à fleur des eaux, Monotones, comme des gonds, Monotones, s’en vont les sons Monotones, par les automnes.
Les nuits ne sont pas assez longues Pour que tarissent les diphtongues, Toutes les mêmes, de ces sons, Qui se frôlent comme des gonds.
Ni les noroîts assez stridents, Ni les hivers assez mordants Avec leur triple rang de dents, Gel, givre et neige, Afin que plus ne montent en cortège Les lamentables lamentos Du vieux crapaud de mes sanglots.
Recueil : "Les Bords de la Route"
**** Bon faut être courageux pour lire tout ça, mais Emile Verhaeren (1855-1916) le mérite vraiment,il a magnifiquement décrit la Flandre et ses petites gens,ce monde industriel en plein essor .Moi qui vit pas loin de ce monde, il est encore présent quelque part.Mais c'est aussi un poète des sentiments et de la nature assez dure et ingrate souvent dans cette région.La question est pour finir ,comme pour tout, en as t'on encore envie de le lire ? Lui aussi est mort d'une manière bizarre,renversé par un train dans la gare de Rouen. |
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| Cher Frère Blanc
Quand je suis né, j'étais noir, Quand j'ai grandi, j'étais noir, Quand je suis au soleil, je suis noir, Quand je suis malade, je suis noir, Quand je mourrai, je serai noir.
Tandis que toi, homme blanc, Quand tu es né, tu étais rose, Quand tu as grandi, tu étais blanc, Quand tu vas au soleil, tu es rouge, Quand tu as froid, tu es bleu, Quand tu as peur, tu es vert, Quand tu es malade, tu es jaune, Quand tu mourras, tu seras gris.
Alors, de nous deux, Qui est l'homme de couleur ?
Léopold Sédar Senghor (1906-2001) *****
Poète noir
Poète noir, un sein de pucelle te hante, poète aigri, la vie bout et la ville brûle, et le ciel se résorbe en pluie, ta plume gratte au coeur de la vie. Forêt, forêt, des yeux fourmillent sur les pignons multipliés ; cheveux d’orage, les poètes enfourchent des chevaux, des chiens. Les yeux ragent, les langues tournent le ciel afflue dans les narines comme un lait nourricier et bleu ; je suis suspendu à vos bouches femmes, coeurs de vinaigre durs.
Antonin Artaud (1896-1948)
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Algues
La relance ici se fait par le vent qui d’Afrique vient par la poussière d’alizé par la vertu de l’écume et la force de la terre nu l’essentiel est de se sentir nu de penser nu la poussière d’alizé la vertu de l’écume et la force de la terre la relance ici se fait par l’influx plus encore que par l’afflux la relance se fait algue laminaire
Aimé Césaire (1913-2008) Recueil : Moi, laminaire
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A hurler
Salut oiseaux qui fendez et dispersez le cercle des hérons et la génuflexion de leur tête de résignation dans une gaine de mousse blanche
Salut oiseaux qui ouvrez à coups de bec le ventre vrai du marais et la poitrine de chef du couchant
Salut cri rauque torche de résine où se brouillent les pistes des poux de pluie et les souris blanches
Fou à hurler je vous salue de mes hurlements plus blancs que la mort
Mon temps viendra que je salue grand large simple où chaque mot chaque geste éclairera sur ton visage de chèvre blonde broutant dans la cuve affolante de ma main et là là bonne sangsue là l’origine des temps là la fin des temps
et la majesté droite de l’oeil originel.
Aimé Césaire (1913-2008) Recueil : Soleil cou coupé |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Sam 18 Déc 2021 - 1:02 | |
| En Arles
Dans Arle, où sont les Aliscans, Quand l’ombre est rouge, sous les roses, Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses. Lorsque tu sens battre sans cause Ton coeur trop lourd ;
Et que se taisent les colombes : Parle tout bas, si c’est d’amour, Au bord des tombes.
Paul-Jean Toulet, Romances sans musique, 1915
******
Nocturne
Ô mer, toi que je sens frémir A travers la nuit creuse, Comme le sein d’une amoureuse Qui ne peut pas dormir ;
Le vent lourd frappe la falaise… Quoi ! si le chant moqueur D’une sirène est dans mon coeur – Ô coeur, divin malaise.
Quoi, plus de larmes, ni d’avoir Personne qui vous plaigne… Tout bas, comme d’un flanc qui saigne, Il s’est mis à pleuvoir.
Paul-Jean Toulet (1867-1920)Recueil : Les contrerimes (1921).
******
Rêves d’enfant
Circé des bois et d’un rivage Qu’il me semblait revoir, Dont je me rappelle d’avoir Bu l’ombre et le breuvage ;
Les tambours du Morne Maudit Battant sous les étoiles Et la flamme où pendaient nos toiles D’un éternel midi ;
Rêves d’enfant, voix de la neige, Et vous, murs où la nuit Tournait avec mon jeune ennui… Collège, noir manège.
Paul-Jean Toulet (1867-1920)Recueil : Les contrerimes (1921).
**** Douce plage où naquit mon âme
Douce plage où naquit mon âme ; Et toi, savane en fleurs Que l’Océan trempe de pleurs Et le soleil de flamme ;
Douce aux ramiers, douce aux amants, Toi de qui la ramure Nous charmait d’ombre, et de murmure, Et de roucoulements ;
Où j’écoute frémir encore Un aveu tendre et fier – Tandis qu’au loin riait la mer Sur le corail sonore.
Paul-Jean Toulet (1867-1920)Recueil : Les contrerimes (1921). ****** Né à Pau dans le Béarn, P.J Toulet va vite ,vers ses vingt ans,se rendre à Paris pour y chercher le succès littéraire Il gravite dans le Paris bohême de l'époque et un témoin le décrit ainsi plus âgé,un peu plus tard, « recroquevillant dans les bars sa solitude et ressassant peut-être sa jeunesse et ses amours mortes ; d’un maintien aristocratique, plein d’humour et de dédain ; s’exprimant en phrases courtes, sèches, péremptoires, cuisantes et incisives ; bretteur, duelliste, fréquentant les gens du monde, fuyant le bourgeois et descendant volontiers dans la bohème ». Sa poèsie est très évocatrice ,dans des poèmes plutôt courts qu'il formalisera, les Contrerimes.Des textes empreints d'une sensibilité aigue, teintéés' humour, d'une certaine nostalgie et parfois une pointe de tristesse. P.J Toulet a écrit quelques romans , a beaucoup voyagé et est mort en 1920. Francis Jammes, dans ses Leçons poétiques en 1930,lui rendait un bel hommage: « Toulet fut un grammairien, mais de génie. J’en appelle à la savante et brève structure de sa strophe, à la souplesse de sa syntaxe, en vers et en prose, à des raccourcis qui révèlent une haute culture classique, à la sobriété qui intensifie chez lui la sensation... » |
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| LA LUNE BLANCHE
La lune blanche Luit dans les bois; De chaque branche Part une voix Sous la ramée...
Ô bien-aimée.
L'étang reflète, Profond miroir, La silhouette Du saule noir Où le vent pleure...
Rêvons, c'est l'heure.
Un vaste et tendre Apaisement Semble descendre Du firmament Que l'astre irise...
C'est l'heure exquise.
Paul Verlaine (1844-1896)
*****
IL PLEURE DANS MON COEUR
Il pleure dans mon cœur Comme il pleut sur la ville ; Quelle est cette langueur Qui pénètre mon coeur ?
O bruits doux de la pluie, Par terre et sur les toits ! Pour un coeur qui s'ennuie Oh ! le chant de la pluie !
Il pleure sans raison Dans ce coeur qui s'écoeure. Quoi ! nulle trahison ? .. Ce deuil est sans raison.
C'est bien la pire peine De ne savoir pourquoi Sans amour et sans haine Mon cœur a tant de peine !
Paul Verlaine (1844-1896) Recueil : Romances sans paroles.
*****
MARINE
L’Océan sonore Palpite sous l’œil De la lune en deuil Et palpite encore,
Tandis qu’un éclair Brutal et sinistre Fend le ciel de bistre D’un long zigzag clair,
Et que chaque lame En bonds convulsifs, Le long des récifs Va, vient, luit et clame,
Et qu’au firmament, Où l’ouragan erre, Rugit le tonnerre Formidablement.
Paul Verlaine (1844-1896) Poèmes saturniens
******
JE SUIS VENU,CALME ORPHELIN
Gaspard Hauser chante :
Je suis venu, calme orphelin, Riche de mes seuls yeux tranquilles, Vers les hommes des grandes villes : Ils ne m'ont pas trouvé malin.
A vingt ans un trouble nouveau Sous le nom d'amoureuses flammes M'a fait trouver belles les femmes : Elles ne m'ont pas trouvé beau.
Bien que sans patrie et sans roi Et très brave ne l'étant guère, J'ai voulu mourir à la guerre : La mort n'a pas voulu de moi.
Suis-je né trop tôt ou trop tard ? Qu'est-ce que je fais en ce monde ? O vous tous, ma peine est profonde : Priez pour le pauvre Gaspard !
Paul Verlaine (1844-1896)
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| - gluckhand a écrit:
LA LUNE BLANCHE Paul Verlaine (1844-1896)
L'occasion de réécouter la très belle mélodie de Reynaldo Hahn Merci Gluckhand. |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Lun 20 Déc 2021 - 1:03 | |
| - Pipus a écrit:
- gluckhand a écrit:
LA LUNE BLANCHE Paul Verlaine (1844-1896)
L'occasion de réécouter la très belle mélodie de Reynaldo Hahn
Merci Gluckhand. Oui tu as raison,pour moi aussi aussi ,impossible de ne pas penser à Fauré, en lisant les poèmes de Verlaine,les mélodies me reviennent automatiquement. J'ai vu sur Wikipedia, que dans tous les genres musicaux,qu'on dénombrait , plus de 700 artistes et 1500 morceaux inspirés par l'œuvre du poète, depuis 1871 jusqu'à nos jours. |
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| LE CHÂTEAU DE L'ESPÉRANCE
Ta pâle chevelure ondoie Parmi les parfums de ta peau Comme folâtre un blanc drapeau Dont la soie au soleil blondoie.
Las de battre dans les sanglots L'air d'un tambour que l'eau défonce, Mon cœur à son passé renonce Et, déroulant ta tresse en flots,
Marche à l'assaut, monte, — ou roule ivre Par des marais de sang, afin De planter ce drapeau d'or fin Sur ce sombre château de cuivre
— Où, larmoyant de nonchaloir, L'Espérance rebrousse et lisse Sans qu'un astre pâle jaillisse La Nuit noire comme un chat noir.
Stéphane Mallarmé (1842-1898)
*****
QUELLE SOIE ......
Quelle soie aux baumes de temps Où la Chimère s'exténue Vaut la torse et native nue Que, hors de ton miroir, tu tends !
Les trous de drapeaux méditants S'exaltent dans notre avenue : Moi, j'ai la chevelure nue Pour enfouir mes yeux contents.
Non ! La bouche ne sera sûre De rien goûter à sa morsure S'il ne fait, ton princier amant,
Dans la considérable touffe Expirer, comme un diamant, Le cri des Gloires qu'il étouffe.
Stéphane Mallarmé (1842-1898)
****** UNE DENTELLE S'ABOLIT
Une dentelle s'abolit Dans le doute du Jeu suprême A n'entrouvrir comme un blasphème Qu'absence éternelle de lit.
Cet unanime blanc conflit D'une guirlande avec la même, Enfui contre la vitre blême Flotte plus qu'il n'ensevelit.
Mais chez qui du rêve se dore Tristement dort une mandore Au creux néant musicien
Telle que vers quelque fenêtre Selon nul ventre que le sien, Filial on aurait pu naître.
Stéphane Mallarmé (1842-1898)
******
LE TOMBEAU D'EDGAR POE
Tel qu'en Lui-même enfin l'éternité le change, Le Poète suscite avec un glaive nu Son siècle épouvanté de n'avoir pas connu Que la mort triomphait dans cette voix étrange !
Eux, comme un vil sursaut d'hydre oyant jadis l'ange Donner un sens plus pur aux mots de la tribu, Proclamèrent très haut le sortilège bu Dans le flot sans honneur de quelque noir mélange.
Du sol et de la nue hostiles, ô grief ! Si notre idée avec ne sculpte un bas-relief Dont la tombe de Poe éblouissante s'orne
Calme bloc ici-bas chu d'un désastre obscur Que ce granit du moins montre à jamais sa borne Aux noirs vols du Blasphème épars dans le futur.
Stéphane Mallarmé (1842-1898)
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Lun 20 Déc 2021 - 23:43 | |
| LITANIES
Surnaturelle, calme et puissante Beauté, Fontaine de santé, miroir d’étrangeté, Écoutez-moi !
Phare spirituel, allumé sur les roches, Beffroi des jours défunts, où sanglotent les cloches, Appelez-moi !
Havre où les blancs voiliers et les fumeux steamers Chargés de cœurs vaillants, viennent du bout des mers, Accueillez-moi !
Soleil vertigineux, vous qui dans les yeux faites Fleurir des visions de splendeurs et de fêtes, Aveuglez-moi !
Jardinier qui sentez dans la nuit des cerveaux Les songes imprévus et les verbes nouveaux, Fécondez-moi !
Fleuve majestueux, où sur l’eau lente éclate La gloire des lotus d’azur et d’écarlate, Submergez-moi !
Tour d’ivoire, château que les tentations Entourent vainement de leurs obsessions, Abritez-moi !
Forêt crépusculaire, où les oiseaux nocturnes Ouvrent leurs clairs yeux d’or et leurs vols taciturnes, Apaisez-moi !
Porte du paradis, par l’absurde habité, Haschisch libérateur de la réalité, Délivrez-moi !
Tapis de velours blanc, où marchent cadencées D’amples processions d’orgueilleuses pensées, Exaltez-moi !
Flacon, où tournent dans un cerveau de cristal Les vertiges du musc, de l’ambre et du santal, Parfumez-moi !
Orgue religieux dont les vastes musiques Bâtissent dans les cœurs des églises mystiques, Élevez-moi !
Maison d’or et d’albâtre, où les vins généreux Versent aux vagabonds les espoirs vigoureux, Hébergez-moi !
Liqueur soyeuse, crème où les fruits et les baumes Fondent leur bienfaisance et leurs subtils arômes, Enivrez-moi !
Manne d’amour, agneau pascal, pain sans levain, Festin miraculeux où l’eau se change en vin, Nourrissez-moi !
Hamac qu’une exotique et moelleuse indolence À l’ombre des palmiers rafraîchissants balance. Endormez-moi !
Jardin officinal aux douces floraisons, Où croît parmi les lys l’herbe des guérisons, Guérissez-moi !
Aérostat vainqueur des sublimes nuages, Nostalgique wagon, berceur des longs voyages, Emportez-moi !
Livre mystérieux des sibylles, coffret Où dort, loin des savants, maint austère secret, Instruisez-moi !
Lourde mante opulente où les fauves soieries Étoilent leurs prés d’or de fleurs de pierreries, Revêtez-moi !
Turquoise de douceur, rubis de cruauté, Topaze où la lumière endort la volupté, Adornez-moi !
Lupanar éhonté, plein d’immondes ivresses, Mêlant tous les baisers et toutes les tristesses, Épuisez-moi !
Hypocrite vivier, où des poulpes gluants Traînent leurs suçoirs mous sur les cailloux puants, Dévorez-moi !
Lazaret des lépreux, hôpital des poètes, Ténébreux cabanon, pourrissoir des prophètes, Étouffez-moi !
Torche néronienne, ô monstrueuse croix, Où flambent des martyrs oints de graisse et de poix, Consumez-moi !
Iwan Gilkin / poète belge (1858 – 1924)
******
GLAS
Ô cloches lourdes, cloches lentes, Dolentes, Râlantes,
Cloches des sinistres journées, Damnées, Damnées,
Cloches de deuil, cloches d’alarmes, En armes, En larmes,
Ô cloches de sang, cloches d’âcres Massacres, Massacres,
Ô cloches, cloches, cloches, cloches, Plus proches, Plus proches,
Sonnez, cloches, cloches funèbres, Ténèbres ! Ténèbres !
Voici que dans l’air qui s’étonne, Il tonne, Il tonne !
Sous les neiges de flamme comme Sodome, Sodome,
Périssent les cités infâmes En flammes, En flammes !
Cloches sur les maisons où monte La honte, La honte,
Cloches sur l’église où les râbles Des diables, Des diables,
Remplacent pour l’Eucharistie L’hostie, L’hostie,
Sonnez sur le meurtre et l’inceste La peste, La peste,
Et sur la Foi qui s’effémine Famine, Famine,
Et sur l’envie et la colère La guerre, La guerre !
Mais nul n’écoute vos reproches, Ô cloches, Ô cloches,
En c’est en vain que pour personne, Je sonne, Je sonne !
Iwan Gilkin / poète belge (1858 – 1924)
*****
Iwan Gilkin / poète belge (1858 – 1924).Personnage sulfureux et assez pessimiste.Pas facile de citer ses poèmes, tellement ils semblent négatifs et parfois désespèrés.Certains poèmes prônent même ,un parfum de pédophilie, qu'on devine sous-jacent.Grand admirateur de Baudelaire ,Barbey d’Aurevilly et de Lautréamont .Il s'est beaucoup interessé à l’alchimie, la théosophie,et l’occultisme .Il y a quand même beaucoup de force ,d'inspiration et une singularité particulière , dans certains de ses poèmes. On les trouve facilement sur wikisource. Pour en savoir plus sur Iwan Gilkin / la nuit objectif plumes Iwan Gilkin |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mer 22 Déc 2021 - 0:43 | |
| SOMMEIL
Je dors depuis toujours dans les mêmes poumons de vieux silence chromatique où s'engouffre la respiration des astres je dors depuis toujours dans la même nuit d'hérédité dans le grand lit de mère en fils dans cette alcôve aux serrures de pain bleu aux lourds tapis de loutres volontaires Je dors depuis toujours dans le même rêve malléable qui emprisonne la lumière dans ses perles de sang magique je dors les yeux ouverts le corps ouvert espoir et désespoir confondus et le désir comme une épée au poing et le visage défiguré toujours plus semblable à moi-même de moins en moins reconnaissable plus atrocement beau de tout ce qui corrode et qui est éternel
ACHILLE CHAVÊE (1906 - 1969)
****
SOUS SEINS PRIVES
Le temps des initiations viendra aux morsures étonnantes de prophéties au spasme démesuré de la plus pure angoisse au souffle de vie à fleur de flamme femme que je n'ai pas rencontrée qui suivra mon sillage un hiver porteuse de cargaisons charnelles Tes rêves témoigneront de moi aux cryptes secrètes de ta vie je sais déjà les corps à corps de mes victoires la courbe de ton destin sera livrée au réseau de mes filatures Tu seras soumise femme cachée peut-être à portée de fusil aux replis des désastres gratuits triste comme une infante désabusée légère comme une salve désespérée décisive comme un vent d'orage
ACHILLE CHAVÊE (1906 - 1969)
*****
FACTURE
à Urbain Herregots
Qu'il fera bon vivre lorsque nous serons mort que nous reposerons dans je ne sais quel trou troué du vieux Cosmos bien refroidi bien étendu dans la noire volupté de n'être plus avec la pierre du silence absolu posée sur notre langue qu'il ne faudra plus jamais retourner sept fois dans notre bouche pour dire ou ne pas dire la vérité acquise puisque la notion de vérité n'emportera plus de signification que tous les dieux auront cessé d'être le verbe que l'épine plantée jadis dans notre cœur n'entraînera plus le moindre cri capable de troubler encore la préséance du néant
6 janvier 1962
ACHILLE CHAVÊE (1906 - 1969)
******
VERDICT
à Pierre Bourgeois
On est comptable et de tout et de rien on est comptable irréversiblement irrévocablement de tous les mouvements divers de sa conscience
Tout nous assaille tout nous meurtrit nous circonscrit tout nous concerne nous cerne nous emprisonne nous désavoue nous loue enfin pour mieux nous accuser nous particularise tout se nourrit de notre défaillance
En apparence à notre insu un oiseau médite sur son aile brisée et sur sa toile une araignée est triste et sur le banc des accusés un innocent s’efforce en vain de réfuter l’interminable acte d’accusation
Demain tantôt qu’allons-nous faire de cet instant précis qui déjà nous observe ?
ACHILLE CHAVÊE (1906 - 1969) Le grand cardiaque.
********
Autre grand poète belge et grande figure du surréalisme,Achille Chavée nous interroge toujours,encore aujourd'hui par ses poèmes .Si l'humour et l'excentricité y sont très présents, cela n'empêche pas des questionnements très sérieux et métaphysiques.Entre 1935 et 1969, Chavée a écrit 28 recueils de poèsie. |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mer 22 Déc 2021 - 23:17 | |
| Je m'aperçois que je n'ai encore cité aucune femme ,parmi les poètes ci-dessus.Alors rattrapons nous ou au moins ,tentons d'équilibrer maintenant ,ce choix personnel,avec des femmes poètes ,qui ont laissé des poèmes magnifiques. Je commence avec Béatrice Douvre ( 1967-1994 ), dont la vie assez courte de 27 ans,fut semée de nombreux problèmes personnels,d'anorexie et de séjours en hopital pyschiatrique.On sent dans sa poèsie cette fragilité et aussi sa très grande exigence poètique. « C'était, on le devinait tout de suite, une sorte d'elfe diaphane, un être vibratile, trop frêle pour ce monde où les elfes ne peuvent prendre racine », Philippe Jaccottet ********
LA PASSANTE DU PERIL
Conviée Fût-elle venue Pour la plus noire nuit parce que je l’aime Celle qu’on dit qui endormait les fleuves
Regarde-la durer Investie du péril
Mais moi Parce que je l’aime Regarde-moi venir Commettre l’inconnu
En courant
Béatrice Douvre ( 1967-1994 )Voix d’encre 2015
*******
LES RËVES
Un enfant roi me dicta la feuille brisée. Dans la coupe il tenait le sable sang.
L'eau chantait. Rayons de rivière, amoncellement de limons verts. Vomissures d'argent au bruit des marées. L'eau debout finissait en barques sur le ventre.
Des charrettes de fruits crissaient sur le sol roux. Des enfants costumés riaient, dont j'attendais le baiser blond, la candeur mûre.
Contre mes pas obscurs se hissait l'épaule d'un dieu mort, j'arrivai au dernier port, l'ange qui se hâtait me quitta, et j'ai marché, légère, car marcher maintenant m'éclairait.
Béatrice Douvre ( 1967-1994 )
*******
LE CORPS GRANDI
Renoncement nocturne Ô fête De ce qui fut la beauté D'une maison des corps désencombrés
Adieu aux cercles de la grâce Qui entrouvraient tes yeux dans la lumière cave
Adieu maintenant comme une aile, j'ai un corps Aux clartés des limites humaines et chaleureuses Et retour et je suis parmi vous les vivants Vos sommeils aux bras longs m'accueillent pour revivre
Moins de nuage cette nuit, moins de vent je suis dans la passion dont l'âge m'abandonne C'est dans l'âge plus haut d'un autre qu'a grandi
La beauté maintenant où s'attarde mon corps.
Béatrice Douvre ( 1967-1994 ) Voix d’une autre année, 1986-1988
*******
L'OUTREPASSANTE À René Char
Habiter la halte brève La rive avant la traversée La distance fascinée qui saigne Et la pierre verte à l'anse des ponts
Dans la nuit sans fin du splendide amour Porter sur l'ombre et la détruire Nos voix de lave soudain belliqueuses L'amont tremblé de nos tenailles
Il y a loin au ruisseau Un seuil gelé qui brille Un nid de pierres sur les tables Et le pain rouge du marteau
La terre Après la terre honora nos fureurs Ô ses éclats de lampes brèves Midis Martelés de nos hâtes
Béatrice Douvre ( 1967-1994 )Voix d’une autre année, 1986-1988
*******
LE JARDIN
Arrête-toi au fond de ce jardin Pour l’air et pour le peu de roses Arrête-toi, je te rejoins Tu es plus belle que mon attente Plus terrible encore quand le temps cesse Car tu as cessé de vivre dans le temps Mémoire Poussant le grillage de fer Pas à pas sur les terres humides De la rosée plus que le jour Je te rejoins Il n’y a plus personne dans ce jardin Les quelques pas avaient gravé la terre C’était mon pas Ô disparue derrière les ronces.
Poème isolé, écrit en 1989 et 1993, publié par la revue Linea, n° 4, été 2005.
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Sam 25 Déc 2021 - 6:51 | |
| AVE
Très haut amour, s'il se peut que je meure Sans avoir su d'où je vous possédais. En quel soleil était votre demeure En quel passé votre temps, en quelle heure Je vous aimais,
Très haut amour qui passez la mémoire, Feu sans foyer dont j'ai fait tout mon jour, En quel destin vous traciez mon histoire, En quel sommeil se voyait votre gloire, O mon séjour...
Quand je serai pour moi-même perdue Et divisée à l'abîme infini. Infiniment, quand je serai rompue, Quand le présent dont je suis revêtue Aura trahi.
Par l'univers en mille corps brisée, De mille instants non rassemblés encor, De cendre aux cieux jusqu'au néant vannée, Vous referez pour une étrange année Un seul trésor
Vous referez mon nom et mon image De mille corps emportés par le jour, Vive unité sans nom et sans visage. Cœur de l'esprit, ô centre du mirage Très haut amour.
Catherine Pozzi (1882-1934)
****
NYX
À Louise aussi de Lyon et d’Italie
Ô vous mes nuits, ô noires attendues Ô pays fier, ô secrets obstinés Ô longs regards, ô foudroyantes nues Ô vols permis outre les cieux fermés.
Ô grand désir, ô surprise épandue Ô beau parcours de l’esprit enchanté Ô pire mal ô grâce descendue Ô porte ouverte où nul n’avait passé
Je ne sais pas pourquoi je meurs et noie Avant d’entrer à l’éternel séjour. Je ne sais pas de qui je suis la proie. Je ne sais pas de qui je suis l’amour.
Catherine Pozzi (1882-1934)
******
CHANSON SANS GESTES
Sur la planète de douleurs Les roses vont jusqu’au ciel même. Devant le mur d’azur tu meurs Du mal qui vient d’ailleurs.
Soleil, soleil fleur de souci Touche un cœur de ta pointe extrême Le rayon jeté sans merci Du passé passe jusqu’ici.
Mon cœur est une rose aussi Il est plein de rois et de reines Ils ont vécu ils ont fini Ils souffrent où je suis.
Ils ont dormi ils ont péri Ils s’éveilleront si je t’aime. Un trait les touche sans merci L’amour n’est l’ami.
Ô prisonniers ! dormez ainsi Ne quittez les ombres suprêmes. La caresse est blessure ainsi Le soleil passe aussi.
Catherine Pozzi (1882-1934)
*******
VALE
La grande amour que vous m'aviez donnée Le vent des jours a rompu ses rayons - Où fut la flamme, où fut la destinée Où nous étions, où par la main serrée Nous nous tenions.
Notre soleil, dont l'ardeur fut pensée L'orbe pour nous de l'être sans second Le second ciel d'une âme divisée Le double exil où le double se fond
Son lieu pour vous apparaît cendre et crainte, Vos yeux vers lui ne l'ont pas reconnu L'astre enchanté qui portait hors d'atteinte L'extrême instant de notre seule étreinte Vers l'inconnu.
Mais le futur dont vous attendez vivre Est moins présent que le bien disparu. Toute vendange à la fin qu'il vous livre Vous la boirez sans pouvoir être qu'ivre Du vin perdu.
J'ai retrouvé le céleste et sauvage Le paradis où l'angoisse est désir. Le haut passé qui grandit d'âge en âge Il est mon corps et sera mon partage Après mourir.
Quand dans un corps ma délice oubliée Où fut ton nom, prendra forme de cœur Je revivrai notre grande journée, Et cette amour que je t'avais donnée Pour la douleur.
Catherine Pozzi (1882-1934) ******
SI TU VEUX....
Si tu veux Nous irons ensemble Tous les deux Vers le vieux figuier. Il aura Des fruits noirs qui tremblent Sous le vent Qui vient d’Orvillers.
Tu iras L’âme renversée Sur ta vie Et je te suivrai. Le ciel bas Tiendra nos pensées Par la lie D’un malheur secret.
Tu prendras L’un des fruits de l’arbre Et soudain Le feras saigner Et ta main Morte comme marbre Jettera Le don du figuier.
Le vent vert Plein du bruit des hêtres Ouvrira La geôle du ciel Je crierai Comme un chien sans maître Tu fuiras Dans le grand soleil.
Catherine Pozzi (1882-1934)
*******
Catherine Pozzi (1882 –1934)sort peu à peu de l'anonymat ,ou elle était confinée. Issue d'un milieu aisé, elle a fréquenté nombre d'écrivains de son époque Rainer Maria Rilke, Anna de Noailles, Colette, Pierre Jean Jouve… Elle était surtout connue pour sa relation cachée et passionnelle avec Paul Valéry et le seul recueil de poèsie d'elle ,ne sera publié qu'après sa mort en 1935. Ses poèmes font une très grande place à l'amour et aux sentiments .Ils méritent d'être vraiment redécouverts .C'est une sorte de Louise Labbé moderne. | |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mar 28 Déc 2021 - 17:19 | |
| TU ME VEUX IMMACULÉE Tu me veux aurore, Tu me veux d’écume, Tu me veux de nacre. Comme un lys Surtout, chaste. De parfum léger Corolle fermée Pas même un rayon de lune Qui ne m’ait effleurée Ni une marguerite Qui se dise ma sœur Tu me veux blanche Tu me veux immaculée Tu me veux aurore. Toi qui les as toutes eues Les coupes à la main, De fruits et de miels Les lèvres pourpres. Toi qui dans le banquet Couvert de pampres As lassé les chairs Festoyant à Bacchus. Toi qui dans les jardins Noirs de la Tromperie Vêtu de rouge T’es précipité au ravage. Toi que ton squelette Conserve intact Je ne sais pas, encore Par quels miracles, Tu me prétends blanche (Dieu te le pardonne), Tu me prétends chaste (Dieu te le pardonne), Tu me prétends aurore ! Fuis vers les forêts, Vas-t-en a la montagne ; Nettoie ta bouche ; Vis dans les refuges ; Ramasse de tes mains La terre mouillée ; Nourris ton corps De racines amères ; Bois de la source rocheuse ; Dort sur le givre ; Rafraîchis tes tissus Au salpêtre et à l’eau ; Parle aux oiseaux Et te lève à l'aube. Et quand de chair Tu seras redevenu, Et quand tu auras mis En elle l'âme Que par les alcôves Tu as laissée embrouillée, Alors, brave homme, Prétends-moi blanche, Prétends-moi immaculée, Prétends-moi chaste. Alfonsina Storni (1892-1938) ****** TOUT PETIT PETIT HOMME Tout petit petit Homme, tout petit petit homme , Libère ton canari qui aimerait voler... Je suis le canari, tout petit petit homme , laissez moi m’envoler. J’ai été dans ta cage, tout petit petit homme , tout petit petit homme qui me met en cage. Je dis tout petit petit parce que tu ne me comprends pas, ni ne me comprendras. Moi non plus, je ne te comprends pas, mais entre temps Ouvre-moi la cage dont je veux m’échapper ; tout petit petit homme, je t’ai aimé une demi-heure, ne m’en demande pas plus Alfonsina Storni (1892-1938) **** LA BEAUTÉ Les enfants m’entourent Et j’entre dans leurs âmes. J’y pénètre et j’ai peur: L’esprit humain est mauvais. Une phrase mord; un regard Est lancé de travers. Je suffoque d’amertume. Un coup de vent ouvre La fenêtre fermée: Le bleu limpide du ciel Me blesse le regard Et cette vision m’épuise… Des mains invisibles Me libèrent l’âme À nouveau; à nouveau Je crois en quelque chose: mon Amertume s’apaise, et de nouveau Je dis, sans le comprendre: merci! Alfonsina Storni (1892-1938)Traduction: Monique-Marie IHRY, éditions Cap de l’Étang ***** FACE A LA MER Oh mer, immense mer, cœur féroce Rythme irrégulier, mauvais cœur, Je suis plus doux que ce pauvre bâton Cela pourrit dans vos vagues de prisonniers. Oh mer, donne-moi ta formidable colère, J'ai passé ma vie à pardonner, Parce que j'ai compris, mer, je me donnais: "Pitié, pitié pour celui qui offense le plus." La vulgarité, la vulgarité me hante. Ah, ils m'ont acheté la ville et l'homme. Fais-moi avoir ta colère sans nom: Je suis déjà fatigué de cette mission rose. Voyez-vous le vulgaire? Ce vulgaire me chagrine, Je manque d'air et là où je manque, J'aurais aimé ne pas comprendre, mais je ne peux pas: C'est la vulgarité qui m'empoisonne. Je suis devenu plus pauvre parce que la compréhension accable, Je me suis appauvri parce que la compréhension étouffe, Béni soit la force du rocher! J'ai le cœur comme de la mousse. Mer, j'ai rêvé d'être comme toi, Là les après-midi que ma vie Sous les heures chaudes, il a ouvert ... Ah, j'ai rêvé d'être comme toi. Regarde-moi ici, petit misérable, Toute douleur me conquiert, tous les rêves; Mer, donne-moi, donne-moi l'effort ineffable Devenir arrogant, inaccessible. Donne-moi ton sel, ton iode, ta férocité, L'air marin!… Oh tempête, oh colère! Mécontent de moi, je suis un chardon, Et je meurs, mer, je succombe à ma pauvreté. Et mon âme est comme la mer, c'est ça, Ah, la ville pourrit et se trompe Petite vie qui cause de la douleur, Qu'il me libère de son poids! Foule ma détermination, mon espoir vole ... Ma vie a dû être horrible Ce devait être une artère irrépressible Et c'est juste une cicatrice qui fait toujours mal. Alfonsina Storni (1892-1938) ****** ROMANCE DE LA VENGEANCE Un altier et bien beau chasseur Comme il n’en est pas deux sur une terre Un soir s’en fut à la chasse Par les campagnes du Seigneur. Allongeant un pas assuré Le plomb chargé Le cœur battant La tête haute et la voix basse. Dans la lumière dorée de l’après-midi Tant tua le chasseur Que de fines larmes rouges Se mit à pleurer le soleil Alors qu’il rentrait en chantant Doucement, à mi-voix Autour d’un tronc enroulé L’aperçut un serpent S’apprêtant à venger les oiseaux ; Mais terrible, le chasseur La tête lui trancha ; Or à quelques pas L’observant, j’étais là Je le ligotais de ma chevelure Et domptais sa fureur. Dès lors qu’entravé, je lui dis Des oiseaux tu as fusillés C’est donc moi qui vais les venger Maintenant que jtu m’appartiens . Ce n’est pas d’arme que je l’abattis Lui réservant pire mort ! Si tendrement je le baisai Que le cœur je lui brisai ! Chasseur, si t’en vas à la chasse Par les campagnes du Seigneur Crains que ne vengent les oiseaux Les plaies profondes de l’amour. Alfonsina Storni (1892-1938) **** TROIS MOTS Tu m’as glissé à l’oreille, ce soir, trois mots Ordinaires. Trois mots lassés D’être prononcés. Mots Usés qui se renouvellent. Trois mots si doux que la lune s’en allant En filtrant parmi les rameaux S’arrête à ma bouche. Trois mots si doux Qu’une fourmi se promène sur mon cou sans que je tente Le moindre mouvement pour l'en chasser Trois mots si doux Qu' il me vient malgré moi : «Oh, qu’elle est belle, la vie ! » Si doux et si tendres Qu'ils répandent sur le corps des huiles odorantes Si doux et si beaux Que nerveux, mes doigts, Se meuvent vers le ciel comme les lames de ciseaux ; Oh, mes doigts qui voudraient Découper des étoiles Alfonsina Storni (1892-1938) ***** ![Poésie - Page 6 200px-10](https://i.servimg.com/u/f26/18/42/02/57/200px-10.jpg) Alfonsina Storni (1892-1938), poètesse argentine , bien que née en Suisse .C'est une voix très moderne et très féministe qu'elle va imposer à l'Amérique latine,pour son époque. La mer et la liberté seront ses principaux thèmes fétiches et prioritaires.La mer qu'elle a rejoint , après des problèmes de santé. Désolé pour les manques de noms des traducteurs des poèmes . |
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| La beauté du monde est l'orifice du labyrinthe. L'imprudent qui, étant entré, fait quelques pas, est après quelque temps hors d'état de retrouver l'orifice. Epuisé, sans rien à manger, ni à boire, dans les ténèbres, séparé de ses proches, de tout ce qu'il aime, de tout ce qu'il connaît, il marche sans rien savoir, sans espérance, incapable même de se rendre compte s'il marche vraiment ou s'il tourne sur place. Mais ce malheur n'est rien auprès du danger qui le menace. Car s'il ne perd pas courage, s'il continue à marcher, il est tout à fait sûr qu'il arrivera finalement au centre du labyrinthe. Et là, Dieu l'attend pour le manger. Plus tard il ressortira, mais changé, devenu autre, ayant été mangé et digeré par Dieu. Il se tiendra alors près de l'orifice pour y pousser ceux qui s'approchent.
Simone Weil (1909-1943 )/ ATTENTE DE DIEU (EXTRAIT)
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FIGURES DU TEMPS
Cet idéal ciel il semble qu'il ne forme qu'une unique armoirie un blason solitaire.
En ce temps où Paris était tout un théâtre et des corps de femme un sésame des filles vivaient qui avaient vingt ans à beautés vivaces à semblables voix
et parfois dans la chaleur de Rome par mégarde un pape brisait son verre et l'eau claire en coulait la même absente du calvaire.
Sur les objets chaque jour la poussière était lentement essuyée avec un morceau déchiré du corsage étoilé des fêtes tissé dans la manufactures que cernaient les prés et les nuages.
Des maisons pleines de lâches, de forçats, de déserteurs, montraient des barrières en fleur.
Souvent une main se refermait comme une prison de chair sur un insecte à couleur d'or et féru de silence.
Vers les classes les drapés les champs descendaient dans leurs plis antiques et l'écolier cherchait les péninsules.
L'arbre et le bouquet mendiaient l'existence feuille par feuille et fleur par fleur.
Le jardinier éclairé par des lueurs conduisait sa maîtresse à travers les châssis cependant que lignes et volumes ne cessaient pas de gouverner un buste exquis.
Jean Follain (1903-1971) Usage du temps, Poésie / Gallimard,
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LE PAYSAGE
J’avais rêvé d’aimer. J’aime encore mais l’amour Ce n’est plus ce bouquet de lilas et de roses Chargeant de leurs parfums la forêt où repose Une flamme à l’issue de sentiers sans détours.
J’avais rêvé d’aimer. J’aime encore mais l’amour Ce n’est plus cet orage où l’éclair superpose Ses bûchers aux châteaux, déroute, décompose, Illumine en fuyant l’adieu du carrefour,
C’est le silex en feu sous mon pas dans la nuit, Le mot qu’aucun lexique au monde n’a traduit, L’écume sur la mer, dans le ciel ce nuage.
A vieillir tout devient rigide et lumineux, Des boulevards sans noms et des cordes sans nœuds. Je me sens me roidir avec le paysage.
Robert Desnos ( 1900-1945) Domaine public, Gallimard, 1953
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LA MORT DE L'AIMÉE
De la mort, il savait seulement ce que chacun sait : qu’elle nous prend et nous précipite dans le silence. Mais comme elle, non pas arrachée à lui, non, mais doucement détachée de ses yeux,
glissait peu à peu vers des ombres inconnues, et comme il sentait qu’eux, sur l’autre rive, avaient à présent comme lune son sourire de jeune fille et le halo de sa bonté :
alors les morts lui devinrent aussi familiers que si son entremise l’apparentait étroitement à chacun d’entre eux ; il laissait dire les autres
mais ne les croyait pas et nommait ce pays le Bien-Situé, le Toujours-Doux — et l’éprouvait pour elle
Rainer Maria Rilke (1875-1926) La mort de l'aimée, traduction Rémy Lambrechts
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LE MAL
Tandis que les crachats rouges de la mitraille Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ; Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raille, Croulent les bataillons en masse dans le feu ;
Tandis qu’une folie épouvantable broie Et fait de cent milliers d’hommes un tas fumant ; – Pauvres morts ! dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie, Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !…
– Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or ; Qui dans le bercement des hosannah s’endort,
Et se réveille, quand des mères, ramassées Dans l’angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir, Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !
Arthur Rimbaud
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HYMNE
Par toute la terre lande errante où le soleil me mènera la corde au cou j'irai chien des désirs forts car la pitié n'a plus créance parmi nous
Voici l'étoile et c'est la cible où la flèche s'enchâsse clouant le sort qui tourne et règne couronne ardente loterie des moissons
Voici la lune et c'est la grange de lumière
Voici la mer mâchoire et bêche pour la terre écume de crocs barbes d'acier luisant aux babines des loups
Voici nos mains liées aux marées comme le vent l'est à la flamme Voici nos bouches et l'horloge de minuit les dissout
quand l'eau-mère des ossatures dépose les barques temporelles aux baies tranquilles de l’espace et te fait clair comme un gel
ô brouillard tendre de mon sang
Michel Leiris (1901 – 1990) Haut-Mal / Editions Gallimard, 1943
******
LES ANNÉES
Elles entrent comme des animaux venus de l’espace Cosmique du,houx aux feuilles épineuses Qui ne sont pas les pensées du yogi en moi Mais du vert et de l’obscur si purs Qu’elles gèlent et se figent.
Ô Dieu, je ne suis pas comme toi Dans le vide de ta nuit Où se collent les étoiles, stupides confettis. L’éternité m’ennuie, je n’en ai jamais voulu.
Ce que j’aime de toute mon âme c’est Le piston en action — A en mourir. Et les sabots des chevaux, Leur écume sans pitié.
Et toi, grande Stase — Qu’y a-t-il de si ,grand dans tout ça ! Est-ce un tigre cette année , ce qui rugit à la porte ? C’est un Christus L’atroce
Mors-de-Dieu en lui Qui se languit de voler, d’en finir ? Les baies sanglantes sont elles-mêmes, parfaitement immobiles. Les sabots n’attendent pas. Au lointain bleu les pistons sifflent.
Sylvia Plath (1932-1963)Pas de traduction connue
*****
AMOUR KERNÉ à l’Ondine
Je te prendrai dans l’émotion des landes muettement tu embrasseras ma terre Je te prendrai dans la clarté des fontaines avidement je te boirai
Tu portes mes amours mauves dans la source des prunelles écoute les ajoncs et les plantes vont chanter pour nous deux la nuit fertile, la plage fraternelle
Nous referons cette Cornouaille mortelle secrètement dans le lit des hautes herbes je te prendrai dans la grange verte et ton corps aux semences mélangé concevra tout un pays de fougères et de genêts.
Ma belle amie sur la grève allongée comme moi désire la mer laisse-toi chavirer sous le vent des navires dans la laine fragile des pluies je te prendrai encore tes bras ruisselant de désirs serreront la bruyère de mes veines
Je te prendrai dans l’allée des grands chênes sous tes reins efface la peine des tombeaux il faut vaincre la mort au lever du soleil chaque matin prends la vie à belles mains dans ton regard affamé de merveilles recrée pour moi les paysages que j’aimais
Ô femme, ma bourgade de gamines mon dimanche d’écolier, ma chaumine mon amour mauve, mon beau gilet brode des bleuets sur le lin des détresses et couvre-moi de la liesse des grands arbres afin que je t’aime encore, une prochaine fois
Xavier Grall (1930-1981)
*****
LES DANSES NOCTURNES
Un sourire est tombé dans l’herbe. Irrattrapable !
Et tes danses nocturnes, où iront-elles Se perdre. Dans les mathématiques ?
De tels bonds, des spirales si purs – Cela doit voyager
Pour toujours de par le monde, je ne resterai donc pas Totalement privé de beauté, il y a ce don
De ton petit souffle, l’odeur d’herbe Mouillée de ton sommeil, les lys, les lys.
Leur chair ne tolère aucun contact. Plis glacés d’amour-propre, l’arum,
Le tigre occupé de sa parure – Robe mouchetée, déploiement de pétales brûlants.
Tes comètes Ont un tel espace à traverser,
Tant de froid et d’oubli. Alors les gestes se défont –
Humains et chauds et leur éclat Saigne et s’émiette
À travers les noires amnésies du ciel. Pourquoi me donne-t-on
Ces lampes, ces planètes Qui tombent comme des bénédictions, des flocons –
Paillettes blanches, alvéoles Sur mes yeux, ma bouche, mes cheveux –
Qui me touchent puis disparaissent à tout jamais. Nulle part.
Sylvia Plath / Ariel / Traduction de Françoise Morvan et Valérie Rouzeau
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| Léopold Sédar Senghor, 1983 Les Peuls du Sénégal définissent la poésie : "des paroles plaisantes au cœur et à l’oreille." En Afrique, la poésie est l’art le plus complet. C’est le langage le plus expressif qui passe par les sens pour aller jusqu’à l’âme.
Andrée Chedid, 1979 Pour moi la poésie n’est pas quelque chose de coupé de la vie, c’est la pleine réalité. Enfin c’est la réalité qui comprend l’existence et cette essence de vie qui frémit au fond de nous.
Abd al Malik, 2006 Tu m’as appris à dire je suis tu m’as dit : "le noir, l’arabe, le blond ou le Juif sont à l’homme ce que les fleurs sont à l’eau."
Saint-John Perse, 1960 Poésie, sœur de l’action et mère de toute création. Elle est l’animatrice du songe des vivants et la gardienne la plus sûre de l’héritage des morts.
Roger Vrigny, 1973 La poésie c’est la création de langage. Créez du langage et vous serez poète, un point c’est tout.
Louis Aragon, 1959 "J’inventerai pour toi la rose sous le porche des amants qui n'ont point d'autre lit que leurs bras."
Michel Butor, 1997 Évidemment les poètes ce sont des gens qui travaillent sur les mots et qui les maintiennent en vie alors que les mots dans la vie quotidienne, dans la conversation quotidienne s’endorment, se sclérosent.
Pierre Seghers, 1969 La poésie c’est quelque chose que l’on a sur le cœur. Je crois qu’un poème est une œuvre d’art et il n’y a pas d’œuvre d’art sans nécessité de connaissance réelle d’un langage, c’est une matière un langage. J’aime aussi une certaine musique, un mouvement, une respiration dans le vers, dans le langage.
Mc Solaar, 1992 Par exemple, quand je dis : "Les salauds salissent Solaar cela me lasse mais laisse laisse salire Solaar sur ce salut." Ben là c’était essayer quand même d’écrire proprement, de faire une discipline rap français pur.
Nathalie Sarraute, 1995 Le propre de la poésie s’attache à rendre une sensation.
Grand Corps Malade, 2015 Pour moi la poésie c’est peut-être le fait de nous décrire, de décrire notre vie, notre quotidien mais comme si on le décalait un petit peu en le mettant en mot avec un ordre de mot qui change de ce qu’on fait d’habitude. On essaye de rendre jolies des choses qui pourtant nous sont très proches et très communes.
Hervé Bazin, 1972 La poésie m’est nécessaire. C’est ma zone de gratuité, c’est ma zone de pleine liberté. Le roman vous impose un compte rendu vous enferme dans le réel et dans l’extérieur, alors que la poésie ce n’est pas un ramassage autour de vous, c’est un ramassage intérieur, c’est une découverte constante.
Pierre Reverdy, 1968 Elle s’allège de son poids de terre et de chair, s’épure et se libère de telle sorte qu’elle devient de souffrance pesante du cœur, jouissance ineffable d’esprit c’est ça la poésie.
Jean Cocteau, 1960 Et bien c’est le mariage du conscient et de l’inconscient et de ces noces terribles et bizarres naissent des monstres qui sont les œuvres, monstres quelquefois exquis.
Charles Trenet, 1966 Je crois que la poésie c’est des rêves de bonne qualité c’est l’art de rêver et de faire rêver aussi. Dans le fond la poésie est un fluide qui ne s’échange qu’entre poètes mais tout le monde est poète.
Adonis : "La poésie est du côté du silence, du secret. C'est le manque du monde."
Merci au Printemps de poètes, pour ces citations, avec lesquelles on peut être d'accord ou pas?
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| ÉLOGE DU LOINTAIN
Dans la source de tes yeux vivent les nasses des pêcheurs de la mer délirante. Dans la source de tes yeux la mer tient sa parole.
J’y jette, coeur qui a séjourné chez des humains, les vêtements que je portais et l’éclat d’un serment:
Plus noir au fond du noir, je suis plus nu. Je ne suis, qu’une fois renégat, fidèle. Je suis toi, quand je suis moi.
Dans la source de tes yeux je dérive et rêve de pillage.
Une nasse a capturé dans ses mailles une nasse: nous nous séparons enlacés.
Dans la source de tes yeux un pendu étrangle la corde.
Paul Celan .1952 .Pas de traducteur
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UN OEIL OUVERT
Heures, couleur mai, fraîches. Ce qui n’est plus à nommer, brûlant, audible dans la bouche.
Voix de personne, à nouveau.
Profondeur douloureuse de la prunelle : la paupière ne barre pas la route, le cil ne compte pas ce qui entre.
Une larme, à demi, lentille plus aiguë, mobile, capte pour toi les images.
Paul Celan, Grille de parole, traduction Martine Broda, 1991
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LA FEMME DE MA VIE
Mon épouse, ma loyale étoffe, ma salamandre, mon doux pépin, mon hermine, mon gros gras jardin, mes fesses, mes vesses, mes paroles, mon chat où j’enfouis mes besoins, ma gorge de bergeronnette.
Ma veuve, mon essaim d’helminthes, mes boules de pain pour mes mains, pour ma tripe sur tous mes chemins, mon feu bleu où je cuis ma haine, ma bouteille, mon cordial de nuit, le torchon pour essuyer ma vie, l’eau qui me lave sans me tacher.
Ma brune ou blanche, ma moitié, nous n’aurions fait qu’une couleur, un soleil-lune à tout casser, à tous les deux par tous les temps,
si un jour je t’avais reconnue.
André Frénaud, La Sainte Face, Poésie / Gallimard, 1985
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LE SOMMEIL Au Cher Igor Markevitch
Veilleur de nuit, veilleur de nuit, Dans les rais d’argent de la nuit.
Qu’y a-t-il de plus pauvre que l’homme endormi ? La nuit ne caresse pas. Ô prison de la nuit ! Mais la pensée est une eau froide Qui tombe sur ton cadavre vide.
Qu’y a-t-il de plus pauvre que la pensée ? Elle féconde la misère de l’homme endormi. Elle arrose la tête, elle l’ensemence.
Pitoyable être, je n’ai compris ton silence Que dans le sommeil. Pas de dimanche Pour le sommeil impitoyable de l’homme nu, Même le songe n’est pas à lui.
Terne oreiller, ô dure terre pour mon épaule, Songe mystère qui vient du pôle À l’arbre qui rêve, à l’arbre qui dort, Pareil est notre sort. Veilleur de nuit, veilleur de nuit, L’océan ne fait aucun bruit. Voici la voile qui s’étale Le bateau du lac de Stymphale. Tamponnez le môle du sommeil Rame nocturne, sabot, je m’éveille.
Max Jacob, Rivage (1931), Ballades.
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HONTE
Tant que la lame n'aura Pas coupé cette cervelle, Ce paquet blanc, vert et gras, A vapeur jamais nouvelle,
(Ah ! Lui, devrait couper son Nez, sa lèvre, ses oreilles, Son ventre ! et faire abandon De ses jambes ! ô merveille !)
Mais non ; vrai, je crois que tant Que pour sa tête la lame, Que les cailloux pour son flanc, Que pour ses boyaux la flamme,
N'auront pas agi, l'enfant Gêneur, la si sotte bête, Ne doit cesser un instant De ruser et d'être traître,
Comme un chat des Monts-Rocheux, D'empuantir toutes sphères ! Qu'à sa mort pourtant, ô mon Dieu ! S'élève quelque prière !
Arthur Rimbaud .Extrait de: Derniers vers (1872) |
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| ANNEAUX DE CENDRE À Cristina Campo
Ce sont mes voix qui chantent pour qu’ils ne chantent pas, eux, les muselés grisement à l’aube les vêtus d’un oiseau désolé sous la pluie.
Il y a, dans l’attente, une rumeur de lilas qui se brise. Et il y a, quand vient le jour, un morcellement du soleil en petits soleils noirs. Et quand c’est la nuit, toujours, une tribu de mots mutilés cherche asile dans ma gorge, pour qu’ils ne chantent pas, eux, les funestes, les maîtres du silence.
Alejandra Pizarnik (1936-1972).« Anneaux de cendre », Les travaux et les nuits, Paris, Ypsilon Éditeur, 2013, traduction de Jacques Ancet.
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CELLE DES YEUX OUVERTS
la vie joue dans le jardin avec l'être que je ne fus jamais
et je suis là
danse pensée sur la corde de mon sourire
et tous disent ça s'est passé et se passe
ça va passer ça va passer mon cœur ouvre la fenêtre
vie je suis là
ma vie mon sang seul et transi percute contre le monde
mais je veux me savoir vivante mais je ne veux pas parler de la mort ni de ses mains étranges.
Alejandra Pizarnik, (1936-1972)Œuvre poétique . Actes Sud 2005, La dernière innocence (1956) Autre destin tragique de cette poètesse argentine , qui s'est suicidée en 1972.Une sensibilité extrême,et des thèmes poignants, qui reviennent souvent ,dans sa poèsie.
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LA MER A PRIS TOUS LES MARINS
La mer a pris tous les marins Toutes les filles sont sur la plage Et les mouchoirs volent aux mains Les voiles vont comme en courant.
La mer se gonfle comme un sein Et montre aux filles sur la plage Les veines bleues de ses courants Sous la dentelle des sillages.
Ô mer jolie, seras-tu sage ? "Adieu", répondent les marins Toutes les filles sont sur la plage La terre s'en va comme en courant.
"Adieu" vient répéter le vent À toutes les filles sur la plage La mer se gonfle comme un sein Un courant va rire au rivage.
La peine gonfle les seins Les filles courent sur la plage Et les mouchoirs volent aux mains La mer a pris tous les marins.
Paul Fort (1897-1960), Ballades françaises.Flammarion
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IL EXISTE POURTANT...
Il existe pourtant des pommes et des oranges Cézanne tenant d’une seule main toute l’amplitude féconde de la terre la belle vigueur des fruits Je ne connais pas tous les fruits par cœur ni la chaleur bienfaisante des fruits sur un drap blanc
Mais des hôpitaux n’en finissent plus des usines n’en finissent plus des files d’attente dans le gel n’en finissent plus des plages tournées en marécages n’en finissent plus
J’en ai connu qui souffraient à perdre haleine n’en finissent plus de mourir en écoutant la voix d’un violon ou celle d’un corbeau ou celle des érables en avril
N’en finissent plus d’atteindre des rivières en eux qui défilent charriant des banquises de lumière des lambeaux de saisons ils ont tant de rêves
Mais les barrières les antichambres n’en finissent plus Les tortures les cancers n’en finissent plus les hommes qui luttent dans les mines aux souches de leur peuple que l’on fusille à bout portant en sautillant de fureur n’en finissent plus de rêver couleur d’orange
Des femmes n’en finissent plus de coudre des hommes et des hommes de se verser à boire
Pourtant malgré les rides multipliées du monde malgré les exils multipliés les blessures répétées dans l’aveuglement des pierres je piège encore le son des vagues la paix des oranges
Doucement Cézanne se réclame de la souffrance du sol de sa construction et tout l’été dynamique s’en vient m’éveiller s’en vient doucement éperdument me léguer ses fruits
Marie Uguay (1955-1981) « Il existe pourtant… », L’outre-vie, dans Poèmes,, Montréal, Éditions du Boréal. Encore un destin trop bref avec cette poètesse quebecoise ,telle une météorite de la poèsie.Bien sûr, on ne peut que ressentir dans ses poèmes ,le reflet de ses peurs et de ses douleurs.
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mar 4 Jan 2022 - 4:13 | |
| COMMUNE PRÉSENCE
Tu es pressé d’écrire Comme si tu étais en retard sur la vie. S’il en est ainsi fais cortège à tes sources. Hâte-toi Hâte-toi de transmettre Ta part de merveilleux, de rébellion, de bienfaisance. Effectivement tu es en retard sur la vie, La vie inexprimable, La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir, Celle qui t’est refusée chaque jour par les êtres et par les choses, Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés Au bout de combats sans merci. Hors d’elle, tout n’est qu’agonie soumise, fin grossière. Si tu rencontres la mort durant ton labeur, Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride, En t’inclinant. Si tu veux rire, Offre ta soumission, Jamais tes armes. Tu as été créé pour des moments peu communs. Modifie-toi, disparais sans regret Au gré de la rigueur suave. Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit Sans interruption, Sans égarement.
Essaime la poussière. Nul ne décèlera votre union.
René Char . Ed. Gallimard, 1978.
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LE PONT MIRABEAU
Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu’il m’en souvienne La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l’onde si lasse
Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure
L’amour s’en va comme cette eau courante L’amour s’en va Comme la vie est lente Et comme l’Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure
Guillaume Apollinaire, Alcools. Éditions GALLIMARD.
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L'INVITATION AU VOYAGE
Mon enfant, ma sœur, Songe à la douceur D’aller là-bas vivre ensemble ! Aimer à loisir, Aimer et mourir Au pays qui te ressemble ! Les soleils mouillés De ces ciels brouillés Pour mon esprit ont les charmes Si mystérieux De tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants, Polis par les ans, Décoreraient notre chambre ; Les plus rares fleurs Mêlant leurs odeurs Aux vagues senteurs de l’ambre, Les riches plafonds, Les miroirs profonds, La splendeur orientale, Tout y parlerait À l’âme en secret Sa douce langue natale.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux Dormir ces vaisseaux Dont l’humeur est vagabonde ; C’est pour assouvir Ton moindre désir Qu’ils viennent du bout du monde. — Les soleils couchants Revêtent les champs, Les canaux, la ville entière, D’hyacinthe et d’or ; Le monde s’endort Dans une chaude lumière.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté.
Charles Baudelaire, (1821-1867).
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À LA MUSIQUE
Place de la gare, à Charleville
Sur la place taillée en mesquines pelouses, Square où tout est correct, les arbres et les fleurs, Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent les chaleurs Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.
— L’orchestre militaire, au milieu du jardin, Balance ses schakos dans la Valse des fifres : — Autour, aux premiers rangs, parade le gandin; Le notaire pend à ses breloques à chiffres ;
Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs : Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames Auprès desquelles vont, officieux cornacs, Celles dont les volants ont des airs de réclames ;
Sur les bancs verts, des clubs d’épiciers retraités Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme, Fort sérieusement discutent les traités, Puis prisent en argent, et reprennent : « En somme !… »
Épatant sur son banc les rondeurs de ses reins, Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande, Savoure son onnaing d’où le tabac par brins Déborde — vous savez, c’est de la contrebande — ;
Le long des gazons verts ricanent les voyous ; Et rendus amoureux par le chant des trombones, Très naïfs, et fumant des roses, les pioupious Caressent les bébés pour enjôler les bonnes…
— Moi, je suis, débraillé comme un étudiant, Sous les marronniers verts les alertes fillettes : Elles le savent bien ; et tournent en riant, Vers moi, leurs yeux tout pleins de choses indiscrètes.
Je ne dis pas un mot : je regarde toujours La chair de leurs cous blancs brodés de mèches folles : Je suis, sous le corsage et les frêles atours, Le dos divin après la courbe des épaules.
J’ai bientôt déniché la bottine, le bas… — Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres. Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas. — Et mes désirs brutaux s’accrochent à leurs lèvres…
Arthur Rimbaud. Poème datant de 1870.
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LA SOIF ET LA SOURCE
L’amour de toi qui te ressemble C’est l’enfer et le ciel mêlés Le feu léger comme les cendres Éteint aussitôt que volé
L’amour de toi biche à la course C’est l’eau qui fuit entre les doigts La soif à la fois et la source La source et la soif à la fois
L’amour de toi qui me divise Comme un sable à dire le temps C’est pourtant l’unité divine Qui fit un seul jour de trente ans
L’amour de toi c’est la fontaine Et la bague qui brille au fond Et c’est dans la forêt châtaine L’écureuil roux qui tourne en rond
Mourir à douleur et renaître Te perdre à peine retrouvée Craindre dormir crainte peut-être De n’avoir fait que te rêver
Déchiré d’être pour un geste Un mot d’ailleurs indifférent Un air distrait La main qui jette Un journal ou qui le reprend
Tout est toujours mis à l’épreuve Rien ne sert ni la passion Et toujours une angoisse neuve Nous pose une autre question
Cet abîme est comme un azur Immensément démesuré Aime-t-il celui qui mesure L’amour de ses bras à son pré
Je n’ai pas le droit d’une absence Je n’ai pas le droit d’être las Je suis ton trône et ta puissance L’amour de toi c’est d’être là
L’amour de toi veut que j’attende Comme un drap propre sur le lit Qui sent le frais et la lavande Où ton chiffre brodé se lit
Que suis-je de plus que ton chiffre Un signe entre autres de ta vie Le verre bu qui demeure ivre À son bord des lèvres qu’il vit
Louis Aragon |
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RONDEL
Il fait noir, enfant, voleur d’étincelles ! Il n’est plus de nuits, il n’est plus de jours ; Dors… en attendant venir toutes celles Qui disaient : Jamais ! Qui disaient : Toujours !
Entends-tu leurs pas ?… Ils ne sont pas lourds : Oh ! les pieds légers ! – l’Amour a des ailes… Il fait noir, enfant, voleur d’étincelles ! Entends-tu leurs voix ?… Les caveaux sont sourds.
Dors : il pèse peu, ton faix d’immortelles ; Ils ne viendront pas, tes amis les ours, Jeter leur pavé sur tes demoiselles… Il fait noir, enfant, voleur d’étincelles !
Tristan Corbière . Les amours jaunes, 1873
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EL-DESDICHADO
Je suis le ténébreux, – le veuf, – l’inconsolé, Le prince d’Aquitaine à la tour abolie : Ma seule étoile est morte, – et mon luth constellé Porte le soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du tombeau, toi qui m’as consolé, Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie, La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé, Et la treille où le pampre à la rose s’allie.
Suis-je Amour ou Phébus ? … Lusignan ou Biron ? Mon front est rouge encor du baiser de la reine ; J’ai rêvé dans la grotte où nage la sirène…
Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron ; Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.
Gerard de Nerval
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ÉTOILE DE LA MER
Et de vaisseaux, et de vaisseaux, Et de voiles, et tant de voiles, Mes pauvres yeux allez en eaux, Il en est plus qu’il n’est d’étoiles ;
Et cependant je sais, j’en sais Tant d’étoiles et que j’ai vues Au-dessus des toits de mes rues, Et que j’ai sues et que je sais ;
Mais des vaisseaux il en est plus, – Et j’en sais tant qui sont partis – Mais c’est mon testament ici, Que de vaisseaux il en est plus ;
Et des vaisseaux voici les beaux Sur la mer, en robes de femmes, Allés suivant les oriflammes Au bout du ciel sombré dans l’eau,
Et de vaisseaux tant sur les eaux La mer semble un pays en toile, Mes pauvres yeux allez en eaux, Il en est plus qu’il n’est d’étoiles.
Max Elskamp, Salutations.
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LE CIEL EST,PAR-DESSUS...
Le ciel est, par-dessus le toit, Si bleu, si calme ! Un arbre, par-dessus le toit, Berce sa palme.
La cloche, dans le ciel qu’on voit, Doucement tinte. Un oiseau sur l’arbre qu’on voit Chante sa plainte.
Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là, Simple et tranquille. Cette paisible rumeur-là Vient de la ville.
– Qu’as-tu fait, ô toi que voilà Pleurant sans cesse, Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà, De ta jeunesse ?
Paul Verlaine, Sagesse (1881)
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L’ ÉTERNITÉ
Elle est retrouvée. Quoi ? – L’Eternité. C’est la mer allée Avec le soleil.
Ame sentinelle, Murmurons l’aveu De la nuit si nulle Et du jour en feu.
Des humains suffrages, Des communs élans Là tu te dégages Et voles selon.
Puisque de vous seules, Braises de satin, Le Devoir s’exhale Sans qu’on dise : enfin.
Là pas d’espérance, Nul orietur. Science avec patience, Le supplice est sûr.
Elle est retrouvée. Quoi ? – L’Eternité. C’est la mer allée Avec le soleil.
Arthur Rimbaud, Derniers vers
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| DANS LA NUIT
Dans la nuit Dans la nuit Je me suis uni à la nuit À la nuit sans limites À la nuit. Mienne, belle, mienne. Nuit Nuit de naissance Qui m’emplit de mon cri De mes épis. Toi qui m’envahis Qui fais houle houle Qui fais houle tout autour Et fume, es fort dense Et mugis Es la nuit. Nuit qui gît, nuit implacable. Et sa fanfare, et sa plage, Sa plage en haut, sa plage partout, Sa plage boit, son poids est roi, et tout ploie sous lui Sous lui, sous plus ténu qu’un fil, Sous la nuit La Nuit.
Henri Michaux « Dans la nuit » Un certain plume . Éditions Gallimard, 1998.
*****
ICEBERGS
Icebergs, sans garde-fou, sans ceinture, où de vieux cormorans abattus et les âmes des matelots morts récemment viennent s'accouder aux nuits enchanteresses de l'hyperboréal.
Icebergs, Icebergs, cathédrales sans religion de l'hiver éternel, enrobés dans la calotte glaciaire de la planète Terre.
Combien hauts, combien purs sont tes bords enfantés par le froid.
Icebergs, Icebergs, dos du Nord-Atlantique, augustes Bouddhas gelés sur des mers incontemplées, Phares scintillants de la Mort sans issue, le cri éperdu du silence dure des siècles.
Icebergs, Icebergs, Solitaires sans besoin, des pays bouchés, distants, et libres de vermine. Parents des îles, parents des sources, comme je vous vois, comme vous m'êtes familiers...
Henri Michaux (1899 - 1984)
****
MAIS,TOI, QUAND VIENDRAS TU?
Mais, Toi, quand viendras-tu? Un jour, étendant Ta main sur le quartier où j'habite, au moment mûr où je désespère vraiment; dans une seconde de tonnerre, m'arrachant avec terreur et souveraineté de mon corps et du corps croûteux de mes pensées-images, ridicule univers; lâchant en moi Ton épouvantable sonde, l'effroyable fraiseuse de Ta présence, élevant en un instant sur ma diarrhée Ta droite et insurmontable cathédrale ; me projetant non comme homme mais comme obus dans la voie verticale. Tu viendras. Tu viendras, si tu existes, appâté par mon gâchis, mon odieuse autonomie. Sortant de l'Éther, de n'importe où, de dessous mon moi bouleversé, peut-être; jetant mon allumette dans Ta démesure, et adieu, Michaux.
Ou bien, quoi? Jamais? Non? Dis, Gros lot, où veux-tu donc tomber?
Henri Michaux (1899 - 1984)
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DEMAIN N'EST PAS ENCORE...
Roule, roule, sort à deux têtes, roule, houle profonde, sortie des planètes de nos corps retrouvés.
Soleil pour les retards, sommeil d'ébène, sein de mon fruit d'or.
Etendus, nous embrassons l'orage, nous embrassons l'espace,
nous embrassons le flot, le ciel, les mondes, tout avec nous aujourd'hui tenons embrassé, faisant l'amour sur l'échafaud.
Henri Michaux . Face aux verrous .Gallimard
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| ![Poésie - Page 6 Emile_10](https://i.servimg.com/u/f26/18/42/02/57/emile_10.jpg) ÉMILE NELLIGAN (1879-1941) Poète québecois. *** SOIR D'HIVER Ah ! comme la neige a neigé ! Ma vitre est un jardin de givre. Ah ! comme la neige a neigé ! Qu’est-ce que le spasme de vivre À la douleur, que j’ai, que j’ai ! Tous les étangs gisent gelés, Mon âme est noire : Où vis-je ? où vais-je ? Tous ses espoirs gisent gelés : Je suis la nouvelle Norvège D’où les blonds ciels s’en sont allés. Pleurez, oiseaux de février, Au sinistre frisson des choses, Pleurez, oiseaux de février, Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses, Aux branches du genévrier. Ah ! comme la neige a neigé ! Ma vitre est un jardin de givre. Ah ! comme la neige a neigé ! Qu’est-ce que le spasme de vivre À tout l’ennui que j’ai, que j’ai !…. Émile NELLIGAN, Poésies complètes. (1896-1899)Fides, 1966 **** VISION Or, j’ai la vision d’ombres sanguinolentes Et de chevaux fougueux piaffants, Et c’est comme des cris de gueux, hoquets d’enfants Râles d’expirations lentes. D’où me viennent, dis-moi, tous les ouragans rauques. Rages de fifre ou de tambour ? On dirait des dragons en galopade au bourg. Avec des casques flambant glauques… Émile NELLIGAN, Poésies complètes, (1896 — 1899)Fides, 1966 *** LE VAISSEAU D'OR Ce fut un grand Vaisseau taillé dans l’or massif : Ses mâts touchaient l’azur, sur des mers inconnues ; La Cyprine d’amour, cheveux épars, chairs nues, S’étalait à sa proue, au soleil excessif. Mais il vint une nuit frapper le grand écueil Dans l’Océan trompeur où chantait la Sirène, Et le naufrage horrible inclina sa carène Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil. Ce fut un Vaisseau d’Or, dont les flancs diaphanes Révélaient des trésors que les marins profanes, Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputés. Que reste-t-il de lui dans la tempête brève ? Qu’est devenu mon cœur, navire déserté ? Hélas ! Il a sombré dans l’abîme du Rêve ! Émile NELLIGAN, Poésies complètes. (1896-1899)Fides, 1966 **** AUBADE ROUGE L'aube éclabousse les monts de sang Tout drapés de fine brume, Et l'on entend meugler frémissant Un boeuf au naseau qui fume. Voici l'heure de la boucherie. Le tenant par son licol, Les gars pour la prochaine tuerie Ont mis le mouchoir au col. La hache s'abat avec tel han, Qu'ils pausent contre habitude. Procumbit bos. Tel un éléphant Croule en une solitude. Le sang gicle. Il laboure des cornes Le sol teint rouge hideux. Et Phébus chante aux beuglements mornes Du boeuf qu'on rupture à deux. Émile NELLIGAN, Poésies complètes. (1896-1899)Fides, 1966 **** CHATEAUX EN ESPAGNE Je rêve de marcher comme en conquistador, Haussant mon labarum triomphal de victoire, Plein de fierté farouche et de valeur notoire, Vers des assauts de ville aux tours de bronze et d’or. Comme un royal oiseau, vautour, aigle ou condor, Je rêve de planer au divin territoire, De brûler au soleil mes deux ailes de gloire À vouloir dérober le céleste Trésor. Je ne suis hospodar, ni grand oiseau de proie; À peine si je puis dans mon cœur qui guerroie Soutenir le combat des vieux Anges impurs ; Et mes rêves altiers fondent comme des cierges Devant cette Ilion éternelle aux cent murs, La ville de l’Amour imprenable des Vierges ! Émile NELLIGAN, Poésies complètes. (1896-1899)Fides, 1966 *** ÉMILE NELLIGAN (1879-1941)Poète québecois .Destin assez tragique, que celui de Nelligan,qui comme Rimbaud, écrivit toute sa poèsie avant ses 19 ans, âge ou il fut interné ,jusqu'a sa mort en 1941.C'est à la fois,un mélange de Rimbaud et de Baudelaire (sur lequel il a écrit un poème).influencé aussi par Rodenbach et Maurice Rollinat.Beaucoup de mélancolie dans ses poèmes ,certains sont d'une morbidité noire et aussi beaucoup d'hommages à la musique et aux musiciens.Mais il reste de tout ça,de magnifiques poèmes ,comme ceux cités plus haut.
Dernière édition par gluckhand le Sam 8 Jan 2022 - 7:01, édité 1 fois |
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| ![Poésie - Page 6 6a015410](https://i.servimg.com/u/f26/18/42/02/57/6a015410.jpg) "La poèsie,ça ne s'invente pas" Louis Calaferte (1928-1994) *** Ô papillotes éphémères de quelque carnaval blasé Si j'avais su j'aurais osé Qui emporte nos destinées ? Après tant de jours de mois et d'années Quel enfant étais-je, ma mère ? J'aimais la peine douce-amère des soirs d'hiver ankylosés et le calme des maisonnées Qui emporte nos destinées ? Après tant de jours de mois et d'années Quel enfant étais-je, ma mère ? Mon désespoir vous énumère Ô antans volatilisés Si j'avais su j'aurais osé Songeons à d'autres randonnées Qui emporte nos destinées ? Après tant de jours de mois et d'années II faut bien en finir, ma mère... Louis Calaferte (1928-1994) Rag-time, suivi de Londoniennes et de Poèmes ébouillantés, Poésie/Gallimard **** TEMPS MORT... Caillou rouge un bouillon une écume une averse II tangue des minuits bleus comme des matrices un envol un froid sourd Quelle liesse en vous Que vous fûtes cruelles roses des lents jardins mes gifles mes canons mes orgasmes mes crânes Latentes tragédiennes mes louves mes crépons mes ongles mes encens J'ai bu J'ai bu Je bois ces laitances de mort Je m'ivre à vos maigreurs sereines cantatrices mes couvents mes fourrures mes folles mes courroux Roses harpons de chair mes pépites de soie Une fugue Un fracas La longue nuit de gel se brise sur ma tempe On s'y perdait partout... Que vous fûtes lascives outrages à midi mes dragons mes drapeaux mes vierges mes indiennes Voici, la vague vient la vague de si loin venue À plus tard ou jamais mes enfances déçues Louis Calaferte (1928-1994) Le monologue) **** On ne refera plus les sapins aussi verts ma sœur Ni les cieux aussi cieux, ni les aubes si frêles ni les goudrons fondants des routes de l'été ni les canons de bronze aux jambes des enfants sur la grand-place, à l'ombre insigne des vieux morts d'autres guerres Ma foi on ne refera plus la gaieté d'autrefois ma sœur je n'y crois guère Pas plus qu'aux longs comas de nos douillets hivers mon cœur ni aux calmes maisons avec leurs demoiselles roses pour vous servir une tasse de thé les seins jeunes dessous des corsages bouffants De tout cela qui a été ma sœur Les rivières de nos pieds nus, et les cris d'or au loin, des fiers couchants qui s'en souvient encore ? On ne refera plus ton ancienne candeur mon cœur Les oiseaux sont allés ailleurs Les enfants et les demoiselles Les grisons de l’été, l’hiver qui s’échevelle Ailleurs… Vois l’oubli mon cœur Mon cœur voici la mort Louis Calaferte (1928-1994) Rag-time / Londoniennes /Poèmes ébouillantés **** ÎLES (Extrait) Halte voici les rives étrangères Drapé dolent d'amples tentures pays vêtu de noirs lauriers voici l'ardeur de l'héliotrope la voici sise au sein du jour assemblé sur ses baïonnettes pays savant à toute école pays pays d'impertinences inféodé à la lumière halte ! voici la grasse olive l'écaille close du poisson pays de la lanterne sourde et gaine flot de ta morsure le pavois de ce minaret pays pays comme l'arène bouté dans la lucide instance et tous les sangs à le nourrir et tous les sangs à l'engraisser voici les spasmes des concerts cavaliers agressant la berge ivres morts dans le midi vrai pays pays d'argile bleue souple articulation du songe voici nocturnes les synodes des vanilles exacerbées voici les épouses lunaires pays de la délectation immense et me voici grand page à conduire tes rois Louis Calaferte (1928-1994) ***** TEMPS MORT ... Temps mort. Les corps se séparent. Présence brusquement étrangère. Répugnance à toucher. A être touché. Le rapprochement a creusé un vide hostile. Excitation des nerfs. Curiosité. Audace. Caresser. Prendre un corps. Echauffement des désirs. Simulacre du meurtre. Une haine lointaine. Ne pas penser au possible dégoût. Sexe noir. Poils. Maladive rosure. Odeur intime. Odeur forte. Le pli de graisse. Sueur. Mots et halètements. L'envie est déjà passée. Accomplir le rituel. La bouche ouverte. Les dents. La langue. Salive. Pointes des seins. Cotonnade du ventre. Sexe. Poils. Pénétrer. Obtenir ce que seule obtient l'imagination. Bourrelage de l'accouplement. Humidités. Sels. Acides. Corps harassés. Ennemis. Les draps chauds. Prix de la chambre punaisé sur la porte. Ternissure autour de la poignée. Traces brunes. Glace éraillée de l'armoire. Le battant ferme mal. Meuble vide. Petite table de bois verni. Meuble vide. Les vêtements en désordre sur la moquette. Chaussure béante. Un soutien-gorge noir. Une jupe claire. Les vitres de la fenêtre sont sales. Partir. S'habiller. Partir. N'être plus cet incompréhensible accident. Ramolli le sexe pend entre les cuisses. Un après-midi d'enfance à la campagne. Avec des fruits. De gros raisins noirs. A cheval sur des épaules d'homme. Le corps glisse doucement du lit. Vêtements épars ramassés en hâte. Mouvement proche déjà si lointain. Le sac à main. La salle de bains. Il faisait une chaleur éclatante. Une petite fille riait. L'eau dans le lavabo. Enfiler un slip. Des chaussettes. Un pantalon. Une chemise. Le veston est sur le dos d'une chaise. La petite fille blonde avait un prénom très doux. Musical. Un prénom blond. Louis Calaferte (1928-1994) Le monologue) ***** Louis Calaferte (1928-1994) Romancier, poète ,et auteur de théatre, un peu touche-à-tout,Calaferte, issu d'un milieu simple et ouvrier, fut un anarchiste irréductible toute sa vie, plus une sorte de Henry Miller, qu'un Céline, ou peut être un mélange des deux.Calaferte ne savait pas quoi faire, quoi dire ,pour exister plus et parler du quotidien,de la vie passée et celle qui passe, du sexe ,de la mort .Comme tout créateur,il a abordé un peu tous les genres ,pour leur donner,à chacun une vigueur toute particulière,et originale , qui ne correspond vraiment qu'a lui.Ce révolté permanent, est pourtant dans sa poèsie d'une clarté cirstercienne. |
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| ![Poésie - Page 6 180px-10](https://i.servimg.com/u/f26/18/42/02/57/180px-10.jpg) Jean Follain par Maurice Denis.« il faut être prudent avec son soi-même ! » **** LES CENT MILLE FLEURS Expertes entre toutes les filles de Hong-Kong font ériger les mâles sans attouchement de peau avec seulement leurs cils noirs et très longs promenés sur l’homme tout entier avec lenteur ; que huit jours après cette caresse dite des cent mille fleurs on a droit à les prendre. Quand elles restent seules pensives plongeant leurs doigts dans les lourdes fourrures d’animaux consacrés ils en tremblent longuement. Au dehors bruit la grande ville d’Asie pleine de drogués. Jean Follain (1903-1971), Réalités secrètes, cahiers de littérature, n°43. **** LES PAS Les pas entendus le corps, les visages, les mains se fondent au village à grands arbres sculptés. Il n’y a plus de temps à perdre répète une voix. Ce sont pourtant les mêmes pas que dans la glaise des matins où brillaient le cuivre et l’étain. L’avenir se cache dans les plis des rideaux figés le pain fait la chair. Jean Follain (1903-1971)Exister **** . LES JARDINS S’épuiser à chercher le secret de la mort fait fuir le temps entre les plates-bandes de jardins qui frémissent dans leurs fruits rouges et dans leurs fleurs. L’on sent notre corps qui se ruine et pourtant sans trop de douleurs. L’on se penche pour ramasser quelque monnaie qui n’a plus cours cependant que s’entendent au loin des cris de fierté ou d’amour. Le bruit fin des râteaux s’accorde aux paysages traversés par les soupirs des arracheuses d’herbes folles. Jean Follain (1903-1971) Exister. Gallimard . *** PAYSAGE DES SENTIERS DE LISIERE Il arrive que l’on entende figé sur place dans le sentier aux violettes, le heurt du soulier d’une femme contre l’écuelle de bois d’un chien par un très fin crépuscule, alors le silence prend une ampleur d’orgue. Ainsi lorsque l’adolescent, venu des collèges crasseux, perçoit sous les peupliers froids la promeneuse au frémissement de sa narine émue par le parfum des menthes. Toutes les lueurs des villages se retrouvent dans le diamant des villes. Dans un univers mystérieux ayant laissé sur ses genoux l’étoffe où s’attachait ses yeux, une fille en proie aux rages amoureuses pique de son aiguille le bout de ses doigts frêles près d’un bouquet qui s’évapore Jean Follain (1903-1971) Usage du temps suivi de Transparence du monde .Gallimard. ***** ODE A L'ECOLE DU SOIR Employés et manouvriers s’en vont à l’école du soir quand la peau des femmes est plus douce et que les enfants translucides tracent les dernières marelles aux carrefours couleur de rose et par-delà la ville s’étendent des archipels de villages remplis aussi d’écoles du soir ; au haut d’un arbre l’idéal chante par la voix d’un oiseau, lentement les rivières coulent, un fantassin sur un pont d’or baise aux joues la servante blanche, douceurs de vivre, ô serpents emmêlés dans la pourpre vaine, de lourds passés meurent au ciel ; qu’Eve à jamais rendit amère la lourde beauté du feuillage, mais l’Ecole du soir dans ses bras de République fortunée recueille les grands apprentis sages. JEAN FOLLAIN ....... Follain ,on le sait peu ,fut aussi un traducteur ,ainsi ce poème Malcom Lowry. Dans la prison d'Oaxaca J'ai connu la cité d'atroce nuit bien plus atroce que celle que connurent Kipling ou Thomson... une nuit où la dernière graine d'espérance s'est envolée de l'esprit évanescent d'un petit-fils de l'hiver. Dans le cachot cet enfant alcoolique frissonne réconforté par l'assassin car la compassion ici aussi se montre ; les bruits nocturnes y sont appels au secours provenant de la ville, du jardin d'où l'on expulse les destructeurs ? L'ombre du policier se balance sur le mur l'ombre de la lanterne forme tache noire sur le mur et sur un pan de la cathédrale oscille lentement ma croix — les fils et le grand poteau télégraphique remuant au vent — Et moi je suis crucifié entre deux continents. Aucun message n'arrive du dehors en pleurnichant pour moi qui demeure ici mais que de messages pour moi venant d'ici où l'on signe syphilis et chaude pisse avec du Sloane liniment mais selon l'un ou l'autre on varie la dose Malcom Lowry, Poèmes, traduction Jean Follain, dans Les Lettres Nouvelles, "Malcom Lowry", mai-juin 1974. **** Jean Follain (né en 1903 à Canisy, décédé d'un accident en 1971 à Paris) s’installe à Paris en 1925 et s’inscrit au barreau en 1928. Menant une double carrière de magistrat et d’écrivain, il se lie avec Salmon, Reverdy, Mac Orlan, Fargue,mais s’est toujours tenu à l’écart du groupe surréaliste.La poèsie de Follain,peut désorienter certains lecteurs.Il se met peu en avant et sa poèsie peut paraître étrange et un peu vieillote,très à l'écart même de la poèsie de son époque.Il semble fouiller dans un présent qui s'éloigne ou d'un passé toujours présent;IL s'attache aux objets,aux lieux dont Canisy ou il est né, Paris sur lequel,il a écrit un livre.c'est une poèsie qui ne fait pas de grand effet immédiat, mais qui à la relecture, livre toute sa richesse. |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Lun 10 Jan 2022 - 3:49 | |
| « Je ne vois pas de différence de principe entre une poignée de main et un poème. » Paul Celan, Lettre à Hans Bender.
****
AUX CINQ COINS
Oser et faire du bruit Tout est couleur mouvement explosion lumière La vie fleurit aux fenêtres du salon Qui se fond dans ma bouche Je suis mûr Et je tombe translucide dans la rue
Tu parles, mon vieux
Je ne sais pas ouvrir les yeux ? Bouche d’or La poésie est en jeu Blaise Cendrars (1887-1961)
***
L’ ÉTÉ
Il brille, le sauvage été, La poitrine pleine de roses ; Il brûle tout, hommes et choses, Dans sa placide cruauté.
Il met le désir effronté Sur les jeunes lèvres décloses ; Il brille, le sauvage été, La poitrine pleine de roses.
Roi superbe, il plane irrité Dans les splendeurs d’apothéoses, Sur les horizons grandioses ; Fauve dans la blanche clarté, Il brille, le sauvage été. Théodore de Banville (1823-1891)
****
BACH EN AUTOMNE
J’ai connu jadis les jours de marche, les ormes vers le soir énumérés De borne à borne sous le soleil chromatique, L’auberge à la nuit où fument quenelles de foie et cochon frais. Jadis à libres journées j’ai marché jusqu’à Hambourg écouter le vieux maître. Haendel en chaise de poste s’en est allé Distraire le roi de Hanovre ; Scarlatti vagabonde dans les fêtes d’Espagne. Ils sont heureux.
Mais à quoi serviraient les pédales des orgues, sinon À signifier la route indispensable ? Sur ce chemin de bois, usé comme un escalier, chaque jour, que ce fût Sous les trompettes de Pâques ou les hautbois jumeaux de Noël, Sous l’arc-en-ciel des voix d’anges et d’âmes, De borne à borne répétant mon terrestre voyage, j’ai arpenté La progression fondamentale de la basse.
Au-dessus de la route horizontale par où les négociants partent non sans péril Marchander aux échoppes de Cracovie les perruques, les parfums, les peaux apportées des éventaires de Novgorod, Seule l’alouette s’élance dans la verticale divine. Avant qu’à la suite de son Soleil Hors de la tombe, de l’ordre, de la loi, l’âme éployée ne parvienne à jaillir. La terre apprise avec effort est nécessaire.
Jean-Paul de Daldesen (1913-1957)
****
SOIS SOUMIS,MON CHAGRIN
Sois soumis, mon chagrin, puis dans ton coin sois sourd. Tu la voulais la nuit, la voilà, la voici : Un air tout obscurci a chu sur nos faubourgs, Ici portant la paix, là-bas donnant souci.
Tandis qu’un vil magma d’humains, oh, trop banals, Sous l’aiguillon Plaisir, guillotin sans amour, Va puisant son poison aux puants carnavals, Mon chagrin, saisis-moi la main ; là, pour toujours,
Loin d’ici. Vois s’offrir sur un balcon d’oubli, Aux habits pourrissants, nos ans qui sont partis ; Surgir du fond marin un guignon souriant ;
Apollon moribond s’assoupir sous un arc, Puis ainsi qu’un drap noir traînant au clair ponant, Ouïs, Amour, ouïs la Nuit qui sourd du parc.
Georges Perec (1936-1982)
***
AU CABARET VERT
Depuis huit jours, j'avais déchiré mes bottines Aux cailloux des chemins. J'entrais à Charleroi. - Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines Du beurre et du jambon qui fût à moitié froid.
Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table Verte : je contemplai les sujets très naïfs De la tapisserie. - Et ce fut adorable, Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,
- Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure ! - Rieuse, m'apporta des tartines de beurre, Du jambon tiède, dans un plat colorié,
Du jambon rose et blanc parfumé d'une gousse D'ail, - et m'emplit la chope immense, avec sa mousse Que dorait un rayon de soleil arriéré.
Arthur Rimbaud (1854-1891)
***
Psaume
Personne ne nous repétrira de terre et de limon, personne ne bénira notre poussière. Personne.
Loué sois-tu, Personne. Pour l'amour de toi nous voulons fleurir. Contre toi.
Un Rien, nous étions, sommes, nous resterons, en fleur : la Rose de rien, de personne.
Avec le style clair d'âme, l'étamine désert-des-cieux, la couronne rouge du mot de pourpre que nous chantions, au-dessus, au-dessus de l'épine.
Paul Celan (1920-1970). La Rose de personne .traduction/ Martine Broda |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mar 11 Jan 2022 - 0:19 | |
| "Un homme intelligent arrive à résoudre un théorème, pas toujours à réussir un poème ". Jules Renard ; Journal .
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Aujourd’hui je n’ai rien fait. Mais beaucoup de choses se sont faites en moi. Des oiseaux qui n’existent pas ont trouvé leur nid. Des ombres qui peut-être existent ont rencontré leurs corps. Des paroles qui existent ont recouvré leur silence. Ne rien faire sauve parfois l’équilibre du monde, en obtenant que quelque chose aussi pèse sur le plateau vide de la balance.
Roberto Juarroz (1925-1995) (extrait : XIIIième Poesie Verticale)
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QUE LA VIE EN VAUT LA PEINE
C’est une chose étrange que la fin du monde Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit Ces moments de bonheur ces midis d’incendie La nuit immense et noire aux déchirures blondes
Rien n’est si précieux peut-être qu’on le croit D’autres viennent Ils ont le cœur que j’ai moi-même Ils savent toucher l’herbe et dire je vous aime Et rêver dans le soir où s’éteignent les voix
D’autres qui referont comme moi le voyage D’autres qui souriront d’un enfant rencontré Qui se retourneront pour leur nom murmuré D’autres qui lèveront les yeux vers les nuages
Il y aura toujours un couple frémissant Pour qui ce matin-là sera l’aube première Il y aura toujours l’eau le vent la lumière Rien ne passe après tout si ce n’est le passant
Louis Aragon (1897-1982)
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NOCTURNE
Un long bras timbré d'or glisse du haut des arbres Et commence à descendre et tinte dans les branches. Les feuilles et les fleurs se pressent et s'entendent. J'ai vu l'orvet glisser dans la douceur du soir. Diane sur l'étang se penche et met son masque. Un soulier de satin court dans la clairière Comme un rappel de ciel qui rejoint l'horizon. Les barques de la nuit sont prêtes à partir.
D'autres viendront s'asseoir sur la chaise de fer. D'autres verront cela quand je ne serai plus. La lumière oubliera ceux qui l'ont tant aimée. Nul appel ne viendra rallumer nos visages. Nul sanglot ne fera retentir notre amour. Nos fenêtres seront éteintes. Un couple d'étrangers longera la rue grise. Les voix, D'autres voix chanteront, d'autres yeux pleureront Dans une maison neuve. Tout sera consommé, tout sera pardonné, La peine sera fraîche et la forêt nouvelle, Et peut-être qu'un jour, pour de nouveaux amis, Dieu tiendra ce bonheur qu'il nous avait promis.
Léon-Paul Fargue (1876-1947)
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Ce n’est pas drôle de mourir Et d’aimer tant de choses : La nuit bleue et les matins roses, Les fruits lents à mûrir.
Ni que tourne en fumée Mainte chose jadis aimée, Tant de sources tarir...
Ô France, et vous Île de France, Fleurs de pourpre, fruits d’or, L’été lorsque tout dort, Pas légers dans le corridor.
Le Gave où l’on allait nager Enfants sous l’arche fraîche Et le verger rose de pêches...
Paul-Jean Toulet (1867-1920) Vers inédits (1936) ***
PORTE DISJOINTE
L'enclos des morts est votre reposoir. Vos instants s'égaraient dans mes saisons. Ah l'hiver près du feu, vos brins de phrases avec dehors les roses de Noël. Puis vos départs par la porte disjointe.
Vos corps enfouis sous les fleurs funéraires s'en vont tirés par des chevaux nocturnes mais votre âme est la brume autour des saules dont s'égouttent les pleurs sur nos épaules.
Jean Grosjean (1912-2006) La rumeur des cortèges, Gallimard, 2005
****
VIEILLE
J’ai peur des aiguilles. Je suis lasse des draps et des tuyaux en caoutchouc. Je suis lasse des visages que je ne connais pas et maintenant je pense que la mort s’est enclenchée. La mort s’enclenche comme un rêve, rempli d’objets et du rire de ma sœur. Nous sommes jeunes et nous nous promenons en cueillant des bleuets jusqu’à Damariscotta. Oh ! Susan, s’est-elle exclamée tu as taché ton nouveau bustier. Goût sucré – ma bouche si pleine et le jus bleu et mielleux coulant jusqu’à Damariscotta. Qu’est-ce que tu fais ? Laisse-moi tranquille ! Ne vois-tu pas que je suis en train de rêver ? Dans les rêves, on n’a jamais quatre-vingt ans.
Anne Sexton, Tu vis ou tu meurs, œuvres poétique (1960-1969) traduction de l’anglais (Etats-Unis) de Sabine Huynh, préface de Patricia Godi, Editions des Femmes Antoinette fouque, 2022, 320 p. |
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| La poèsie ne doit pas périr. Car alors, ou serait l'espoir du monde? Léopold Sédar Senghor.
***
Ô SOLEIL, Ô FACE DIVINE…
O soleil, ô face divine, Fleurs sauvages de la ravine, Grottes où l’on entend des voix, Parfums que sous l’herbe on devine, O ronces farouches des bois,
Monts sacrés, hauts comme l’exemple, Blancs comme le fronton d’un temple, Vieux rocs, chêne des ans vainqueur, Dont je sens, quand je vous contemple, L’âme éparse entrer dans mon cœur,
O vierge forêt, source pure, Lac limpide que l’ombre azure, Eau chaste où le ciel resplendit, Conscience de la nature, Que pensez-vous de ce bandit ?
Victor Hugo .Jersey, 2 décembre 1852
***
MANDOLINE
Les donneurs de sérénades Et les belles écouteuses Échangent des propos fades Sous les ramures chanteuses.
C’est Tircis et c’est Aminte, Et c’est l’éternel Clitandre, Et c’est Damis qui pour mainte Cruelle fait maint vers tendre.
Leurs courtes vestes de soie, Leurs longues robes à queues, Leur élégance, leur joie Et leurs molles ombres bleues,
Tourbillonnent dans l’extase D’une lune rose et grise, Et la mandoline jase Parmi les frissons de brise.
Paul Verlaine, Fêtes Galantes
***
LE BAR
C’est Monsieur Ying qui vend du thé Dans sa boutique au bout du quai
Assis en robe couleur prune À son comptoir en bois de lune,
C’est Monsieur Ying qui vend du thé, Et du gen-seng et du saké.
Avec la tresse au dos qu’il a Parfumée d’huile au camélia.
Or sous son front, ses yeux obliques Et rangées comme un clavier blanc,
C’est Monsieur Ying à la pratique, Qui sourit, les montrant ses dents,
Tandis que ses doigts, ongles longs, Plongent dans des coffrets de laque,
Où sont peints en or des dragons Que des serpents enroulés traquent,
Pour en tirer Péko, Souchong, Hang-Kai ou bien encor Hysong,
Selon que c’est thé vert ou noir Qu’il agrée au client d’avoir.
Mais dans un long kimono bleu Est là Madame Yiang, sa femme,
Avec du khôl autour des yeux Qui disent feu, qui jettent flammes, Et c’est de soir, ceux des navires, Qui viennent prendre place aux tables,
Boire saké s’ils le désirent Ou bien s’il leur est agréable,
Aimer, venue la fin du jour : Car lors dans la fraîcheur qui naît,
C’est Monsieur Ying qui vend du thé Et Madame Yiang, elle, l’amour.
Max ELSKAMP (1862-1931) Les Délectations moroses, Œuvres Complètes (Seghers)
****
JE PULLULE
Je grouille, je fuse, j’abonde, J’éclos, je germe, je racine, Je ponds, j’envahis, je réponds. Je me double et puis me décuple. Je suis ici, je suis partout, Dedans, dehors et au milieu Dans le sec et dans le liquide Comme je suis au fond du fer, Du bois, de l’air et de la chair.
J’ai beau m’annuler, inutile : Je reviens toujours par-delà, Je serpente et je papillonne, J’enfante, fourmille et crustace, Je me fourre dans toute race Pullule, fermente et m’empêtre. Le néant ne veut pas de moi Et je lutte à mort avec la Difficulté de ne pas être.
Géo NORGE, Le Stupéfait, Gallimard.
****
VIEILLESSE
Soirs ! Soirs ! Que de soirs pour un seul matin ! Îlots épars, corps de fonte, croûtes ! On s’étend mille dans son lit, fatal déréglage !
Vieillesse, veilleuse, souvenirs : arènes de la mélancolie ! Inutiles agrès, lent déséchafaudage ! Ainsi, déjà, l’on nous congédie ! Poussé ! Partir poussé ! Plomb de la descente, brume derrière… Et le blême sillage de n’avoir pas pu Savoir.
Henri MICHAUX, (1899-1984), Plume, précédé de Lointain intérieur, N.R.F.
****
LE MUR À la mémoire de Caryl Chessman
La nuit, l’amère, et puis le mur. Le mur, Le temps s’arrête au pied du mur, mille ans de mur,
Mille milliards d’années de murs, de primevères Et de soleils d’été, d’hiver de feu, de glace.
Le souffle des saisons s’arrête au pied du mur Où l’image du ciel tout à coup se renverse,
Où la terre en plein front m’aveugle comme un masque, Le masque de la terre et de l’eau que j’essuie,
Que je mêle à mon sang comme un ruisseau de boue. Déjà la mort est longue et le temps se détruit,
La chaleur comme un feu lentement se dénoue, L’ombre saigne entre deux soleils la fin du monde,
Et le noir m’envahit, tourne comme une roue. Corbeaux, vague de corbeaux lents, charbons de nuit,
Le bruit plus lourd que mille cloches de vendanges Soudain granit où je me pétrifie
Jean-Pierre SCHLUNEGGER, (1925-1964), La pierre allumée, Œuvres, Éd. Rencontre.
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| ![Poésie - Page 6 Th_1711](https://i.servimg.com/u/f26/18/42/02/57/th_1711.jpg) Jean-Pierre SCHLUNEGGER, (1925-1964) «Merveille des merveilles sous le lilas fleuri, merveille: je m’éveille » *** LA ROSE AU FOND DES MERS Le vide, la parole sans mémoire Devant l’espace blanc qui s’évapore Quand les sursauts du cœur, l’élan des côtes Irritent la parole où meurt le souffle... Automne, le sommeil brille de rêves Amers, lointains comme les astres de mercure. Le sang qui veille aux paumes somnambules A beau quêter l’espace de la joie, Quand le soleil se couche au ras des arbres, Lorsque l’espace n’enfle plus sa voix De verre éolien, de courbe heureuse, Le rire dérisoire dit nos larmes Et l’herbe se replie aux franges des marais La rose danse comme un parfum au bord des lèvres, La rose danse et coule à pic au fond des mers. Jean-Pierre SCHLUNEGGER, (1925-1964) La Pierre allumée, suivie de La Chambre du musicien, Editions A la Baconnière, Neuchâtel (Suisse), 1962. *** FOEHN Novembre. Un fin crachin, une buée Têtue, portant l’hiver Sur la vitre perdue où les raisins, les fées Transparentes, les vins rêvent d’horizons clairs. Lavaux. Plus loin, la limite des vignes. J’y ai passé quand mon père veillait sa mort, Avant guerre. La même route vers le nord Et le même brouillard, les mêmes signes. Est-ce le monde, ce retour d’images brèves ? Soudain j’ai peur d’être si lourd, si chaud de rêves. Je suis hanté d’une longue terreur, Imprégné d’herbe rousse, de fougères, de bois, Et j’apparais, un peu hagard, à la lisière Des forêts, noires sous le foehn, comme autrefois, Pour m’échouer contre la porte familière Ouverte sur la nuit : j’y hume le chevreuil Le doux retour du fils, la flamme, la lumière Dans les regards heureux. Mais je suis voyageur. Je dis bonjour, je dis bonsoir, levant mon verre. La pluie reprend. On a changé les coeurs. Je revois la forêt, je vois la route immense, La sente herbeuse où, pâle, je m’enfuis Sans retour et pourtant jamais sans espérance, Et joue à joue avec les larmes de la nuit. Jean-Pierre SCHLUNEGGER, (1925-1964) *** DÉCEMBRE La nuit gouverne les branchages de mon cœur Je vous parle à travers la brume et la distance, Terre immobile où rien n'est vrai Que ce murmure d'eau qui chante. Plus vieux mais non vieilli, J'ai le regard de l'enfant solitaire Qui reflète longtemps les étangs et les arbres. Il dure à l'épreuve, le cœur, Malgré la nuit si longue. Mon chant profond n'est que la pluie aux tresses pâles, Mon chant n'est qu'un murmure sans paroles, Et l'on dirait parfois la phrase interminable Du vent qui se disperse à travers la campagne. Jean-Pierre SCHLUNEGGER, (1925-1964) *** MÉMOIRE Premières lueurs de l’herbe, La fille aux bras de bronze, Et le soleil qui tourne sur la forêt Comme un archange. Je ne ramasse plus de sable fin Dans la mousse étincelle un brouillard de rosée Mémoire de mes jours, mémoire Du feu le plus lointain, le plus secret Que ma vie ait logé dans les hautes futaies. Moulin du vent, gardien des anciennes fraîcheurs, Ensilage de rêves, Mes granges d’autrefois, dévorées de soleil, Noires comme du velours sous sa dent charbonnière, Je vous attends, je vous reçois d’un même souffle. Jusqu’à la nuit, nous chanterons sur les étangs, sur la rivière, Jusqu’à la nuit, parmi les joncs et les bruits d’ailes, Jusqu’à la nuit, et quand sonnera l’heure Comme la masse D’un boucher noir, nous nous tairons, Pétrifiés. Jean-Pierre SCHLUNEGGER, (1925-1964) *** FOUGÈRES Fougères fleurs, Douceur impitoyable, Flexible corps, Filles de mon désir, Réseaux légers De perleuses rosées, Elixir animal, Dentelures, Fusées Arquées, tendues, Harpes et violons Or tendre, Or Pérugin, Filles d'Agamemnon, Iphigénies en fleur, Incroyables idoles, Je vous aime, je meurs De vos beautés atroces. O donnez-moi le cœur, O donnez-moi la force De crier le matin, À onze heures, à minuit, Fougères, Que je suis Enfant de paradis. Jean-Pierre SCHLUNEGGER, (1925-1964) Clairière des noces *** ESPACE DE CRISTAL Rire du feu dans l’herbe noire, Comme l’enfant qui retourne vers l’eau J’y reviens pour les fleurs. Mes mains s’égareront dans la brume des sables, La gorge de la pierre à feu Palpitera sous le velours des menthes. Mes ongles rayeront l’espace de cristal. Chantez, dansez, faites flamber le miel, Châteaux de cloches végétales, Pour fondre en or la tristesse du jour, Pour éclairer les vergers de la nuit D’une merveille insaisissable. Jean-Pierre SCHLUNEGGER, (1925-1964) **** Jean-Pierre Schlunegger (1925-1964) Un de mes poètes préfèrés, pourtant l'un des poètes les plus noirs et désespèrés qui soient. Ce poète suisse n'aura pas vécu longtemps. Le temps d'écrire des poèmes d'une forte intensité poètique. En 1950,avec quelques amis, il fondera la Revue Rencontre ,puis les éditions du même nom. De l'ortie à l'étoile ,son recueil de poèsie paraît en 1952, avec des poèmes montrant une sensibilité à fleur de peau, une fragilité existentielle,via une angoisse de la mort, qui ressort dans nombre de poèmes.Il se suicidera à 40 ans. Il y a pour moi,dans ses poèmes, une sorte d'équilibre magnifique.Une innocente beauté qui ne peut mener qu'au tragique. |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Jeu 13 Jan 2022 - 2:32 | |
| "Un poème est le maximum de sensibilité qu'un homme ou une femme puisse connaître". Christian Bobin
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A CETTE RONDE D'ENFANTS
A cette ronde d'enfants Que tant de peine a suivie Vous n'étiez vous qu'en passant Chansons qui fûtes ma vie
Vous dont je fus la clarté Beaux jours courbés sous leur ombre J'ai vécu de vous compter Je mourrai de votre nombre
Possédant ce que je suis Je saurai sur toutes choses Que la chambre où je grandis Dans mon coeur était enclose
Joë Bousquet
*** POUR VIVRE ICI
Je fis un feu, l'azur m'ayant abandonné, Un feu pour être, son ami, Un feu pour m'introduire dans la nuit d'hiver Un feu pour vivre mieux.
Je lui donnai ce que le jour m'avait donné : Les forêts, les buissons, les champs de blé, les vignes, Les nids et leurs oiseaux, les maisons et leurs clés, Les insectes, les fleurs, les fourrures, les fêtes.
Je vécus au seul bruit des flammes crépitantes, Au seul parfum de leur chaleur; J'étais comme un bateau coulant dans l'eau fermée, Comme un mort je n'avais qu'un unique élément.
Dormir la lune dans un oeil et le soleil dans l'autre Un amour dans la bouche un bel oiseau dans les cheveux Parée comme les champs les bois les routes et la mer Belle et parée comme le tour du monde
Puis à travers le paysage Parmi les branches de fumée et tous les fruits du vent Jambes de pierre aux bas de sable Prise à la taille à tous les muscles de rivière Et le dernier souci sur un visage transformé.
Paul Eluard .Premiers poèmes 1918.
***
J'AI TANT RÊVÉ DE TOI
j'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité. Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant Et de baiser sur cette bouche la naissance De la voix qui m'est chère?
J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués En étreignant ton ombre A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas Au contour de ton corps, peut-être. Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante Et me gouverne depuis des jours et des années, Je deviendrais une ombre sans doute. O balances sentimentales.
J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps Sans doute que je m'éveille. Je dors debout, le corps exposé A toutes les apparences de la vie Et de l'amour et toi, la seule qui compte aujourd'hui pour moi, Je pourrais moins toucher ton front Et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venu.
J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, Couché avec ton fantôme Qu'il ne me reste plus peut-être, Et pourtant, qu'a être fantôme Parmi les fantômes et plus ombre Cent fois que l'ombre qui se promène Et se promènera allègrement Sur le cadran solaire de ta vie.
Robert Desnos, "Corps et biens", 1930
***
PROPHÉTIE
Là où l’aventure garde les yeux clairs là où les femmes rayonnent de langage là où la mort est belle dans la main comme un oiseau saison de lait là où le souterrain cueille de sa propre génuflexion un luxe de prunelles plus violent que des chenilles là où la merveille agile fait flèche et feu de tout bois
là où la nuit vigoureuse saigne une vitesse de purs végétaux
là où les abeilles des étoiles piquent le ciel d’une ruche plus ardente que la nuit là où le bruit de mes talons remplit l’espace et lève à rebours la face du temps là où l’arc-en-ciel de ma parole est chargé d’unir demain à l’espoir et l’infant à la reine,
d’avoir injurié mes maîtres mordu les soldats du sultan d’avoir gémi dans le désert d’avoir crié vers mes gardiens d’avoir supplié les chacals et les hyènes pasteurs de caravanes
je regarde la fumée se précipite en cheval sauvage sur le devant de la scène ourle un instant la lave de sa fragile queue de paon puis se déchirant la chemise s’ouvre d’un coup la poitrine et je la regarde en îles britanniques en îlots en rochers déchiquetés se fondre peu à peu dans la mer lucide de l’air où baignent prophétiques ma gueule ma révolte mon nom.
Aimé Césaire (1913-2008)
****
L’ALBATROS
Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid ! L’un agace son bec avec un brûle-gueule, L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l’archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
Charles Baudelaire
***
DÉSHÉRENCE
La nuit était ancienne Quand le feu l’entrouvrit. Ainsi de ma maison.
On ne tue point la rose Dans les guerres du ciel. On exile une lyre.
Mon chagrin persistant, D’un nuage de neige Obtient un lac de sang. Cruauté aime vivre.
O source qui mentis A nos destins jumeaux, J’élèverai du loup Ce seul portrait pensif!
René Char (1907-1988) |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Ven 14 Jan 2022 - 5:17 | |
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La poésie, sachez-le, est action, son absence, dépression.Tobie Nathan
****
L'AMOUR NOUVELLE MANIERE
Les larmes gèlent, Cassandre. Le coeur humain n’est que cendres. On dit que les machines s’aiment: consolation, tout de même.
Nous en avons tous bien besoin. Elle fait l’objet de tous nos soins. Comme les yeux humains sont froids comparés aux machines, tu vois.
Ce que c’est que les illusions! Moins que les robots nous savons. Les sentiments sont désormais suscités à l’électricité.
Le robot muet descend de l’arche, plein de désir de paternité. Vous autres: en avant, marche! Place pour les amants programmés!
Ne coupez donc pas le courant. Surtout que l’amour ne meure pas. Les machines s’aiment en tout cas c’est plus que les hommes, n’est-ce pas?
Stig Dagerman (1923-1954) – 27 octobre 1950 – Traduction de Philippe Bouquet
***
DE L'AUTRE CÔTÉ
Attention, de l'autre côté il n'y a rien. J'en reviens.
Ni désir, ni rêve ni même leur retour. Et la terreur d'exister a joué son dernier tour.
J'en reviens. De l'autre côté il n'y a plus de liens.
Il y a un visage. Il n'a pas d'ombre ni de reflet.
Il y a un visage. Je suis égaré dans sa lumière.
Je dois revenir du côté des vivants.
Je traverse la frontière et je cherche ton regard absent.
De l'autre côté sauvage un feu m'a brûlé.
C'était la griffe acérée de tes yeux sans partage.
De l'autre côté, il n'y a rien ou peut-être une blessure?
Un regard oublié, qui revient ou sa mélancolie sans mesure ?
Je me penche au bord du vide et soudain ton absence a un poids.
C'est une trace inaperçue, ride sur la face des eaux une voix
qui souffle soudain du passé le vent muet de l'autre côté.
Alain Suied (1951-2008)
***
MON PAYS
Je vous viens d'un pays en dedans des souffrances Où je dois me créer grâce à mes créatures; J'y possède depuis mon premier souvenir Un cheval immobile qui mâche de biais Son trèfle et j'y possède ce trèfle qui lui tire En gamin sur les dents pour être enfin mangé.
Dans ce pays en dedans des souffrances, Le chuchotis du Temps n'alourdit plus les branches, Les mots tombent de moi, sans poids, plus nuls qu'un songe Où jamais ne s'émut que le remous d'une ombre; Trop imagés de mort pour n'être pas présages, Mes héros délivrés m'ont laissé leurs blessures.
Dans ce pays en dedans des souffrances, Voici ma joie, oui, joie, - semblable à ma torture: J'y murmure très seul des silences plus ténus Que moi-même ou parfois, triste plaisir trop pur, Au paradis de l'art d'où nul ne revient plus, Je poursuis sans nul but l'aventure des nues.
Seuls les jeux des oiseaux, des ruisseaux, des herbages, M'aident lorsque je veux descendre en votre sang Pour céder tous mes cris à l'amour des vivants, (Oh! pleurs, détruirez-vous d'eux à moi la distance?) A l'amour des passants, moi qui suis de passage Et qui ne prétends plus qu'à mon trop haut tourment.
Et lorsqu'au sol enfin j'accède en égaré, J'y suis contrebandier d'indicibles souffrances En me cachant de tous je les porte au marché, Contre elles dans un coin je demande en silence De ce vin qu'il me faut pour ne pas trop pleurer, Mais je n'insiste pas, je suis contrebandier.
Armand Robin ( 1912-1961) Ma Vie Sans Moi.
***
MUSULMANES À Camille de Sainte-Croix.
Vous cachez vos cheveux, la toison impudique, Vous cachez vos sourcils, ces moustaches des yeux, Et vous cachez vos yeux, ces globes soucieux, Miroirs plein d’ombre où reste une image sadique ;
L’oreille ourlée ainsi qu’un gouffre, la mimique Des lèvres, leur blessure écarlate, les creux De la joue, et la langue au bout rose et joyeux, Vous les cachez, et vous cachez le nez unique !
Votre voile vous garde ainsi qu’une maison Et la maison vous garde ainsi qu’une prison ; Je vous comprends : l’Amour aime une immense scène.
Frère, n’est-ce pas là la femme que tu veux : Complètement pudique, absolument obscène, Des racines des pieds aux pointes des cheveux ?
Germain NOUVEAU (1851-1921) Recueil : "Sonnets du Liban"
***
DE MON MYSTÉRIEUX VOYAGE
De mon mystérieux voyage Je ne t'ai gardé qu'une image, Et qu'une chanson, les voici : Je ne t'apporte pas de roses, Car je n'ai pas touché aux choses, Elles aiment à vivre aussi.
Mais pour toi, de mes yeux ardents, J'ai regardé dans l'air et l'onde, Dans le feu clair et dans le vent, Dans toutes les splendeurs du monde, Afin d'apprendre à mieux te voir Dans toutes les ombres du soir.
Afin d'apprendre à mieux t'entendre J'ai mis l'oreille à tous les sons, Ecouté toutes les chansons, Tous les murmures, et la danse De la clarté dans le silence.
Afin d'apprendre comme on touche Ton sein qui frissonne ou ta bouche, Comme en un rêve, j'ai posé Sur l'eau qui brille, et la lumière, Ma main légère, et mon baiser.
Charles Van Lerberghe (1861-1907) La chanson d'Eve.
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Lun 17 Jan 2022 - 3:20 | |
| « Qu’est-ce qu’un poète au fond, si c’est vraiment un poète ? C’est un enfant qui s’étonne des choses qui lui arrivent, une fois qu’il est devenu adulte. » (Umberto Saba)
****
Un oiseau
Un oiseau chante sur un fil Cette vie simple, à fleur de terre. Notre enfer s’en réjouit.
Puis le vent commence à souffrir Et les étoiles s’en avisent.
Ô folles, de parcourir Tant de fatalité profonde ! »
René Char, Fureur et Mystère.
***
En train
Je regarde les arbres dépouillés, la campagne déserte aux couleurs de l’hiver. C’est à toi que je pense toi qui t’éloignes, que je viens de laisser. Le soir pose comme un feu rose sur les maisons, sur les troupeaux ; le train qui fuit fait se retourner par sa course folle quelque jeune animal, des poules bigarrées.
Mon cœur est déchiré tandis qu’il sent qu’il ne vit plus dans ta poitrine. Toute angoisse se tait auprès de celle-là. Et c’est à peine si la dure vie résiste à tant de maux. Mais toi, tu changes selon ta loi, et mon regret est vain.
Umberto Saba (1883-1957) Il Canzionere, L’Âge d’Homme, 1988.
***
Dans le miroir
Imagine placé dans une chambre Un grand miroir. La clarté des fenêtres S’y prend, s’y multiple. Ce qui existe Devient ce qui apaise. Là, dehors,
C’est à nouveau le lieu originel. Passent Adam et Eve dont les mains Se rejoignent ici, dans cette chambre, Elle, tout une longue jupe, à falbalas.
J’ai pris un fruit, c’ était dans un miroir, L’image n’en fut pas troublée, le jour d’été En éprouva à peine un frémissement.
J’en perçus la couleur, la saveur, la forme, Puis le posai, dehors. Et vint la nuit Dans le miroir, et les fenêtres battent.
Yves Bonnefoy, L’heure présente, Mercure de France,2011.
****
Sur la place
L’un va à la chasse à l’amour, l’autre aux plaisirs, ou seulement aux souvenirs. Dans les baraques le soir, on n’arrive plus à servir les lourds marrons grillés aux grands gaillards du quartier libre. Sur l’antique place règne encore là-haut la gloire.
Personnage à cheval, prisonnier dans l’ennui de marbre qui gauchement l’adule.
Umberto Saba (1883-1957) Il Canzoniere, L’Âge d’homme,1988.
***
Vrai nom
Je nommerai désert ce château que tu fus, Nuit cette voix, absence ton visage, Et quand tu tomberas dans la terre stérile Je nommerai néant l’éclat qui t’a porté.
Mourir est un pays que tu aimais. Je viens Mais éternellement par tes sombres chemins. Je détruis ton désir, ta forme, ta mémoire, Je suis ton ennemi qui n’aura de pitié.
Je te nommerai guerre et je prendrai Sur toi les libertés de la guerre et j’aurai Dans mes mains ton visage obscur et traversé, Dans mon cœur ce pays qu’illumine l’orage.
Yves Bonnefoy, Du mouvement et de l’immobilité de Douve,Mercure de France, 1954.
***
Gammes
Voix dans la chambre à côté Derniers doigts de la musique Longue et bleue comme une route Saurez-vous y dépister L’immense larme qui sonne À l’évent de ma cachette Et que j’attends chaque soir ? Un petit point s’il vous plaît Sur ma page de douleur. La ville ouvre ses compas, Ses couleurs, ses tire-lignes. Sur les grèves étrangères L’homme à l’encre sympathique Contemple avec méfiance LeHachures de chairs qui dansent Aux confins de la rumeur, Cette allure verticale, Ce saut interrogateur Dans les rues qui se démaillent Piétinées par les troupeaux Que faisande le menteur, Esprits voleurs de chapeaux, Fantômes de caravanes, De fatagins, de marmoses, De réincarnés précoces, De transfuges de la mort, Transmissions sans ressorts Dans les pièges osmotiques, Dans la bouche des boutiques, Dans la bouche de l’amour...
Léon-Paul Fargue,Extrait. Espaces, Gallimard .1929. |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Dim 13 Mar 2022 - 16:21 | |
| C’est beau, mais…
« Toutes mes poésies sont de circonstance » Goethe.
Le minimum c’est une bonne réception.
Quand un poète est bien reçu partout avec ses poèmes, il n’en fait ni plus, ni moins, il donne sa mesure, celle de ses poèmes, celle de sa bonne réception.
Il y a d’autres poètes. Bien ou mal reçus, ils rédupliquent, dans leurs poèmes, les conditions de leur propre bonne réception des mots.
À coup sûr, leurs poèmes seront mesurés.
Pour couronner le tout, leur mesure sera la commune mesure, celle de l’ensemble de cette variété de poètes.
Leur poésie, en outre, est recevable à tout lecteur qui possède l’esprit de mesure, qui se trouve dans les mots et dans toute « bonne réception ». Ces poètes aussi donnent leur mesure. Ils sont en droit d’espérer, à leur tour, d’être bien reçus.
Dernière édition par David Rolland le Dim 13 Mar 2022 - 16:59, édité 1 fois |
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Nombre de messages : 263 Age : 45 Date d'inscription : 24/03/2018
![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Dim 13 Mar 2022 - 16:36 | |
| Alors… toi aussi ? ![Crying or Very sad](https://2img.net/i/fa/i/smiles/icon_cry.gif) Ludovic Janvier, La mer à boire, Poésie / Gallimard ![Poésie - Page 6 4677c710](https://i.servimg.com/u/f21/20/41/30/51/4677c710.jpg)
Dernière édition par David Rolland le Jeu 8 Sep 2022 - 11:54, édité 1 fois |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Dim 13 Mar 2022 - 23:15 | |
| - Pipus a écrit:
- gluckhand a écrit:
LA LUNE BLANCHE Paul Verlaine (1844-1896)
L'occasion de réécouter la très belle mélodie de Reynaldo Hahn
Merci Gluckhand. Il y a aussi une belle mise en musique de La lune blanche par le musicien gallois John Greaves, ça se trouve facilement en écoute. |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Jeu 26 Jan 2023 - 23:04 | |
| Bonsoir à tous, amis de la poésie!
Voilà ma question: existe-t-il à votre connaissance des poèmes de forme libre et/ou des "dérivés" du sonnet (en quelque sorte des sonnets non rigoureux) dans la poésie du XVIIe siècle, bien que cela semble au premier abord contraire à l'idéal classique de la perfection, l'équilibre de la forme?
(Je dirais par la suite ce qui a suscité cette question^^) |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mar 31 Jan 2023 - 11:16 | |
| - Lt.Kijé a écrit:
- Bonsoir à tous, amis de la poésie!
Voilà ma question: existe-t-il à votre connaissance des poèmes de forme libre et/ou des "dérivés" du sonnet (en quelque sorte des sonnets non rigoureux) dans la poésie du XVIIe siècle, bien que cela semble au premier abord contraire à l'idéal classique de la perfection, l'équilibre de la forme?
(Je dirais par la suite ce qui a suscité cette question^^) Je ne suis qu'un amateur de poèsie,du moins en lecture et ne saurait répondre à ta question, qui est interessante.Mais ,en dehors des grands poètes reconnus aujourd'hui, beaucoup d'autres, de la même époque ,sont passés à la trappe de l'histoire poètique .Un exemple, qui lit aujourd'hui ? Marc-Antoine de Saint-Amant (1594-1661). Mais tout ça ne répond pas à ta question. J'ai vu un site , qui par contre ,décrit bien , ce qui distinguait et faisait vraiment l'originalité de ces grands poètes du 17 ème siècle / https://www.cosmovisions.com/litteratureFrancaise17Poesie.htm Désolé de n'être vraiment,d'aucune aide précise Lt.Kijé |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mar 31 Jan 2023 - 11:24 | |
| VIEILLESSE
Soirs ! Soirs ! Que de soirs pour un seul matin ! Îlots épars, corps de fonte, croûtes ! On s’étend mille dans son lit, fatal déréglage !
Vieillesse, veilleuse, souvenirs : arènes de la mélancolie ! Inutiles agrès, lent déséchafaudage ! Ainsi, déjà, l’on nous congédie ! Poussé ! Partir poussé ! Plomb de la descente, brume derrière… Et le blême sillage de n’avoir pas pu Savoir.
Henri MICHAUX, (1899-1984), Plume, précédé de Lointain intérieur, N.R.F. Pas pu m'empêcher ,de remettre ce très beau poème ,tellement réaliste,que je viens de relire. |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mar 31 Jan 2023 - 17:40 | |
| - gluckhand a écrit:
Je ne suis qu'un amateur de poèsie,du moins en lecture et ne saurait répondre à ta question, qui est interessante.Mais ,en dehors des grands poètes reconnus aujourd'hui, beaucoup d'autres, de la même époque ,sont passés à la trappe de l'histoire poètique .Un exemple, qui lit aujourd'hui ? Marc-Antoine de Saint-Amant (1594-1661). Mais tout ça ne répond pas à ta question.
J'ai vu un site , qui par contre ,décrit bien , ce qui distinguait et faisait vraiment l'originalité de ces grands poètes du 17 ème siècle / https://www.cosmovisions.com/litteratureFrancaise17Poesie.htm
Désolé de n'être vraiment,d'aucune aide précise Lt.Kijé Salut! Merci pour ta réponse. Le site est super intéressant! J'ai connu Saint-Amant à travers une émission de radio mais ne l'ai jamais vraiment lu. En cherchant un peu j'ai trouvé une réponse partielle à ma question: les sonnets non rigoureux étaient qualifiés de "licencieux" ou "libertins" et étaient assez méprisés, bien que certains sonnets respectant globalement le canon du sonnet classique mais y apportant une variation comme par exemple un changement de rime entre les deux quatrains (au lieu de ABBA ABBA par exemple ABBA CDDC) étaient bien vus par certains s'ils étaient par ailleurs d'une grande beauté (certains auteurs n'écrivaient que ce type de sonnet). Je partage avec vous un sonnet FORT licencieux que j'ai écris le jour de mon premier post (il y a tellement d'écarts par rapport au canon qu'il est très abusif d'appeler ça un sonnet...); je ne suis pas tout à fait certain que ce soit le lieu pour les poèmes personnels, vous me direz (et si c'est le lieu, je posterai un autre sonnet, fort rigoureux celui-ci.) ************************************************************************************************ L'éléphant L’on dit que l’éléphant, de tous les mammifères, Sur terre est le plus lourd, ce dont je doute fort, Car vivant à la cour dans un savant confort, Je croise bien des gens qui prouvent le contraire. Quand l’un d’eux près de moi, vaquant à quelque affaire, Un instant s’arrête me servir le bonjour, Je crois tomber par terre au son de ce tambour Tant il y a de poids en mots si ordinaires. En la place du nez, ils n’ont guère de trompe, Mais n’en n’ont nul besoin car en eux tout fanfare : Jusqu’à leur moindre pet se fait en grande pompe ! La cour m’apparaît comme une étrange savane Où le guépard et la gazelle sont si rares Et où les éléphants près du lion se pavanent. |
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mar 31 Jan 2023 - 19:54 | |
| Je ne suis pas amateur de poésie, et encore moins spécialiste, mais l'éléphant, j'aime bien |
| ![Aller en bas](https://2img.net/i/empty.gif) | | Lt.Kijé Mélomane averti
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Mar 31 Jan 2023 - 20:21 | |
| Merci pour le retour Pipus, c'est toujours encourageant d'avoir des lecteurs! (enfin je m'avance un peu en disant "des", tu es le premier ![Mr. Green](https://2img.net/i/fa/i/smiles/icon_mrgreen.png) ) |
| ![Aller en bas](https://2img.net/i/empty.gif) | | gluckhand Mélomane chevronné
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![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Lun 4 Mar 2024 - 11:26 | |
| Dommage, que ce post reste la plupart du temps sans utilisation, mais c'est comme ça. J 'ai dit déjà toute mon admiration pour la poèsie d'Aragon, que personnellement je trouve le plus grand poète français du 20 ème siècle. Entendu hier ,une chanson sur un poème d'Aragon ,mis en musique par Léo Ferré, qui m'a vraiment bouleversé.Surtout depuis que je suis en Picardie, ou l'on ne peut échapper ,aux nombreux cimetières militaires ou des milliers de jeunes gens ont donné leur vie pour la patrie. Je ne vais pas revenir sur l'historique de ce beau poème, mais seulement en citer le texte et aussi la chanson sur cette terrible guerre de 14-18,chantée par Catherine Sauvage que j'ai écouté hier et qui m'a vraiment ému.Il faut aussi savoir qu'Aragon était médecin auxiliaire ,pendant cette terrible épreuve nationale.
Paroles de tu n'en reviendras pas Louis Aragon
Tu n'en reviendras pas, toi qui courais les filles, Jeune homme dont j'ai vu battre le cœur à nu
Quand j'ai déchiré ta chemise; et toi non plus, Tu n'en reviendras pas, vieux joueur de manille Qu'un obus a coupé par le travers en deux - pour une fois qu'il avait un jeu du tonnerre! Et toi, le tatoué, l'ancien légionnaire, Tu survivras, longtemps, sans visage, sans yeux.
On part, Dieu sait pour où! Ça tient du mauvais rêve. On glissera le long de la ligne de feu. Quelque part, ça commence à n'être plus du jeu. Les bonshommes, là-bas, attendent la relève.
Roule au loin, roule, train des dernières lueurs. Les soldats assoupis que ta danse secoue Laissent pencher le front et fléchissent le cou. Cela sent le tabac, la laine, et la sueur.
Déjà, la pierre penche, où votre nom s'inscrit. Déjà, vous n'êtes plus qu'un mot d'or sur nos places. Déjà le souvenir de vos amours s'efface. Déjà vous n'êtes plus, que pour avoir péri
Catherine Sauvage / tu n'en reviendras pas / https://youtu.be/Vvl01w-jQz8?si=Km203alxHqhm5pCX |
| ![Aller en bas](https://2img.net/i/empty.gif) | | bambou Mélomaniaque
![bambou](https://2img.net/u/2915/27/61/61/avatars/6187-91.jpg)
Nombre de messages : 527 Date d'inscription : 19/03/2023
![Poésie - Page 6 Empty](https://2img.net/i/empty.gif) | Sujet: Re: Poésie Lun 4 Mar 2024 - 14:36 | |
| Je déteste la poésie d'Aragon. |
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