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 Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil

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Montfort
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MessageSujet: Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil   Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil EmptyMar 23 Juin 2015 - 10:29

Première ce soir de cette production importée de Covent Garden.
Les commentaires ont été élogieux à propos du travail de Mc Vicar, nettement moins pour Angela Gheorghiu, dont c'est - quand elle veut - un des grands rôles...
Autre interrogation : la direction de Daniel Oren.

 Je ferai un C R après avoir vu le spectacle vendredi.

 Montfort
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Montfort
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MessageSujet: Re: Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil   Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil EmptySam 27 Juin 2015 - 11:51

Représentation du 26 juin

 Mise en scène : David Mc Vicar
 Scénographie : Charles Edwards
 Costumes : Brigitte Reiffenstuel

 Adrienne Lecouvreur : Angela Gheorghiu
 Princesse de Bouillon : Luciana d'Intino
 Maurice de Saxe : Marcelo Alvarez
 Michonnet : Alessandro Corbelli
 Abbé de Chazeuil : Raul Gimenez
 Prince de Bouillon : Wojtek Smilek
 
 Direction musicale : Daniel Oren

 Adrienne Lecouvreur est une tragédienne célèbre du règne de Louis XV - femme très séduisante, elle eut de nombreux amants, notamment Voltaire, mais aussi Maurice de Saxe, qui était convoité par Françoise de Lorraine, duchesse de Bouillon - elle mourut dans des circonstances troubles,  et la légende attribue sa mort à la Duchesse, mais ce ne fut jamais élucidé. Scribe a tiré une pièce de cette histoire romanesque, et elle a servi de support à Cilea pour son opéra. L'oeuvre est un mélo lacrymal, l'écriture musicale est plutot pauvre, et le livret par moment affligeant - donc clairement un opéra de série B.
J'ai pourtant passé une excellente soirée - de nombreuses grandes interprètes ont voulu respirer les violettes empoisonnées, et depuis sa création en 1902, l'oeuvre n'a jamais quitté le répertoire des grands théâtres.
Malgré ses limitations, confiée à des artistes de bon niveau, l'opéra fonctionne très bien - et c'est le cas de la production de la Bastille.
Il faut d'abord saluer le travail du metteur en scène : Mc Vicar donne une lecture littérale et fidèle du livret, avec de très habiles dispositifs scénographiques, le théâtre dans le théâtre - les costumes sont superbes, il ne manque pas un galon à la livrée du dernier laquais - le jeu des acteurs épouse bien le drame, à commencer par Gheorghiu - d'une beauté frappante -  et d'Intino - seul Alvarez parait un peu emprunté.
Sur le plan vocal, des critiques sévères ont été formulées à l'encontre de Gheorghiu : je les trouve excessive - elle démarre un peu laborieusement, et son "Son l'umile ancilla" était limite, et la projection faible dans le vaisseau de la Bastille - mais ensuite elle retrouve son aplomb, et son chant devient superbe, pour triompher dans le dernier acte.
Luciana d'Intino incarne une princesse orgueilleuse, jalouse, véhémente - la voix est puissante, très bien menée.
Beau Maurice de Marcelo Alvarez, et il  faut aussi rendre hommage au quatrième premier role de cet opéra : Michonnet, l'amoureux transi, magnifiquement interprété par Alessandro Corbelli.

 Habituellement je suis plutot réservé sur Oren, mais là, il a fait avec l'orchestre un travail d'une grande finesse, tirant le meilleur de cette partition peu inspirée...

 L'avis de Forum Opera : http://www.forumopera.com/adriana-lecouvreur-paris-bastille-cadeau-empoisonne

 Celui des Echos :  http://www.lesechos.fr/week-end/culture/021160319051-adriana-lecouvreur-en-melo-grand-luxe-a-la-bastille-1131577.php


 Ce spectacle a été créé à Covent Garden, et c'est une co-production avec le Wiener Staatsoper et le Liceu - il y a des représentations les 29 juin et 3, 6, 9 12 et 15 juillet - il y a des places disponibles pour toutes les dates - ce spectacle mérite vraiment d'etre vu.


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MessageSujet: Re: Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil   Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil EmptyMer 1 Juil 2015 - 17:00

L'avis de Resmusica :

 http://www.resmusica.com/2015/07/01/le-retour-dadriana-lecouvreur-a-paris/

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Montfort
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MessageSujet: Re: Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil   Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil EmptyLun 6 Juil 2015 - 9:09

L'avis de Concertonet :

 http://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=10757

 Suis - je le seul à avoir vu ce spectacle ??

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Xavier
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MessageSujet: Re: Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil   Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil EmptyLun 6 Juil 2015 - 11:05

Ben c'est pas fini: j'y vais le 12.
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Polyeucte
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MessageSujet: Re: Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil   Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil EmptyLun 6 Juil 2015 - 11:30

Et moi c'est ce soir...
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Montfort
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MessageSujet: Re: Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil   Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil EmptyLun 6 Juil 2015 - 13:35

Merci, j'attends vos impressions avec intéret...

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Polyeucte
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MessageSujet: Re: Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil   Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil EmptyMar 7 Juil 2015 - 9:54

Bon, j'adore cet opéra... découvert par une retransmission en direct de Bastille avec Freni il y a bien des années...
Et je suis ressorti un peu déçu finalement.
Alors oui, une bonne soirée avec une mise en scène très chouette... mais une Adriana totalement hors de propos pour moi!!

Corbeli se tire très bien de Michonnet, D'Intino est un vrai ouragan qui dose avec science poitrinage et explosions d'aigus... et Alvarez se balade tout le long de l'oeuvre avec un style et une aisance qui laissent rêveur!! Mais où s'arrêtera-t-il??? C'est du bonheur à l'état pur vocalement, mais en plus il s'investit de belle manière dans le rôle.

Et puis Madame Angela Gheorghiu... déjà, beaucoup ont noté la faible projection... et c'est vrai que en dehors du dernier acte, ça reste assez confidentiel, jamais explosif, toujours retenu... et le quatrième acte n'est pas non plus torrentiel : on a juste l'impression qu'enfin elle se donne à 100%. Et tout au long de sa prestation, c'est minauderie scénique et poses vocales : on file un aigu, on se déplace gracieusement alors qu'on devrait être un peu tendu, surtout ne pas courir des fois qu'on se fasse mal... que de préciosité et de manières! C'est très loin de l'actrice qu'elle incarne! Et vocalement donc le timbre reste beau quand on l'entend, mais le grave n'est jamais appuyé donc absent, l'aigu reste un peu bas j'ai l'impression... en bref, tout est retenu, minaudé et précieux.

Je ne demandais pas la ré-incarnation de Freni ou Tebaldi... juste un portrait juste et fort... comme l'avait donné il y a quelques années Frittoli par exemple. Là c'était loin du compte Confused

Sinon, travail correcte d'Oren, qui manque quand même d'un peu de passion et d'allant... et surtout coupe après tous les airs pour que chacun puisse bien se faire applaudir Confused Confused
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Montfort
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MessageSujet: Re: Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil   Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil EmptyMer 8 Juil 2015 - 11:56

Je ne connais pas ce qu'a fait Frittoli dans ce role.

Autrement qui chante ça bien actuellement ?
Je me suis posé la question pour Netrebko, puis je l'ai entendue dans l'air d'entrée donné dans un récital à Munich ; alors oui, on l'entend, mais pour l'incarnation, on repassera...

Qui d'autre ?

Jusqu'à cette représentation, je ne connaissais l'oeuvre qu'au disque, dans le live napolitain avec Olivero, Simionato et Corelli dirigé par Rossi.

 Montfort
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Polyeucte
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MessageSujet: Re: Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil   Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil EmptyMer 8 Juil 2015 - 12:50

Elle l'avait chanté avec Alagna...
Sinon, actuellement, il y a Vassilieva (qui était aussi ici à Paris), et j'ai vu aussi que Lianna Haroutounian l'a chanté à Bruxelles.
Mais vu que c'est un rôle pas si régulièrement donné que ça actuellement, on risque peu de trouver une grande Adriana malheureusement.

Netrebko, oui, trop large maintenant je crains...
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DavidLeMarrec
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MessageSujet: Re: Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil   Adrienne Lecouvreur - Oren - Mc Vicar - Bastille juin - juil EmptySam 11 Juil 2015 - 16:04

Polyeucte a écrit:
Bon, j'adore cet opéra... découvert par une retransmission en direct de Bastille avec Freni il y a bien des années...
Et je suis ressorti un peu déçu finalement.
Alors oui, une bonne soirée avec une mise en scène très chouette... mais une Adriana totalement hors de propos pour moi!!

Corbeli se tire très bien de Michonnet, D'Intino est un vrai ouragan qui dose avec science poitrinage et explosions d'aigus... et Alvarez se balade tout le long de l'oeuvre avec un style et une aisance qui laissent rêveur!! Mais où s'arrêtera-t-il??? C'est du bonheur à l'état pur vocalement, mais en plus il s'investit de belle manière dans le rôle.

Et puis Madame Angela Gheorghiu... déjà, beaucoup ont noté la faible projection... et c'est vrai que en dehors du dernier acte, ça reste assez confidentiel, jamais explosif, toujours retenu... et le quatrième acte n'est pas non plus torrentiel : on a juste l'impression qu'enfin elle se donne à 100%. Et tout au long de sa prestation, c'est minauderie scénique et poses vocales : on file un aigu, on se déplace gracieusement alors qu'on devrait être un peu tendu, surtout ne pas courir des fois qu'on se fasse mal... que de préciosité et de manières! C'est très loin de l'actrice qu'elle incarne! Et vocalement donc le timbre reste beau quand on l'entend, mais le grave n'est jamais appuyé donc absent, l'aigu reste un peu bas j'ai l'impression... en bref, tout est retenu, minaudé et précieux.

Je ne demandais pas la ré-incarnation de Freni ou Tebaldi... juste un portrait juste et fort... comme l'avait donné il y a quelques années Frittoli par exemple. Là c'était loin du compte Confused

Sinon, travail correcte d'Oren, qui manque quand même d'un peu de passion et d'allant... et surtout coupe après tous les airs pour que chacun puisse bien se faire applaudir Confused Confused


J'en ai touché un mot chez moi, je reproduis ici ce qui peut intéresser les uns et les autres. Sur Wagner :

Mais le plus intéressant, même s'il est réussi, réside dans l'héritage évident de Wagner. Les compositeurs italiens de sa génération (né en 1866) y étaient tous exposés, et Wagner a connu un succès immédiat en Italie – avec les cas emblématiques de chefs désertant la cause verdienne pour aller soutenir la cause du drame nouveau. Cilèa a dû l'étudier et en tirer son parti dans le cadre de l'esprit spécifiquement italien (à commencer par son amour fou pour le cor anglais, omniprésent). Aussi, dans Adriana Lecouvreur, chaque personnage a son motif : par ordre d'apparition, Michonnet, le Prince, Adriana, Maurizio, la Princesse.



Ce pourrait être intéressant si ces motifs n'avaient plus rien de leitmotive : ce sont en réalité des thèmes complets (ceux d'Adriana et Maurizio sont même la mélodie principale de leurs grands airs !), assez longs, et qui mutent très peu. Il y a bien un effort pour faire circuler celui de la Princesse (présent en arrière-plan lorsqu'Adriana ouvre le coffret qui renserre le poison), mais sa structure tempêtueuse est tellement caricaturale qu'on le voit venir à cent pas. Sinon, ils sont énoncés par tout l'orchestre, en mélodie principale… il est vraiment difficile de trouver des citations qui ont échappé après deux écoutes…



L'effet est donc totalement renversé par rapport à Wagner : dans l'original, les motifs permettent de s'occuper principalement de la vérité et de la liberté de déclamation des chanteurs, en ménageant des repères sonores qui ne soient pas trop mélodiques ; chez Cilèa, on a surtout l'impression du retour des mêmes mélodies, sans cesse, comme si le compositeur, en panne d'inspiration, recyclait ses trouvailles. Par ailleurs, mais j'admets que cela s'inscrit dans la plus pure affirmation subjective je ne trouve pas ses thèmes très marquants ni très beaux, les mélodies manquent vraiment de contour – les plus réussis, ceux de Michonnet et du Prince, écrits dans le goût archaïsant, sont finalement surtout réexploités à l'identique, par tout l'orchestre, en guise de couleur locale pour accompagner le personnage, plus qu'ils ne signifient quoi que ce soit.

Pas de motifs en arrière-plan, pas de motifs évoquant des concepts, pas beaucoup de variation dans leur usage, très mélodique… on a perdu beaucoup des intérêts musicaux de la technique.



Par ailleurs, Adriana Lecouvreur est un opéra très agréable, dont le déroulement simple et le rythme soutenu préviennent tout ennui (sauf peut-être dans les larmoiements complaisants de l'acte IV, inscrit dans la vaste lignée des un-acte-pour-mourir – même Pelléas n'y échappe pas !) ; sa musique n'est pas toujours très saillantes, mais ses moments de simili-XVIIIe affirment un charme primesautier très attendrissant.


Sur les chanteurs :

Une fois de plus, les rôles de caractère (semi-comiques, en l'occurrence) étaient les plus audibles, de très loin : Raúl Giménez, pourtant loin de son heure de gloire (il approche les 65 ans, son ère de célébrité se situant plutôt au début des années 1990), promène sans effort une voix assez belle et très nette (dans le rôle de l'abbé – libertin – de Chazeuil) tandis qu'Alessandro Corbelli (Michonnet) parvient à conserver chaleur du grain, précision du mot et projection sonore alors que l'instrument (63 ans, là aussi) se vieillit doucement et que sa nature vocale n'a jamais été intrinsèquement exceptionnelle.
Dans le même temps, l'immense Marcelo Álvarez (Maurizio) sonne un peu lointain et Angela Gheorghiu (la Lecouvreur) est à la limite d'être couverte par l'orchestre pendant le plus clair de la soirée. Pourquoi cet écart ?
Parce que Giménez et Corbelli font résonner leur voix en avant, dans la face, ce qui leur assure de passer l'orchestre et la rampe ; Álvarez, à force de chanter des rôles au centre de gravité plus bas que sa nature et à la couleur supposément plus sombre, finit (malgré sa vigilance remarquable sur la question) par tasser un peu son instrument (on l'entend toujours très bien, mais l'impact est un peu plus lointain, le timbre un peu plus englué et les nuances moins fines). Quant à Gheorghiu, c'est simple, elle est l'archétype de son temps : très belle voix, très ronde, timbrée sur toute l'étendue, capable de très belles suspensions, vibrant avec un soin étudié… mais qui reste totalement dans la bouche. L'avantage se trouve dans le timbre (ce serait plus criard sur les enregistrements si elle chantait plus « dans le masque ») ; mais en salle, qu'elle paraît loin de nous et un peu perdue derrière l'orchestre, limitée dans ses éclats !


Par ailleurs, elle semble d'être économisée pendant toute la soirée pour l'acte IV, où la voix, moins concurrencée par l'orchestre et davantage sollicitée dans les zones d'aigus suspendus, prend vraiment son essor. C'est alors un concours de portamenti (ports de voix) très appuyés, voire dégoulinants, de notes tenues en dépit du bon sens (le son manque de se dérober par deux voix, mais elle continue son point d'orgue, même si c'est moche, même si c'est absurde), de rubato hallucinant (les mesures sont méconnaissables, elles finissent à cinq temps, quand ce n'est pas quatre et demi… je m'imagine mieux l'effroi du pauvre Slatkin à New York : suivre Gheorghiu, c'est un métier à part entière !). Et pour achever de m'épouvanter, les consonnes sont molles, les voyelles deviennent absolument ce qu'elle veut (et la justesse met parfois longtemps à se caler).
Je n'ai jamais été fanatique de Gheorghiu sans en être non plus un détracteur, et il est un fait qu'en enregistrement la voix est belle, que l'ensemble passe très bien sur scène avec sa jolie voix… mais dans le détail, quel condensé de vilains travers !




À ce titre, le chef Daniel Oren, qui effectue quelques coupures (la scène où le duc de Bouillon explique le mécanisme du poison) et dirige un Orchestre de l'Opéra que j'ai rarement entendu aussi assuré, généreux et coloré (on n'est pourtant qu'en milieu de série !), mérite tous les honneurs : les raccords sont très précis avec une chanteuse manifestement tout à fait imprévisible
[Il mérite aussi quelques coups de pieds aux fesses, parce qu'il bidouille encore une fois la partition pour pouvoir arrêter la musique après les « airs » – qui n'en sont pas vraiment d'ailleurs, vu leur peu de veine mélodique, leur brièveté, leur structure cursive et la continuité du tissu orchestral avec ce qui suit. Mais honnêtement, plutôt que le public couvre la musique de ses bravi automatiques, c'est un moindre mal…]



Bref, cette observation est troublante : les voix un peu nasales sont un peu moins mielleuses pour les micros, mais passent tellement mieux la rampe (et vieillissent tellement mieux) ! Or la mode est plutôt aux voix sombrées et laryngées, qui sonnent bien en retransmission mais se projettent peu à l'extérieur… du chanteur ! Un sujet déjà esquissé à de nombreuses reprises dans ces pages – ici, par exemple (vous pouvez retrouver la plupart de nos notules techniques là). Dommage, car l'impact physique du son est l'un des plaisirs spécifiques de l'opéra (même si c'est, j'en conviens, difficile à ressentir dans le hangar à bateau parisien).


Et divers autres trucs :



Cette représentation marquait la fin du cycle sans doute le plus marquant du mandat de Nicolas Joel : chaque saison, un titre des standards des opéras italiens post-verdiens, pour un certain nombre rarement donnés ( La Gioconda de Ponchielli, Francesca da Rimini de Zandonai, cette Adriana) dans une mise en scène littérale et servie par un plateau prestigieux. Il y avait de quoi satisfaire tous les publics, dans la mesure où ces œuvres assez accessibles et abondamment documentées par le disque ne sont plus guère visibles sur la plupart des scènes du monde, et présentent pour beaucoup un véritable intérêt musical (le Triptyque de Puccini et Francesca da Rimini, en particulier), en plus de leur spectaculaire vocal et de leur grandiloquence scénique.

Pour saluer l'occasion, le magazine de l'opéra En Scène ! a confié le soin à Dominique Fernandez d'imaginer une fiction édifiante où Cilèa (né en 1866) rencontre Voltaire éploré sur la dépouille de Sophie Arnould et lui explique, dans une scène digne des meilleurs films patriotiques nébraskais, qu'il faut venger sa mort par un opéra fulgurant.
[Heureusement qu'il faut être candidat pour entrer à l'Académie, sinon il y aurait des rendez-vous sur le pré après nomination…]

Au disque, l'œuvre est très bien servie. On peut au choix se tourner vers des versions très vivantes vocalement (Tebaldi-Simonato-Del Monaco-Fioravanti, avec un Michonnet hors de pair, et Olivero-Simionato-Corelli-Bastianini) mais dirigées un peu platement (respectivement Capuana et Rossi) ou vers des lectures plus étudiées comme celle de Bonynge (mais ce n'est pas forcément nerveux pour autant, et il faut alors composer avec le portrait plus sérieux de Nucci et l'italien grumeleux de Sutherland). La version Levine, souvent citée en référence, m'a toujours paru accentuer les vices de la partition (grandiloquence glottique, gros thèmes gras) sans en respecter les vertus (archaïsmes peu délicats, Michonnet sinistre). Notez que Capuana a été réédité (et un peu grossièrement filtré, il est vrai) par la BNF et que Rossi est disponible chez de tout petits labels, les deux en téléchargement pour des sommes dérisoires.


La notule complète, où il est entre autres choses question de l'étiquette vériste et du style général de l'œuvre, est là.
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