Pleyel - La Bohème (concert) - juin 2014

Pas mal de modifications autour de cette version de concert de La Bohème, qui sera donnée ce soir :

Royal Philharmonic Orchestra, direction Jean-Luc Tingaud, au lieu de l'Orchestre National de Montpellier, qui a renoncé en raison de "difficultés budgétaires"

Mimi : Patrizia Ciofi
Rodolfo : Stefan Pop
Marcello : Marco Caria, au lieu de Florian Sempey, initialement annoncé
Musetta : Julie Fuchs, au lieu de Irina Lungu, initialement annoncée
Schaunard : Christian Helmer
Colline : Nicolas Cavallier

Ensemble vocal les Métaboles, Choeur d'enfants de la Maîtrise des Hauts de Seine

C'est ce soir à Pleyel.
Peut-être ma dernière soirée dans cet endroit.

Fiordiligi a écrit:

Pas mal de modifications autour de cette version de concert de La Bohème, qui sera donnée ce soir :

Royal Philharmonic Orchestra, direction Jean-Luc Tingaud, au lieu de l'Orchestre National de Montpellier, qui a renoncé en raison de "difficultés budgétaires"

J'aime beaucoup (beaucoup) Montpellier, mais c'est plutôt un remplacement au prestige supérieur, non ? (Cela dit, je n'échangerais clairement pas Montpellier contre le RPO, personnellement.)

Bonne soirée hier à Pleyel.

Sauf erreur de ma part, c'était la première fois que Patrizia Ciofi chantait Mimi. Bien que j'aime beaucoup cette chanteuse, je n'ai pas été éblouie. C'était chanté avec toutes les qualités qu'on connaît à Ciofi (sincérité, prise de risque, nuances, legato...), mais le medium était vraiment insuffisant voire inaudible.
J'ai eu l'impression que Jean-Luc Tingaud se vautrait un peu trop dans le son magnifique du Royal Philharmonic Orchestra, sans faire suffisamment attention à ne pas couvrir les chanteurs. C'est un répertoire très difficile en version de concert car l'orchestre est sur scène au lieu d'être dans la fosse, ce qui libère davantage le son (me semble-t-il, je ne suis pas spécialiste).

Julie Fuchs était au top, elle prenait un plaisir manifeste à chanter Musetta.
Le jeune chanteur roumain Stefan Pop (27 ans !) était un excellent Rodolfo, bien qu’ également couvert par l’orchestre de temps en temps. Il a pour l’instant chanté des rôles moins lourds (Alfredo, Le duc de Mantou, Nemorino). Beau timbre très « italien », un chanteur à la Pavarotti : cage thoracique de buffle sous une assez petite bouche.

Très bons Marcello, Colline et Schaunard.

Fiordiligi a écrit:

cage thoracique de buffle

  

Mieux vaut une petite voix type Alagna qu'une grande voix type Pavarotti, c'est ça ?  

Un bref compte rendu de Forum opéra.

http://www.forumopera.com/breve/les-larmes-de-stefan-pop
(je suis incapable de confirmer pour les larmes, elles ne devaient guère être visible au-delà des premiers rangs...)

Sur Ciofi : "L'artiste est immense, la voix l'est moins pour un rôle dont l'écriture sollicite souvent le médium." C'est joliment dit !

Au sortir de la Bohème à Pleyel.
Un vrai déséquilibre voix/orchestre dont pâtissent tous les solistes sauf à pousser leurs moyens ; déséquilibre entretenu par un chef (Jean-Luc Tingaud) qui a, pourtant, la pratique de l'opéra et de la fosse. Souvent il va vite ; toujours il presse (presse le son, le jus de l'orchestre, rarement en-dessous du mf ; presse les les chanteurs, Ciofi exceptée qui parvient à imposer son tempo et ses nuances). Orchestre par ailleurs fort beau, rutilant même (trop ?) en dépit de quelques imprécisions, d'un travail qui n'est pas toujours idéalement propre.
De cela, il ressort que le théâtre s'y perd en partie, au-delà de ce qu'induit le concert (et encore, les chanteurs font-ils beaucoup pour qu'existe une "vie" de plateau, échangeant regards et gestes, etc.) ; s'y perdent aussi tout ou partie des nuances même si (et c'est un corollaire qu'on doit apprécier, j'imagine), les groupes d'instruments, dans leur polyphonie, sont nécessairement mieux mis en valeur qu'en fosse.
Beaucoup de changements de distribution depuis l'annonce de la saison, en juin dernier. Cas emblématique : Florian Sempey remplacé par Marco Caria en Marcello. Très beau Marcello, par ailleurs ; très traditionnel sans doute, sanguin mais bon bougre, un peu noyé dans les vagues de l'orchestre parfois (et pas que dans celles de Mer Rouge !), formant un couple assez idéal avec la Musetta de Julie Fuchs (autre remplacement par effet domino). Elle très "française", j'ai trouvé ; voix droite essayant la nuance mais pas nécessairement toujours au bon endroit, pas forcément très brillante au II ("Quando m'en vo" sans faute, de concertiste en fait), mais tendre au IV. Bon Christian Helmer en Schaunard ; excellent Nicolas Cavallier en Colline ("Vecchia zimarra" phrasée large, sobre et sincère).
Stefan Pop en Rodolfo : entendu en Alfredo à Berlin et en Nemorino à Lausanne. Une chair de voix plutôt tendre, squillo encore minimal, des grâces infinies et des trésors de phrasé qui sont très largement amoindris/pervertis par le "régime" Tingaud. Dans une configuration adaptée, ce serait sans doute assez idiomatique ; aux moments clés ("Che gelida manina", duo avec Marcello au III, quatuor au III toujours), le chanteur ramasse ses moyens, projette large au prix d'un épaississement/tassement assez artificiel de l'aigu notamment. A réentendre ailleurs.
Ciofi pour sa prise de rôle : une entrée prudente (pour tester la résonance, l'acoustique de la salle avec public ?), une voix qui sonne et emplit vite et bien le vaisseau (second balcon) dès lors qu'elle n'est pas, comme ses collègues, couverte par l'orchestre ; d'emblée, surtout, un vrai travail a été mené, en profondeur, sur les ressources de la partition, sur la coloration des mots, la logique de la ligne, etc. Objectivement le médium est un peu tassé (encore que Ciofi parvienne à se fabriquer un vrai "creux", notamment au III) mais le personnage en sort d'autant plus efficient. "Si, mi chiamano Mimi" est encore un peu sur la réserve ("musicalisé" [et comment !] plus qu'immédiatement vécu ?) ; au II la chanteuse n'a pas vraiment de musique à elle (ou à découvert) mais le III et le IV sont magistraux d'économie de moyens, de probité, de style, etc. "Donde lieta usci" est, déjà, parfaitement abouti ; le duo avec Marcello affronte crânement l'orchestre ; le IV ne cherche pas à jouer une espèce de Traviata-bis mais s'inscrit dans une dimension intime, résignée où les affects sont distribués avec honnêteté vis-à-vis du texte (musical/théâtral) qui ne cherche jamais à pousser la chanteuse en avant. Une prise de rôle scénique est annoncée à Liège en 2015-2016 ; gageons que l'amplitude de cette Mimi y sera d'autant plus intense.
En l'espèce, et malgré les réserves tenant à un orchestre d'estrade trop (un comble, non !) beau, une Bohème fraîche et franche dotée d'un plateau qu'on aimerait réentendre dans des conditions plus adaptées.

Des fois je me dis que je suis un peu bête quand je prends mes places (ou plutôt quand je ne les prends pas!)

Merci pour vos retours! Espérons qu'un jour la Mimi de Ciofi soit captée!

Polyeucte a écrit:

Des fois je me dis que je suis un peu bête quand je prends mes places (ou plutôt quand je ne les prends pas!)

Merci pour vos retours! Espérons qu'un jour la Mimi de Ciofi soit captée!

Apparemment, il est longtemps resté des places ; y compris à prix cassé. Beaucoup de reclassement dès avant le début de la première partie, d'ailleurs (moi, j'ai apprécié mon perchoir qui rendait plutôt très bien justice aux voix).
Quant à la captation... Liège a une politique assez volontariste de ce point de vue, alors il n'est pas interdit d'espérer  !

bAlexb a écrit:

Apparemment, il est longtemps resté des places ; y compris à prix cassé. Beaucoup de reclassement dès avant le début de la première partie, d'ailleurs (moi, j'ai apprécié mon perchoir qui rendait plutôt très bien justice aux voix).
Quant à la captation... Liège a une politique assez volontariste de ce point de vue, alors il n'est pas interdit d'espérer  !

Ah? J'avais regardé il y a un mois et il ne restait pas beaucoup de places j'avais trouvé...

Espérons pour Liège!

http://www.concertclassic.com/article/la-boheme-en-version-de-concert-pleyel-o-soave-patrizia-compte-rendu

Euh... ça ne gène pas le rédacteur de se tromper de baryton??
Et je dois dire que expédier le reste de la distribution en trois lignes après avoir fait deux paragraphes sur Ciofi me semble un brun étrange pour une critique "officielle" (c'est à dire quelque chose de publié, non un compte rendu de forum où notre subjectivité est forcément beaucoup plus présente)...

Polyeucte a écrit:

Euh... ça ne gène pas le rédacteur de se tromper de baryton??
Et je dois dire que expédier le reste de la distribution en trois lignes après avoir fait deux paragraphes sur Ciofi me semble un brun étrange pour une critique "officielle" (c'est à dire quelque chose de publié, non un compte rendu de forum où notre subjectivité est forcément beaucoup plus présente)...

Et encore, ça ne dispense pas d'essayer d'être à peu près équitable ; au moins au regard de la "quantité" de musique chantée, si on ne veut pas chercher plus loin.
Pour le reste, rien à ajouter par rapport à ta remarque, amplement justifiée.