Aimez-vous (les symphonies de) Brahms ?

Iskender a écrit:

parce que contrairement à Schumann et Mendelssohn qui bénéficient totalement de ce genre de traitement, on a quand même besoin d'entendre de vrais pupitres de cordes

Je trouve justement que cette version montre qu'on peut proposer en une lecture aboutie sans, justement !

Citation :

Pour autant, quand au sortir de cela je réécoute Dausgaard qui m'avait plu précédemment et est sur le papier dans le même propos, le son me paraît en comparaison avec Fischer opaque et cotonneux. Bref une quadrature du cercle pas évidente à trouver; je vais repartir en exploration sur ce corpus.

Oui, Dausgaard m'avait moins convaincu ici, sec mais sans la même poussée.

J'ai depuis ce post écouté Manze qui m'a enthousiasmé dans la 1ère. Peut-être bien ce juste compromis du son que je cherchais, avec un engagement et une énergie qui m'ont plu. Et quel orchestre ! Mais cela ne fait pas tout et dans la 2, la lecture en elle-même est belle mais plus sage, un peu statique. (Pas écouté les deux autres)

En fait en terme d'interprétation, de tempi, de pulsation interne et de sens de la grande forme je trouve que rien n'égale Chailly II auquel je reviens toujours et auquel je ne peux pas m'empêcher de comparer. Et même si l'orchestre est plus tradi, il est d'une telle lisibilité et l'interprétation tellement géniale que pour moi la question de trouver une lecture HIP idéale ne se pose plus vraiment, même si je resterai curieux d'autres propositions.

  Pour la 2, justement, Manze est pour moi l'une des rares qui fonctionnent !

Chailly II, j'en ai un souvenir très aéré et lumineux, mais pas véritablement tendu ni particulièrement neuf.

Tu parles bien de ceci, n'est-ce pas ? 

Oui tout à fait

Pour Manze dans la 2 j'écrivais un peu "plus statique" (dans le 1er mouvement en fait) en comparaison à sa 1ère qui m'a conquis et à la pulsation de Chailly, mais c'est relatif et ça reste bien sûr très bien; ça m'a même beaucoup plus sur d'autres paramètres (à commencer par cet orchestre )

De l'eau ayant coulé sous les ponts en matière d'enregistrements en effectifs allégés, je redécouvre avec une tout autre oreille l'intégrale de Paavo Berglund à la tête de l'Orchestre de chambre d'Europe que j'avais écoutée il y a plusieurs années. Et je trouve ça excellent.

Berglund n'est pas dans une démarche historiquement informée. Il reste dans une interprétation romantique mais en cherchant à réduire les masses et aérer le son. Ses tempi sont moins rapides que Manze (qui mise quand même surtout là-dessus, en fait), plus enlevés que ceux de l'ancienne tradition, assez proches de Chailly II en somme (qui avec un effectif plus massif respire encore mieux). De fait, le son est très lumineux et clair, bien plus qu'un Dausgaard qui est assez opaque pour une version en orchestre de chambre, et même plus que Manze. On y entend des choses inédites dans les voies intérieures de cordes, sans effet de zoom ni exagération. Avec Berglund, Hambourg est bien une ville du nord; ce Brahms est on ne peut plus naturel.

J'aime beaucoup la version de la Quatrième par le London Philharmonic sous la direction de Sir Adrian Boult.

Iskender a écrit:

Ses tempi sont moins rapides que Manze (qui mise quand même surtoup là-dessus, en fait)

Exactement – du moins si on ne parle pas des couleurs, des équilibres et des phrasés.


Pas sûr d'avoir écouté cette version.

La Troisième, dans cet enregistrement qui m'est cher, par l'Orchestre de la Radio Baden-Baden sous la direction de Carl Schuricht.

Un Brahms sans matière grasse

Symphonie 1
1mvt 1’34/35 diminution de volume qq secondes
L’entrée des timbales annoncent la couleur
Bien cinglantes les attaques des cordes et quelles belles couleurs des bois
Quel déluge de contrastes
On est vraiment aux antipodes du legato Karajan
2mvt idem fini les andantes légatos ici c’est de la verdeur une certaine acidité dans le dialogue entre les groupes - extract
3mvt on dirait une scène pastorale ( çà rappelle la 6e de LVB)
4mvt idem que 1
Cordes nerveuses et âpres mais qui mettent un relief -final décoiffant

Symphonie 2
1mvt apaisant et charpenté
On entends distinctement les groupes d’instruments
2mvt super
3mvt le début donne des fourmis dans les jambes
4mvt - même tonneau

Symphonie 3
3mvt superbe équilibre
4mvt quelle claque dynamique

Symphonie 4
1mvt pas mal d’acidités - dégraissage intégral des cordes - belles nuances bois/vents
Interprétation lumineuse
2mvt
4mvt extraordinaire - les mélodies des bois vers 4´…
Les cordes sont présentes sans être envahissantes

Bref, une superbe intégrale et à réécouter sans modération

Merci David

Mais pour répondre à l'intitulé du sujet : qui n'aime pas les symphonies de Brahms ? (comme moi, que je me sente moins seul...)

J'ai d'ailleurs une autre question qui me vient : pourquoi les joue t-on si souvent ? Alors que je n'ai par exemple jamais vu un programme avec ne serait-ce qu'une seule symphonie de Bax (un bien meilleur symphoniste que Brahms, à tous niveaux).
J'ai un peu la réponse, évidemment, Brahms est populaire, mais qu'on joue autre chose de lui que ses symphonies plutôt médiocres...

@Lekap : Tu ne nous dis pas de quelle intégrale tu parles ? Vus tes propos et ta mention des conseils de David, c'est Adam Fischer ?

LeKap a écrit:

Bref, une superbe intégrale et à réécouter sans modération

Merci David

Charlym a écrit:

J'ai d'ailleurs une autre question qui me vient : pourquoi les joue t-on si souvent ? Alors que je n'ai par exemple jamais vu un programme avec ne serait-ce qu'une seule symphonie de Bax (un bien meilleur symphoniste que Brahms, à tous niveaux).

On les joue souvent parce qu'elles sont connues.

Mais par rapport à Bax, la veine mélodique est quand même autrement évidente (la forme plus facile aussi).

Pour moi c'est l'inverse, je trouve que ce sont des merveilles, mais il y a des moments vraiment abstraits dans les développements, de la musique pour musicien, avec de longues transitions où il n'y a pas d'élément nouveau ou dramatique.

(Moi je les trouve bien mieux faites que celles de Bruckner. )

Mais pour ce qui est de réclamer de jouer et enregistrer un peu autre chose, je suis ton homme !

Pour être plus (trop ?) évident et facile (faible ?) que Bax, je suis d'accord, l'écriture y est beaucoup moins savante.

C'est de la jolie musique de chambre orchestrée, oui, mais je parlais de symphonies  

Plus sérieusement, ses constructions sont alambiquées (Finale de la 4 vraiment limite), je ne vois pas vraiment de l'abstraction dans les développements mais une écriture parfois laborieuse, parfois bâclée. La forme ne s'accomplit jamais dans l'évidence, elle est souvent tronquée, sans réelle logique, car elle se cherche sans vraiment se trouver, ni même aboutir à une forme sonate qui serait modifiée avec talent et rigueur comme chez Sibelius.

Tout cela est un peu trop léger et compact pour oser le comparer au grand maitre de la forme, qui savait définitivement mieux "faire" des symphonies

Par contre, j'adore son Requiem allemand !

Je comprends totalement ton propos Charlym, parce que je peux ressentir ça dans la musique de chambre de Brahms. Pas toujours, il y a dans sa production des œuvres que je trouve parfaites, mais dans d'autres j'ai la frustration d'un matériau thématique que je trouve admirable mais dont les développements m'apparaissent comme étant incroyablement touffus. (C'est à ce Brahms-là que je pensais lorsqu'il y a, peu de temps je me suis exprimé sur une certaine lassitude de la musique romantique dans sa forme.)

En revanche dans les symphonies - hormis la 4è où je te rejoins -, je trouve la forme totalement maîtrisée et la structure assez aisée à cerner. Peut-être parce que je les ai plus pratiquées, et maintes fois lues, mais c'est bien plus un ressenti qu'une histoire de froide analyse.
Il y a bien des "ponts", des voies détournées qui cassent la forme sonate mais justement, celle-ci en a bien besoin et c'est ici tellement bien fait; c'est ce qui exempte ces œuvres de tout académisme. Et le flot Brahmsien qui peut rebuter certains est interrompu par ces moments de grâce, où le discours est suspendu. (un exemple, 2nd mouvement de la 1ère, mes. 67, à 4'10'' chez Chailly II   )

Personnellement je redécouvre depuis quelques temps ce corpus et n'aurais jamais pensé le placer un jour si haut.
Pour en revenir aux interprétations, j'ai trouvé sur melomania un exemplaire de la version Berglund, supprimée, dont je parlais l'autre jour et je me suis empressé de le barboter. Prise de son fabuleuse d'Ondine. J'ai développé plus haut tout le bien que j'en pensais, mais en fait pour résumer la description on pourrait rapprocher ça des Beethoven et Schumann de Nezet-Seguin.

Iskender a écrit:

@Lekap : Tu ne nous dis pas de quelle intégrale tu parles ? Vus tes propos et ta mention des conseils de David, c'est Adam Fischer ?

Le con

Il s'agit d'Adam Fischer avec le DANISH CHAMBER ORCHESTRA

J'ai enfin terminé de me reconstituer l'intégrale Dohnanyi / Cleveland

Supprimée depuis longtemps elle était absente du site de streaming que je fréquente (et de ceux que j'ai fréquentés auparavant), où elle a fait récemment une réapparition dans un coffret Brahms/Cleveland mais où les débuts des mouvements (du moins de la 1è qui me manquait) sont tronqués !

Enregistrée à la fin des années 80 chez Teldec, donc avant la signature du maestro chez Decca, cette intégrale a beaucoup fait - après ses Beethoven chez Telarc - pour la réputation de dynamique et de mise en lumière des voix des enregistrements de Dohnanyi, tout en s'inscrivant dans une tradition dont la connaissance découle de son arbre généalogique.

De fait on a là une sorte de pont entre l'héritage de Szell à Cleveland, et Chailly II, (pour moi le meilleur choix moderne dans le style traditionnel, irréprochable dans l'interprétation, l'agogique et les tempi. Si les tempi sont ici un peu plus modérés (intro de la 1ère, mais ça reste plus allant que beaucoup de versions traditionnelles), le son est moins épais, moins germanique que chez Chailly. Le Cleveland de cette période était incroyable, et avec le recul étant donné que j'écoute beaucoup ce chef, Decca n'a pas toujours réussi aussi bien ses prises de son.

Ces interprétations sont vraiment magistrales, si je devais résumer en une expression, l'impression qu'elles me laissent est celle d'une véritable hauteur de vue.

Précision, les remake enregistrés en concert avec le Philharmonia et que l'on trouve facilement en streaming n'ont rien de remarquable en comparaison.

C'est bizarre, mais pour Brahms j'arrive plus rarement à différencier les interprétations que pour Mozart ou Debussy, par exemple. La 4ème par Kleiber par exemple, elle est excellente, mais je peux en citer beaucoup qui sont aussi excellentes, Szell, Giulini, Furtwangler, Ormandy, sans forcément sentir de contrastes dans le caractère, comme si ça ne pouvait être joué que d'une seule façon. Je sais pas, ça me fait cet effet-là...

Prestissimo a écrit:

C'est bizarre, mais pour Brahms j'arrive plus rarement à différencier les interprétations que pour Mozart ou Debussy, par exemple. La 4ème par Kleiber par exemple, elle est excellente, mais je peux en citer beaucoup qui sont aussi excellentes, Szell, Giulini, Furtwangler, Ormandy, sans forcément sentir de contrastes dans le caractère, comme si ça ne pouvait être joué que d'une seule façon. Je sais pas, ça me fait cet effet-là...

Sans aller jusqu'à écouter les marginaux comme Mackerras, Ticciati, Zehetmair, si tu es comfortable avec l'anglais essayer https://m.youtube.com/watch?v=A4HQn9jSJj0&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fvideogg.com%2F&feature=emb_imp_woyt et voir si tu garderais cette impression après la regarder.

Eh bien...oui, je garderai mon impression. Si par exemple le dernier air de "Tristan" par Kleiber m'évoque un sentiment bien différent, bien plus romantique, du même air conduit par Bohm, plus sensuel et violent, ou si le passage "idyllique" du scherzo de la seconde de Mahler peut sembler bien plus ironique dans le premier enregistrement par Ormandy en 1935 que chez Abbado à Lucerne, avec Brahms ces différences-là, je ne les ressens pas, quelque soit le chef à la baguette. Peut-être que sa musique simplement ne se prête pas à ce genre d'interpolations, ou alors je ne suis pas armé pour l'apprécier.