Die Tote Stadt : 30/01/2016
Auditorium de la Maison de Radio-France
Paul : Klaus-Florian Vogt
Marietta : Camilla Nylund
Frank/Fritz : Markus Eiche
Brigitta : Catherine Wyn-Rogers
Le Comte Albert : Matthias Wohlbrecht
Juliette : Dania El Zein
Lucienne : Yaël Raanan Vandor
Victorin/Gaston : Jan Lund
Choeur de Radio France
Maîtrise de Radio France
Orchestre Philharmonique de Radio France
Direction : Marzena Diakun
Oeuvre assez fascinante, La Ville Morte était donnée dans l'Auditorium de Radio France, avec les forces de Radio-France et rien moins que Vogt et Nylund dans les deux rôles principaux.
Mikko Frank indisposé, il est de belle manière remplacé par Marzena Diakun, chef assistant. Elle dirige l'orchestre de main de maître, avec une belle fermeté (voir même un peu trop à certains moments) mais aussi beaucoup de douceur. Tenir cette immense masse orchestrale, avec tous ses différents composants, c'est vraiment un grand moment. Dans cet espace réduit qu'est l'auditorium, jamais l'orchestre ne sature, mais il remplit, tempête ou accompagne. Belle direction avec un orchestre virtuose dans ses textures et ses nuances.
Pour le chant, la petite réserve est l'acoustique du lieu. Car avec un orchestre aussi imposant sur scène et dans une salle ronde, les voix sont assez rapidement submergées par les flots, alors que la voix se perd souvent en fonction de la position des chanteurs.
Les petits rôles de la troupe de comédiens sont très bien tenus avec notamment un très beau Gaston/Victorin. Brigitta se tire bien de son rôle malgré une voix un peu usée.
Markus Eiche possède une belle voix sonore... et campe un très bon Frank... mais petit soucis par contre dans le grand passage de son rôle : l'air de Pierrot. Car si le reste du rôle demande de la présence et un chant très expressif, l'air en question demande un legato parfait, une délicatesse admirable. Et là on entend principalement un chant haché qui manque de délicatesse et de nuances.Voilà qui est terriblement dommage.
Camilla Nylund chante le difficile rôle de Marietta avec un style impressionnant. La voix n'est pas très large ni très expressive à la base. Elle a plus un côté froid et pur que tentateur et sensuel. Aussi on se demande comment elle peut créer cette Marietta. Mais en fait au contraire le chant s'anime d'une vie piquante dans un monde glacé. L'aigu est admirable de pureté alors qu'elle donne une gouaille impressionnante dans bien des moments. Le grand écart entre cette Marietta de flamme et le spectre de Marie est réalisé avec style. Nylund se montre vraiment superbe tant musicalement que théâtralement.
Et face à elle, on voit Klaus-Florian Vogt qui fait corps avec Paul. Déjà il chantera toute la soirée sans partition. Elle est bien ouverte devant lui sur le pupitre, mais il n'en touche pas une page. Les autres chanteurs n'y sont pas rivés mais la conservent en sécurité. Lui s'en détache totalement pour vivre et jouer son personnage, entrainant les autres chanteurs dans le théâtre. Musicalement il est aussi en fusion totale avec la partition : la voix semble inépuisable de nuances, capable d'une délicatesse folle (aigus légers en voix mixte) mais aussi d'un impact magistral qui remplit la salle sans jamais faillir. Son Paul est crépusculaire, faible mais jamais falot, sanguin ou résigné. Il faut entendre cette reprise du Lied de Marietta... irréelle la voix s'élève avec une telle grâce. La voix est toujours aussi impressionnante d'un bout à l'autre, venant à bout d'un rôle particulièrement tendu et qui jamais ne se repose uniquement sur cette émission particulière pour créer son personnage. Fascinant d'un bout à l'autre !
Une très belle soirée donc avec une complicité visible de Vogt et Nylund. L'oeuvre est un petit peu aride sans mise en scène mais la réalisation était à la hauteur et a soutenu l'intérêt !