Анастасия231 Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14359 Age : 30 Localisation : Karl Marx est un ailurophile ukraïnien d'obédience léniniste Date d'inscription : 05/01/2011
| Sujet: Andreï Golovine (1950-) Mer 7 Sep 2016 - 21:14 | |
| J'ai récemment réécouté deux disques de ce compositeur et je trouve qu'il mérite amplement un topic consacré.
Andreï Golovine est né à Moscou en 1950, il termina ses études de composition dans la classe du compositeur Evgeny Golubev et celle d'instrumentation du professeur Yuri Fortunatov en 1976. Vingt-deux ans plus tard, il reçut le Prix de Moscou dans le domaine de la littérature et des arts pour son opéra "Le Premier Amour" d'après le roman éponyme d'Ivan Tourguéniev et le Prix de la meilleure musique au festival cinématographique russe "Kinotavr" (édition 2004) pour le film "Dans l'Amour" du réalisateur Serguei Soloviev.
Parmis ses principales oeuvres, on peut citer ses quatre symphonies (1976, 1981, 1986, 2013), son Quatuor à cordes (1982), Musique pour cordes (1988), ses Petits Tableaux de Musique sur Bambi d'après le célèbre conte de F. Salten (1980/1992), l'opéra Le Premier Amour (1996), Canto d'Attesa pour violon et orchestre (1999) et les Huit Poèmes du Comte Vassily Komarovsky pour soprano et orchestre (2006).
La musique de Golovine représente avant tout une poursuite organique des traditions de l'école musicale russe du XIXème siècle. Ce n'est pas une révision, ni une abstraction qui sont deux caractéristiques inhérantes à notre époque post-moderne, où on aime considérer un objet déjà connu sous un autre angle, avec une certaine distanciation. À juste titre, on peut dire que Golovine est un héritier direct (par sa musique) de la culture du XIXème siècle, dont il garde non seulement son côté extérieur, celui de l'expression, mais aussi son côté intime et spirituel. De nos jours, une telle position impose une certaine hardiesse créatrice... Noblesse et pureté morale, charme discret des moyens d'expression simples : autant de traits attractifs qui deviennent si rares dans la musique des compositeurs contemporains. D'une certaine manière, il poursuit les préceptes de Dmitri Chostakovitch et de Boris Tichtchenko, à savoir que pour lui le "quoi" est beaucoup plus important que le "comment" : le contenu prime sur le reste. Esthétiquement parlant, on peut ranger son oeuvre du côté d'un Sviridov lyrique ou d'un Boris Tchaikovsky désespéré. Il y a beaucoup de chose à dire à ce niveau-là mais je préfère ne pas sauter les étapes.
J'aimerais d'abord vous présenter certaines de ses oeuvres qui m'ont le plus marqué :
Bambi - Petits Tableaux de Musique pour ensemble de solistes d'après le conte de F. Salten (1980/1992)
En 1980, la firme Melodiya a demandé au compositeur d'écrire la musique d'un spectacle pour enfant (à l'époque Melodiya a produit une série de disques intitulée "Conte après conte"). Le spectacle fut joué par les comédiens du théâtre de Taganka, la musique fut interprétée par les solistes du Théâtre Bolchoï dirigé par Alexandre Lazarev. Mais une dizaine d'années plus tard, Golovine a décidé de transformer la version originale qui durait environ une heure en une suite composée d'une quinzaine de petites pièces que le compositeur a soigneusement sélectionné au préalable en n'y apportant que très peu de modification. La première de cette nouvelle version eut lieu en 1994 dans la petite salle du Conservatoire de Moscou. Elle fut interprétée par le même ensemble de solistes dirigé cette fois-ci par son auteur. Peu a peu, cette oeuvre rencontre un certain succès à l'étranger, notamment en France (Rouan, Paris). Cela tient en partie à une légère empreinte de l'impressionnisme français (couleurs fantastiques de l'orchestre, choix exquis des timbres, richesse des évènements musicaux : autant d'éléments qui attirent les plus polissés des auditeurs non initiés tout comme des professionnels chevronnés).
Quatuor à cordes (1982)
L'intrigue dramaturgique qui passe à travers les trois mouvements de ce quatuor (le premier et le second mouvements se succèdent sans interruption) oppose le subjectif, le personnel et l'intervention inévitable du monde extérieur. On y ressent un fort sentiment existentialiste qui affronte un évènement dangereux. les monologues des instruments solistes sont régulièrement interrompus par des épisodes de musique non-vivante, lente et affligée, dont toutes les lignes sont orientées vers le bas, vers la terre (c'est là l'intervention du monde extérieur). Ces épisodes prennent de l'ampleur vers la fin de la pièce (on entend beaucoup l'influence des derniers quatuors de Boris Tchaikovsky). Si on "traduit" ces épisodes dans la langue de la réthorique musicale, on se voit confronté à la figure de kathabasis (descendance). Depuis le XVIIème siècle (l'époque baroque), elle symbolise traditionnellement la mort, l'enterrement. Ici nous voyons cette figure hors de son contexte traditionnel. Dans la partie finale, le premier violon développe un thème d'une beauté extraordinaire. Mais c'est l'Adieu d'une beauté mourante. Le développement de la musique non-vivante se généralise et pénètre tout le tissu de la pièce. À la toute fin, le mouvement se ralentie et semble passer à une autre dimension, j'y ressens le souffle d'un autre monde... D'ailleurs, ce "sujet" peut-être compris tant sur le plan personnel que cutlurel : la catégorie de la beauté n'est plus actuel pour l'art moderne, ses critères sont restés en plein XIXème siècle. Six ans plus tard, Golovine arrangera son quatuor pour un orchestre à cordes complet (cet arrangement portera le titre de Musique pour cordes).
Dernière édition par ovni231 le Mer 21 Juin 2017 - 15:55, édité 9 fois |
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WoO Surintendant
Nombre de messages : 14334 Date d'inscription : 14/04/2007
| Sujet: Re: Andreï Golovine (1950-) Sam 1 Oct 2016 - 10:41 | |
| Oui c'est excellent, il faut écouter les symphonies 1 et 4 (Toccata Classics) |
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